Séance en hémicycle du 27 mai 2008 à 16h15

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à seize heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Pierre Lacour, qui fut sénateur de la Charente de 1980 à 1996.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J’informe le Sénat que la question orale n° 252 de Mme Christiane Kammermann est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

Par ailleurs, j’informe le Sénat que sont inscrites à la séance du mardi 3 juin 2008 les questions orales suivantes : n° 265 de Mme Catherine Dumas, n° 266 de M. Louis Souvet et n° 267 de M. Christian Cambon.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Mes chers collègues, il m’est agréable de saluer la présence dans nos tribunes d’une délégation de parlementaires membres du groupe d’amitié Mexique-France du Sénat des États-Unis du Mexique venus en France à l’invitation de nos collègues MM. Gérard Cornu et Gérard Miquel, respectivement président et président délégué du groupe France-Mexique de notre assemblée.

Leur présence dans notre pays pour étudier nos réformes institutionnelles témoigne de l’intérêt qu’ils portent à nos travaux et, tout comme nous, à l’établissement de relations toujours plus étroites entre nos deux assemblées et, à travers elles, entre nos deux pays et nos deux peuples.

Qu’ils soient assurés des sentiments fraternels du Sénat de la République française et des vœux chaleureux que nous formons pour le succès de leur mission ! Nous leur souhaitons une très cordiale bienvenue et espérons qu’ils garderont de leur séjour un excellent souvenir : il s’agit là, d’ores et déjà, d’une invitation à revenir.

Mme la secrétaire d’État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, après déclaration d’urgence, relatif à la responsabilité environnementale (n° 288, 2006-2007, et n° 348).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Françoise Henneron et M. Robert del Picchia applaudissent.

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la Haute Assemblée est appelée à examiner aujourd’hui un projet de loi visant à transposer une directive communautaire dont l’importance et, surtout, la complexité n’ont échappé à personne, dès les premiers travaux de son élaboration.

La directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 porte sur « la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux ». Elle devait être transposée avant le 30 avril 2007.

À ce jour, cependant, tant elle est complexe, seule une douzaine d’États membres ont communiqué à la Commission européenne des mesures nationales d’exécution complètes, parmi lesquels l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et les trois pays baltes. Les autres, et non des moindres, le Royaume-Uni, notamment, en sont encore au stade des études et des consultations.

Comme vous le savez, la Commission européenne, dans son rôle de gardienne des traités, ne retient pas les difficultés générales ou particulières des États membres lorsqu’il s’agit de mettre en conformité leurs législations avec le droit communautaire, dans le respect des échéances qu’ils ont eux-mêmes fixées.

La France a donc fait l’objet, en juin 2007, d’une mise en demeure, puis, en février 2008, d’un avis motivé.

C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis particulièrement heureuse de voir inscrit à l’ordre du jour de votre assemblée ce projet de loi.

Il doit contribuer fortement à la transposition de la directive sur la responsabilité environnementale, sachant que le décret qui doit en préciser les conditions d’application est déjà en grande partie rédigé. Nous pourrons donc avancer rapidement.

Je me félicite tout autant de voir soumis au débat parlementaire un texte longtemps espéré par certains, redouté par d’autres, et qui, dès lors que sera garanti son équilibre actuel, relevé par la commission des affaires économiques et son rapporteur M. Jean Bizet, représentera un progrès significatif dans le domaine de la protection de l’environnement en France, comme dans toute l’Union européenne.

Sans entrer dans tous les détails de la complexité du texte, sur lesquels nous reviendrons au long de la discussion, je rappellerai que la démarche illustrée par cette directive s’appuie sur le principe pollueur-payeur, répondant ainsi à bon nombre des préoccupations qui se sont exprimées au cours du Grenelle de l’environnement.

Cette directive s’attache à la prévention et à la réparation des dommages écologiques purs, que sont la pollution des sols, les atteintes graves à la qualité des eaux de surface et souterraines, ainsi que les atteintes graves aux espèces et habitats naturels protégés.

Cependant, cette fois, l’objectif n’est pas l’établissement d’un dispositif classique d’indemnisation. Il s’agit plutôt, lorsque la prévention n’a pas abouti, de rechercher le retour des milieux affectés à leur état antérieur aux dommages, dans la mesure du possible. Nous aurons l’occasion d’étudier très précisément ce mécanisme complexe car tout n’est pas réparable.

La transposition de cette directive appelle l’adoption de dispositions législatives et réglementaires qui modifieront principalement le code de l’environnement.

Un régime de police administrative nouveau doit être élaboré. Il fera cependant la part des systèmes de prévention et de réparation qui existent déjà, notamment dans le domaine des installations classées pour la protection de l’environnement ou dans celui des activités soumises à la loi sur l’eau.

Les projets de loi et de décret élaborés par le ministère chargé de l’environnement ont été soumis à partir de l’été 2006 à une large concertation interministérielle, puis, les instances consultatives compétentes, les organisations professionnelles et les associations intéressées ont été consultées spécifiquement, avant que ne soit organisée à l’automne une consultation nationale. II en est résulté l’essentiel des dispositions qu’ont ensuite étudiées le Conseil d’État et, après le dépôt du projet de loi sur le bureau du Sénat en avril 2007, M. le rapporteur.

C’est à vous, aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il appartient de débattre de ce texte.

Tout au long des débats, qui s’annoncent comme devant être complexes, mais aussi très précis – nous nous y attacherons –, le Gouvernement aura à cœur de démontrer que cette construction législative, réglementaire, économique, sociale et culturelle contribuera à combler une lacune importante du point de vue de la protection juridique de l’environnement. Sa mise en œuvre doit créer une amélioration des comportements et apporter de réels bénéfices à terme pour la sauvegarde de la diversité biologique, pour la qualité des eaux et l’état sanitaire des sols.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, je remercie très vivement le rapporteur, M. Jean Bizet, et la commission des affaires économiques, qui, au terme d’un travail de consultation et d’investigation considérable, ont éclairé ce texte.

Dans la même perspective, à savoir améliorer la conformité de notre législation environnementale avec les règles communautaires et réduire les risques contentieux pour retard ou défaut de transposition, qui plus est à l’aube de la présidence française de l’Union européenne, la commission et son rapporteur, ainsi que plusieurs d’entre vous, ont proposé plusieurs amendements qui pourraient avantageusement remplacer notre article 5.

Constituant un titre à part entière, rassemblant plusieurs dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de l’environnement, ces amendements contribueront sensiblement à combler des retards ou des lacunes ou à rectifier des erreurs ou des insuffisances dans la transposition de directives de grande portée.

Je ne doute pas que les débats qui s’ouvrent maintenant permettront d’enrichir le texte et d’éviter que la France, au seuil de sa présidence de l’Union européenne, n’accuse un retard de transposition encore plus long.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF. – M. Jean-Pierre Michel applaudit également.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, près de trois ans après l’adoption de la directive européenne du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale, le Sénat avait été saisi, le 5 avril 2007, du projet de loi assurant sa transposition en droit français, sur lequel la commission des affaires économiques m’avait désigné rapporteur, dès le 22 mai 2007. La date limite de transposition était fixée au 30 avril 2007.

Il a pourtant fallu attendre un an pour que ce projet de loi soit enfin inscrit à l’ordre du jour, alors même que la Commission européenne a adressé une mise en demeure à la France le 1er juin 2007, suivie d’un avis motivé le 31 janvier dernier. Onze États sur vingt-sept ont à ce jour communiqué leurs textes de transposition.

La commission des affaires économiques ne peut évidemment que regretter le retard ainsi pris, tout en se réjouissant de l’occasion enfin donnée au législateur d’adopter ce texte avant le début de la présidence française de l’Union européenne, le 1er juillet prochain.

Après quinze ans de discussions, un Livre vert puis un Livre blanc, l’Union européenne a adopté une directive relative à la responsabilité environnementale qui, pour la première fois, pose le principe de réparation du dommage écologique causé aux biens que l’on ne peut s’approprier, indépendamment de toute atteinte à des biens ou des personnes. La directive consacre ainsi ces biens comme des biens communs, indépendamment de leur statut juridique. Cela correspond tout à fait à l’esprit qui a présidé à la rédaction de la Charte de l’environnement, notamment de ses articles 3 et 4.

L’intitulé de cette directive n’est d’ailleurs pas très bien choisi, car elle n’institue pas vraiment un nouveau régime de responsabilité, elle instaure plutôt un nouveau régime de police administrative. Il reviendra en effet à l’autorité administrative, qui, en France, sera le préfet, de contraindre l’exploitant responsable d’un dommage à l’environnement à prendre des mesures de prévention et de réparation. Il est donc question, dans ce texte, non pas d’indemnisation, mais uniquement de réparation par des mesures très concrètes.

Le projet de loi qui vous est soumis, mes chers collègues, répond également, d’une certaine manière, à une exigence nationale, puisque, dans l’article 4 de la Charte de l’environnement, constitutionnalisée en 2005, est posée l’obligation de réparer les dommages causés à l’environnement.

Nous ne pouvons pas, par ailleurs, ignorer le récent jugement sur l’Erika, qui a clairement consacré pour la première fois la possibilité d’une indemnisation du préjudice résultant d’une atteinte à l’environnement, en dehors du préjudice moral et du préjudice matériel. La nouveauté de ce jugement réside aussi dans le montant de l’indemnisation accordée aux parties civiles.

Le juge a toutefois, dans ce cas, procédé à une application des principes classiques du droit de la réparation, distincte du régime de police administrative prévu par le présent projet de loi, aux termes duquel l’exploitant doit réparer par des mesures concrètes les dommages subis par l’environnement. Cette réparation « sur le terrain » s’effectuera bien sûr indépendamment des éventuelles poursuites pénales et civiles qui pourront être exercées en cas de survenance d’un tel dommage. Le projet de loi vient s’ajouter aux régimes de responsabilité existants, et non s’y substituer. Tout au long du débat, nous le rappellerons, de façon à clarifier les choses et à éviter qu’il n’y ait certains malentendus, comme le laissent supposer plusieurs amendements déposés par l’opposition et que nous avons examinés ce matin en commission.

Le texte qui vous est aujourd’hui proposé a fait l’objet d’une consultation publique à l’automne 2006, ainsi, d’ailleurs, que le projet de décret, ce qui n’est pas si fréquent. Il vise à transposer la directive à partir de deux principes : une grande fidélité au texte européen et le maintien des dispositions nationales plus contraignantes. La France disposait en effet, avec sa législation sur les installations classées, d’une avance certaine pour l’application de plusieurs dispositions de la directive.

Sans revenir sur le détail du projet de loi, qui a été présenté par Mme la secrétaire d’État, j’attire votre attention, mes chers collègues, sur certaines questions que nous pourrions nous poser à l’occasion de cette transposition, mais qui doivent impérativement faire au préalable l’objet d’une réflexion à l’échelon européen.

Tout d’abord, la directive ne prévoit pas de sanctions pénales : celles-ci sont discutées actuellement au niveau européen dans le cadre d’un projet de directive sur les sanctions pénales en matière d’environnement.

Ensuite, la question d’une éventuelle responsabilité des sociétés mères devra impérativement être traitée à l’échelon communautaire, comme le prévoit l’avant-projet de loi relatif au Grenelle de l’environnement – nous avons eu l’occasion de nous en expliquer en commission –, et ce pour deux raisons : d’une part, il ne faut pas déresponsabiliser l’exploitant au plus proche de l’activité et, d’autre part, la France doit éviter d’entrer en distorsion de concurrence avec les vingt-six autres États membres.

Enfin, la directive n’institue pas d’obligation d’assurance pour les exploitants. Devant la difficulté à prévoir ce que sera l’application du nouveau régime, la Commission et les États membres ont en effet préféré instituer une clause de revoyure en 2010 : la Commission fera alors des propositions aux États membres sur ce point.

Il n’apparaît donc pas opportun d’instaurer en France, à l’occasion de l’examen de ce texte, une obligation pour les exploitants de contracter des garanties financières. Il est préférable de laisser l’offre assurantielle se développer d’ici à 2010, y compris au niveau européen, et d’envisager à cette date, en concertation avec nos partenaires européens, le meilleur système à mettre en œuvre. Nous sommes dans un environnement législatif à dimension européenne, et il n’est pas question de placer la France dans une situation de distorsion.

Tel est l’essentiel du mécanisme prévu par le projet de loi. Au terme du long parcours de la directive comme du projet de loi, la commission n’a pas voulu bouleverser les équilibres du texte, qui offre un compromis satisfaisant entre protection des milieux naturels et exigences économiques. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas proposé d’amendement sur un point qui a fait l’objet de nombreux débats à l’échelon tant européen que national : l’exonération pour respect du permis.

La quarantaine d’amendements que la commission vous propose visent en priorité à réduire le plus possible les incertitudes juridiques du texte pour sécuriser les exploitants, qui seront chargés, au premier chef, de l’application des dispositions. Il s’agit essentiellement : de simplifier et de préciser la définition de l’exploitant ; de clarifier la définition des habitats et des espèces concernés par le projet de loi ; de clarifier également la définition des activités les plus dangereuses, qui seront soumises à la responsabilité sans faute – ce qui n’est pas rien à l’adresse des exploitants –, en renvoyant à l’annexe III de la directive qui en fixe la liste ; de préciser, conformément à la directive, que le lien de causalité entre l’activité d’un exploitant et le dommage devra être établi par le préfet – nous examinerons plus tard ses modalités – ; enfin, de préciser le régime du partage de responsabilité entre le fabricant et l’utilisateur d’un produit.

Sous ces réserves, le présent projet de loi constitue une véritable avancée pour la réparation des dommages à l’environnement, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

J’en viens aux autres amendements que la commission vous propose d’adopter. À l’occasion de la discussion de ce projet de loi et à la veille de la présidence française de l’Union européenne, il nous a semblé opportun, avec Jean-Paul Emorine, que la France soit, dans le domaine de l’environnement, irréprochable en matière de respect de ses obligations communautaires.

Nous avons souhaité, sur ces sujets environnementaux qui devraient recueillir l’accord du plus grand nombre, associer l’ensemble des groupes politiques à cette démarche de transposition. C’est pourquoi une réunion de coordination avec le ministère de l’écologie a eu lieu le 14 mai dernier, en présence de nos collègues Odette Herviaux, Jean-Marc Pastor, Daniel Reiner et Thierry Repentin, que je voudrais remercier de leur participation.

C’est dans ce contexte que la commission des affaires économiques a souhaité que le Sénat procède, par voie d’amendements parlementaires, à la bonne et complète transposition de directives actuellement en retard de transposition et pour lesquelles la France fait l’objet de procédures de mise en demeure ou d’avis motivé de la Commission européenne.

Je vous précise que les dispositions transposées sont, pour la plupart, des mesures d’ordre technique. Elles concernent la directive « Pollution marine » du 7 septembre 2005, des directives relatives à la qualité de l’air ambiant, le système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté, sur lequel un large débat devrait avoir lieu, la directive de 2002 sur la performance énergétique des bâtiments et la directive de 1998 sur la mise sur le marché des produits biocides.

Sous réserve des modifications qu’elle propose, la commission vous suggère d’adopter le présent projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi, qui a été déposé sur le bureau du Sénat en avril 2007 par le Gouvernement Villepin puis ajourné pour cause d’élections, fixe une série de dommages écologiques qu’il convient de prévenir ou de réparer. Il s’agit des atteintes graves aux sols, aux eaux, aux espèces ou habitats naturels protégés.

Ce texte précise en particulier qu’il revient à l’exploitant de l’activité professionnelle causant ou risquant de causer des dommages à l’environnement de prendre à ses frais les mesures de prévention ou de réparation nécessaires. Sur ce « chapeau », si je puis dire, tout le monde est susceptible de s’accorder.

La question de la responsabilité est centrale, car elle conditionne totalement l’application des procédures et des réglementations. En effet, le système juridique ne promeut pas un cercle vertueux dans lequel chaque acteur de la chaîne peut voir sa responsabilité engagée. Les réglementations, même les plus sophistiquées, risquent de rester lettre morte.

Le nouveau régime de responsabilité met en œuvre les articles 3 et 4 de la Charte de l’environnement, qui a été adoptée le 28 février 2005 par le Parlement réuni en Congrès. Personnellement, je n’avais pas pris part au vote, car ce projet de loi constitutionnelle présentait à mes yeux une emphase inutile, un lyrisme souvent superfétatoire et, pour tout dire, une incantation normative qui n’était pas forcément de mise. Le principe général de précaution, tel qu’il était énoncé, comportait un risque de judiciarisation à outrance de la vie publique.

Mais aujourd’hui, nous en sommes assez loin, dans la mesure où, notamment dans le texte que nous avons voté sur les OGM, le principe de précaution est, si vous me permettez l’expression, « jeté par-dessus les moulins », et, je n’aurai pas la cruauté de le rappeler, par ceux-là mêmes qui avaient voté la Charte de l’environnement.

Certes, on est revenu à un peu plus de simplicité, car on a échappé à ce que je qualifiais d’incantation normative et de style superfétatoire : il était notamment précisé que « la Charte est appelée s’intégrer à la matrice de nos droits fondamentaux, à côté de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et du préambule de la Constitution de 1946 ». J’ai le sentiment que le projet de loi actuel, comme le texte de 2005, est un peu en retrait par rapport à ces blocs de granit qui fondent à la fois nos institutions et notre République.

Je regrette que l’urgence ait été déclarée sur le présent projet de loi. Je regrette également que la concertation n’ait été que de façade. Le Gouvernement veut se montrer vertueux – d’aucuns diront qu’il a encore du chemin à faire pour atteindre cet objectif !

Si nous partageons tous la volonté du Gouvernement d’adopter une attitude vertueuse, notamment au moment de prendre la présidence de l’Union européenne, nous constatons que, quoi qu’il en dise, celui-ci n’a pas consulté tous les acteurs du monde associatif.

De plus, si ce projet de loi concerne plusieurs dossiers traités dans le Grenelle de l’environnement, il est évident que le Gouvernement profite de l’occasion pour transposer une série de directives en souffrance et concernant, en particulier, la pollution des navires, la qualité de l’air ambiant, les quotas d’émission de gaz à effet de serre et les déchets électroniques. La méthode utilisée apparaît à l’évidence insatisfaisante. Pourtant, la démarche adoptée dans le cadre du Grenelle de l’environnement se voulait exemplaire en termes de concertation.

Le projet de loi pose le principe de réparation des dommages écologiques purs, c’est-à-dire indépendamment de toute atteinte à des biens ou des personnes. Il est donc question non pas d’indemnisation, mais uniquement de réparation en nature.

À cet égard, plusieurs questions se posent. Sera-t-il toujours possible de rétablir l’état antérieur aux dommages ? Que se passera-t-il en cas de défaillance de l’exploitant ? Certes, M. le rapporteur a semblé nous rassurer en disant que les sociétés mères devraient intervenir à un moment ou à un autre. Mais ces propos sont en décalage avec ce que M. le Président de la République affirmait l’an dernier : « il n’est pas acceptable que le principe de responsabilité limitée devienne un prétexte à une irresponsabilité illimitée ». Nous sommes là au cœur du problème, me semble-t-il, et, à l’évidence, nous n’éviterons pas ces écueils.

Ce projet de loi ne tient pas non plus compte des pollutions diffuses, qui ne sont découvertes que longtemps après les faits, des pollutions au quotidien de l’atmosphère ou encore des OGM. Les dérogations et exonérations pointent à l’horizon. Certaines sont justifiées, mais il n’est pas pensable qu’un acteur économique de la chaîne puisse s’exonérer a priori de toute responsabilité.

La question de l’assurance, qui est certes complexe, n’a pas été posée, bien qu’elle soit extrêmement importante, notamment en matière d’OGM ou de nanotechnologies. La politique constante des compagnies d’assurance est de refuser la couverture assurantielle dès lors que l’aléa reste inconnu.

Au-delà de ces interrogations, en tant qu’élu d’un département dont la richesse principale est son patrimoine naturel, je ne peux qu’être favorable à la notion de défense du milieu naturel et à un régime de responsabilité environnementale. Toutefois, j’attends avec beaucoup d’intérêt les amendements qui amélioreront ce texte.

Vous me permettrez également de regretter que la simplicité ne soit pas de mise pour ce texte, comme elle l’a été pour les textes antérieurs, qu’il s’agisse de la loi Montagne, de la loi Littoral, ou encore de la loi Lepage de 1996, laquelle disposait que « chacun a le droit de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé ». Ces textes posaient des principes simples, sur lesquels il était possible de fonder une forte défense de l’environnement.

