Intervention de Yann Gaillard

Réunion du 13 décembre 2007 à 9h30
Droit communautaire dans les domaines économique et financier — Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Yann GaillardYann Gaillard, en remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd'hui en deuxième lecture le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier, tel qu'il résulte des délibérations en première lecture de l'Assemblée nationale, sur le rapport de notre collègue député Franck Riester, au nom de la commission des affaires économiques.

Avant de rappeler les modifications apportées par le Sénat en première lecture, puis de commenter les dispositions restant en discussion, je tiens, au nom de M. Marini, à formuler deux remarques.

En premier lieu, la commission des finances précise de nouveau - c'est sa doctrine - que le choix de transposer par voie d'ordonnance un certain nombre de directives communautaires ne doit pas se traduire par un blanc-seing donné au Gouvernement. La commission s'attache donc à encadrer, dès que nécessaire, l'autorisation parlementaire en fixant certains principes. À ce titre, l'article 5 reste en discussion dans le cadre de la deuxième lecture du présent projet de loi.

En second lieu, la commission des finances souligne que la grande technicité des articles présentés dans ce projet de loi explique les nombreux amendements de précision ou de correction adoptés par l'Assemblée nationale et qui sont à l'origine de six des sept articles restant en discussion.

Je souhaite à présent rappeler brièvement les modifications apportées par le Sénat lors de l'examen en première lecture, M. le secrétaire d'État ayant très bien exposé les principales dispositions de ce projet de loi.

En ce qui concerne les dispositions relatives aux marchés financiers, le Sénat a adopté, sur l'initiative de la commission des finances et avec l'avis favorable du Gouvernement, plusieurs amendements.

À l'article 2, il a adopté un amendement tendant à préciser l'habilitation conférée au Gouvernement afin de garantir une information transparente et sincère des investisseurs. Cet article prévoit d'habiliter le Gouvernement, d'une part, à transposer par ordonnance la directive 2005/68/CE du 16 novembre 2005 relative à la réassurance et, d'autre part, à moderniser le régime juridique des fonds communs de créances, comme M. le secrétaire d'État l'a évoqué.

À l'article 7, le Sénat a adopté un amendement tendant à supprimer la ratification déjà effectuée de l'ordonnance n° 2004-504 du 7 juin 2004 portant transposition de la directive 2001/17/CE du 19 mars 2001 relative à l'assainissement et la liquidation des entreprises d'assurance.

Il a également adopté un article 8 bis tendant à introduire une nouvelle faculté de récusation d'un membre de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers.

En ce qui concerne maintenant les dispositions relatives aux marchés des biens et services, le Sénat a adopté à l'article 5, sur l'initiative de la commission des finances et avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement tendant à préciser l'habilitation conférée au Gouvernement pour transposer par ordonnance la directive 2005/36/CE relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.

Enfin, le Sénat a adopté, sur l'initiative de votre commission et avec l'avis favorable du Gouvernement, un amendement à l'article 11 - application à l'outre-mer par voie d'ordonnance - afin d'inclure les collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Pierre-et-Miquelon dans le champ du projet de loi.

L'ensemble de ces modifications a été approuvé par l'Assemblée nationale, sauf en ce qui concerne l'article 5, sur lequel une formulation de compromis est présentée.

J'en viens maintenant aux modifications adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture.

Sur les douze articles soumis à l'examen de l'Assemblée nationale, sept articles ont été adoptés conformes et cinq ont été modifiés. En outre, deux nouveaux articles additionnels ont été votés. Au total, sept articles restent donc en discussion.

Je n'insisterai pas sur les amendements de précision, de coordination ou de correction d'erreurs matérielles qui concernent six de ces sept articles, afin de mettre l'accent sur l'article 5.

Cet article fondamental concerne la reconnaissance professionnelle des professions réglementées. Cette reconnaissance a été couverte ces dernières années, au niveau communautaire, par un ensemble de directives précisant les droits des citoyens dans le domaine des qualifications. Le champ des règles communautaires est vaste puisque l'expression « profession réglementée » concerne toute profession soumise à un élément de qualification professionnelle. Toutefois, certaines professions sont ou peuvent être exclues du champ de la directive.

Cet ensemble de directives - 15 au total - a été remplacé le 20 octobre 2007 par une seule et même directive 2005/36/CE applicable à toutes les professions réglementées. La directive s'organise autour de deux volets.

Le premier concerne la libre prestation de services - il s'agit du titre II - c'est-à-dire le cas où le prestataire étranger viendrait exercer en France de manière temporaire et occasionnelle. La directive met en place un nouveau système en adoptant un principe général de non-vérification des qualifications professionnelles, c'est en quelque sorte un vote de confiance pour l'ensemble de nos partenaires européens. Ce principe peut toutefois faire l'objet de plusieurs corrections au regard d'impératifs d'intérêt général, comme la protection de la santé publique.

Le second volet a trait à la liberté d'établissement - il s'agit du titre III - c'est-à-dire le cas où le prestataire étranger intervient de manière stable et permanente, ce qui le contraint à faire reconnaître sa qualification. La directive consolide, sur ce point, les textes existants.

