Intervention de Évelyne Didier

Réunion du 27 mai 2008 à 16h15
Responsabilité environnementale — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Évelyne DidierÉvelyne Didier :

En cas de dommage environnemental, cette dernière ne sera pas concernée, la filiale pourra être liquidée, et les moyens dégagés risqueront de ne pas être à la hauteur des réparations nécessaires. Nous déposerons donc un amendement visant à corriger cette imperfection.

À ces limites matérielles s’ajoutent des limites temporelles. En effet, l’article L. 161-5, conformément à l’article 17 de la directive, pose le principe de la prescription trentenaire. Les demandes de réparation resteront lettre morte lorsque plus de trente ans se seront écoulés depuis l’émission, l’événement, ou l’incident ayant causé le dommage.

Cette disposition présente l’inconvénient majeur de dédouaner l’exploitant peu scrupuleux qui aurait caché avec succès un tel événement. De plus, elle sera difficile à appliquer pour les pollutions multicausales. Nous avons déposé un amendement pour que le point de départ de cette prescription soit porté au jour où le titulaire d’un droit a ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Venons-en maintenant au chapitre II relatif au régime. La section 1 pose les principes du régime de responsabilité sans faute pour les activités les plus dangereuses et avec faute pour les autres, mais uniquement pour les dommages aux espèces et habitats naturels. Qu’en est-il des sols ? La liste des activités professionnelles dont la responsabilité peut être engagée au regard du risque est fixée par décret en Conseil d’État ; au moins faudrait-il que cette liste ne soit pas considérée comme exhaustive.

L’article L. 162-4 précise qu’une personne victime d’un dommage ne peut en demander réparation sur le fondement du présent titre et exclut, entre autres, les actions des associations de défense de l’environnement. Nous souhaitons que la loi indique expressément que cette exclusion ne vaut pas pour les autres régimes de responsabilité en vigueur.

Je voudrais évoquer ici, eu égard au rôle remarquable des associations de défense de l’environnement, la question des lanceurs d’alerte. Il nous semble utile de mettre en place un statut afin de protéger les scientifiques et les employés d’entreprise qui avertissent le public des dangers éventuels de certaines activités, produits, etc.

Au-delà des déclarations de principe contenues dans le projet « Grenelle I », nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement sur cette question.

Par ailleurs, qu’il s’agisse de la section sur les mesures de prévention ou de réparation des dommages, ou de la sous-section relative à la mise en œuvre des mesures de prévention ou de réparation, les dispositions sont à la fois imprécises, insuffisantes et laissent, selon nous, trop de marges de manœuvre à l’exploitant. La prévention est limitée par l’existence d’une menace imminente. On est donc loin des mesures de prévention, qui devraient être encouragées dans n’importe quelle activité présentant un risque pour l’environnement.

Le projet de loi n’apporte pas de solutions à la question de l’évaluation des dommages ; il n’aborde pas la nécessité de garantir une expertise indépendante et impartiale. Au contraire, il ouvre la possibilité pour l’autorité administrative de demander à l’exploitant de procéder à sa propre évaluation. Ne risque-t-on pas, face au manque de moyens, de valider sans autre contrôle une telle évaluation ?

Cela me conduit à évoquer la section 3 relative aux pouvoirs de police administrative reconnus au préfet.

Les nouvelles missions du préfet, chargé de conseiller et de négocier avec les entreprises les mesures préventives ou réparatrices, supposent des compétences et des pouvoirs qui, jusque-là, ne lui étaient pas dévolus. Or le texte ne dit rien des moyens qui seront mis en œuvre afin de renforcer les corps de contrôle, dont le rôle sera primordial pour l’application des nouvelles mesures.

Enfin, les dispositions relatives au coût des mesures de prévention et de réparation nous semblent, et c’est un euphémisme, perfectibles.

Le patronat a ainsi obtenu satisfaction en matière d’exonération de l’exploitant pour « risque de développement ». Il est précisé que l’exploitant ne supporte pas les coûts de réparation lorsqu’il apporte la preuve qu’il n’a pas commis de faute et que le dommage résulte d’une activité qui n’était pas considérée comme susceptible de causer des dommages à l’environnement compte tenu de l’état des connaissances scientifiques au moment du fait générateur.

Nous souhaitons la suppression de cette disposition. Il est, en effet, difficile d’établir l’état des connaissances scientifiques à un moment donné, notamment lors d’un procès qui pourra se dérouler plusieurs années après les faits. Dans certains cas, on se sait plus très bien quelle était la législation en vigueur à l’époque et les textes sont parfois difficiles à retrouver.

Sous le bénéfice de toutes ces remarques qui, je le répète, sont loin d’être exhaustives, le groupe communiste républicain et citoyen réserve son vote à la prise en compte des amendements qui viseront à renforcer les dispositifs mis en place.

Cela étant dit, je tiens, d’ores et déjà, à réitérer notre fort attachement à la question de la responsabilité des sociétés mères.

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