Je ne suis pas certain que le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui soit aussi bien compris par l’ensemble de nos concitoyens. Cependant, je ne doute pas, madame la secrétaire d’État, que vous ferez œuvre pédagogique, avec l’assistance de M. le rapporteur, afin que nous soyons totalement éclairés sur ce texte qui nécessite encore, pour que l’opinion publique s’en empare pleinement, quelques efforts de pédagogie que, les uns et les autres, nous sommes prêts à assumer.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, selon une enquête Eurobaromètre publiée le 14 mars dernier, l’environnement est devenu une préoccupation majeure pour les citoyens européens : plus de 95 % d’entre eux pensent qu’il est important de le protéger, tandis que 80 % estiment que leur qualité de vie en dépend.

Par ailleurs, plus des deux tiers des Européens préféreraient que les décisions d’ordre environnemental soient prises au niveau de l’Union plutôt qu’à l’échelon national.

Une importante majorité – 82 % – juge qu’une législation européenne harmonisée est nécessaire dans le domaine de l’environnement et que l’Union européenne doit aider les pays tiers à améliorer leurs normes en la matière. L’Union a donc un rôle capital à jouer dans ce domaine, et ce d’autant plus que les atteintes à l’environnement ne s’arrêtent pas à nos frontières.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à transposer la directive du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux.

Cette directive est le fruit d’un compromis élaboré par les parties prenantes de l’Union européenne après quinze années de négociations. Première législation communautaire comptant parmi ses objectifs principaux l’application du principe pollueur-payeur, elle établit un cadre commun de responsabilité en vue de prévenir et de réparer les dommages causés aux animaux, aux plantes, aux habitats naturels et aux ressources en eau, ainsi que les dommages affectant les sols.

Le régime de responsabilité s’applique, d’une part, à certaines activités professionnelles explicitement énumérées et, d’autre part, aux autres activités professionnelles lorsque l’exploitant a commis une faute ou une négligence. En outre, il appartient aux autorités publiques de veiller à ce que les exploitants responsables prennent eux-mêmes, ou financent, les mesures nécessaires de prévention ou de réparation.

Le principe pollueur-payeur, qui sous-tend ce projet de loi, est un principe déjà ancien, puisqu’il a été énoncé pour la première fois le 26 mai 1972, dans une recommandation de l’OCDE. Le Conseil des Communautés européennes a adopté, à peu près à la même époque, ses premières recommandations sur la question. Inséré dans l’Acte unique européen, ce principe est devenu depuis une norme juridique opposable à tous et l’un des piliers de la politique communautaire de l’environnement.

En droit français, le principe pollueur-payeur est sous-jacent à l’ensemble des dispositions imposant des taxes ou redevances à certains pollueurs. Il n’est devenu une règle de droit positif qu’avec la loi du 2 février 1995. Le code de l’environnement le définit ainsi comme le principe « selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur ». Enfin, la Charte de l’environnement en a fait un principe de valeur constitutionnelle.

Ainsi, si cette directive n’est pas novatrice sur les principes, elle a le mérite de fixer un cadre commun au niveau européen pour tous les dommages causés aux milieux naturels par les activités professionnelles. Son champ d’application est considérable, car on estime à 300 000 environ les sites européens déjà pollués ou soupçonnés de l’être.

En novembre 2002, la délégation du Sénat pour l’Union européenne avait déposé une proposition de résolution relative au projet de directive, dont mon collègue Marcel Deneux était le rapporteur. La plupart des critiques qui avaient alors été émises sur le projet de directive peuvent aujourd'hui être formulées sur le projet de loi, car celui-ci reprend très exactement les dispositions communautaires.

Tout d’abord, le champ d’application de ce texte est très circonscrit. Après avoir affirmé la règle générale – réparation des dommages potentiels ou avérés causés à l’environnement ou à la santé –, le texte énumère toute une série d’exemptions, qui en limite largement la portée. Sont notamment exclus les dommages qui ne pouvaient être prévus sur la base des connaissances techniques et scientifiques au moment des émissions ou des activités à l’origine des atteintes environnementales et les dommages prévus et indemnisables par différentes conventions internationales spécifiques – pollution par les hydrocarbures, par les hydrocarbures de soute, par les substances nocives transportées par mer, par les marchandises dangereuses acheminées par route, rail et bateaux de navigation intérieure –, y compris les accidents d’origine nucléaire relevant des textes Euratom et autres conventions.

Ensuite, ce texte mélange les régimes de responsabilité, empêchant ainsi la compréhension claire du système qu’il vise à instaurer. Il juxtapose, en effet, deux types de responsabilité du pollueur : une responsabilité sans faute, pour un certain nombre d’activités professionnelles dûment répertoriées, avec le risque, d’ailleurs, d’établir une énumération incomplète, dépassée ou erronée ; une responsabilité pour faute, et seulement dans le cas d’atteintes à la biodiversité, pour toutes les autres activités professionnelles.

Enfin, les définitions retenues par le texte manquent de précision. Je me réjouis donc que M. le rapporteur ait proposé à la commission plusieurs amendements visant à clarifier un certain nombre de termes comme ceux d’exploitant, d’habitats et d’espèces, et d’état initial.

Au demeurant, des avancées importantes ont été obtenues. Le Gouvernement a ainsi fait le choix, que les sénateurs centristes approuvent, de ne pas insérer dans le projet de loi une exonération pour les exploitants bénéficiant d’un permis d’exploitation, exonération laissée par la directive à la discrétion des États membres. À nos yeux, il est normal que la responsabilité de l’exploitant soit engagée, même lorsque celui-ci détient un permis d’émission de substances polluantes.

Nous sommes également satisfaits que le projet de loi ne prévoie pas d’incitation à la conclusion de contrats d’assurance. Seuls deux États, l’Allemagne et l’Espagne, ont défini à ce jour un mécanisme de garanties financières et plusieurs États membres ont précisé que leurs projets de transposition respectifs ne comporteront aucun volet spécifique en la matière. Je partage donc entièrement la position de M. le rapporteur sur ce point. En effet, seule la mise en œuvre du projet de loi montrera comment est appréciée concrètement la gravité d’un dommage, quelles mesures de réparation doivent être mises en œuvre et quel en est leur coût. Il est donc préférable de laisser l’offre assurantielle se développer d’ici à 2010, y compris au niveau européen, et d’envisager à cette date, en concertation avec nos partenaires européens, le meilleur système à mettre en œuvre.

Par ailleurs, madame la secrétaire d'État, je souhaite que vous nous apportiez une précision sur la position française quant à la responsabilité des sociétés mères à l’égard de leurs filiales. La définition de l’exploitant retenue dans ce projet de loi indique clairement que cette notion ne saurait s’appliquer à l’actionnaire, aux établissements de crédit, aux autorités chargées du contrôle administratif ou à des autorités de tutelle.

En revanche, aux termes de l’article 43 du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, qui sera prochainement étudié, « la France portera au niveau communautaire le principe de la reconnaissance de la responsabilité des sociétés mères à l’égard de leurs filiales en cas d’atteinte grave à l’environnement. Elle défendra ces orientations au niveau international. » J’entends bien que, dans un souci de maintien de la compétitivité de notre économie, pour ne pas faire peser des contraintes trop fortes sur nos entreprises, il convient de « coller » le plus possible à la définition prévue dans la directive. Mais n’y a-t-il pas là une certaine incohérence entre l’effet d’annonce du Grenelle et la réalité législative ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

M. Daniel Soulage. Pour terminer, je souhaite vous faire part de mon regret de devoir travailler une fois de plus sous la pression de condamnations déjà prononcées contre notre pays ou « susceptibles » de lui être appliquées à tout moment, ce qui ne permet pas d’accomplir le travail parlementaire avec toute la sérénité requise. Je félicite M. le rapporteur d’avoir pris l’initiative de proposer la transposition, par voie d’amendements, de plusieurs directives importantes, pour lesquelles nous sommes également en retard.

M. Thierry Repentin s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

La France devra aussi prendre l’habitude de se mettre au travail dès l’adoption d’une directive, pour réussir la transposition de celle-ci dans les meilleures conditions, en cohérence, d’une part, avec notre culture et notre droit, et, d’autre part, avec la volonté réaffirmée de voir atteints les objectifs de ladite directive.

Je souhaite également que, à l’avenir, le Gouvernement – et les gouvernements qui lui succéderont – soumette immédiatement au Parlement les directives à transposer, pour que ce dernier ait largement le temps de le faire correctement, ce qui, à mon sens, n’est pas tout à fait le cas aujourd’hui.

Cela nous permettrait également de suivre en temps réel les évolutions du droit, plus particulièrement du droit de l'environnement, lequel, encore en construction, ne cesse d’évoluer. Ainsi, les députés européens planchaient la semaine dernière sur une proposition de directive relative à la protection de l’environnement par le droit pénal. Si celle-ci est approuvée, les conduites illégales portant gravement atteinte à l’environnement seront considérées comme des crimes dans tous les États membres. Et des sanctions pénales seront utilisées pour garantir l’application de la législation européenne en la matière.

Il importe que nous nous saisissions rapidement de cette question, car le projet de directive va plus loin que la jurisprudence Total. Je rappelle que le groupe pétrolier a été condamné à une amende de 375 000 euros pour réparation du préjudice environnemental qu’il a causé.

Il est donc temps que nous changions notre façon de transposer les directives.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Soulage

M. Daniel Soulage. Pour cela, la réforme institutionnelle, en cours d’examen à l’Assemblée nationale, en laissant au Parlement la maîtrise de la moitié de l’ordre du jour, nous permettra peut-être d’avoir un rôle moteur en la matière, notamment via les propositions de loi, sous l’égide du futur comité chargé des affaires européennes.

Applaudissements sur les travées de l ’ UC-UDF et au banc des commissions. – Mme Fabienne Keller applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Madame la secrétaire d'État, vous l’avez dit tout à l’heure, la responsabilité environnementale est une notion très complexe. Il est tout de même dommage d’en être réduits, sur un sujet aussi passionnant, à examiner des propositions extrêmement techniques. Je vous prie donc de bien vouloir m’excuser d’avoir à revenir sur ces sujets quelque peu rébarbatifs.

Il est vrai que ce projet de loi est un texte déjà ancien, puisqu’il a été déposé sur le bureau du Sénat en 2007. Mais il était en effet urgent de l’inscrire à l’ordre du jour, car le délai de transposition de la directive n° 2004/35/CE a expiré en avril 2007. À l’heure où, tout le monde l’a dit, la France s’apprête à prendre la présidence de l’Union européenne et après des mois pendant lesquels le Président de la République a multiplié les déclarations de bonnes intentions environnementales, il est assez difficile de comprendre pourquoi cette transposition n’a pas eu lieu plus tôt, d’autant plus que la Commission européenne a adressé une mise en demeure à la France le 1er juin 2007, suivie d’un avis motivé le 31 janvier dernier.

L’examen de ce texte s’inscrit donc dans la lignée des nombreuses « bizarreries » gouvernementales que nous découvrons chaque jour un peu plus depuis plusieurs mois. Le manque de cohérence, les contradictions et la précipitation – qu’il ne faut pas confondre avec l’urgence ! – résument bien le contexte de nos travaux parlementaires. Mon collègue Thierry Repentin aura l’occasion de soulever tout à l’heure ces nombreux problèmes, qui nuisent à la légitimité et à l’efficacité du travail du Parlement. Pourtant, d’aucuns prétendent revaloriser son rôle à l’occasion de la réforme des institutions en cours.

L’enjeu de ce texte n’est pourtant rien de moins que la concrétisation législative du principe pollueur-payeur, le symbole du Grenelle de l’environnement et la priorité affichée de votre gouvernement. Malheureusement, – une nouvelle fois, serait-on tenté de dire – le résultat n’est pas à la hauteur de nos espérances.

Ce projet de loi, qui ne semble pas avoir été retravaillé depuis deux ans, se contente de transposer la directive a minima. Autrement dit, non seulement il ne va pas plus loin que les objectifs et exigences définis par la directive, mais, en plus, il réduit au maximum ses impacts en droit français quant à la prévention et la réparation des dommages environnementaux. Son examen était pourtant une bonne occasion d’agir autrement.

Ce n’est pas non plus la transposition précipitée et parfois maladroite, du moins dans ce que l’on en a aperçu, de directives supplémentaires, avec une imprécision assez radicale de la part du Gouvernement, lequel réclame, par exemple, l’habilitation à légiférer par ordonnance sur des sujets que certains amendements de M. le rapporteur sont censés circonscrire, qui nous rassurera. Sur ce point, le cas de la directive sur les biocides est particulièrement éclairant…

Le principe pollueur-payeur est un principe fondamental, qui aurait dû inspirer la transposition de cette directive. Il ne s’agit en rien, bien entendu, d’essayer de freiner ou de stigmatiser les activités économiques, mais il importe, au contraire, d’entrer concrètement dans l’ère du développement durable. L’audition, la semaine dernière, du directeur général de Saint-Gobain nous a montré que certaines entreprises pouvaient agir en ce sens.

Or, un certain nombre d’articles du texte dévient ostensiblement de cette philosophie. La transposition littérale de la définition des catégories de dommages couvertes n’est pas évidente, ni même assurée, alors que les dommages à l’environnement et à la biodiversité doivent être pris en compte, au même titre, à mon sens, que ceux qui ont une incidence sur la santé publique, car les faits ont prouvé qu’ils sont souvent liés.

L’article L. 160-1 du code de l'environnement pose le principe de la prévention et de la réparation des « dommages causés à l’environnement par l’activité d’un exploitant », conformément à l’article 1er de la directive. Mais plusieurs imprécisions dans le chapitre Ier sur le champ d’application nuisent à sa mise en place et appelleront donc de notre part exigence et vigilance.

C’est la raison pour laquelle nous proposons que soit ajoutée à l’article L. 161-1 du même code la référence aux écosystèmes endémiques et que soit précisée la liste des espèces à partir des minima des directives « oiseaux » et « habitats » de 1979 et 1992.

De même, nous voulons nous assurer que la liste fixée par le décret précisant les activités susceptibles de causer des dommages comprenne obligatoirement celles qui sont prévues à l’annexe III de la directive. Les articles L. 162-1 et L. 162-2 du code de l'environnement reprennent la distinction opérée par l’article 3 de la directive entre, d’une part, les dommages causés à l’environnement par des activités professionnelles réputées dangereuses, même en l’absence de faute, et, d’autre part, les dommages créés par des activités professionnelles ne figurant pas dans cette annexe, lorsque l’exploitant a commis une faute ou une négligence. La référence explicite aux annexes de la directive présenterait à notre avis l’intérêt de sécuriser la rédaction des décrets d’application prévus au 1° de l’article L. 165-2 du même code.

Plus précisément, concernant les mesures devant être appliquées pour la réparation des dommages environnementaux, nous proposons, dans le cadre de l’article L. 162-7 du code de l'environnement, une référence précise à l’annexe II de la directive, qui détaille les notions de réparations primaires, compensatoires et complémentaires, constituant ainsi un socle de référence essentiel, lequel semble quelque peu absent du corps même du projet de loi.

Nous souhaitons également que soit reprise la définition totale de l’exploitant responsable contenue dans la directive, à l’article 2, car l’article L. 161-7 ne la reprend pas explicitement et omet de préciser qu’elle concerne aussi les titulaires de délégation et d’autorisations, comme l’indique le texte européen.

Cette transposition aurait dû être aussi l’occasion de préciser le régime de responsabilité : fait générateur, lien de causalité et charge de la preuve. Les conditions d’exonération de responsabilité semblent, au contraire, beaucoup trop extensives. La définition des mesures de dépollution d’un sol ou d’un site en fonction de l’usage attendu est minimaliste, alors que cette définition devrait être établie par référence à l’état initial du site. Nous attendons, madame la secrétaire d’État, des précisions sur ces pollutions du sol.

Dans cet esprit, il nous semble essentiel que le principe de responsabilité environnementale soit étendu à l’ensemble des sites ayant une vocation à protéger l’environnement et ne soit pas réservé aux seules zones Natura 2000.

De même, nous ne sommes pas favorables à l’exclusion du champ de la responsabilité des dommages aux sols et à l’eau tels qu’ils sont définis au paragraphe I du texte proposé pour l’article L. 161-1 du code de l’environnement.

C’est dans cette perspective que nous nous opposerons à toutes les mentions du texte qui pourraient avoir pour effet de limiter l’étendue des réparations, comme celle de l’article L. 162-6 qui invite à « tenir compte de l’usage du site endommagé ». Cette mention n’est-elle pas de nature à introduire l’idée qu’une modulation est possible dans les réparations ? N’est-elle pas dangereuse à long terme si l’usage du site est amené à changer ?

Nous sommes également défavorables à un repli sur les conventions internationales quand celles-ci sont moins précises et moins contraignantes que ce que nous pourrions mettre en place sur notre territoire. La multiplication potentielle des motifs d’exonération pour les pollutions par hydrocarbures, par exemple, affaiblit d’autant le principe de responsabilité environnementale.

Concernant les pollutions par hydrocarbures, sujet, vous l’aurez compris, cher à la sénatrice du Morbihan que je suis, j’ai bien noté l’amendement de M. le rapporteur visant à transposer la directive 2005/35/CE du 7 septembre 2005. Mais cela ne sera pas suffisant. En effet, le 7 avril dernier, le Conseil des ministres des transports de l’Union européenne a rejeté deux propositions du « paquet Erika III ». Les sept mesures que celui-ci contient s’articulent autour de deux axes : la prévention renforcée des accidents et pollutions ; le traitement des suites des accidents. Les ministres des transports de l’Union n’étaient parvenus à un accord que sur cinq mesures.

Lors du Conseil du 7 avril, ces ministres ont écarté les deux dernières propositions, les plus fortes et les plus symboliques. La première oblige les pays à garantir que les navires battant leur pavillon répondent à certaines normes de sécurité. La seconde vise à accroître la responsabilité des propriétaires de navire en cas de dommage à un tiers et à établir un système d’assurance obligatoire.

Je profite donc de ce débat pour demander solennellement à M. le Président de la République de relancer ces discussions lors de la présidence française de l’Union européenne, comme s’y est engagé récemment M. le secrétaire d’État chargé des transports. Car si nous sommes satisfaits de la condamnation des responsables du naufrage de l’Erika, nous ne pensons pas que la jurisprudence à elle seule suffise à régler tous les problèmes, comme vous semblez le dire.

En attendant, nous considérons que la meilleure façon de préserver l’environnement et la santé de nos concitoyens, c’est d’anticiper. Aussi, nous voulons renforcer les dispositifs d’information et d’évaluation pour favoriser cette anticipation et la prévention, qui demeurent, à notre avis, les points faibles de ce texte.

Nous vous proposerons, en ce sens, que la loi permette la saisine de l’autorité compétente dès l’apparition de la menace imminente. Nous attendons évidemment du débat des précisions sur ce point, notamment sur l’article L. 165-2.

L’article L. 162-10 dispose qu’il incombe à l’autorité administrative compétente d’évaluer la nature et les conséquences du dommage, en précisant qu’elle peut demander à l’exploitant d’effectuer sa propre évaluation de la nature et des conséquences du dommage. Peut-on sincèrement penser que les mesures de réparation seront prises sur le fondement des seules évaluations des exploitants ? En effet, l’article L. 162-20 prévoyant que les coûts de l’évaluation incombent à l’exploitant, l’administration ne risque-t-elle pas, par facilité ou par manque de moyens, de se contenter de l’évaluation fournie par celui-ci ?

C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons de rendre publiques ces évaluations, conditions d’objectivité et de transparence pour la mise en œuvre des mesures de réparation.

Nous tenons, par ailleurs, à rappeler que l’administration doit obligatoirement exercer ses pouvoirs de police quand il s’agit de prévenir des dommages. En l’état, le projet de loi, en prévoyant un exercice facultatif des pouvoirs de police, constitue une régression du droit de l’environnement et n’est pas conforme avec l’esprit de la directive qui, en son article 6.3, énonce une obligation d’agir.

C’est pourquoi nous proposerons des amendements tendant à permettre à l’autorité administrative compétente de mettre en demeure l’exploitant qui n’a pas pris les mesures de prévention ou de réparation nécessaires de le faire. Dans ce cadre, il est logique que les charges de publicité des procédures et d’évaluation incombent elles aussi, et dans tous les cas, à l’exploitant responsable du dommage.

Se pose alors la question du financement de ces procédures et des réparations en général. L’application effective du principe de responsabilité nécessite que la charge financière résultant d’un dommage ne soit supportée ni par la société, ni par les collectivités locales. Ce sont les exploitants qui, au travers de la constitution de garanties financières, doivent assumer financièrement les conséquences des dommages qu’il a causés.