L'article 5 du projet de loi prévoit d'habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance cette directive, dont l'entrée en vigueur était prévue le 20 octobre 2007.

La commission avait fait part de ses réserves lors de la première lecture du texte au Sénat. Elle avait notamment fait valoir les objections suivantes.

D'une part, le travail de transposition se réalisait dans des conditions non satisfaisantes. Initialement « éclipsée » par les négociations sur la très célèbre directive « services », la transposition de la directive « qualifications professionnelles » apparaissait accélérée afin de minimiser le retard. En outre, l'appréciation de l'incidence des modifications requises profession par profession - plus de 120 professions concernées - était difficile à réaliser.

À cet égard, il convient d'observer que la liste des professions publiée dans le rapport de l'Assemblée nationale n'a qu'un caractère indicatif ; le fait même d'établir une telle liste ne signifie pas qu'elle doive être regardée comme exhaustive, à la suite notamment des réactions des représentants de certaines professions qui auraient dû y figurer.

D'autre part, la rédaction générale de l'habilitation ne donnait aucune garantie au Parlement quant aux principes retenus pour la préparation de cette ordonnance, notamment au regard de la concertation avec les professionnels et du choix des options en matière de libre prestation de services, ces options correspondant à des corrections au principe de non- vérification.

Or, les modifications apportées dans le domaine de la libre prestation de services représentent, selon la commission, un enjeu certain. En effet, la directive a mis en place un système à géométrie variable, le principe de non-vérification des qualifications professionnelles - retenu sur la base de la confiance mutuelle entre les États membres - pouvant être l'objet de plusieurs corrections. Il faut avoir confiance, mais garder un oeil à demi ouvert.

D'une part, pour les professions ayant des implications en matière de santé ou de sécurité publiques, les États peuvent décider de vérifier au préalable les qualifications professionnelles. La Commission européenne a d'ores et déjà fait savoir qu'elle ferait une interprétation stricte de la condition posée par la directive, à savoir l'empêchement « de dommages graves pour la santé ou la sécurité du bénéficiaire du service ». La liste de ces professions n'est pas définie a priori, mais elle peut varier selon les États suivant les conditions d'exercice.

D'autre part, sans restriction de secteur, les États peuvent décider de lever des options afin d'encadrer la prestation de services par une déclaration préalable, accompagnée ou non de documents complémentaires ou une information des consommateurs.

La commission a noté que si la Commission européenne doit être en mesure de contrôler la pertinence des vérifications préalables décidées pour certaines professions, il n'en est pas de même pour l'encadrement administratif des prestations qui restent à l'entière discrétion des États membres. Ce dernier point soulevait, par conséquent, la question de la cohérence de la position française, qui ne souhaite pas procéder à un important encadrement administratif, avec les intentions de transposition des autres États membres qui utiliseraient largement ce procédé d'encadrement administratif.

Compte tenu des réserves que j'ai rappelées, votre commission avait adopté, en première lecture, un amendement tendant à encadrer l'habilitation sur deux points.

D'une part, il visait à allonger le délai d'habilitation - un an au lieu de six mois -, afin de laisser les différents ministères impliqués dans le travail de transposition mener les concertations nécessaires avec les milieux professionnels concernés.

D'autre part, il avait pour objet d'encadrer la renonciation par les professions à toute levée d'options, c'est-à-dire en instaurant des garanties supplémentaires, en matière de libre prestation de services, sur la base des principes de réciprocité et de concertation. Ainsi, le Gouvernement devait notamment veiller « en concertation avec les professionnels, à ne renoncer à la levée des options en matière de libre prestation de services que lorsque la réciprocité le justifie ».

Sur l'initiative de notre collègue député Franck Riester, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, l'Assemblée nationale a maintenu l'allongement du délai d'habilitation proposé par le Sénat, mais a adopté une rédaction différente s'agissant des conditions de l'habilitation donnée au Gouvernement.

Il est désormais proposé que le Gouvernement prenne les dispositions législatives nécessaires à la transposition de ladite directive « en veillant notamment, en concertation avec les professionnels, à justifier très précisément toute levée des options en matière de libre prestation de service ».

Cette rédaction prévoit que soient justifiées les levées d'options, c'est-à-dire la mise en place de certaines garanties que j'ai évoquées : vérification des compétences professionnelles, déclaration préalable, information du consommateur.

Différente dans son esprit de la proposition du Sénat, qui souhaitait que soient davantage explicitées les renonciations à la levée d'options, cette formulation, il convient de le remarquer, ne touche ni à l'allongement du délai de l'habilitation ni au principe de concertation avec les professionnels, principes essentiels selon votre commission.

En outre, elle supprime la référence à la réciprocité : si le mécanisme de la réciprocité est un mode classique de gestion des relations bilatérales, c'est une notion habituellement étrangère aux dispositions des traités européens. Au demeurant, la vérification matérielle de la réciprocité dans les vingt-six autres États membres, pour quelque 120 professions, serait un processus lourd.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission approuve la rédaction de compromis proposée par l'Assemblée nationale et a décidé d'adopter conforme l'ensemble du projet de loi.

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