Nous avions une occasion avec le « bilan de santé » de la PAC, pour lequel nous abordons la dernière ligne droite. J’ai présidé hier et avant-hier le Conseil des ministres à Luxembourg. J’ai réuni dans des « triangulaires » mes collègues au cours de vingt-six réunions successives avec la Commission pour essayer de trouver les chemins du compromis et du consensus. Je pense pouvoir annoncer que nous sommes sur la voie d’un accord politique concernant ce « bilan de santé » pour le 19 ou le 20 novembre prochain, après avoir pris en compte l’avis du Parlement européen.
Cette grande politique qu’est la PAC – la première politique économique européenne – ne peut pas se réduire à des aides découplées et à un renforcement de la politique de développement rural. Elle doit intégrer cette montée des risques, notamment climatiques et sanitaires. Alors que la Commission avait initialement envisagé de les prendre en compte dans le cadre du second pilier de la PAC, nous avons obtenu que leur couverture devienne un des outils du premier pilier de la PAC.
Je veux dire à Gérard César et à Daniel Raoul, que je remercie de leurs encouragements, que je compte bien mobiliser tous les articles du règlement qui est en discussion dans cette boîte à outils pour aboutir à ce résultat.
C’est pour moi, une avancée importante et une perspective pour l’avenir.
Je rappelle le calendrier : la boîte à outils du « bilan de santé », nous en disposerons, si tout se passe bien, dès le mois de novembre ; il nous faudra six mois pour décider, après un débat franco-français auquel le Parlement sera associé, de la façon dont seront utilisés les outils et dont seront réorientées les aides à l’intérieur du premier et du second piliers ; les décisions que nous prendrons en 2009 seront applicables en 2010.
Nous allons donc pouvoir, dès 2010, mobiliser des moyens prélevés sur les aides pour financer le développement de l’assurance récolte et mieux indemniser les conséquences économiques des crises sanitaires. Nous en négocions dans le détail les modalités pour en améliorer l’efficacité.
Voilà pour l’avancée.
C’est également une perspective pour l’avenir, car nous avons ouvert la voie à d’autres dispositifs assurantiels pour l’après-2013. Nous avons ainsi mis le pied dans la porte pour demain. Monsieur Le Cam, on ne peut envisager pour l’avenir une « assurance revenu » dans la politique commune, puisque c’est ce que vous appelez de vœux, sans avoir préalablement développé, dans cette même politique commune, l’assurance récolte ; de mon point de vue, c’est la première étape.
La double conviction que j’ai acquise m’a également conduit à réorienter fondamentalement notre dispositif national parce que, même si son bilan est positif, il montre des signes d’essoufflement.
Quels enseignements peut-on tirer de ce bilan ?
Le premier est que les mécanismes actuels se « vampirisent » les uns les autres. Coexistent à la fois l’indemnisation publique et l’assurance privée subventionnée, avec en plus une déduction pour aléas qui ne fonctionne pas réellement. Il faut, donc, les clarifier et proposer aux agriculteurs un ensemble cohérent, mais diversifié dans ses outils.
Le deuxième enseignement est que l’assurance s’est développée, mais sa diffusion a été très inégale selon les secteurs. Vous avez donné les chiffres, monsieur le rapporteur : l’assurance récolte est restée concentrée sur les productions les moins risquées. Les secteurs les plus exposés aux risques – les fruits et légumes, ainsi que la viticulture – se sont peu assurés ou ne se sont pas assurés. On sait en outre que, pour les fourrages, l’offre de produits d’assurance n’en est qu’au stade d’une expérimentation, chez un seul assureur.
Il faut, donc, une approche différenciée et inscrite dans le temps, avec une vraie progressivité.
Le troisième enseignement est que la voie du contrat, en l’occurrence du contrat d’assurance, reposant sur la responsabilisation des agriculteurs et un engagement des pouvoirs publics est la voie plus efficace. Elle permet d’atteindre les objectifs de couverture chez le plus grand nombre tout en participant à l’intégration des risques dans la gestion des entreprises agricoles. Je serais tenté de dire : le contrat plutôt que la contrainte !