Ce projet de loi ne comporte aucune disposition relative aux garanties financières et à l’assurance, contrairement à la directive qui, en son article 14, dispose que « les États membres prennent des mesures pour encourager le développement d’instruments de garanties financières », comme l’a fait l’Espagne, dans sa loi de transposition. Nous souhaitons mettre en place un dispositif similaire pour permettre aux exploitants de garantir la prévention et la réparation des dommages environnementaux.

Dans ce souci de renforcer les moyens d’information et d’évaluation, nous souhaitons, enfin, créer un dispositif d’alerte, afin que les associations puissent porter à la connaissance de l’administration une présomption de dommage, sans engager directement une action en justice. Tel est l’objet de notre article additionnel visant à transposer dans notre droit les dispositions de l’article 12 de la directive, non prises en compte par le présent projet de loi.

Les associations ayant reçu l’agrément au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement pourront alors alerter l’autorité à partir d’informations et données pertinentes sur la présomption d’un dommage environnemental. Lorsque la demande d’action et les observations qui l’accompagnent indiqueront d’une manière plausible l’existence d’un dommage environnemental, l’autorité compétente donnera à l’exploitant concerné la possibilité de faire connaître ses vues sur la demande d’action et les observations qui l’accompagnent.

En conclusion, nous regrettons que cette transposition n’ait pu être l’occasion de réfléchir à l’articulation des différentes polices spéciales en matière d’environnement – installations classées pour la protection de l’environnement, ou ICPE, eau, déchets, OGM, etc. –, même si L’article L. 164-1 rappelle que l’application des dispositions nouvelles ne fait pas obstacle à la mise en œuvre des mesures prévues par les autres régimes de police.

Mais, comme j’espère vous l’avoir démontré, ce n’est pas le moindre des oublis du texte, et ce peut-être en raison de sa complexité. Celui-ci fait l’impasse sur certains des objectifs les plus importants de la directive pour la mise en place du principe pollueur-payeur, qu’ils concernent l’action des associations ou l’instauration de garanties financières.

Le Gouvernement disposait pourtant, comme pour toute directive, de marges de manœuvre pour transposer ce texte dans notre droit, et ce malgré le contexte d’urgence. Elles ont été largement sous-utilisées pour produire un texte mineur sur un enjeu majeur.

M. le rapporteur invoquait, et c’est normal tant que tous les pays n’ont pas transposé, des « risques de distorsions de concurrence au sein de l’Union européenne » pour tenter de justifier cette transposition a minima. Mais alors que le Grenelle de l’environnement entre dans sa phase opérationnelle, avec tous les doutes qui subsistent sur son financement et la réalité des mesures envisagées, et au moment où l’humanité s’interroge sur l’avenir de son environnement, cette timidité législative nous semble en contradiction avec vos discours et les attentes des Français.

Tout en regrettant fortement ce manque d’ambition et en déplorant la méthode de travail employée, mais parce qu’il s’agit d’un texte européen et compte tenu de l’enjeu, les membres du groupe socialiste sauront faire preuve de pragmatisme si, à l’issue de nos débats et à la suite des engagements que vous avez pris, madame la secrétaire d’État, le texte venait à être amélioré. Mais ils ne le voteront pas en l’état.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

Madame le secrétaire d’État, nous abordons aujourd’hui la discussion d’un projet de loi relatif à la responsabilité environnementale, déposé sur le bureau de notre assemblée en février 2007 par votre prédécesseur, Mme Nelly Olin.

Nous ne pouvons que regretter de ne pas avoir étudié ce texte dès l’automne 2007, comme cela avait été envisagé un moment et comme l’avait souhaité notre commission, qui avait pris ses dispositions pour travailler dans ce sens.

En effet, le présent projet de loi porte transposition d’une directive européenne qui aurait dû être transposée au 30 avril 2007. Notre retard nous a valu une mise en demeure et un avis motivé, qui sont les premières étapes avant l’amende et l’astreinte.

Par principe, nous devons respecter nos engagements européens. De surcroît, à la veille d’assumer la présidence de l’Union européenne, cette mise en conformité de notre droit paraît d’autant plus cohérente.

C’est pourquoi nous appuyons la suggestion formulée par notre rapporteur, Jean Bizet, et visant à compléter ce projet de loi par diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire, ce qui nous permet d’y intégrer, par voie d’amendements, la transcription d’autres directives européennes, à la double condition qu’elles traitent de l’environnement et que les délais de transposition aient expiré ou soient proches de leur échéance.

Le législateur connaît, de fait – vous le savez, madame le secrétaire d’État, pour avoir été parlementaire –, des impératifs de délais et de rédaction de la norme juridique qui ne sont pas toujours ceux du débat public.

Après ces propos liminaires, venons-en au texte qui nous est soumis.

Il s’agit de transposer la directive 2004/35/CE sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux.

L’exercice auquel nous nous livrons est très encadré puisque ce texte est l’aboutissement d’un long processus qui aura duré plus d’une dizaine d’années, tant à l’échelon européen qu’au niveau des différents États membres, et nous ne pouvons, dans le cadre imparti d’une transposition de directive, revenir sur les points qui ont fait l’objet des plus vifs débats et ont été, depuis lors, arbitrés.

Néanmoins, nous devons souligner que le résultat est en soi une première puisque cette directive reconnaît le principe de la réparation du dommage écologique « pur », en dehors de toute atteinte à des biens ou des personnes, c’est-à-dire les dommages infligés à la nature en tant que telle.

En cela, ce texte correspond à l’évolution des attentes de notre société, à la prise de conscience que des activités économiques peuvent sérieusement endommager l’environnement, à la plus grande préoccupation de nos concitoyens pour l’écologie, à leurs réactions plus vives face aux accidents qui abîment la nature et à une appréciation plus inquiète du risque, en particulier du risque industriel. Il s’inscrit dans le droit fil des conférences des Nations unies de Stockholm, en 1972, et de Rio, en 1992, ainsi que du concept de développement durable.

Contrairement à ce que pourrait laisser entendre l’intitulé du projet de loi, il ne s’agit pas de mettre en place un nouveau régime de responsabilité, civile ou pénale, il s’agit de définir un cadre destiné à réparer et à prévenir les atteintes aux milieux naturels.

Ainsi, à l’avenir et en application du principe pollueur-payeur, les dommages écologiques graves devront être anticipés et réparés, et des mesures de réparation seront imposées afin de permettre le retour des milieux naturels affectés au mieux dans l’état antérieur au dommage.

Il s’agit donc non pas de l’indemnisation financière d’une victime demanderesse, mais d’une réparation pour un bien considéré comme public ou collectif, réparation exigée de l’exploitant à la suite d’un fait générateur qui lui est imputable et d’un lien de causalité entre ce fait générateur et le dommage.

Le régime de responsabilité est double : sans faute pour les activités les plus dangereuses, avec faute pour les autres. Il s’applique aux dommages environnementaux et aux menaces imminentes de dommages.

Il n’est pas de mon propos de présenter ici les mécanismes sous-jacents à cet objectif ; notre rapporteur l’a excellemment fait tant dans son rapport que dans son intervention.

Je me contenterai de formuler plusieurs remarques.

D’abord, la directive a recours à de nombreux concepts qui méritent des définitions rigoureuses – par exemple, celles du dommage économique « grave », des services écologiques et de leur perte, le cas échéant, et de l’état initial– et le respect du principe de proportionnalité.

Il est, en outre, probable et souhaitable que la notion de responsabilité pour dommages infligés à la nature entraîne un changement d’attitude se traduisant par un degré de prévention et de précaution accru.

Ensuite, parce que la protection de l’environnement relève des prérogatives de la puissance publique, la directive renforce considérablement le rôle de « l’autorité compétente », dont le choix est laissé à chaque État membre. Dans notre pays, ce sera, dans la plupart des situations, le préfet.

Cette autorité est chargée, en particulier, de veiller au respect par l’exploitant de ses obligations, de décider des mesures de réparation nécessaires à partir des propositions dudit exploitant, de lui adresser des prescriptions spéciales lors d’un dommage environnemental imminent et de se substituer à lui dans des cas exceptionnels.

Ainsi, l’État ne se contentera plus d’un rôle d’autorisation et de contrôle : il pourra désormais conseiller et négocier avec les entreprises les mesures préventives ou réparatrices qu’elles doivent prendre.

Il se voit donc confier un rôle central de régulateur entre les intérêts économiques des exploitants et les droits individuels et collectifs de préservation d’un bien public, la nature.

C’est, à mon sens, l’aspect le plus novateur de la directive : est inscrite, en filigrane, une véritable nouvelle gouvernance qui plaide pour le renforcement des corps administratifs de contrôle en moyens humains et financiers, pour de nouvelles pratiques de dialogue, garantissant une procédure contradictoire entre les opérateurs, l’administration et les associations, ainsi que pour, très probablement, le recours à des experts extérieurs à l’administration.

Enfin, au moment de la préparation et de la négociation de la directive, il a été décidé que celle-ci n’obligerait pas les exploitants à souscrire de garantie financière. On peut comprendre les arguments qui ont présidé à ce choix.

Il n’en reste pas moins que la question de la couverture financière du risque est posée. Un régime assurantiel peut-il y faire face ? Ce n’est pas évident ! Qu’en est-il des fonds d’indemnisation ou de techniques financières innovantes ?

C’est la raison pour laquelle le rapport que la Commission européenne présentera au plus tard le 30 avril 2014 sera intéressant. Basé sur les rapports nationaux d’application de la directive, il permettra de formuler de nouvelles propositions, prenant en compte, nous l’espérons, l’expérience pratique de ces quelques années.

À un moment où la jurisprudence évolue, notamment par le jugement relatif au naufrage de et à la marée noire qu’il a provoquée, qui reconnaît pour la première fois l’existence d’un préjudice écologique résultant de l’atteinte portée à l’environnement, à un moment où l’Union européenne propose des sanctions pénales pour les délits les plus graves d’atteinte à l’environnement, le présent texte constitue une réelle innovation : il tente de concilier la protection de l’environnement, qui relève de l’intérêt général et du long terme, avec la liberté d’entreprendre et le développement des activités économiques, souvent industrielles.

Il va sans dire que nous apporterons notre entier soutien aux initiatives de notre collègue rapporteur, qui a justement proposé d’élargir ce projet de loi à la transposition d’autres directives environnementales. Ses amendements relatifs à la directive de 2004 sur la responsabilité environnementale permettent de se rapprocher au plus près du texte de la directive, notamment en ce qui concerne les définitions, et ce pour une plus grande sécurité juridique.

Dans ces conditions, le groupe UMP votera ce texte.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la directive sur la responsabilité environnementale a le mérite de reconnaître au niveau européen la nécessité de prévenir et de réparer les dommages environnementaux, dommages causés à des choses insusceptibles d’appropriation qui rendent des services vitaux à l’humanité.

Cette directive met en œuvre le principe pollueur-payeur dans son acception la plus avancée, puisqu’elle entend mettre à la charge de celui qui les rend nécessaires le coût des mesures de protection de l’environnement.

Ainsi, le texte communautaire s’écarte d’une lecture restrictive du principe qui imposerait uniquement au pollueur la réparation des dommages. Nous serons très attentifs au fait qu’au cours des débats cette option ne soit pas dénaturée par la possibilité d’acheter le droit de polluer, par exemple.

Cela étant dit, le projet de loi comme la directive restent imprégnés d’une vision libérale et manquent d’ambition par rapport aux objectifs qu’ils affichent.

Cette vision est partagée, semble-t-il, par le rapporteur qui « juge impératif de ne pas soumettre la France à des contraintes excessives qui entraîneraient des distorsions de concurrence importantes ».

Bien entendu, nous ne souscrivons pas à cette vision. Pour nous, les réglementations contraignantes sont normales. Elles sont aussi les moteurs pour accomplir des progrès. Elles ne constituent pas un handicap en soi. Ceux qui sauront prendre le train aujourd’hui seront les gagnants de demain, nous en sommes absolument convaincus.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Avant d’aborder le contenu très dense du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale, je voudrais dire quelques mots sur la procédure parlementaire choisie, qui en a dicté les modalités d’examen.

Le texte que nous examinons a été déposé au Sénat le 5 avril 2007. Il transpose en droit interne une directive du 24 avril 2004 sur la responsabilité environnementale relative à la prévention et la réparation des dommages environnementaux, transposition dont la date limite était fixée au 30 avril 2007.

Force est de constater le retard pris dans la transposition de cette directive, retard qu’on ne saurait raisonnablement justifier par un ordre du jour surchargé. La surcharge en question n’existe que par la volonté et les choix du Gouvernement.

Or cette mauvaise organisation du calendrier a de fâcheuses conséquences sur le travail parlementaire. En effet, comme plusieurs orateurs l’ont souligné, l’urgence a encore été déclarée, alors que la technicité des dispositions justifiait largement deux lectures.

De plus, la limite de dépôt des amendements a été fixée à lundi, à midi, alors que nous avons eu connaissance du rapport, document essentiel à la compréhension de la volonté majoritaire, seulement en fin de semaine dernière.

Enfin, nous regrettons vivement que la transposition de quatre directives, à savoir la directive 2005/35/CE du 7 septembre 2005 relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions de pollution, la directive 2002/3/CE du 12 février 2002 relative à l’ozone dans l’air ambiant, la directive 2004/107/CE du 15 décembre 2004 concernant l’arsenic, le cadmium, le mercure, le nickel et les hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l’air ambiant, enfin, la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 février 1998 concernant la mise sur le marché des produits biocides, se fasse via des amendements, sorte de cavaliers que nous découvrons une semaine avant les débats en séance et qui n’ont donné lieu à aucune audition.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

À l’heure des grandes déclarations sur le renforcement des pouvoirs du Parlement, permettez- moi de protester énergiquement !

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Sur le fond, il aura fallu une dizaine d’années à la Commission européenne pour adopter le projet de directive sur la responsabilité environnementale, preuve de la complexité du texte.

Quant à nous, nous devons nous contenter d’une semaine et de quelques minutes de temps de parole. Nos réflexions ne seront donc pas exhaustives.

Le texte communautaire issu d’une conciliation est déjà en retrait par rapport aux exigences qu’il eût été nécessaire d’avoir afin d’assurer une pleine responsabilité en matière environnementale.

Ainsi, le principe pollueur-payeur aurait pu être appliqué avec beaucoup plus de rigueur aux côtés d’un régime de garantie financière obligatoire et immédiat.

Rappelons que rien n’empêche la France, en vertu du principe de subsidiarité, de prendre des mesures plus contraignantes afin de garantir la mise en œuvre d’une politique forte en matière de développement durable, comme elle s’en est fixé officiellement l’objectif avec le Grenelle de l’environnement. Malheureusement, le projet de loi manque d’ambition au regard des enjeux de protection des sols, des eaux, des espèces et des habitats protégés.

En premier lieu, le texte reste flou sur un certain nombre de notions juridiques. Son champ d’application limité, les exonérations de responsabilité prévues sont autant de limites aux objectifs affichés.

L’article L. 161-1 fait allusion à des « dommages causés à l’environnement ». Conformément à l’article 2.2 de la directive, il fait référence à des « modifications négatives mesurables affectant gravement » les sols, eaux, espèces et milieux naturels.

Qu’entendez-vous par là exactement, madame la secrétaire d’État ? Je suppose que vous allez nous donner des précisions. La réponse à cette question est importante, car elle détermine en grande partie l’efficacité du dispositif. Il nous semble que la seule mention de dommages aurait suffi.

Ensuite, le dommage causé au sol n’est concerné que dans la mesure où la pollution aurait un risque d’incidence « négative grave » sur la santé humaine. Il paraît anormal d’écarter du dispositif toutes les autres pollutions des sols sous le prétexte qu’elles ne nuiraient pas gravement à la santé de l’homme.

Nous reviendrons dans le débat sur la limitation du champ d’application du dispositif. Nous avons d’ailleurs déposé des amendements afin d’apporter des corrections.

L’article L. 161-1 transpose également les exceptions prévues par la directive dans les cas où la responsabilité ou l’indemnisation est prévue par une convention internationale. Nous exposerons lors des débats pourquoi cette limitation ne se justifie pas et pourquoi nous demandons sa suppression.

En second lieu, je voudrais insister sur la notion d’ « exploitant ». Ce point est pour nous la pierre angulaire du dispositif. Le groupe communiste républicain et citoyen, je le dis clairement, demande que la responsabilité des sociétés mères puisse être engagée.

Le projet de loi prévoit un texte flou qui n’exclut pas cette possibilité, sans l’affirmer pour autant. Je reviendrai plus en détail, lors des débats, sur l’exemple de Metaleurop. S’il n’est pas possible d’engager la responsabilité des sociétés mères, celles-ci vont créer des filiales auxquelles elles vont apporter les outils utiles à l’activité. On aura des scissions de société et des apports partiels d’actifs. Tant qu’il n’y a pas d’accident grave, les bénéfices des filiales remontent à la société mère sous forme de dividendes.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

En cas de dommage environnemental, cette dernière ne sera pas concernée, la filiale pourra être liquidée, et les moyens dégagés risqueront de ne pas être à la hauteur des réparations nécessaires. Nous déposerons donc un amendement visant à corriger cette imperfection.

À ces limites matérielles s’ajoutent des limites temporelles. En effet, l’article L. 161-5, conformément à l’article 17 de la directive, pose le principe de la prescription trentenaire. Les demandes de réparation resteront lettre morte lorsque plus de trente ans se seront écoulés depuis l’émission, l’événement, ou l’incident ayant causé le dommage.

Cette disposition présente l’inconvénient majeur de dédouaner l’exploitant peu scrupuleux qui aurait caché avec succès un tel événement. De plus, elle sera difficile à appliquer pour les pollutions multicausales. Nous avons déposé un amendement pour que le point de départ de cette prescription soit porté au jour où le titulaire d’un droit a ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Venons-en maintenant au chapitre II relatif au régime. La section 1 pose les principes du régime de responsabilité sans faute pour les activités les plus dangereuses et avec faute pour les autres, mais uniquement pour les dommages aux espèces et habitats naturels. Qu’en est-il des sols ? La liste des activités professionnelles dont la responsabilité peut être engagée au regard du risque est fixée par décret en Conseil d’État ; au moins faudrait-il que cette liste ne soit pas considérée comme exhaustive.

L’article L. 162-4 précise qu’une personne victime d’un dommage ne peut en demander réparation sur le fondement du présent titre et exclut, entre autres, les actions des associations de défense de l’environnement. Nous souhaitons que la loi indique expressément que cette exclusion ne vaut pas pour les autres régimes de responsabilité en vigueur.

Je voudrais évoquer ici, eu égard au rôle remarquable des associations de défense de l’environnement, la question des lanceurs d’alerte. Il nous semble utile de mettre en place un statut afin de protéger les scientifiques et les employés d’entreprise qui avertissent le public des dangers éventuels de certaines activités, produits, etc.

Au-delà des déclarations de principe contenues dans le projet « Grenelle I », nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement sur cette question.

Par ailleurs, qu’il s’agisse de la section sur les mesures de prévention ou de réparation des dommages, ou de la sous-section relative à la mise en œuvre des mesures de prévention ou de réparation, les dispositions sont à la fois imprécises, insuffisantes et laissent, selon nous, trop de marges de manœuvre à l’exploitant. La prévention est limitée par l’existence d’une menace imminente. On est donc loin des mesures de prévention, qui devraient être encouragées dans n’importe quelle activité présentant un risque pour l’environnement.

Le projet de loi n’apporte pas de solutions à la question de l’évaluation des dommages ; il n’aborde pas la nécessité de garantir une expertise indépendante et impartiale. Au contraire, il ouvre la possibilité pour l’autorité administrative de demander à l’exploitant de procéder à sa propre évaluation. Ne risque-t-on pas, face au manque de moyens, de valider sans autre contrôle une telle évaluation ?

Cela me conduit à évoquer la section 3 relative aux pouvoirs de police administrative reconnus au préfet.

Les nouvelles missions du préfet, chargé de conseiller et de négocier avec les entreprises les mesures préventives ou réparatrices, supposent des compétences et des pouvoirs qui, jusque-là, ne lui étaient pas dévolus. Or le texte ne dit rien des moyens qui seront mis en œuvre afin de renforcer les corps de contrôle, dont le rôle sera primordial pour l’application des nouvelles mesures.

Enfin, les dispositions relatives au coût des mesures de prévention et de réparation nous semblent, et c’est un euphémisme, perfectibles.

