Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 15 avril 2008 à 16h00
Emplois réservés et défense — Adoption d'un projet de loi

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la défense, vous le savez, ce n’est pas seulement un instrument privilégié de la souveraineté nationale et un outil de crédibilité internationale pour la France, ce n’est pas simplement une institution qui engage l’avenir de la nation et met en jeu la conception que nous nous faisons de notre pays et de sa place dans le monde ; c’est aussi une communauté de femmes et d’hommes dévoués, disponibles, d’ailleurs reconnus dans le monde entier pour leur courage et leur professionnalisme, ainsi que nous avons encore pu le constater récemment. La défense, c’est une vocation, un engagement, et il est juste que la nation veille à la poursuite de la carrière professionnelle de ces hommes et de ces femmes.

En effet, en même temps qu’une importante rotation du personnel militaire, la professionnalisation des armées induit un vaste besoin de reconversion, tant il est vrai qu’elle impose de disposer d’une armée jeune.

Chaque année, quelque 30 000 militaires, dont plus de 20 000 sans droit à pension, quittent l’institution. Il serait dommageable que l’État et les fonctions publiques territoriale et hospitalière ne bénéficient pas, en retour, des investissements humains et financiers consentis dans le domaine de la formation pour ces personnels. L’on peut ainsi raisonnablement estimer à 3 000 le nombre de militaires qui pourraient être recrutés dans la fonction publique d’État chaque année.

Par ailleurs, lorsqu’un jeune engagé arrivant au terme de son contrat n’a pas trouvé d’emploi, c’est naturellement le ministère de la défense qui lui verse l’allocation chômage, pendant une durée maximale de vingt-trois mois.

Il convenait donc d’adapter le système en place ; tel est l’objet de ce projet de loi.

Je résumerai ainsi l’esprit de ce texte : moderniser et respecter le principe des emplois réservés, donner une nouvelle chance aux militaires pour réussir leur reconversion professionnelle.

Il s’agit en effet de moderniser la procédure bien connue des emplois réservés, qui n’a pas changé depuis la loi de 1924.

Auparavant, l’objet initial des emplois réservés, institués en 1905, était de récompenser les soldats pour les services rendus à la nation en leur permettant d’accéder à des emplois publics ou à des emplois de sociétés majoritairement subventionnées par l’État.

Si la loi de 1924 a pérennisé ce dispositif pour les militaires, en réservant un quota d’emplois publics à ceux qui avaient réussi un examen – cela sera d’ailleurs un des points de notre discussion –, il reste que, alors que se créaient les fonctions publiques territoriale et hospitalière, ce principe est resté inchangé, de sorte que seuls sont restés accessibles par la voie des emplois réservés les emplois et les corps de la fonction publique d’État.

C’est pourquoi le projet de loi prévoit de revenir au principe originel des emplois réservés, à savoir permettre un accès à tous les emplois publics.

Ainsi, le Gouvernement affirme comme obligation nationale le principe de l’accès par la voie des emplois réservés à tous les corps ou cadres d’emplois des catégories B et C des trois fonctions publiques.

Ces emplois sont accessibles selon une procédure dérogatoire au droit commun des concours, gérée à l’échelon interministériel par le secrétariat d’État chargé des anciens combattants.

Qui en sont les bénéficiaires ? Nous maintenons la distinction entre deux catégories distinctes, tout en tenant compte de l’évolution de la société.

La première catégorie de bénéficiaires, à juste titre prioritaire même si elle n’est pas la plus nombreuse, est constituée des invalides de guerre et des militaires blessés ou ayant contracté des maladies et infirmités au cours d’opérations extérieures, ainsi que de leurs conjoints ou de leurs partenaires pacsés – cet élément étant évidemment nouveau – et des orphelins de guerre.

Je soulignerai à cet égard que le projet de loi tend à élargir le champ des catégories professionnelles ou sociales ouvrant l’accès aux emplois réservés. Il ouvre aussi aux orphelins et aux pupilles de la nation l’accès à l’ensemble des emplois réservés, ainsi qu’aux enfants de harkis ; cette dernière mesure fera d’ailleurs l’objet d’un amendement du Gouvernement.

La seconde catégorie de bénéficiaires, la plus nombreuse, est constituée des militaires. Le projet de loi prévoit en particulier d’étendre le champ des emplois réservés aux militaires qui servent à titre étranger, dans la Légion, même s’ils ne sont pas ressortissants d’un État de l’Union européenne. De fait, les militaires ayant accompli un certain nombre d’années de service – qui est actuellement de quatre ans et sera fixé par décret en Conseil d’État – constituent d’ores et déjà la grande majorité des bénéficiaires des emplois réservés.

Le Gouvernement a également souhaité revoir la procédure d’accès aux emplois réservés, la sélection par examen que j’évoquais à l’instant n’étant pas, en l’occurrence, satisfaisante.

D’une part, elle repose sur des résultats d’épreuves essentiellement académiques, qui ne sont pas toujours en rapport avec les fonctions que les candidats auront à exercer ni avec leur cursus. Ainsi, cette procédure élimine un certain nombre de candidats malgré des compétences avérées, et ne couvre pas les emplois de la filière technique, alors que les armées réalisent des efforts considérables en matière de formation.

D’autre part, les modalités de recrutement de la fonction publique ont évolué, intégrant le recrutement sans concours.

C’est pourquoi le Gouvernement, pour donner plus d’ambition à la réforme, proposera, par le biais d’un amendement, de supprimer les examens et de remplacer les listes de classement par des listes d’aptitude fondées sur la reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle.

Enfin, le projet de loi comporte quelques dispositions annexes.

L’une d’entre elles transfère le contentieux des soins gratuits et de l’appareillage aux juridictions des pensions, conformément à un avis du Conseil d’État de 2003. Je précise que cette réforme constitue une simplification administrative et représente une économie de fonctionnement non négligeable.

Une autre disposition vise à ajouter la notion d’âge maximal de maintien en première section pour les officiers généraux, afin d’assurer un vivier suffisant pour le recrutement des contrôleurs généraux des armées en mission extraordinaire.

Enfin, il est prévu de faire basculer les servitudes encadrant les anciens établissements militaires de la Société nationale des poudres et explosifs du régime exceptionnel vers le régime de droit commun des plans de prévention des risques technologiques. Cela permettra de mieux assurer la protection des populations.

Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principaux éléments du projet de loi que j’ai l’honneur de soumettre à votre approbation.

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