Il faut, donc, dans un contexte budgétaire tendu – disons la vérité ! –, mobiliser les moyens suffisants.
Au regard du bilan que je viens d’exposer sommairement, notre dispositif évoluera profondément en 2009. Ce sera, mesdames, messieurs les sénateurs, la première étape d’une refonte substantielle de la couverture des risques.
Ainsi, le soutien à l’assurance récolte sera renforcé dans le secteur des fruits et légumes et dans celui de la viticulture ; il passera à 40 %, et à 45 % pour les jeunes agriculteurs. En contrepartie, il sera ajusté à 25 % pour les grandes cultures.
Par ailleurs, les grandes cultures, dont le taux de surfaces assurées est supérieur aujourd'hui à 27 %, ne seront plus indemnisées au titre du Fonds national de garantie des calamités agricoles pour la perte de récolte, mais elles continueront à l’être pour les pertes de fonds.
De surcroît, la déduction pour aléas, la DPA, qui permet aux agriculteurs de constituer une épargne de précaution défiscalisée sera réformée. Son plafond de 23 000 euros sera indépendant du plafond de la déduction pour investissement, la DPI, dont le montant sera de 15 000 euros.
Enfin, pour assurer la cohérence entre les différents outils, le niveau de la DPA sera conditionné à la souscription d’une assurance. Cette épargne pourra être mobilisée pour prendre en charge la franchise non couverte par l’assurance.
Le Gouvernement a donc fait le choix d’une politique ambitieuse de la couverture des risques climatiques en l’inscrivant dans la durée et en augmentant significativement les moyens qui lui sont consacrés.
Ainsi, en 2009, les moyens publics affectés à l’assurance récoltes s’élèveront à 38 millions d’euros. Ils passeront à 100 millions d’euros en 2010, financement communautaire compris et hors FNGCA. À ces sommes, il convient d’ajouter l’impact de la DPA sur les rentrées fiscales, estimé, lui, à 80 millions d’euros.
Pour répondre à Yvon Collin sur la question du financement du Fonds national de garantie des calamités agricoles, je rappelle que le Gouvernement le dote chaque année en loi de finances rectificative, la moyenne sur dix ans s’établissant à environ 90 millions d’euros. Pour mémoire, la sécheresse de 2003 a coûté, elle, plus de 600 millions d’euros.
Je souhaite doter le Fonds national de garantie des calamités agricoles en loi de finance initiale, ce qui a toujours été mon idée. Cependant, cela n’a pas été possible compte tenu des contraintes qui pèsent sur le projet de loi de finances pour 2009 et de la nécessaire maîtrise des dépenses publiques. Ce sera prévu en 2011, dans le plan triennal budgétaire, à hauteur de près de 40 millions d’euros.
Pour répondre encore à une question de M. Collin, je précise que ce n’est qu’en 2010 que le coût budgétaire du développement de l’assurance jouera à plein, en raison du décalage entre le paiement des primes et la souscription des contrats.
En 2010, le financement de l’État est prévu à hauteur de 60 millions d’euros, soit le double de ce qui est actuellement payé. En 2011, le coût total sera supérieur à 100 millions d’euros, mais le financement européen en assurera plus de la moitié. Je négocie actuellement, je vous le répète, dans le cadre du « bilan de santé » un taux de cofinancement européen aussi élevé que possible pour accroître nos marges de financement.
Pourquoi, en fin de compte, n’avons-nous pas opté pour l’obligation d’assurance ?
Selon les auteurs de la proposition de loi, si j’ai bien compris leur intention, l’obligation d’assurance amorcerait un cercle vertueux : tous les agriculteurs étant assurés, les risques seraient mutualisés et le coût de l’assurance en serait réduit.
Cela me paraît relever d’une vision un peu idyllique.