Le patronat a ainsi obtenu satisfaction en matière d’exonération de l’exploitant pour « risque de développement ». Il est précisé que l’exploitant ne supporte pas les coûts de réparation lorsqu’il apporte la preuve qu’il n’a pas commis de faute et que le dommage résulte d’une activité qui n’était pas considérée comme susceptible de causer des dommages à l’environnement compte tenu de l’état des connaissances scientifiques au moment du fait générateur.

Nous souhaitons la suppression de cette disposition. Il est, en effet, difficile d’établir l’état des connaissances scientifiques à un moment donné, notamment lors d’un procès qui pourra se dérouler plusieurs années après les faits. Dans certains cas, on se sait plus très bien quelle était la législation en vigueur à l’époque et les textes sont parfois difficiles à retrouver.

Sous le bénéfice de toutes ces remarques qui, je le répète, sont loin d’être exhaustives, le groupe communiste républicain et citoyen réserve son vote à la prise en compte des amendements qui viseront à renforcer les dispositifs mis en place.

Cela étant dit, je tiens, d’ores et déjà, à réitérer notre fort attachement à la question de la responsabilité des sociétés mères.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un projet de loi relatif à la responsabilité environnementale, qui est en fait la transcription en droit français d’une directive européenne d’avril 2004 qui aurait dû être transposée en avril 2007.

Dans le même temps, il nous est proposé plusieurs autres transcriptions de diverses directives européennes par voie d’amendements parlementaires concernant l’arsenic, le cadmium, l’ozone dans l’air ambiant, le quota d’émission de gaz à effet de serre, la pollution causée par les navires, le marché des produits biocides, ou encore le règlement REACH sur les 30 000 substances chimiques, enregistrement, évaluation et autorisation.

Toutes ces questions sont d’une extrême importance ; elles touchent à la vie de notre planète et peuvent avoir un impact sur la santé de nos concitoyens et des travailleurs exposés quotidiennement aux substances chimiques, par exemple.

Nous sommes donc nombreux, ma collègue Odette Herviaux, bien d’autres sénateurs et moi-même, à nous étonner de la précipitation avec laquelle vous nous proposez ces textes, madame la secrétaire d’État. Ce n’est pas de cette manière que l’on respecte le pouvoir parlementaire, et encore moins l’opposition politique qui n’a eu que quelques jours, voire quelques heures pour assimiler et comprendre les répercussions de ces mesures.

Cela me paraît tout à fait dommageable eu égard aux espoirs soulevés par la vraie concertation menée dans le cadre du Grenelle de l’environnement. Nous avons, de plus, le sentiment que vous nous avez proposé une transposition a minima afin que ses impacts en droit français soient réduits au minimum.

Je ne prendrai que l’exemple du principe pollueur-payeur, qui méritait une réflexion beaucoup plus approfondie, d’autant que l’on a déjà bien du mal, chacun peut le constater, à l’appliquer dans le domaine de la politique de l’eau, ce principe étant trop souvent contourné par l’existence de conditions d’exonération de responsabilités beaucoup trop extensives.

L’intérêt de ce projet de loi est, bien sûr, de présenter l’arsenal juridique des mesures de prévention et de réparation assorties de la possibilité de mesures compensatoires. De ce point de vue, il constitue donc une avancée significative et positive. L’objectif est bien de définir une compétition vertueuse de la part des acteurs économiques pour polluer moins et de proposer une réglementation environnementale avec les sanctions qui s’y rattachent.

Il ne faut pas oublier qu’un tiers des plaintes et des cas d’infractions en instance relatifs à des manquements à la législation européenne concernent ce domaine particulier ; c’est dire si le sujet est brûlant et explosif.

Il importe que les entreprises connaissent leurs droits et leurs devoirs en matière environnementale. D’ailleurs, nombre d’entre elles ont d’ores et déjà entamé cette démarche responsable en acceptant, notamment, de se soumettre à la norme ISO 14001. Même si l’on peut estimer que ce système est peu contraignant en ce qu’il appelle plus à une obligation de moyens que de résultats, il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’une norme grâce à laquelle les entreprises affichent une responsabilité environnementale.

Cela étant dit, il subsiste, il faut bien le reconnaître, une petite minorité d’entrepreneurs qui ne jouent pas le jeu, perturbant ainsi les lois de la concurrence, et dont les comportements environnementaux sont déloyaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

C’est pourquoi toute réglementation doit être assortie de sanctions qui, je l’espère, joueront un rôle dissuasif.

Ce texte soulève quelques interrogations.

En premier lieu, on passe de la responsabilité fondée sur la faute individuelle à une responsabilité reposant sur l’idée du risque et de la sécurité, ce qui, de mon point de vue, est très judicieux. Toutefois, ce virage suppose que les marges d’incertitudes scientifiques soient les plus minces possibles, que les savoirs et les expertises soient partagés par toutes les forces vives de la nation, afin de gérer au mieux ces risques inhérents à toute activité humaine que sont les risques sanitaires, les risques industriels et les risques environnementaux.

En deuxième lieu, il convient, pour que cette législation soit applicable, que les pouvoirs politiques et judiciaires soient en mesure d’échapper à la pression des groupes d’intérêt, les lobbies, qui ne poursuivent que leur intérêt propre sans penser au bien public. Or j’ai parfois le sentiment que la rédaction, à Bruxelles, d’un certain nombre de directives européennes est fortement influencée par ces lobbies.

En troisième lieu, il importe de prendre en compte, dans le même temps, une demande forte, croissante, de sanctions, de réparations assorties d’indemnisations, dans une société de méfiance où le contentieux tient souvent lieu de lien social. Il nous faut donc tenir un discours simple, perceptible par tous nos concitoyens, et élaborer une législation claire. Or je ne suis pas sûr que ces textes répondent complètement à cette préoccupation.

La peur du renouvellement de grandes catastrophes, telle que celle de Bhopal, en Inde, en décembre 1984, lorsque quarante tonnes de gaz se sont répandues dans l’atmosphère, provoquant plus de 4 000 décès dans une ville de plus de 600 000 habitants, ou encore les échouages répétés de pétroliers avec leur cortège de pollutions marines, font que la société demande aujourd’hui des comptes aux responsables de telles catastrophes, par le biais de réparations et de sanctions.

Cela ne doit pas pour autant brider l’innovation et la recherche. Il faut donc trouver un équilibre judicieux qui permette aux activités économiques de se développer, mais dans le respect absolu des normes environnementales.

Or nous savons aujourd’hui que cet équilibre harmonieux est loin d’être acquis. Il suffit de constater la poursuite des processus de dégradation des sols en termes de réserve organique – à cet égard, j’espère que la directive européenne actuellement en préparation paraîtra rapidement pour qu’elle puisse être transcrite en droit français –, ou encore la dégradation de la qualité de l’eau dans certains champs captants par les nitrates et les pesticides, exemples parmi bien d’autres que je pourrais citer pour illustrer mon propos. Il est nécessaire que chacun, dans les actes quotidiens de sa vie, se sente responsable et que toute transgression tombe sous le coup d’une sanction, afin que les normes environnementales soient totalement respectées.

Il convient donc de réfléchir à une cohésion plus grande du droit environnemental.

L’accumulation de textes devient une entrave à leur applicabilité. Au niveau européen, ce sont ainsi 200 directives, 708 textes, dans lesquels le droit reste trop souvent imprécis et le vocabulaire approximatif, ce qui implique des ajustements permanents qui sont d’ailleurs le plus souvent actés par la jurisprudence.

En conclusion, si le texte qui nous est soumis constitue une certaine avancée, personnellement, je reste sur ma faim. On aurait pu aller plus loin et je suis persuadé que nous devrons un jour revenir sur l’ensemble de ces dispositions. (Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi arrive enfin en première lecture devant le Sénat. Il représente un pas supplémentaire vers une meilleure conformité de notre législation aux normes communautaires environnementales et surtout il constitue une avancée sensible en faveur du principe de réparation du dommage écologique pur.

Toutefois, ce texte n’est pas facile d’accès. Notre assemblée ayant le redoutable privilège de l’examiner en premier, il faut savoir gré à la commission des affaires économiques et à son rapporteur, Jean Bizet, de nous avoir éclairés efficacement sur sa portée et sur les marges de manœuvre dont nous disposons dans le cadre de la transposition de la directive.

Le travail parlementaire, cela a été dit, est extrêmement contraint. Un délai supplémentaire n’aurait pas été superflu, notamment pour examiner les quarante-six amendements portant sur des sujets aussi divers que la lutte contre l’effet de serre, le renforcement de la répression de la pollution marine, la qualité de l’air, les produits biocides et autres dispositions diverses d’adaptation au droit communautaire de l’environnement.

Permettez-moi ici de saluer cette volonté forte de mise en conformité avec les directives européennes, même si je tiens aussi à dire que le respect du droit communautaire n’est pas forcément, et surtout pas uniquement, un problème de transposition. Le plus souvent, en effet, il s’agit d’une question d’application effective du droit de l’Union dans un contexte où l’Europe nous laisse le choix des moyens, mais nous impose une obligation de résultat. J’aurai l’occasion, dans les prochaines semaines, de refaire le point sur les contentieux en cours et les risques financiers qu’ils feraient courir à la France si celle-ci venait à être condamnée.

Le texte qui nous est soumis aujourd’hui sur la responsabilité environnementale définit un régime novateur, qui dépasse le cadre traditionnel de la responsabilité civile, la responsabilité pénale, ou même la responsabilité administrative.

La responsabilité environnementale consacre la réparation du dommage écologique pur causé aux biens communs comme l’eau, l’air, la faune ou la flore, là où les avancées législatives permettaient difficilement de dépasser la simple couverture du préjudice causé aux personnes et aux biens.

Nous sommes là en présence d’une application juridique opérationnelle du principe de réparation et du principe de prévention, inscrits tous deux dans la Charte de l’environnement adossée à notre Constitution.

La responsabilité environnementale participe également à l’application du principe pollueur-payeur, même si ce dernier ne se superpose pas complètement au principe de réparation.

Aujourd’hui, nous devons déterminer précisément les paramètres de ce nouveau régime de responsabilité. À quels biens environnementaux s’appliquera-t-il ? Pour quel type de dommages ? Quels seront les opérateurs économiques concernés ? Le dommage devra-t-il être réparé même si le pollueur n’a commis aucune faute ? Quelles sont les obligations qui pèseront sur les acteurs économiques, en termes de prévention et de réparation ?

La directive laisse des marges de manœuvre, s’agissant notamment des exonérations possibles ou de la question des instruments de garanties financières.

La commission des affaires économiques a été préoccupée par les risques de distorsion de concurrence que pourrait faire peser sur nos entreprises un régime trop contraignant. Elle a été soucieuse d’établir « un compromis satisfaisant entre exigences économiques et protection des milieux naturels ».

Cette préoccupation est légitime, mais je considère que le champ d’application du texte est trop restreint, les causes d’exonération trop nombreuses et le système de garanties financières inexistant.

C’est pourquoi je défendrai trois amendements.

Le premier vise à inclure les activités nucléaires et le transport d’hydrocarbures dans le champ de la responsabilité environnementale. En effet, une harmonisation efficace à l'échelle nationale implique de prendre en compte l’ensemble des activités à risque et de ne pas en affranchir certaines au simple motif qu’elles font l’objet de conventions internationales.

Le deuxième amendement tend à remettre en cause la théorie dite « du risque de développement ». La responsabilité de l'exploitant doit être reconnue même si le risque n'est pas totalement identifié au moment des faits. Il s'agit tout simplement de décliner le principe de précaution.

Enfin, un troisième amendement a pour objet d’instaurer un système de provisionnement pour risques au sein des entreprises. En effet, un dispositif de garanties financières, ou d’assurances, aurait l’immense mérite de contraindre les entreprises à attribuer un prix aux dommages environnementaux qu’elles sont susceptibles de générer. Il permettrait de prévenir l’intervention des fonds de l’État ou des collectivités territoriales en dernier ressort, mais aussi de faire entrer les entreprises dans un cercle vertueux où la prise en compte du coût d’un dommage encourage à réduire ce dernier.

Par ailleurs, je m’opposerai à l’amendement de la commission des affaires économiques qui vise à simplifier la définition de l’exploitant par le biais d’une référence à la notion d’activité économique effective. En effet, une telle disposition aurait pour effet d’exonérer les sociétés mères, qui ne doivent pas se voir exemptées de toute responsabilité : dans son discours de clôture des travaux du Grenelle de l’environnement, le Président de la République lui-même s’était engagé à soutenir le principe de la reconnaissance de la responsabilité des sociétés mères à l’égard de leurs filiales en cas d’atteintes graves à l’environnement.

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, voilà les quelques réflexions et propositions que je souhaitais formuler à propos de ce projet de loi, afin que nous puissions mieux progresser dans la reconnaissance de la réparation du dommage écologique.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner le projet de loi visant à transposer en droit national la directive relative à la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux.

Cette directive du 21 avril 2004 arrive au terme d’un long processus législatif communautaire : il aura fallu attendre une quinzaine d’années pour que l’Union européenne se dote enfin d’une législation relative à une telle responsabilité ; les catastrophes de l’Erika ou du Prestige avaient malheureusement démontré le vide juridique en la matière, donc la nécessité de ces mesures.

La France, coutumière des retards, attendra encore une année pour transposer ladite directive ; elle devait en effet le faire au plus tard le 30 avril 2007. À l’approche de la présidence française de l’Union européenne, il était plus que temps de nous mettre en conformité avec le droit communautaire à ce sujet. Et nous ne pouvons que nous réjouir que la France intègre enfin dans son droit national une réglementation strictement fondée sur le principe pollueur-payeur.

Je déplore néanmoins le délai très court – une semaine ! – dans lequel le Gouvernement nous demande d’examiner ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Une fois encore, c’est dans l’urgence que vous nous soumettez un projet de loi, nous privant du même coup, à propos d’un texte important qui engage notre responsabilité vis-à-vis des générations futures, d’une expertise qui nous aurait été précieuse, ainsi que de la consultation des associations œuvrant dans le champ de la protection de l’environnement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Permettez-moi de vous dire qu’il ne s’agit pas là d’une façon sérieuse de travailler, sauf à considérer que les parlementaires n’ont d’autre rôle que d’enregistrer.

Cette méthode est critiquable. Je tiens d’ailleurs à évoquer le refus catégorique du Gouvernement de décaler, ce qui aurait répondu à la demande de diverses associations, la date d’examen de ce projet de loi sur la responsabilité environnementale.

Pour citer notre collègue rapporteur à double visage, M. Jean Bizet (M. le rapporteur s’étonne.), « on est un peu bousculé » ! Vous me demanderez sans doute, mes chers collègues, pourquoi je dis « à double visage » ?

Oui ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

C’est parce qu’il est tout de même cocasse que le rapporteur d’une loi aussi irresponsable sur le plan écologique et environnemental que la loi OGM exerce les mêmes responsabilités s'agissant d’un texte sur la responsabilité environnementale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je ne puis donc que dénoncer la volonté du Gouvernement de déclarer l’urgence sur ce texte. Notre retard ne justifiait pas une telle précipitation !

Madame la secrétaire d'État, comment travaillez-vous au ministère de l’environnement ? Pour ma part, je croyais naïvement, comme tous les Français sans doute, que dans votre administration un responsable était chargé de réfléchir …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… à ces questions, qu’il vous avertissait quand le délai de transposition d’une directive arrivait à son terme et vous rappelait d’associer à votre démarche les parlementaires, puisque nous sommes en démocratie.

Or ce n’est pas du tout le cas : vous agissez dans l’urgence ! C’est à croire qu’en regagnant votre bureau, après un colloque ou une réunion du Grenelle de l’environnement, vous ouvrez un tiroir et vous vous exclamez : « Ah, Jean-Louis, il y a là une directive que nous devons transposer ! »

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

On attendrait tout de même un peu plus d’organisation de votre part !

Ce texte, tel qu’il a été amendé par la commission, conduira à transposer non pas une, mais cinq directives. J’aurais aimé que ceux qui exercent le pouvoir législatif puissent se prononcer avec le recul nécessaire à la bonne étude des projets de lois.

Certes, cette opération de transposition massive a l’avantage d’apurer les contentieux communautaires dans lesquels la France se trouve partie prenante, et il semble cohérent que notre pays, à la veille d’exercer la présidence de l’Union européenne, se mette en conformité avec les obligations résultant du droit communautaire dans un domaine qui apparaît comme une priorité gouvernementale.

Toutefois, monsieur le rapporteur, je constate que ce projet de loi se contente de transposer la directive a minima, sans aller au-delà des objectifs et exigences qu’elle définit.

Dans une logique de responsabilité, de responsabilisation et de développement durable, il est indispensable, notamment, que les atteintes à l’environnement donnant lieu à des dommages soient clairement définies, en intégrant la biodiversité et la santé publique, de même que leur réparation. Cette dernière se trouve quelque peu niée dans le texte, ce qui est contraire à l’esprit des directives, qui la prévoient explicitement. Protection doit rimer avec réparation !

C’est tout le dispositif de responsabilité qui mériterait d’être précisé. Une clarification dans ces domaines s’impose : comment établir un régime de responsabilité sans prévoir et articuler les modalités de contrôle et de dépollution adéquates ?

En ce sens, le projet de loi témoigne bien plus d’une volonté d’effectuer une simple transposition administrative de la directive que d’en assurer l’application littérale sur le fond. Madame la secrétaire d'État, où sont donc passés les beaux discours du Grenelle de l’environnement ?

Je vous rappelle que la directive nous soumet à une obligation de résultats et non de moyens. Nous devons donc saisir cette occasion pour inscrire dans notre droit interne un dispositif clair, lisible, exhaustif et irréprochable de mise en œuvre de la responsabilité environnementale. Ce serait un signe fort de notre volonté d’instaurer des outils juridiques renforcés, allant au-delà des standards imposés par la directive, qui permettront d’enrayer l’impunité en matière d’atteinte à l’environnement.

À mon sens, c’est ainsi que nous pourrons réellement lutter contre ce que l’on pourrait appeler la « délinquance environnementale ». Les amendements que j’ai déposés avec mes collègues Verts s’inscrivent dans cette logique.

Enfin, permettez-moi de saluer l’adoption par le Parlement européen, le 21 mai 2008, de la proposition de directive européenne sur le droit pénal environnemental, qui constitue une grande première, à de multiples titres.

La transposition que nous serons amenés à en faire complétera utilement le projet de loi que vous nous soumettez. J’ose espérer qu’en France l’État fera face, cette fois, à ses responsabilités, en associant de façon plus démocratique ses parlementaires.

Après la tenue du Grenelle de l’environnement, la société attend du ministre de l’écologie autre chose que de la précipitation et qu’un texte a minima complété à la va-vite par le rapporteur. L’écologie, c’est l’occasion d’anticiper, de prévoir.

Madame la secrétaire d'État, de l’élan, du souffle, de la créativité, de l’audace ! Soyez mobilisatrice, et ne vous contentez pas de transpositions a minima. Pour faire face aux défis écologiques, nous avons besoin d’une vision novatrice.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État

Mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai aux questions les plus techniques tout à l'heure, au cours de l’examen des articles, et me contenterai à ce stade de vous livrer quelques observations générales.

De nombreux intervenants ont insisté sur la complexité et la technicité du texte et sur les conditions de son examen, qui rendrait son appréhension plus difficile.

Il est vrai que notre souhait de transposer avant la présidence française de l’Union européenne l’ensemble des directives qui restent en souffrance a conduit à accélérer le processus. Néanmoins, monsieur Desessard, je tiens à rappeler que le présent projet de loi relatif à la responsabilité environnementale a été déposé sur le bureau du Sénat le 5 avril 2007 et qu’il a donné lieu à une très large concertation depuis lors. Le projet de décret d’application a été mis en ligne et de nombreux colloques et manifestations organisés. Bref, le caractère technique de cette directive est incontestable, mais nous avons laissé tout le temps nécessaire pour le débat.

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État

On aurait pu souhaiter, comme l’ont fait plusieurs orateurs – et je comprends très bien leur point de vue – que le champ d’application de cette directive soit élargi. Il est vrai que, depuis quinze ans, des réflexions sont menées en ce sens, comme l’a souligné notamment M. Soulage.

Cela dit, ce projet de loi constitue un texte de compromis. Lorsqu’on identifie des notions nouvelles d’une telle importance et que l’on met en place des dispositifs aussi innovants, il est raisonnable d’avancer avec prudence. Notre projet de loi s’efforce en tout cas d’être équilibré, comme la commission des affaires économiques a bien voulu le reconnaître dans son rapport.

C’est d'ailleurs au nom de cet équilibre que nous n’avons pas jugé opportun, à l'occasion de cette opération de transposition, de dépasser le cadre prévu par la directive, s'agissant en particulier de la définition de l’exploitant, quand bien même cette question pouvait se poser, je le reconnais.

