Intervention de Henri de Richemont

Réunion du 18 septembre 2007 à 16h00
Nationalité des équipages de navires — Adoption d'un projet de loi

Photo de Henri de RichemontHenri de Richemont :

Or on vient nous dire aujourd'hui que cet article 5 serait incompatible avec l'article 39, paragraphe 4, du traité de Rome, tel qu'il est interprété respectivement par la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts du 30 septembre 2003 et par la Cour de cassation dans son arrêt du 23 juin 2004.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que la loi relative à la création du registre international français est postérieure à ces arrêts. Le présent projet de loi ne peut donc viser une quelconque mise en conformité du droit existant avec l'évolution de la jurisprudence !

Lorsque j'ai rédigé l'article 5 de la loi relative à la création du RIF, je connaissais bien entendu ces arrêts et mon intention était de mettre la loi française en conformité avec la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.

En 2007, le privilège de nationalité a fait l'objet d'un recours en manquement de la Commission européenne contre l'État français. À la suite de ce recours, le précédent gouvernement a cru devoir déposer le présent projet de loi. Pour ma part, je considère que la Commission européenne a juridiquement tort.

Dans son avis du 4 avril 1990 concernant l'État belge, la Commission avait indiqué que la loi belge, qui réservait l'emploi de marins à bord des navires belges à des ressortissants belges, était incompatible avec les traités, à l'exception des dispositions visant le commandant et son second.

Dans les arrêts de la CJCE du 30 septembre 2003, invoqués tout à la fois par la Commission européenne et par l'auteur du rapport sur le présent projet de loi, la position du gouvernement français de l'époque est ainsi relatée : « À titre subsidiaire, le gouvernement français estime qu'un État membre est en droit de réserver les emplois de capitaine à ses propres ressortissants sur le fondement de l'article 39, paragraphe 3, CE. En effet, par leur participation à l'exercice de l'autorité publique, ces emplois relèveraient des exceptions à la libre circulation des travailleurs liées à l'ordre public ou à la sécurité publique ».

La Commission avait quant à elle exprimé l'avis suivant devant la Cour, s'agissant d'un navire ayant quitté les côtes et se trouvant donc en mer : « [...] ledit État n'est normalement pas en mesure d'intervenir avec ses propres organes de puissance publique pour sauvegarder ses intérêts généraux ou ceux de la collectivité publique. Aussi l'État du pavillon confère-t-il au capitaine le pouvoir d'exercer, en tant que représentant de la puissance publique, diverses fonctions visant à sauvegarder lesdits intérêts généraux, prévues par la législation nationale ou les instruments internationaux. Dans ces conditions, l'article 39, paragraphe 4, CE, pourrait valablement être invoqué ».

Pourquoi la Commission dit-elle, aujourd'hui, le contraire de ce qu'elle défendait, en 2003, devant la Cour de justice des Communautés européennes ?

Aux termes de ces fameux arrêts du 30 septembre 2003, la réserve de nationalité peut s'appliquer au commandant d'un navire à partir du moment où il exerce à titre permanent une délégation de puissance publique.

Il est vrai, monsieur le secrétaire d'État, que le commandant n'est, à titre permanent, ni officier de police judiciaire ni officier d'état civil. En revanche, au titre du code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, dit code ISPS, l'État a une obligation permanente d'assurer la sécurité et la sûreté à bord des navires et de lutter contre le terrorisme. Or qui représente l'État de manière permanente à bord du navire, si ce n'est le commandant ?

Selon donc la jurisprudence de la CJCE du 30 septembre 2003, le commandant qui exerce à titre permanent une délégation de puissance publique peut être de la même nationalité que le pavillon du navire. La Commission a donc juridiquement tort.

Pour ma part, je ne vois pas comment la Cour de justice des Communautés européennes pourrait juger qu'un commandant ne représente pas l'État à titre permanent dans le cadre de ses fonctions de sûreté et de sécurité !

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, lorsque la Commission fait dépendre de ce texte des exonérations sociales et fiscales, elle agit de manière inadmissible, car il s'agit d'aides communautaires qui n'ont strictement rien à voir avec le texte qui nous occupe.

Pour toutes ces raisons, je le dis avec force, le recours en manquement de la Commission n'est donc pas juridiquement fondé.

Toutefois, votre texte a un mérite, mais celui-ci est assorti d'une faiblesse.

Son mérite, c'est qu'il prend en considération le nombre insuffisant de marins français. Or, dès lors que l'obligation de nationalité existe, l'armateur qui ne trouve pas de marins français est obligé ou de « dépavillonner » le navire ou de placer ce dernier sous un autre pavillon, ce qui, à l'évidence, joue non seulement contre le pavillon français mais aussi contre la sécurité maritime.

En effet, je le répète, la sécurité repose non pas sur le contrôle de l'État du port mais sur celui de l'État du pavillon. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, si le RIF a été créé, c'est précisément pour qu'il y ait plus de navires sous pavillon français ou sous pavillon européen.

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