Permettez-moi de revenir sur un sujet abordé par M. Charles Josselin : celui du registre européen. Ce sujet, que nous avons beaucoup étudié, repose sur une douce utopie ! En effet, mon cher collègue, il n'est pas possible de défendre comme vous le faites à la fois le quota de 35 % de marins communautaires à bord des navires et le registre européen, car aucun des registres en Europe ne contient une telle restriction ni aucune des dispositions protectrices des marins étrangers figurant dans le registre international français, le RIF. Ce règlement constitue un « plus » par rapport aux autres registres européens. Il n'y a aucune chance que les autres pays européens acceptent les dispositions du RIF.
Êtes-vous prêt, mon cher collègue, à vous aligner demain sur le registre danois, le registre luxembourgeois, voire le registre belge ? Je suis persuadé que non. Dans ces conditions, le registre européen ne verra jamais le jour et c'est tant mieux, car le vrai registre européen, c'est la somme des pavillons bis. L'intérêt n'est-il pas de faire entrer sous pavillon européen le maximum de navires ? Encore une fois, c'est le contrôle du pavillon qui assure la sécurité maritime et non celui de l'État du port, qui n'assure qu'une sécurité « cosmétique » !
Dans ces conditions, à partir du moment où nous sommes face à l'insuffisance du nombre de marins en France, où nous voulons instaurer plus de souplesse pour qu'il y ait plus de navires sous pavillon français, il est évident qu'il faut laisser la possibilité à des capitaines, des marins étrangers, de servir à bord de navires français.
Cela étant, tout le monde l'a rappelé, le commandant est dépositaire de la puissance publique et il est chargé d'une mission de sécurité et de sûreté. Mon cher collègue, contrairement à votre affirmation, j'avais bien abordé, dans mon rapport, la question européenne ! J'ai fait inscrire dans la loi relative à la création du registre international français, à l'article 5 que : « À bord des navires immatriculés au registre international français, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance, qui peut être l'officier en chef mécanicien, garants de la sécurité du navire, de son équipage et de la protection de l'environnement ainsi que de la sûreté... » Je voulais justement contrer l'argument de la Commission à la suite de l'arrêt de 2003 et démontrer qu'à titre permanent le capitaine assure cette mission de sécurité et de sûreté.
C'est vraiment le cas et c'est la raison pour laquelle je suis persuadé que la Commission a tort sur le plan juridique et que jamais la Cour de justice ne niera qu'un commandant est chargé à titre permanent de la sécurité et de la sûreté.
Je suis profondément attaché à ce principe, mais en même temps je suis réaliste. Il est de bon ton, aujourd'hui, de citer Jaurès : « Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel. » Moi, je vais à l'idéal et je comprends le réel. C'est justement la raison pour laquelle j'ai déposé cet amendement à titre dérogatoire, afin de donner la possibilité à des marins communautaires de servir à bord de navires français.
Monsieur le secrétaire d'État, si vous me dites que demain nous ferons comme les autres pays européens, que nous utiliserons, comme eux, les avantages permis par la Commission européenne, que les marins français auront un salaire net et qu'ils seront compétitifs car leur emploi ne coûtera pas plus cher, mon amendement n'aura plus aucun objet.
Faute d'une telle affirmation, je suis obligé, en conscience, de maintenir ma proposition, afin d'éviter qu'un dispositif rigide n'empêche l'immatriculation de navires sous pavillon français.