Plusieurs orateurs, notamment Mme Keller, ont évoqué la possibilité de mettre en cause la responsabilité des sociétés mères en cas de dommages environnementaux. Il est vrai qu’il s'agit de l’une des conclusions du Grenelle de l’environnement et qu’une réflexion est actuellement menée sur cette question.

L’article 43 du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, qui vous sera prochainement soumis, mesdames, messieurs les sénateurs, permettra d’engager un débat sur ce thème. Cela étant, je comprends que l’on puisse trouver paradoxal que les dispositions de cet article ne puissent d'ores et déjà être adoptées à l'occasion de l’examen de ce projet de loi.

Toutefois, un tel élargissement de responsabilité dépasse le cadre national. Comme le Président de la République l’a indiqué, le débat devra être porté à l'échelle communautaire et internationale. Je le répète, le présent projet de loi vise à transposer une directive, et il ne nous a pas paru judicieux d’étendre ainsi le champ de la discussion.

Enfin, s’agissant des dommages couverts par certaines conventions internationales – la question a été posée par Fabienne Keller –, s’écarter du parti pris qui sous-tend la directive européenne ne serait pas conforme aux engagements internationaux de la France ; j’y reviendrai au cours du débat, mais le Gouvernement a préféré ne pas aller au-delà.

D’autres options existent, que nous n’avons pas retenues. Je pense, par exemple, à la possibilité d’exonération de l’exploitant pour « risque de développement », qu’ont évoquée Évelyne Didier, Paul Raoult et Fabienne Keller, me semble-t-il. Cette disposition est strictement encadrée par des conditions cumulatives. Nous avons choisi d’inciter les exploitants à faire preuve de prudence, tout en ménageant l’innovation. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des articles, mais la position du Gouvernement semble équilibrée.

Telles sont les observations générales que je souhaitais formuler, mesdames, messieurs les sénateurs. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je répondrai aux questions plus techniques lors de l’examen des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi, par MM. Repentin et Raoult, Mme Herviaux, M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 122, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires économiques le projet de loi relatif à la responsabilité environnementale (288, 2006-2007).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Même avec la réforme des institutions ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Thierry Repentin, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, plusieurs raisons nous poussent aujourd’hui à proposer le renvoi à la commission de ce projet de loi pour un examen plus approfondi.

Compte tenu du caractère très technique des dispositions de ce texte – vous l’avez souligné, madame la secrétaire d'État – et de l’enjeu que représente aujourd'hui la transposition dans notre droit du principe pollueur-payeur, il y a lieu de renvoyer ce projet de loi à un examen minimal par la commission des affaires économiques. L’urgence décrétée n’est pas digne d’un débat de cette nature. Contrairement à ce qui a été affirmé en commission, le Sénat n’a pas pris le temps d’adapter aux réalités d’aujourd’hui le texte qui avait été préparé par Mme Nelly Olin.

Il est vrai que le délai de transposition de la directive était fixé au 30 avril 2007. Avez-vous manqué de temps pour inscrire ce sujet à l’ordre du jour ou bien n’était-il tout simplement pas prioritaire jusqu’à aujourd’hui ? Et, dans ce cas, n’auriez-vous pas pu, au ministère, faire en sorte que ce projet de loi nous soit proposé remanié et adapté aux ambitions d’aujourd’hui ?

M. Jean Desessard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Il y aurait lieu de travailler plus longuement sur toutes les dispositions que contient ce texte, comme il y aurait lieu de regarder à deux fois les propositions de transposition que vous nous soumettez, monsieur le rapporteur.

Ce projet de loi, déposé devant le Sénat en 2006, donc voilà deux ans, vise à transposer la directive sur la responsabilité environnementale, dite « pollueur-payeur », en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux. Toutefois, alors que vous auriez pu proposer à la représentation nationale un texte retravaillé pour être plus conforme aux nouvelles convictions environnementales de votre majorité, madame la secrétaire d'État, vous nous servez sur un plateau le même texte qu’il y a deux ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Demander le renvoi à la commission d’un texte connu depuis deux ans peut sembler curieux, mais bien des choses se sont passées durant ce laps de temps.

D’abord, aucune alternance n’est venue troubler les travaux des administrations centrales. Vous auriez donc pu vous ranger à l’idée que l’adjonction d’un titre VI au code de l’environnement, sans aucune autre modification significative, ne suffisait pas à nous faire croire que le principe pollueur-payeur deviendra demain une réalité.

Ensuite, a été organisé le Grenelle de l’environnement, à l’occasion duquel le principe pollueur-payeur et la responsabilité environnementale ont été largement évoqués.

Vous voulez aujourd’hui nous faire transposer en urgence un texte identique, qui nie littéralement les conclusions du Grenelle de l'environnement et qui ne répondra qu’à une seule exigence : permettre à la France d’être exemplaire aux yeux des Européens à la veille d’exercer la présidence de l’Union européenne ; vous l’avez concédé dans votre intervention liminaire, madame la secrétaire d'État.

Pensez-vous que la France puisse devenir exemplaire après seulement deux jours de débat sur un texte qui consiste à minimiser autant que possible l’impact de la mise en œuvre concrète du principe pollueur-payeur dans notre pays ?

En France, nous tergiversons depuis des années autour de ce principe sans jamais le rendre concret. À chaque fois, d’ailleurs, c’est la droite qui nous propose des succédanés. Déjà la loi du 2 février 1995, dite « loi Barnier », avait modifié le code de l’environnement pour y introduire cette notion. Ainsi, l’article L. 110-1 du code de l’environnement dispose : « I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.

« II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion [...] s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, [du] principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur... »

Nous sommes précisément dans ce cadre aujourd’hui : la discussion d’une loi qui définit la portée du principe pollueur-payeur. C’est au travers de ce texte que vous souhaitez rendre concret l’article 4 de la Charte de l’environnement inscrite dans la Constitution depuis 2005 : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi. » Mais de quel environnement s’agit-il ? Des seuls espèces et habitats naturels protégés ? Certainement pas !

Toutefois, le présent projet de loi limite la portée du principe pollueur-payeur à cette vision très restrictive de l’environnement.

Au cours des débats sur le Grenelle de l’environnement, plusieurs groupes se sont préoccupés de la mise en œuvre de ce principe, à tel point que l’avant-dernier alinéa de l’article 43 du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, que le ministre de l’écologie et du développement durable nous a présenté le 29 avril dernier, précise : « De plus, la France portera au niveau communautaire le principe de la reconnaissance de la responsabilité des sociétés mères à l’égard de leurs filiales en cas d’atteinte grave à l’environnement. Elle défendra ces orientations au niveau international ».

Or le texte que nous sommes appelés à examiner aujourd’hui ne reprend pas exactement la définition de l’exploitant prévue par la directive ; il limite donc la responsabilité des sociétés mères et actionnaires sur les dommages causés par leurs entreprises filiales et dépendantes. C’est tout le contraire de ce que souhaite ou dit souhaiter le Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Le projet de loi qui nous est soumis, tout en se référant au Grenelle de l’environnement, serait-il moins ambitieux que le prochain, et ce alors même qu’il entend rendre la France exemplaire ? Vous avouerez que la posture est étonnante !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Étonnante, votre méthode l’est aussi ! Et s’il n’est pas d’usage de fonder une motion de renvoi à la commission sur les amendements déposés sur un texte, encore moins sur des amendements gouvernementaux qui ne sont pas encore connus, je me permets néanmoins de le faire ici, exceptionnellement.

En effet, au moment où le travail du Parlement est regardé de près, travail que l’on dit même, dans certains cénacles, vouloir revaloriser, et alors que le Sénat doit souvent se battre pour faire reconnaître son utilité dans le processus législatif, vous admettrez que nos conditions d’examen de ce texte sont véritablement inadmissibles.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez présenté, le 21 mai dernier, soit moins de huit jours avant le début de l’examen en séance publique, quatre amendements qui visent à transposer d’autres directives et qui, avez-vous indiqué, n’étaient pas polémiques. Vous avez dit avoir pris la précaution de convier les sénateurs à une réunion – un peu informelle, il faut le préciser – pour discuter des autres textes qui pourraient être transposés à l’occasion du débat qui nous réunit aujourd’hui, et ce par un courrier en date du 7 mai. Or c’était la veille d’un long week-end de cinq jours ; ce n’est donc que le 13 mai que le président de notre groupe a reçu ce courrier, qu’il nous a transmis aussitôt. Par conséquent, nous avons eu connaissance de cette invitation au mieux la veille du jour de la réunion.

Au cours de cette réunion informelle, où vous étiez bien seul, monsieur le rapporteur – vous étiez entouré de quatre sénateurs socialistes – nous avons appris que ce texte, qui comporte actuellement cinq articles, pourrait en comprendre une quinzaine.

Vous vous êtes interrogé sur l’opportunité de transposer un certain nombre de directives : premièrement, la directive concernant l’arsenic, le cadmium, le mercure, le nickel et les hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l’air ambiant et la directive relative à l’ozone dans l’air ambiant ; deuxièmement, la directive établissant un système d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre ; troisièmement, la directive relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions ; quatrièmement, la directive concernant la mise sur le marché des produits biocides ; cinquièmement, la directive relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques ; sixièmement, enfin, certaines dispositions du règlement concernant les polluants organiques persistants.

Je m’appesantis sur la méthode que vous avez suivie, parce qu’elle n’est pas commune et qu’elle pose question au parlementaire que je suis. En effet, nos interlocuteurs représentant le MEDAD nous avaient indiqué, à l’occasion de cette rencontre informelle, qu’aucune mesure n’était polémique : il s’agissait simplement d’être au clair sur l’Europe avant la présidence française. Or, depuis, nous nous sommes aperçus que deux directives avaient déjà été transposées : la directive concernant la mise sur le marché des produits biocides a été totalement transposée en 2001 et la directive relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques, dite « D3E », l’a été récemment par une série de décrets.

Quant à ce que vous considérez être une transposition de la directive relative à la pollution causée par les navires et à l’introduction de sanctions en cas d’infractions, monsieur le rapporteur, l’amendement que vous nous présentez est en fait une anticipation des dispositions d’une directive à venir. Sur ce point, il n’y a donc pas d’urgence, mais j’y reviendrai.

L’ordonnance n° 2001-321 du 11 avril 2001 relative à la transposition de directives communautaires et à la mise en œuvre de certaines dispositions du droit communautaire dans le domaine de l’environnement a transposé en totalité la directive concernant la mise sur le marché des produits biocides. Il s’agissait de créer un cadre réglementaire en ce qui concerne la mise sur le marché des produits biocides – littéralement, qui tue la vie – tout en assurant une protection de l’homme, des animaux et de l’environnement. Ces dispositions composent aujourd’hui un chapitre du code de l’environnement.

Dans ces conditions, vous comprendrez que nous nous posions la question de savoir ce qu’apporte l’amendement 45 de la commission au code de l’environnement. Le principal argument que vous avez avancé, monsieur le rapporteur, serait la simplification de la procédure. Et si, dans ce cas, la complexité était précisément gage de sécurité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Repentin

Le principe de la reconnaissance mutuelle entre les États implique que l’autorisation de mise sur le marché est quasiment automatique, sauf si l’État prouve l’existence de risques. Cette faculté suppose néanmoins de disposer de la capacité de démontrer ces effets néfastes.

En France, une série d’agences et d’organismes scientifiques peuvent concourir à ces évaluations : l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l’AFSSA, l’Agence française de sécurité sanitaire et du travail, l’AFSSET, l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA, l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer, l’IFREMER, et bien d’autres. J’ai bien compris que le rapporteur proposait que l’AFSSET devienne la seule agence chargée de l’expertise de ces autorisations.

Or c’est précisément la diversité des compétences de ces organismes et l’importance des moyens de recherche qui leur sont attribués qui offrent la garantie de la qualité des procédures d’expertise. La question de la tutelle administrative de ces organismes n’est que secondaire. Elle devient même marginale quand se pose le problème des crédits et de l’organisation de la recherche.

Vous comprendrez donc que les membres du groupe socialiste s’étonnent des modalités assez opaques de transposition d’une directive déjà transposée, qui ferait de l’AFSSET un pivot du dispositif. N’est-il pas déjà question, en effet, d’une réforme à venir des agences sanitaires, dans laquelle l’AFSSET pourrait, à terme, être absorbée par l’AFSSA ?

Pour vous donner une idée des enjeux, sous un angle un peu cocasse, je reviendrai sur la discussion récente que j’ai eue avec un responsable public breton. Lors de la réunion informelle et conviviale du 14 mai dernier – j’y reviens ! – un représentant du ministère, interrogé sur le contenu de la directive concernant la mise sur le marché des produits biocides, nous a indiqué que ces adaptations étaient secondaires. Il a pris l’exemple de la peinture utilisée pour tuer les parasites qui envahissent la coque des navires. En tant qu’élu d’un territoire de montagne – et c’est peut-être également le cas de mon collègue Daniel Reiner, qui était présent – je lui ai fait confiance. Mais d’autres membres du groupe socialiste qui sont élus de territoires ayant une façade maritime – Odette Herviaux, Jean-Louis Carrère, tout comme Daniel Raoul, qui est un grand navigateur – savent que ces peintures peuvent être dangereuses.

Effectivement, après recherche, il se trouve qu’il ne s’agit pas de n’importe quel produit : c’est du tributyl-étain, le TBT, utilisé dans certaines peintures antisalissures et identifié depuis longtemps comme le principal responsable d’une pollution côtière presque invisible. Je vous renvoie à une étude réalisée sur ce sujet par l’IFREMER en janvier 2006 ; l’exemple pourra vous faire sourire : « le TBT est toxique pour les mollusques à des concentrations très faibles. […] Ainsi, […] des modifications de la sexualité des gastéropodes marins tel que le bigorneau sont observées […] L’influence de concentrations similaires sur la calcification des coquilles d’huîtres creuses a été observée ».

La même note précise que la toxicité de ce composant est connue depuis le début des années quatre-vingt et qu’il n’a été partiellement interdit en France qu’en 2004. La marine nationale a d’ailleurs encore le droit de l’utiliser !

Très concentré dans les sédiments marins, le TBT a défrayé la chronique locale du nord du Finistère en 2005, quand des travaux d’aménagement portuaire ont été autorisés. Les ostréiculteurs se sont alors inquiétés des risques que l’utilisation de ces peintures pouvait faire peser sur leur production. Ce fait peut paraître anecdotique, voire étranger, pour des élus ne représentant pas des territoires côtiers. Mais pour les professionnels concernés, c’est tout, sauf anecdotique !

Madame le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, simplifier les procédures au risque de diminuer la capacité d’expertise de l’État, non !

Cet exemple amène à s’interroger, d’autant que le 6° de l’amendement n° 97, déposé par le Gouvernement, prévoit tout simplement d’habiliter ce dernier à procéder par ordonnance pour transposer des dispositions de la même directive. Convenez qu’il y a de quoi se poser des questions, surtout lorsqu’il s’agit de dispositions transposées sous une législature précédente, dont la majorité était différente. Sur ce point, il y avait peut-être matière à travailler, ce qui explique le dépôt de cette motion tendant au renvoi à la commission. Mais au-delà du renvoi éventuel, il n’y avait pas urgence sur ces sujets.

Il n’y avait d’ailleurs pas plus urgence à anticiper les dispositions d’une proposition de directive déposée au Sénat le 21 mars 2008, visant à modifier une directive déjà partiellement transposée relative à la pollution causée par les navires et à l'introduction de sanctions en cas d'infractions.

Par ailleurs, est-il utile de vous dire qu’il semble curieux de retrouver, là encore par la voie d’un amendement, une proposition tendant à modifier la transposition de la directive dite « D3E », transposition qui avait été réalisée complètement par votre majorité ?

Est-il également nécessaire de vous indiquer que, selon nous, la demande d’habilitation à procéder par ordonnance pour transposer le règlement REACH escamote totalement un débat fondamental pour notre pays, pour ses entreprises et leurs salariés, pour le voisinage de ces entreprises et les destinataires des produits mis sur le marché ?

En fin de compte, mes chers collègues, nous n’aurons procédé à aucune audition en commission pour bien appréhender l’impact des transpositions que nous nous apprêtons à examiner ! Sans doute une telle consultation aurait-elle pourtant été utile. Nous avons consacré une heure trente, ce matin, à l’examen du bien-fondé des amendements présentés en catastrophe, qu’ils soient issus du Gouvernement ou portés par des parlementaires de la majorité, à la demande, d’ailleurs, du Gouvernement.

Cette précipitation, coupable au regard des enjeux environnementaux concernés, nuit au respect du travail du Parlement, et, je le crains, des milieux terrestres et aquatiques visés par ces directives.

Elle se traduit d’ores et déjà – nous le savons depuis ce matin – par plusieurs avis négatifs de la commission saisie au fond sur des amendements du Gouvernement. C’est vous dire, compte tenu de l’audace que nous avons généralement à l’égard des amendements du Gouvernement, de quelle façon ont été appréciées les conditions d’organisation de ce débat. On peut d’ailleurs se demander si, en commission, nous sommes dorénavant saisis sur le fond ou seulement sur la forme !

Que le droit européen soit complexe, nous en convenons avec vous. Mais que, sous couvert d’urgence, vous entreteniez l’opacité, vous utilisiez la technique parlementaire – en inscrivant à l’ordre du jour la transposition d’une directive et en nous demandant de nous prononcer quasiment sur une dizaine de textes – et les subtilités d’un débat, que vous savez pourtant gagné d’avance, pour éviter que nous ayons le temps d’examiner au fond toutes les réformes que vous nous proposez, cela est décidément bien suspect.

L’enjeu du Grenelle de l’environnement ne justifierait-il pas, au contraire, un renvoi à la commission du projet de loi, pour que la représentation nationale se saisisse des enjeux et transforme les négociations du Grenelle de l’environnement en véritable projet de société ? Vous nous y avez d’ailleurs invités, madame le secrétaire d’État, ainsi que M. Jean-Louis Borloo, le 29 avril dernier au Sénat, devant les parlementaires membres du comité de suivi du Grenelle de l’environnement.

En vous demandant le renvoi à la commission, nous vous indiquons aussi que nous sommes prêts à construire conjointement avec vous ce projet de société, notamment à l’occasion de ces multiples transpositions ; vous nous avez même dit combien elles étaient « complexes et précises ».

C’est justement en vous rejoignant sur le choix de vos adjectifs que nous demandons une méthode de travail qui garantisse les conséquences de nos décisions à l’égard de la conservation et de la réparation des milieux soumis aux conséquences de l’activité humaine.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur Repentin, il est vrai que, ces derniers jours, notre agenda relatif à ce projet de loi a été un peu précipité. Pour autant, faut-il s’interdire aujourd’hui d’avancer ? Plusieurs raisons militent pour aller de l’avant, me semble-t-il.

Tout d’abord, ce texte est en attente sur le bureau de notre assemblée depuis plus d’un an, ce qui est un délai passablement long. De ce fait, ses dispositions sont connues de tous et nous avons eu largement le temps d’y travailler.

Ensuite, la présidence française de l’Union européenne approche. Dès lors, si notre pays a l’ambition de faire du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique l’une de ses priorités, il convient d’être à jour en ce qui concerne les transpositions de directives relatives à l’environnement.

J’ai bien conscience de l’ampleur du surcroît de travail que je vous ai demandé avec les articles additionnels que nous avons adoptés la semaine dernière afin de transposer de nouvelles directives. Toutefois, je vous rappelle le caractère d’urgence de ce texte : notre pays est en phase précontentieuse avec la Commission. Je me suis efforcé de vous faciliter le travail en vous conviant à une réunion d’information en amont.

Comme vous pouvez le deviner, mon cher collègue, je ne suis pas favorable à cette motion tendant au renvoi du texte à la commission. Mais je ne peux passer sous silence un certain nombre de points que vous avez mentionnés dans votre intervention. J’ai noté les faits les plus saillants ; ils sont au nombre de quatre.

Tout d’abord, souvenez-vous qu’en 2001, sous le gouvernement de Lionel Jospin, plus d’une centaine de directives ont été transposées par ordonnance !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Le pire n’est jamais sûr, mon cher collègue ! Nous ferons très attention ! Mais ne nous donnez pas de leçon de morale en la matière.

J’en viens ensuite à l’avis négatif de la commission sur deux amendements déposés très récemment par le Gouvernement et relatifs, d’une part, à Natura 2000 et, d’autre part, aux quotas d’émission de gaz carbonique.

Je souhaite tout simplement qu’un débat plus affiné ait lieu en séance ; il n’est pas exclu que la position de la commission évolue, ces sujets étant politiquement délicats. Je ne désire pas que les zones Natura 2000 soient sanctuarisées, ni que la chasse et la pêche y soient interdites, …

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs Ump

Heureusement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

…sujet auquel M. Carrère est très sensible. Mais à partir du moment où nous raisonnerons en termes de gestion des animaux concernés, aucun problème ne se posera. Nous souhaitons que Mme le secrétaire d’État et M. le ministre d’État nous fournissent des explications sur ce point.

Quant aux quotas d’émission de CO2, comme je l’ai indiqué ce matin en commission, j’ai été un peu gêné. Un arbitrage a déjà été validé voilà quelque temps : la France, qui compte environ 63 millions d’habitants, s’est vu attribuer un quota de 129 millions de tonnes d’émission de CO2, alors que l’Allemagne et la Grande-Bretagne bénéficient respectivement d’un quota de 482 millions de tonnes et de 246 millions de tonnes. Il est clair, dès lors, que la conduite vertueuse de la France en matière énergétique – le choix du nucléaire – n’a pas été prise en compte.

Eh bien ! un débat aura lieu et une solution devrait pouvoir être trouvée. Une piste de réflexion existe déjà. Cela montre bien que la commission des affaires économiques n’est pas totalement inféodée aux orientations du Gouvernement. Mais je pense que nous allons évoluer sur ce point.

En ce qui concerne les sociétés mères, je me suis sans doute mal exprimé lors de la réunion de la commission : nous ne nous dispensons pas d’aborder cette délicate question. Ce matin, je vous ai indiqué que les exemples étrangers en la matière, notamment l’exemple américain, n’étaient pas probants. Quand on veut exonérer l’exploitant directement concerné et reporter sur la société mère la problématique de la réparation, le résultat est négatif.

En matière assurantielle, une clause de revoyure est prévue à l’horizon 2010 pour inciter les professionnels à formuler une offre et pour susciter la création de garanties assurantielles. C’est à l’échelon européen que la solution devra être trouvée pour impliquer les sociétés mères. Il n’est pas question de les exonérer ! Mais, pour le moment, la réflexion ne peut pas être uniquement franco-française. Car nous ne voulons pas de distorsion de concurrence entre la France et les vingt-six autres États membres.

Ce sera tout à l’honneur du Président de la République – nous sommes totalement en phase avec les propos qu’il a tenus – de proposer d’engager ce débat sous la présidence française de l’Union européenne. Il ne s’agit donc aucunement d’une fin de non recevoir : nous affinons notre réflexion en la matière.

Enfin, pour ce qui concerne les produits biocides, nous anticipons simplement une procédure qui, de toute façon, s’appliquera en 2012. Sous l’autorité du MEDAD – et on ne peut pas lui faire le procès d’être laxiste en matière d’autorisation de mise sur le marché de ces produits –, une simplification administrative interviendra.

L’ensemble des acteurs et des professionnels concernés, des fabricants aux utilisateurs, s’estiment satisfaits. Toutes ces dispositions vont dans le sens d’une plus grande protection de l’environnement et d’une simplification administrative.

Comme je l’ai déjà indiqué – et je le répéterai tout au long des débats –, même si nous voulons être exemplaires en matière environnementale, ne soyons pas en porte à faux avec la logique économique.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Pour toutes ces raisons, la commission ne peut qu’être défavorable à la motion tendant au renvoi à la commission.

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État

M. le rapporteur a répondu à l’essentiel des questions techniques et le Gouvernement souscrit à ses propos.

Je rappellerai simplement que les amendements complémentaires qui, certes, ont été déposés tardivement, ont une étroite parenté avec ce projet de loi et sont sous-tendus par la même finalité, à savoir la transposition de directives. Nous pouvons tous partager, me semble-t-il, la volonté de ne pas laisser de directives en souffrance avant le début de la présidence française de l’Union européenne. Tel est véritablement l’objet de ce texte !

Monsieur Repentin, vous avez souligné ce point comme s’il s’agissait d’une chose que j’aurais avouée lors de mon intervention. Tel n’est pas le cas : j’ai clairement mis en avant cette volonté de nous mettre en conformité avant la présidence française de l’Union européenne, car il n’y a pas à s’en cacher.

L’essentiel des dispositions de ce projet de loi ont fait l’objet d’échanges lors de la réunion qui a eu lieu le 14 mai dernier, sur l’initiative de M. le rapporteur. Vous avez déploré la tenue tardive de celle-ci, à la suite d’un week-end de cinq jours, mais étaient présents les représentants de tous les groupes politiques de la Haute Assemblée. Vous avez pu aborder non seulement le fond du projet, mais également les amendements déposés tant par la commission que par le Gouvernement.

Concernant la transposition complète des directives avant la présidence française de l’Union européenne, les choix ont été faits conjointement, avec l’assentiment de tous. On ne saurait donc soutenir que le présent débat parlementaire ne peut pas se dérouler dans de bonnes conditions.

Je ne reviendrai pas sur les aspects techniques, qui ont été traités par M. le rapporteur.

S’agissant toutefois de la directive sur les produits biocides, je ne voudrais pas qu’un trouble subsiste dans les esprits.

Sourires

Debut de section - Permalien
Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État

Il n’y a pas que les bigorneaux !

Cette directive précise les conditions dans lesquelles les produits biocides peuvent être mis sur le marché et utilisés. Ils ne peuvent l’être sans autorisation, laquelle n’est délivrée que si les substances actives contenues figurent sur une des listes positives communautaires.

La directive a instauré une période transitoire, source de complexité administrative tant pour les ministères intéressés que pour les opérateurs économiques et les utilisateurs des produits. En effet, pendant plusieurs années, dans l’attente de l’établissement de listes uniques, deux procédures ont coexisté : l’une, placée sous l’égide du ministère de l’agriculture, pour les autorisations transitoires, et l’autre, relevant du ministère chargé de l’écologie, pour les autorisations pérennes.

La situation actuelle est donc, on en conviendra, assez compliquée, et les dispositions que nous proposons au Sénat d’adopter visent seulement à accélérer la démarche d’unification en cours et à confier le traitement de toutes les demandes d’autorisation au ministère chargé de l’écologie.

M. le ministre d’État et moi-même avions indiqué, lors d’un débat antérieur, combien nous souhaitions que le ministère chargé de l’écologie soit saisi des demandes d’autorisation et participe à la rédaction des arrêtés sur tous les sujets qui le concernent – je pense notamment au débat sur les OGM, auquel vous avez tous participé. Nous sommes donc sensibles à cette accélération du calendrier qui nous permettra d’assumer l’ensemble des responsabilités s’agissant des produits biocides. Cela va, me semble-t-il, dans le sens d’une amélioration des garanties, et je ne comprends pas vos réticences sur ce sujet, monsieur Repentin.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut qu’être défavorable à la motion n° 122 tendant au renvoi du texte à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je mets aux voix la motion n° 122, tendant au renvoi à la commission.

La motion n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Il est ajouté au livre Ier du code de l'environnement un titre VI rédigé comme suit :

« TITRE VI

« PRÉVENTION ET RÉPARATION DE CERTAINS DOMMAGES CAUSÉS À L'ENVIRONNEMENT

« Art. L. 160-1. - Le présent titre définit les conditions dans lesquelles sont prévenus ou réparés, en application du principe pollueur-payeur, les dommages causés à l'environnement par l'activité d'un exploitant.

« CHAPITRE I ER

« CHAMP D'APPLICATION

« Art. L. 161-1. - I. - Constituent des dommages causés à l'environnement au sens du présent titre les modifications négatives mesurables affectant gravement :

« 1° L'état des sols lorsque leur contamination du fait de l'introduction directe ou indirecte en surface ou dans le sol de substances, préparations, organismes ou micro-organismes a pour effet de créer un risque d'incidence négative grave sur la santé humaine ;

« 2° L'état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux, sous réserve de l'application des dispositions prévues au VII de l'article L. 212-1 ;

« 3° La conservation ou le rétablissement dans un état favorable à leur maintien à long terme :

« a) Des populations des espèces de faune et de flore sauvages protégées en application du présent code et figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l'agriculture ou, lorsqu'il s'agit d'espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes ;

« b) Dans les sites Natura 2000, des habitats des espèces de faune et de flore sauvages qui justifient la désignation de ces sites ;

« c) Dans les sites Natura 2000, des habitats naturels figurant sur une liste établie par application du I de l'article L. 414-1 ;

« d) Des sites de reproduction et des aires de repos des espèces protégées en application du présent code et figurant sur une liste établie par arrêté conjoint du ministre chargé de la protection de la nature et du ministre chargé de l'agriculture ou, lorsqu'il s'agit d'espèces marines, du ministre chargé des pêches maritimes.

« II. - Ne constituent pas de tels dommages les atteintes aux espèces et habitats naturels protégés causées par :

« 1° L'exécution des programmes et projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements autorisés ou approuvés au titre de l'article L. 414-4 ;

« 2° Une activité autorisée ou approuvée en application des articles L. 411-2 et L. 411-3, dès lors que les prescriptions découlant de ces articles ont été respectées.

« III. - Les dommages causés à l'environnement incluent les détériorations mesurables, directes ou indirectes, des services écologiques. Ces services correspondent aux fonctions assurées par les sols, les eaux, les espèces et habitats naturels protégés mentionnés au I au bénéfice d'une autre de ces ressources naturelles ou au bénéfice du public, notamment les usages associés aux milieux naturels, mentionnés à l'article L. 411-3. Ils ne comprennent pas les services rendus au public par des aménagements réalisés par l'exploitant ou le propriétaire.

« Art. L. 161-2. - Le présent titre ne s'applique pas aux dommages à l'environnement ou à la menace imminente de dommages :

« 1° Causés par un conflit armé, des hostilités, une guerre civile ou une insurrection ;

« 2° Résultant d'activités menées principalement dans l'intérêt de la défense nationale ou de la sécurité internationale, autres que celles soumises à déclaration ou autorisation et prévues par les articles L. 214-1 à L. 214-10 et par le titre Ier du livre V ;

« 3° Causés par un phénomène naturel de nature exceptionnelle, inévitable et irrésistible ;

« 4° Résultant d'activités dont l'unique objet est la protection contre les risques naturels majeurs ou les catastrophes naturelles ;

« 5° Résultant d'un événement ou d'un accident à l'égard duquel la responsabilité ou l'indemnisation est régie par les conventions internationales suivantes, y compris leurs modifications futures :

« a) La convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ;

« b) La convention internationale de 1971 portant création d'un fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ;

« 6° Résultant d'activités relevant du Traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique, ou d'un accident ou d'une activité à l'égard desquels la responsabilité ou l'indemnisation relève du champ d'application d'un des instruments internationaux énumérés ci-après, y compris toutes modifications futures de ces instruments :

« a) La convention de Paris du 29 juillet 1960 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire, et la convention complémentaire de Bruxelles du 31 janvier 1963 ;

« b) La convention de Vienne du 21 mai 1963 relative à la responsabilité civile en matière de dommages nucléaires ;

« c) La convention du 12 septembre 1997 sur la réparation complémentaire des dommages nucléaires ;

« d) Le protocole conjoint du 21 septembre 1988 concernant l'application de la convention de Vienne et de la convention de Paris ;

« e) La convention de Bruxelles du 17 décembre 1971 relative à la responsabilité civile dans le domaine du transport maritime des matières nucléaires.

« Art. L. 161-3. - Le présent titre cesse de s'appliquer aux dommages ou à la menace imminente de dommages résultant d'un événement ou accident à l'égard duquel la responsabilité ou l'indemnisation vient à être régie par les conventions internationales énumérées aux c, d et e de l'annexe IV à la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, y compris les modifications futures de ces conventions.

« Art. L. 161-4. - Les dispositions du présent titre ne font pas obstacle au droit pour le propriétaire d'un navire de limiter sa responsabilité en application des dispositions de la loi n° 67-5 du 3 janvier 1967 mettant en œuvre la convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes de 1976, y compris toutes modifications futures de cette convention.

« Art. L. 161-5. - Le présent titre ne s'applique pas lorsque plus de trente ans se sont écoulés depuis l'émission, l'événement ou l'incident ayant causé le dommage.

« Art. L. 161-6. - Le présent titre n'est pas applicable non plus :

« 1° Lorsque l'émission, l'événement ou l'incident ayant causé le dommage est survenu avant le 30 avril 2007 ;

« 2° Lorsque l'émission, l'événement ou l'incident ayant causé le dommage résulte d'une activité déterminée exercée et menée à son terme avant le 30 avril 2007.

« Art. L. 161-7. - Pour l'application du présent titre, « l'exploitant » s'entend de toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui exerce ou contrôle une activité professionnelle pratiquée dans le cadre d'une activité économique, d'une affaire ou d'une entreprise, indépendamment de son caractère privé ou public, lucratif ou non lucratif.

« CHAPITRE II

« RÉGIME

« Section 1

« Principes

« Art. L. 162-1. - Les dommages causés à l'environnement sont prévenus ou réparés selon les modalités définies par le présent titre lorsqu'ils sont causés, même sans faute ou négligence de l'exploitant, par les activités professionnelles dont la liste est déterminée par le décret prévu à l'article L. 166-2.

« Art. L. 162-2. - Lorsqu'ils sont causés par une activité professionnelle autre que celles mentionnées à l'article L. 162-1, les dommages aux espèces et habitats naturels protégés, tels que définis au 3° du I de l'article L. 161-1, sont prévenus ou réparés selon les modalités définies par le présent titre en cas de faute ou de négligence de l'exploitant.

« Art. L. 162-3. - Les dispositions du présent titre ne s'appliquent aux dommages ou menaces imminentes de dommages causés par une pollution à caractère diffus que s'il est possible d'établir un lien de causalité entre ces dommages ou leur menace et les activités d'un ou plusieurs exploitants.

« Art. L. 162-4. - Une personne victime d'un dommage à la suite d'un dommage environnemental ou d'une menace imminente d'un tel dommage ne peut en demander réparation sur le fondement des dispositions du présent titre.

« Section 2

« MESURES DE PRÉVENTION OU DE RÉPARATION DES DOMMAGES

« Sous-section 1

« Objectifs des mesures de prévention ou de réparation

« Art. L. 162-5. - Les mesures de prévention prises en application du présent titre doivent permettre de répondre à la menace imminente d'un dommage causé à l'environnement, dans le but d'en empêcher la survenance ou d'en limiter les effets.

« Constitue une menace imminente pour l'application du présent titre une probabilité suffisante que survienne un tel dommage dans un avenir proche.

« Art. L. 162-6. - Les mesures de réparation des dommages aux sols définis au 1° du I de l'article L. 161-1 doivent tendre à supprimer tout risque d'incidence négative grave sur la santé humaine, en tenant compte de l'usage du site endommagé fait ou prévu au moment du dommage, apprécié notamment en fonction des documents d'urbanisme en vigueur à ce moment. La possibilité d'une réparation par régénération naturelle doit être envisagée.

« Art. L. 162-7. - Les mesures de réparation primaire, complémentaire et compensatoire des dommages définis aux 2° et 3° du I et au III de l'article L. 161-1 visent à rétablir les eaux, les espèces et habitats naturels protégés endommagés ainsi que les services écologiques dans l'état qui était le leur au moment du dommage. Ces mesures doivent également éliminer tout risque d'incidence négative grave sur la santé humaine.

« La réparation primaire désigne toute mesure de réparation par laquelle les eaux, les espèces et habitats naturels protégés endommagés ou les services détériorés retournent à leur état initial ou s'en rapprochent. La possibilité d'une réparation par régénération naturelle doit être envisagée.

« Lorsque les mesures de réparation primaire n'assurent pas le rétablissement des eaux, des espèces et habitats naturels endommagés ainsi que des services écologiques dans leur état initial ou un état s'en approchant, des mesures de réparation complémentaire sont entreprises. Ces mesures ont pour objet de fournir un niveau de ressources en eaux, en espèces et habitats naturels protégés ou un niveau de services écologiques comparable au niveau des ressources ou des services qui auraient été fournis si le site endommagé avait été rétabli dans l'état qui était le sien au moment du dommage. Ces mesures peuvent être entreprises sur un autre site. Dans la mesure du possible, le choix de cet autre site prend en compte les intérêts des populations concernées par le dommage.

« En outre, des mesures de réparation compensatoire doivent compenser les pertes intermédiaires qui résultent du fait que les ressources en eaux, en espèces et habitats protégés et les services endommagés ne sont pas encore en mesure de remplir leurs fonctions écologiques ou de fournir des services à d'autres ressources naturelles ou au public jusqu'à ce que les mesures primaires ou complémentaires aient produit leur effet. Ces mesures de réparation compensatoire consistent à apporter des améliorations supplémentaires aux habitats naturels et aux espèces protégés ou aux eaux soit sur le site endommagé, soit sur un autre site. Elles ne peuvent se traduire par une compensation financière.

« Sous-section 2

« Mise en œuvre des mesures de prévention ou de réparation

« Art. L. 162-8. - Lorsque se manifeste une menace imminente de dommage, l'exploitant prend sans délai et à ses frais les mesures de prévention nécessaires. Si la menace persiste, l'exploitant informe sans délai l'autorité administrative compétente de sa nature, des mesures de prévention qu'il a prises et de leurs résultats.

« Art. L. 162-9. - Lorsque survient un dommage, l'exploitant en informe sans délai l'autorité administrative compétente.

« Il prend sans délai et à ses frais les mesures propres à mettre fin aux causes du dommage, à prévenir ou circonscrire l'aggravation de celui-ci ainsi que ses incidences négatives sur la santé humaine et sur les services écologiques.

« Art. L. 162-10. - L'autorité administrative compétente procède à l'évaluation de la nature et des conséquences du dommage. Elle peut à cet effet demander à l'exploitant d'effectuer sa propre évaluation.

« Art. L. 162-11. - En vue d'atteindre les objectifs définis aux articles L. 162-6 et L. 162- 7, l'exploitant identifie les options de réparation raisonnables et détermine les mesures de réparation les plus adaptées. Il soumet ces mesures à l'approbation de l'autorité administrative compétente.

« Art. L. 162-12. - Après avoir, le cas échéant, demandé à l'exploitant de compléter ou modifier ses propositions, l'autorité administrative compétente les soumet pour avis aux collectivités territoriales ou leurs groupements, établissements publics et associations de protection de l'environnement qui sont concernés en raison de leur objet ainsi que de la localisation, de l'importance ou de la nature du dommage. Elle les soumet également aux personnes susceptibles d'être affectées par les mesures de réparation. Elle peut également les mettre à disposition du public.

« Art. L. 162-13. - Après avoir tenu compte, le cas échéant, des avis recueillis et mis l'exploitant en mesure de présenter ses observations, l'autorité administrative compétente prescrit, par une décision motivée, toute mesure de réparation qui lui paraît assurer la réalisation des objectifs définis aux articles L. 162-6 et L. 162-7.

« Art. L. 162-14. - Les mesures de prévention ou de réparation définies aux articles L. 162-5 à L. 162-7 et au deuxième alinéa de l'article L. 162-9 ne peuvent être mises en œuvre dans les propriétés privées qu'après que l'exploitant a reçu l'autorisation écrite des propriétaires, des titulaires de droits réels, de leurs ayants-droit et, le cas échéant, des titulaires d'un droit de jouissance. Les termes de l'autorisation sont en cas de besoin précisés dans une convention. Cette convention détermine également, le cas échéant, l'indemnité à laquelle l'occupation des terrains peut ouvrir droit.

« À défaut d'accord amiable ou en cas d'urgence, l'autorisation est donnée par le président du tribunal de grande instance ou un magistrat désigné par lui.

« Art. L. 162-15. - Lorsque l'étendue des surfaces concernées par les dommages ou le nombre des propriétaires sur le terrain desquels les mesures de réparation doivent être mises en œuvre le justifient, l'autorité administrative compétente peut, pour faciliter la mise en œuvre des mesures de réparation qu'elle a approuvées ou prescrites :

« 1° Appliquer, pour la réalisation des travaux, la loi du 29 décembre 1892 modifiée sur les dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ;

« 2° Instituer des servitudes d'utilité publique sur les terrains sur lesquels les mesures de réparation doivent intervenir ; ces servitudes peuvent comporter la limitation ou l'interdiction de l'usage ou des modifications du sol et du sous-sol ; elles sont instituées et indemnisées dans les conditions prévues par les articles L. 515-9 à L. 515-11 ;

« 3° Proposer que soient déclarés d'utilité publique les travaux de réparation et, le cas échéant, au profit d'une personne publique, l'acquisition des immeubles affectés par les dommages, dans les conditions précisées par les deux dernières phrases du dernier alinéa de l'article L. 541-3.

« Art. L. 162-16. - En cas d'urgence et lorsque l'exploitant tenu de prévenir ou réparer les dommages en vertu du présent titre ne peut être immédiatement identifié, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les établissements publics, les groupements d'intérêt public, les associations de protection de l'environnement, les syndicats professionnels, les fondations, les propriétaires de biens affectés par les dommages ou leurs associations peuvent proposer à l'autorité administrative compétente de réaliser eux-mêmes des mesures de prévention ou de réparation conformes aux objectifs définis aux articles L. 162-5 à L. 162-7. Les articles L. 162-13 à L. 162-15 et L. 162-17 à L. 162-19 sont applicables.

« Section 3

« Pouvoirs de police administrative

« Art. L. 162-17. - En cas de menace imminente de dommage, ou lorsqu'un tel dommage est survenu, l'autorité administrative compétente peut à tout moment demander à l'exploitant tenu de prévenir ou de réparer les dommages en vertu du présent titre de lui fournir toutes les informations utiles relatives à cette menace ou à ce dommage et aux mesures de prévention ou de réparation prévues par les articles L. 162-8 à L. 162-10.

« Les agents placés sous son autorité peuvent exiger, sur convocation ou sur place, les renseignements et justifications nécessaires au contrôle du respect des dispositions du présent titre. Ils ne peuvent accéder aux locaux et installations qu'entre six heures et vingt et une heures. Ils peuvent y accéder à toute heure si une activité est en cours ou s'il apparaît que le dommage est imminent ou sa réalisation en cours. Ils ne peuvent accéder aux domiciles ou à la partie des locaux servant de domicile.

« Art. L. 162-18. - I. - Lorsque l'exploitant n'a pas pris les mesures nécessaires de prévention ou de réparation prévues aux articles L. 162-8 et L. 162-9 ou qu'il n'a pas mis en œuvre les mesures de réparation prescrites en vertu de l'article L. 162-13, l'autorité administrative compétente peut le mettre en demeure d'y procéder dans un délai déterminé. La mise en demeure doit être motivée. Le cas échéant, elle prescrit ou rappelle les mesures de prévention ou de réparation à mettre en œuvre. Elle est prise après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations.

« II. - Si, à l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, l'exploitant n'a pas mis en œuvre les mesures prescrites, l'autorité administrative compétente peut :

« 1° Obliger l'exploitant à consigner entre les mains d'un comptable public une somme répondant du montant des mesures de prévention ou de réparation prescrites, laquelle sera restituée à l'exploitant au fur et à mesure de leur exécution ;

« Il est procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances étrangères à l'impôt et au domaine. Pour le recouvrement de cette somme, l'État bénéficie d'un privilège de même rang que celui prévu à l'article 1920 du code général des impôts ;

« 2° Faire procéder d'office, aux frais de l'exploitant, à l'exécution des mesures de prévention ou de réparation prescrites. Les sommes consignées en application du 1° peuvent être utilisées pour régler les dépenses entraînées par l'exécution d'office des mesures prévues au I.

« Les dispositions du III de l'article L. 514-1 sont applicables.

« Art. L. 162-19. - L'autorité administrative compétente peut à tout moment, en cas d'urgence ou de danger grave, prendre elle-même ou faire prendre, aux frais de l'exploitant défaillant, les mesures de prévention ou de réparation nécessaires.

« Section 4

« Coût des mesures de prévention et de réparation

« Art. L. 162-20. - Le coût des mesures définies aux articles L. 162-5 à L. 162-7 comprend l'ensemble des frais liés à la mise en œuvre et au suivi des mesures approuvées ou prescrites par l'autorité administrative compétente. Il comprend aussi les dépenses afférentes :

« 1° À l'évaluation des dommages ;

« 2° À la détermination des différentes mesures de prévention ou de réparation possibles.

« Art. L. 162-21. - Les frais mentionnés à l'article L. 162-20 sont supportés par l'exploitant tenu de prévenir ou de réparer un dommage à l'environnement en vertu du présent titre.

« Le cas échéant, l'exploitant supporte également la charge des frais liés aux procédures d'information et de consultation du public, des collectivités territoriales ou de leurs groupements, des associations de protection de l'environnement et des tiers intéressés, ainsi que celle des indemnités versées en application des articles L. 162-14 et L. 162-15.

« Art. L. 162-22. - Lorsqu'un même dommage à l'environnement a plusieurs causes, le coût des mesures de prévention ou de réparation est réparti entre les exploitants par l'autorité administrative compétente, à concurrence de la participation de leur activité au dommage ou à la menace imminente de dommage.

« Art. L. 162-23. - Lorsqu'elle a fait procéder à l'exécution d'office des mesures de prévention ou de réparation sans recourir aux dispositions du 1° du II de l'article L. 162-18, l'autorité administrative compétente en recouvre le coût auprès de l'exploitant dont l'activité a causé le dommage. Elle peut décider de ne pas recouvrer les coûts supportés lorsque le montant des dépenses nécessaires à ce recouvrement est supérieur à la somme à recouvrer.

« Art. L. 162-24. - Les personnes qui ont participé en application de l'article L. 162-16 à la prévention ou à la réparation de dommages tels que définis à l'article L. 161-1 ont droit au remboursement par l'exploitant tenu de prévenir ou réparer ces dommages en vertu du présent titre, lorsqu'il a été identifié, des frais qu'elles ont engagés, sans préjudice de l'indemnisation des autres dommages subis. La demande est adressée à l'autorité administrative compétente qui, après avoir recueilli les observations de l'exploitant, fixe le montant que ce dernier doit rembourser.

« Art. L. 162-25. - Dans tous les cas, la procédure de recouvrement des coûts ne peut être engagée au-delà d'un délai de cinq ans à compter de la date à laquelle les mesures prescrites ont été exécutées ou de la date à laquelle l'exploitant a été identifié, la date la plus récente étant retenue.

« Art. L. 162-26. - L'exploitant peut recouvrer par toutes voies de droit appropriées, auprès des personnes responsables, le coût des mesures de prévention ou de réparation qu'il a engagées en application du présent titre, lorsqu'il peut prouver que le dommage ou sa menace imminente :

« 1° Est le fait d'un tiers, en dépit de mesures de sécurité appropriées ;

« 2° Résulte du respect d'un ordre ou d'une instruction d'une autorité publique non consécutif à une émission ou un incident causés par les activités de l'exploitant.

« Art. L. 162-27. - Le coût des mesures de réparation définies aux articles L. 162-6 et L. 162-7 ne peut être mis à la charge de l'exploitant s'il apporte la preuve qu'il n'a pas commis de faute ou de négligence et que le dommage à l'environnement résulte d'une émission, d'une activité ou de tout mode d'utilisation d'un produit dans le cadre d'une activité qui n'était pas considérée comme susceptible de causer des dommages à l'environnement au regard de l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment du fait générateur du dommage.

« CHAPITRE III

« DISPOSITIONS PÉNALES

« Section 1

« Constatation des infractions

« Art. L. 163-1. - Outre les officiers et agents de police judiciaire, sont habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du présent titre et des textes pris pour son application :

« 1° Les fonctionnaires et agents commissionnés et assermentés mentionnés au 1° de l'article L. 216-3, au 2° de l'article L. 226-2 et au 4° de l'article L. 541-44, et les inspecteurs des installations classées pour la protection de l'environnement mentionnés à l'article L. 514-5 ;

« 2° Les agents commissionnés et assermentés de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques, de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et des établissements publics des parcs nationaux ;

« 3° Les agents de l'Office national des forêts mentionnés à l'article L. 122-7 du code forestier.

« Art. L. 163-2. - Les infractions aux dispositions du présent titre et des textes pris pour son application sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire.

« Les procès-verbaux doivent, sous peine de nullité, être adressés dans les cinq jours qui suivent leur clôture au procureur de la République.

« Art. L. 163-3. - Pour l'exercice de leurs missions et notamment la recherche et le contrôle des infractions prévues au présent chapitre, les agents mentionnés à l'article L. 163-1 ont accès, lorsqu'ils sont à usage professionnel, aux locaux, lieux, installations et moyens de transport. Ils ne peuvent y accéder qu'entre six heures et vingt et une heures, ou en dehors de ces heures, lorsque l'accès au public y est autorisé ou lorsqu'une activité est en cours.

« Section 2

« Sanctions pénales

« Art. L. 163-4. - Le fait de mettre les fonctionnaires et agents mentionnés aux articles L. 162-17 et L. 163-1 dans l'impossibilité de remplir leurs fonctions ou d'y faire obstacle est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.

« Art. L. 163-5. - Le fait de ne pas se conformer à la mise en demeure prévue au I de l'article L. 162-18 de procéder dans un délai déterminé aux mesures de prévention ou de réparation prescrites ou rappelées est puni d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende.

« Art. L. 163-6. - Le tribunal peut ordonner l'affichage ou la diffusion intégrale ou partielle de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal.

« Art. L. 163-7. - Les personnes morales reconnues responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 du code pénal des infractions prévues au présent titre encourent les peines suivantes :

« 1° L'amende dans les conditions fixées à l'article 131-38 du code pénal ;

« 2° Les peines mentionnées aux 2°, 3°, 4°, 5°, 6°, 8° et 9° de l'article 131-39 du même code.

« L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du même code porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

« CHAPITRE IV

« DISPOSITIONS PARTICULIÈRES À CERTAINES ACTIVITÉS

« Art. L. 164-1. - L'application des dispositions du présent titre ne fait obstacle à la mise en œuvre d'aucun régime de police spéciale, notamment :

« 1° Le chapitre IV du titre Ier du livre II ;

« 2° Le titre Ier du livre V ;

« 3° Les articles 75-1 et 79 du code minier.

« CHAPITRE V

« DISPOSITIONS DIVERSES

« Art. L. 165-1. - Les décisions de l'autorité administrative compétente prises en application du présent titre sont soumises à un contentieux de pleine juridiction.

« Art. L. 165-2. - Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent titre. Ce décret, notamment :

« 1° Fixe la liste des activités mentionnées à l'article L. 162-1 qui, eu égard à leur nature ou à leurs émissions dans l'environnement, sont susceptibles de causer des dommages tels que définis à l'article L. 161-1 ;

« 2° Désigne l'autorité administrative compétente pour mettre en œuvre les dispositions du présent titre ;

« 3° Détermine les conditions d'appréciation de la gravité d'un dommage tel que défini à l'article L. 161-1, et de l'existence d'une menace imminente d'un tel dommage, en prenant en compte les critères énumérés à l'annexe I de la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux ;

« 4° Précise le contenu et les conditions de mise en œuvre des mesures de prévention mentionnées à l'article L. 162-5 et des mesures de réparation mentionnées aux articles L. 162-6 et L. 162-7, en tenant compte des dispositions de l'annexe II de la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 ;

« 5° Fixe les conditions dans lesquelles le public, les collectivités territoriales ou leurs groupements, les associations de protection de l'environnement et les tiers intéressés sont, selon les cas, informés ou consultés sur la nature et la mise en œuvre des mesures envisagées ;

« 6° Détermine les conditions dans lesquelles les associations de protection de l'environnement ou toute autre personne concernée peuvent saisir l'autorité administrative compétente d'une demande tendant à la mise en œuvre des mesures de réparation prévues par le présent titre. ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 1, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 160-1 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« L'exploitant s'entend de toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui exerce ou contrôle effectivement, à titre professionnel, une activité économique lucrative ou non lucrative. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Cet amendement vise à déplacer, pour des raisons de lisibilité, la définition de l’exploitant au début du titre VI. Il tend en outre à simplifier cette définition en supprimant certains concepts, tels que ceux d’ « affaire » ou d’ « entreprise », qui ne sont pas définis juridiquement dans le droit français, et à ajouter que l’exploitant est celui qui exerce ou contrôle effectivement l’activité économique en question, dont il a la maîtrise opérationnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le sous-amendement n° 86, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 1, après le mot :

professionnel

insérer les mots :

ou privé

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Si la directive du 21 août 2004 insiste sur la responsabilité de l'exploitant professionnel, elle n'interdit pas, au titre de la subsidiarité, l'extension du principe pollueur-payeur aux activités de type privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 53 rectifié, présenté par Mme Didier, MM. Billout, Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 160-1 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« L'exploitant s'entend de toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui exerce ou contrôle une activité professionnelle, ou les personnes morales ou physiques qui contrôlent directement ou indirectement l'exploitant. »

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Lors du Grenelle de l’environnement, le Président de la République et le Gouvernement ont pris des engagements afin que les politiques menées soient respectueuses de notre environnement, de la biodiversité, et qu’elles permettent d’assurer un développement durable.

Le Président de la République a affirmé haut et fort que « celui qui pollue des rivières pendant des années, celui qui conçoit et vend un produit chimique, celui qui crée une nouvelle cellule génétique, celui-ci doit être comptable de ses actes, même des années plus tard, si un drame survient. Il n’est pas acceptable que le principe de la responsabilité limitée devienne un prétexte à une irresponsabilité illimitée. Quand on contrôle une filiale, on doit se sentir responsable des catastrophes écologiques qu’elle peut causer. »

Pour nous, le temps des paroles est révolu. Nous voulons des actes, nous voulons que des mesures soient prises.

Il est nécessaire, pour que le dispositif présenté aujourd’hui soit efficace, que la responsabilité des sociétés mères puisse être engagée, notamment lorsque l’une de leurs filiales laisse derrière elle un site pollué avant de s’éclipser.

Or, dans le projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, et plus précisément à son article 43, le Gouvernement se contente une nouvelle fois de poser des objectifs à atteindre, sans fixer d’échéance.

Cet article prévoit ainsi que « la France portera au niveau communautaire le principe de la reconnaissance de la responsabilité des sociétés mères à l’égard de leurs filiales en cas d’atteinte grave à l’environnement. Elle défendra ces orientations au niveau international. » Le principe est très bon, mais il faudrait peut-être que quelqu’un se décide enfin à avancer !

Il est pourtant urgent d’agir. En janvier 2003, une filiale du groupe Metaleurop a déposé le bilan de son usine de Noyelles-Godault, site qui relevait de la directive Seveso II et employait 830 personnes, afin de s’épargner, d’une part, la mise en œuvre d’un plan social, et, d’autre part, la dépollution d’un des sites les plus pollués d’Europe.

La réglementation des installations classées au titre de la directive Seveso II prévoit en effet que le dernier exploitant doit remettre le site dans un état tel qu’il ne s’y manifeste aucun danger ou inconvénient. Dans le cas où l’entreprise parviendrait à se soustraire à cette obligation, l’État doit prendre en charge le financement du programme de dépollution.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de l’écologie et du développement durable à l’époque, avait annoncé que le Gouvernement n’accepterait pas que Metaleurop ferme le site sans assumer la dépollution des lieux. « Nous rechercherons, s’il le faut, toutes les voies juridiques », avait-elle déclaré. Finalement, le coût de la dépollution, proche de 300 millions d’euros, est à la charge de la collectivité publique, et la responsabilité de la société mère n’a pu être engagée !

Las des déclarations de principe, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen considèrent qu’il est urgent de donner une portée effective au principe pollueur-payeur, qui ne doit pas se transformer en un principe contribuable-payeur.

C’est pourquoi nous demandons que le droit français permette dès à présent d’engager la responsabilité des sociétés mères. Tel est le sens de notre amendement, que je suis d’ailleurs prête, le cas échéant, à transformer en sous-amendement à l’amendement de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 53 rectifié, ainsi que sur le sous-amendement n° 86 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

S’agissant du sous-amendement n° 86, je rappelle que la directive de 2004 limite le champ d’application de son dispositif aux personnes exerçant ou contrôlant une activité professionnelle. Celle-ci est déjà très largement définie, puisqu’elle inclut les activités privées ou publiques, lucratives ou non.

Il convient par ailleurs de rappeler que la directive, de même que le projet de loi, imposera aux exploitants des mesures de réparation qui pourront se révéler financièrement très lourdes.

La commission considère donc qu’il n’est pas souhaitable d’aller au-delà de ce que prévoit la directive et d’étendre le champ d’application du projet de loi aux activités exercées à titre privé. Elle a, par conséquent, émis un avis défavorable sur le sous-amendement n° 86.

En ce qui concerne l’amendement n° 53 rectifié, il n’apparaît pas opportun, je le redis, d’introduire dans le projet de loi un principe de responsabilité des sociétés mères pour les dommages causés par leurs filiales.

Si l’on observe les exemples étrangers, on constate que l’expérience américaine consistant à faire assumer le financement des réparations par la maison mère a eu des effets très déresponsabilisants sur les filiales, dans la mesure où celles-ci n’ont plus à supporter directement les coûts de réparation des dommages. Il convient donc que la responsabilité de l’exploitant direct soit engagée, y compris sur le plan financier.

En ce qui concerne les éventuelles défaillances des filiales, la commission a considéré, dans la droite ligne des conclusions du Grenelle de l’environnement, que la réflexion sur la responsabilité des sociétés mères devait nécessairement être conduite à l’échelon communautaire.

C’est d’ailleurs ce que prévoit l’avant-projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, qui tend à inciter le Gouvernement à porter ce débat à l’échelon européen. La présidence française de l’Union européenne lui permettra à mon avis de le faire.

Pour l’heure, je suis donc défavorable à cet amendement, mais sans doute Mme Didier aura-t-elle, à terme, satisfaction sur le fond.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 1 et 53 rectifié, ainsi que sur le sous-amendement n° 86 ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 1 de la commission, car il présente une définition plus précise de la notion d’exploitant. La Haute Assemblée améliore ainsi le travail du Gouvernement.

S’agissant du sous-amendement n° 86 et de l’amendement n° 53 rectifié, le Gouvernement partage l’avis de la commission.

En ce qui concerne le sous-amendement n° 86, je considère que l’extension du dispositif aux activités lucratives permet de couvrir l’ensemble du champ.

En ce qui concerne l’amendement n° 53 rectifié, la question de la responsabilité des sociétés mères doit être envisagée à l’échelon international, et d’abord européen. À défaut, nous risquerions de voir des sociétés transférer leur siège à l’étranger. Je sais que tel n’est pas votre objectif, madame Didier, et ce n’est pas davantage ce que nous voulons. Il faut donc être pragmatique. Le dispositif présenté par le groupe CRC n’aurait d’ailleurs pas été de nature à résoudre le cas particulier de Metaleurop.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 86.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je n’ai rien compris aux explications de M. le ministre ! En revanche, j’ai compris celles de M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le ministre a dit qu’il partageait l’avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cela, je l’avais compris ! Ce sont les explications techniques qu’il a données qui me laissent perplexe…

En tout état de cause, viser les activités exercées ou contrôlées à titre lucratif ou non lucratif ne suffit pas : en effet, certaines activités conduites à titre privé peuvent être polluantes. Ainsi, un hangar ou une maison peut être construit à titre privé, avec des conséquences environnementales.

Toutefois, je reconnais que la directive ne vise que les activités exercées à titre professionnel. Je suis donc disposé à retirer mon sous-amendement, afin de rester dans la logique du texte.

En revanche, je ne comprends pas le raisonnement de M. le ministre ni même celui de M. le rapporteur sur l’amendement n° 53 rectifié, qui vise à clarifier le rôle des maisons mères et celui des actionnaires, afin que le sous-traitant ou la filiale ne soit pas seul responsable des éventuels dommages causés à l’environnement.

Cet amendement me semblait de nature consensuelle, et il me paraît donc vraiment regrettable de refuser d’adopter la définition de l’exploitant proposée par Mme Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le sous-amendement n° 86 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 1.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En conséquence, l’amendement n° 53 rectifié n’a plus d’objet.

Je suis saisi de treize amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Rédiger ainsi le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-1 du code de l'environnement :

« I. – Constituent des dommages causés à l'environnement au sens du présent titre les détériorations de l'environnement qui :

« 1° Créent un risque d'atteinte grave à la santé humaine du fait de l'introduction directe ou indirecte, en surface ou dans le sol de substances, préparations, organismes ou micro-organismes ;

« 2° Affectent gravement l'état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux, à l'exception des cas prévus au VII de l'article L. 212-1 ;

« 3° Affectent gravement le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable :

« a) des espèces visées à l'article 4§2, à l'annexe I de la directive 79/409/CEE et aux annexes II et IV de la directive 92/43/CEE ;

« b) des habitats des espèces visées à l'article 4§2, à l'annexe I de la directive 79/409/CEE et à l'annexe II de la directive 92/43/CEE ainsi que les habitats naturels énumérés à l'annexe I de la directive 92/43/CEE ;

« c) des sites de reproduction et des aires de repos des espèces énumérées à l'annexe IV de la directive 92/43/CEE ;

« 4° Affectent les services écologiques, c'est-à-dire les fonctions assurées par les sols, les eaux et les espèces et habitats mentionnés au 3° au bénéfice d'une de ces ressources naturelles ou au bénéfice du public, à l'exclusion des services rendus au public par des aménagements réalisés par l'exploitant ou le propriétaire. »

II. – En conséquence, supprimer le III.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Cet amendement tend à simplifier et à améliorer la rédaction de l’article. Il vise les listes des espèces et habitats naturels protégés fixées par les directives « Oiseaux » et « Habitats », afin d’assurer une parfaite conformité à la directive sur la responsabilité environnementale.

J’ajoute que, pour améliorer la cohérence du texte, les dommages aux services écologiques sont définis plus loin dans le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le sous-amendement n° 127, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi les deux premiers alinéas du texte proposé par le I de l'amendement n° 2 pour le I de l'article L. 161-1 du code de l'environnement :

« I. – Constituent des dommages causés à l'environnement au sens du présent titre les modifications négatives mesurables qui :

« 1° Affectent gravement l'état des sols lorsque leur contamination du fait de l'introduction directe ou indirecte en surface ou dans le sol de substances, préparations, organismes ou micro-organismes a pour effet de créer un risque d'atteinte grave à la santé humaine ; »

La parole est à M. le ministre d'État.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

La directive s'applique aux dommages affectant gravement les sols, les eaux ou les espèces et habitats naturels protégés. Par ailleurs, elle définit le dommage comme une modification négative mesurable.

Le sous-amendement n° 127 a pour objet d’introduire ces précisions dans le projet de loi, ce qui, me semble-t-il, rencontre un souhait de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 99, présenté par Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Pastor et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le 1° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-1 du code de l'environnement par les mots :

et les écosystèmes endémiques

La parole est à Mme Odette Herviaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Cet amendement a pour objet de préciser que les dommages causés aux sols sont considérés au regard de la santé humaine, mais aussi de l'équilibre des écosystèmes locaux.

Un certain nombre de micro-organismes vivants participent à l’équilibre de nos sols et entretiennent la qualité des eaux. Lorsque survient une coupure dans la chaîne alimentaire, par exemple, c’est tout un système local qui peut s’en trouver bouleversé. Des espèces invasives peuvent parfois se développer – on l’a constaté dans des lacs –, voire menacer la santé humaine.

La contamination des sols du fait de « l'introduction directe ou indirecte en surface ou dans le sol de substances, préparations, organismes ou micro-organismes » a pour effet de créer un risque, notamment pour les écosystèmes endémiques, mais également pour la santé humaine, comme on l’a vérifié plusieurs fois.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 100, présenté par M. Raoult, Mme Herviaux, MM. Repentin, Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

À la fin du premier alinéa du 3° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-1 du code de l'environnement, supprimer les mots :

à long terme

La parole est à M. Paul Raoult.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Il nous semble que la suppression de l’expression « à long terme » donne plus de portée et de précision au texte de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 67, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du 3° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-1 du code de l'environnement, remplacer les mots :

à long terme

par les mots :

à court, moyen et long terme

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je trouve surprenant que l’on s’en tienne au seul long terme, qui n’est pas une notion objective.

L’adoption de cet amendement rendrait la vérification possible à court, moyen et long termes, c’est-à-dire à toutes les phases.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 101 rectifié, présenté par Mme Herviaux, MM. Raoult, Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant le a du 3° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-1 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …) Des espèces énumérées à l'annexe I de la directive 79/409/CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et de celles énumérées aux annexes II et IV de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ; »

La parole est à Mme Odette Herviaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Cet amendement a pour objet de préciser que les espèces mentionnées dans les directives « Oiseaux » et « Habitats » doivent constituer l’un des éléments de définition des « espèces et habitats naturels protégés » tels qu’ils sont prévus dans la directive 2004/35.

Il s’agit de faire en sorte que la liste des espèces protégées qui figure en annexe de la directive soit le plus petit commun dénominateur possible s’agissant du régime de responsabilité pollueur-payeur : c’est, je pense, le minimum que l’on puisse exiger d’un texte aussi important !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 48 est présenté par Mme Didier, MM. Billout, Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 68 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après le a du 3° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-1 du code de l'environnement, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« …) Des espèces énumérées à l'annexe I de la directive 79/409/CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et de celles énumérées aux annexes II et IV de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. »

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour défendre l’amendement n° 48.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Le texte présenté à l’article 1er du projet de loi pour l'article L. 161-1 du code de l'environnement détermine le champ d’application du dispositif de mise en œuvre de la responsabilité environnementale.

Au titre des atteintes constitutives d’un dommage environnemental, il évoque celles qui affectent gravement « la conservation ou le rétablissement dans un état favorable à leur maintien à long terme » d’un certain nombre d’espèces et d’habitats.

Le recours à la notion de dommage grave, très restrictive, et à celle de maintien à long terme, trop imprécise, nous conduit à considérer avec la plus grande prudence le contenu du 3° du I de la rédaction présentée.

C’est pourquoi nous souhaitons, au travers de cet amendement, que les espèces énumérées dans les directives concernant, respectivement, la conservation des oiseaux sauvages et la conservation des habitats naturels ainsi que la flore et la faune sauvages constituent un des éléments de définition des « espèces et habitats naturels protégés » tels qu’ils sont prévus dans la directive 2004/35.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 68.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Cet amendement vise à faciliter la tâche du ministère chargé de l’écologie, afin qu’il soit mieux à même de suivre l’ensemble des directives !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Aussi souhaitons-nous lui donner du temps en alignant, tout simplement, le texte du projet de loi sur celui des directives. Cela nous semble plus aisé que de rédiger un décret.

En effet, le seul intérêt de prendre un décret, s’agissant de la transposition de directives européennes, est de permettre de tenir compte de la particularité du pays. Cependant, pour ce qui concerne les espèces protégées, il serait tout de même préférable de se référer à une directive européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 49 est présenté par Mme Didier, MM. Billout, Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 69 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 103 est présenté par Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

À la fin du b du 3° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-1 du code de l'environnement, supprimer les mots :

qui justifient la désignation de ces sites

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour défendre l’amendement n° 49.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Le texte présenté à l’article 1er du projet de loi pour l’article L. 161-1 du code de l’environnement précise la notion de dommage environnemental.

Ainsi, constituent des dommages causés à l’environnement les modifications négatives mesurables affectant gravement la conservation ou le rétablissement dans un état favorable à leur maintien à long terme, dans les sites Natura 2000, des habitats et des espèces de faune et de flore sauvages qui justifient la classification de ces sites.

La notion de dommage environnemental est donc restreinte par l’exigence de gravité. On aurait pu imaginer, au contraire, que les atteintes mentionnées à cet article soient suffisamment graves en elles-mêmes pour justifier que le dommage environnemental soit constitué.

Le Gouvernement n’a pas souhaité aller plus loin que le strict minimum prévu dans la directive. Pourtant, quand sont concernés des espaces particulièrement sensibles, comme c’est le cas avec les sites Natura 2000, on pourrait s’attendre à ce que les réglementations soient plus contraignantes !

Natura 2000 a été conçu pour préserver la biodiversité en Europe. Ce réseau de sites, représentatifs de cette diversité, où la préservation des habitats et des espèces naturelles de l’Union européenne est assurée doit bénéficier d’une protection à la hauteur de sa richesse.

La France a déjà fait l’objet d’une procédure précontentieuse avec la saisine de la Cour de justice des Communautés européennes en juin 2007, la Commission européenne jugeant insuffisante la transposition de la directive relative à l’évaluation de l’incidence des projets d’aménagement ou de travaux dans un site Natura 2000.

Par cet amendement, nous demandons que les atteintes portées à ces sites soient constitutives de dommages environnementaux sans qu'il soit nécessaire de démontrer qu’elles ont affecté spécifiquement les habitats qui étaient à l'origine du classement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 69.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Comme nous l’avons indiqué dans la discussion générale, nous avons été surpris de constater que la transposition de la directive n’a pas bénéficié de la réflexion et des avancées permises par le Grenelle de l’environnement.

On sait qu’un espace naturel est un espace fragile, mais qu’il peut évoluer et connaître parfois un enrichissement de la biodiversité. Nous voulons donc qu’il soit préservé au regard non pas seulement de ce qu’il était lors de son classement, mais aussi de ce qu’il est devenu par la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Odette Herviaux, pour présenter l'amendement n° 103.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Dans le projet de loi « Grenelle I », présenté le 29 avril dernier aux parlementaires, trois articles concernent directement la biodiversité.

Ainsi, monsieur le ministre d’État, vous nous proposerez bientôt de placer au moins 2 % du territoire national sous protection forte, de constituer une trame verte et bleue et de créer trois nouveaux parcs nationaux, sans compter le classement des zones maritimes, de renforcer le rôle des collectivités et de protéger les 131 espèces végétales et animales en danger critique d’extinction en France. Vous avez également indiqué que le Gouvernement souhaite mettre fin à la perte de la biodiversité.

Il serait donc intéressant de nous montrer que le Grenelle n’est pas, comme tant d’autres projets, abandonné à peine né.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 50 est présenté par Mme Didier, MM. Billout, Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 70 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 102 est présenté par Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Pastor et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Compléter le 3° du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-1 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« …) Des parcs nationaux, des parcs naturels régionaux, des réserves naturelles, des zones naturelles d'intérêt écologique faunistique et floristique, des surfaces concernées par un arrêté de biotopes, des forêts de protection, des sites inscrits ou classés et des sites inscrits sur la liste des zones humides d'importance internationale au titre de la convention de Ramsar de 1971. »

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour défendre l’amendement n° 50.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

L’Union mondiale pour la nature, connue sous le nom d’UICN, observe avec intérêt les évolutions législatives et réglementaires qui s’engagent dans notre pays. Elle a estimé il y a quelque temps qu’une véritable stratégie à long terme en matière d’espaces protégés faisait encore défaut à la politique française.

Selon une étude menée par le Comité français de l’UICN, le réseau d’aires protégées reste, en France, à élargir et à consolider. Nul n’ignore ici que les plus beaux paysages sont aussi les plus convoités. Devant les pressions démographiques et économiques de toutes sortes qu’ils subissent, de nombreux espaces à forte valeur patrimoniale ne bénéficient pas encore d’une protection suffisante.

Le texte proposé à l’article 1er pour le III de l’article L. 161-1 du code de l’environnement vise à soumettre au dispositif du projet de loi les dommages graves causés aux espèces et aux habitats naturels.

L’amendement n° 50 a pour objet de prévoir que, au regard des objectifs de protection de l'environnement, le principe de la responsabilité environnementale soit étendu à l'ensemble des sites répondant à un objectif de préservation des habitats et des espèces de faune et de flore, comme c’est le cas pour les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux, les réserves naturelles, les zones naturelles d’intérêt écologique, les surfaces concernées par un arrêté de biotopes, les forêts de protection, les sites inscrits ou classés et les sites inscrits sur la liste des zones humides d'importance internationale au titre de la convention de Ramsar de 1971.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 70.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement vise à étendre le principe de responsabilité environnementale à l’ensemble des sites répondant à un objectif de préservation des habitats et des espèces de faune et de flore.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Paul Raoult, pour présenter l'amendement n° 102.

Debut de section - PermalienPhoto de Paul Raoult

Il me semble qu’il serait tout de même un peu dommage de ne viser, au travers d’un tel texte, que de 2 % à 3 % de l’espace français, alors que celui-ci présente une si grande richesse écologique !

On connaît les sites Natura 2000, mais il existe bien d’autres espaces ayant autant de valeur et de richesses ! Il est donc tout à fait regrettable de choisir de ne préserver qu’une catégorie de sites, qui plus est en restreignant la définition des dommages.

Nous pensons au contraire qu’il y a lieu d’appliquer le régime de responsabilité sans faute, qui concerne les exploitants exerçant une activité non classée, dans tous les sites dont la vocation est de protéger l’environnement.

La responsabilité environnementale doit s’appliquer partout et être effective dans la totalité des espaces naturels répertoriés : les parcs nationaux, les parcs naturels régionaux, les espaces concernés par un arrêté de biotopes, les forêts de protection, les réserves naturelles, mais aussi les ZNIEFF, ou zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique, sigle qui désigne depuis 1982 les secteurs de grand intérêt biologique et écologique ainsi que les grands ensembles naturels riches et peu modifiés offrant des potentialités biologiques importantes, ou encore les sites visés par la convention intergouvernementale de Ramsar, qui porte sur la conservation et l’utilisation des zones humides et de leurs ressources.

Je me permettrai de rappeler que la France doit aussi ses fortes performances économiques à un environnement qu’elle a su préserver. Il ne faut donc pas opposer économie et écologie : l’environnement et l’écologie sont des atouts de notre développement économique. Ainsi, on se souvient des débats sur la loi littoral ; aujourd’hui, on se rend compte que la préservation de nos côtes est devenue un atout pour la croissance de notre pays.

Je rappellerai également que la France compte quarante-cinq parcs naturels régionaux, qui, avec plus de 7 millions d’hectares, représentent quelque 13 % de la superficie de notre pays. Je pense que la loi que nous sommes en train d’élaborer pourrait s’appliquer à l’ensemble des parcs naturels régionaux ; en tant que président de l’un d’eux, je serais heureux de la mettre en œuvre.

Ces quelques éléments montrent que, au-delà du débat toujours stérile qui oppose économie et environnement, notre développement économique passe en réalité par la conservation d’un patrimoine naturel le plus riche possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 127, ainsi que sur l’ensemble des amendements autres que celui qu’elle a elle-même présenté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

En ce qui concerne le sous-amendement n° 127, la commission propose de prendre en compte les remarques du Gouvernement en rectifiant son amendement, afin de viser, au deuxième alinéa, les détériorations « mesurables », et de préciser, au troisième alinéa, que les risques d’atteinte grave à la santé humaine résultent de la contamination des sols.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis donc saisi d’un amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, et ainsi libellé :

I. - Rédiger ainsi le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-1 du code de l'environnement :

« I. - Constituent des dommages causés à l'environnement au sens du présent titre les détériorations mesurables de l'environnement qui :

« 1° Créent un risque d'atteinte grave à la santé humaine du fait de la contamination des sols résultant de l'introduction directe ou indirecte, en surface ou dans le sol de substances, préparations, organismes ou micro-organismes ;

« 2° Affectent gravement l'état écologique, chimique ou quantitatif ou le potentiel écologique des eaux, à l'exception des cas prévus au VII de l'article L. 212-1 ;

« 3° Affectent gravement le maintien ou le rétablissement dans un état de conservation favorable :

« a) des espèces visées à l'article 4§2, à l'annexe I de la directive 79/409/CEE et aux annexes II et IV de la directive 92/43/CEE ;

« b) des habitats des espèces visées à l'article 4§2, à l'annexe I de la directive 79/409/CEE et à l'annexe II de la directive 92/43/CEE ainsi que les habitats naturels énumérés à l'annexe I de la directive 92/43/CEE ;

« c) des sites de reproduction et des aires de repos des espèces énumérées à l'annexe IV de la directive 92/43/CEE ;

« 4° Affectent les services écologiques, c'est-à-dire les fonctions assurées par les sols, les eaux et les espèces et habitats mentionnés au 3° au bénéfice d'une de ces ressources naturelles ou au bénéfice du public, à l'exclusion des services rendus au public par des aménagements réalisés par l'exploitant ou le propriétaire. »

II- En conséquence, supprimer le III.

Monsieur le ministre d’État, dans ces conditions, le sous-amendement n° 127 est-il maintenu ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Non, je le retire, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le sous-amendement n° 127 est retiré.

Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

En ce qui concerne l’amendement n° 99, la commission émet un avis défavorable.

En effet, s’agissant des dommages causés aux sols, la directive de 2004 retient comme critère le risque d’atteinte grave à la santé humaine. Il s’agit là d’un élément essentiel de définition du champ d’application de la directive qui a fait l’objet de discussions à l’échelon européen. Il n’apparaît donc pas opportun que la France modifie de sa seule initiative cette définition, en raison des difficultés d’application qui se présenteraient et du risque de distorsion de concurrence au sein de l’Union européenne qui pourrait en résulter.

En outre – je l’ai déjà dit ce matin en commission –, il existe un projet de directive relative à la protection des sols, actuellement discuté à l’échelon européen. En quelque sorte, Mme Herviaux a potentiellement satisfaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Malheureusement, la commission doit aujourd’hui émettre un avis défavorable sur son amendement.

L’amendement n° 100 est satisfait par l’amendement n° 2 rectifié bis, qui tend notamment à supprimer les mots : « à long terme ». Par conséquent, je demande à ses auteurs de le retirer. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Pour la même raison, la commission est défavorable à l’amendement n° 67.

L’amendement n° 101 rectifié est lui aussi satisfait, puisque l’amendement n° 2 rectifié bis tend à supprimer la référence à des arrêtés. Afin de garantir une reprise complète des listes visées par les directives de 1979 et 1992, l’amendement de la commission renvoie explicitement aux directives elles-mêmes.

En conséquence, la commission demande le retrait de l’amendement n° 101 rectifié.

En ce qui concerne les amendements identiques n° 48 et 68, la commission émet un avis défavorable.

Les amendements identiques n° 49, 69 et 103 sont incompatibles avec l’amendement n° 2 rectifié bis, qui a notamment pour objet de supprimer les références aux sites Natura 2000, pour renvoyer explicitement aux listes d’habitats et d’espèces visés par la directive de 2004, afin que le texte soit conforme à celle-ci.

La commission demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

En ce qui concerne les amendements identiques n° 50, 70 et 102, l’extension du champ d’application proposée par rapport à ce que prévoit la directive est considérable. La commission ne souhaite pas multiplier les contraintes pesant sur les exploitants en allant au-delà des dispositions de la directive et émet donc un avis défavorable.

Je voudrais toutefois préciser plusieurs points, parce qu’il y a, me semble-t-il, une ambiguïté.

Les sites Natura 2000 représentent tout de même 13 % du territoire national, ce qui n’est pas rien.

M. Paul Raoult manifeste son scepticisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

En outre, les sites Natura 2000 recoupent très souvent d’autres territoires, notamment ceux des parcs naturels.

S’agissant enfin de la diversité des espèces, sur laquelle on a insisté à juste titre, je souligne que la directive sur la responsabilité environnementale a pour objet de la protéger sur l’ensemble du territoire national, alors qu’elle ne vise que les zones Natura 2000 s’agissant des habitats.

Les auteurs des amendements ont donc indirectement satisfaction. Il y a eu une légère erreur d’appréciation, ce que je conçois, car ce domaine est quelque peu complexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 2 rectifié bis.

En ce qui concerne l’amendement n° 99, j’émets un avis défavorable pour les mêmes motifs que M. le rapporteur. La directive relative à la protection des sols, qui n’a pu être adoptée sous la présidence allemande de l’Union européenne, sera reprise sous la présidence française ; nous pourrons l’affiner.

Les amendements n° 100, 67 et 101 rectifié sont satisfaits, comme l’a expliqué M. Bizet.

Par ailleurs, le Gouvernement est défavorable aux amendements n° 48 et 68, ainsi qu’aux amendements n° 49, 69 et 103, incompatibles avec l’amendement n° 2 rectifié bis de la commission.

Enfin, s’agissant des amendements n° 50, 70 et 102, le Gouvernement souscrit aux explications données par la commission sur l’importance des sites Natura 2000 et la distinction faite entre les habitats et les espèces. Cela étant, j’espère que les débats sur la trame verte faisant suite au Grenelle de l’environnement nous permettront d’approfondir ces questions sur le plan législatif. §Toutefois, en l’état actuel de la transcription, le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En conséquence, les amendements n° 99, 100, 67, 101 rectifié, 48, 68, 49, 69, 103, 50, 70 et 102 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-1 du code de l'environnement, après les mots :

espèces et habitats naturels protégés

insérer les mots :

visés au 3° du I

La parole est à M. le ministre d'État.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 161-1 du code de l'environnement par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Constitue une menace imminente de dommage causé à l'environnement pour l'application du présent titre une probabilité suffisante que survienne un tel dommage dans un avenir proche. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Cet amendement vise à déplacer, pour des raisons de lisibilité, la définition de la menace imminente de dommage à l’article L. 161-1 du code de l’environnement, dans la mesure où elle est évoquée dès l’article L. 161-2.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Le Gouvernement émet un avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 4, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-2 du code de l'environnement, après les mots :

menace imminente de

insérer le mot :

tels

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les trois premiers sont identiques.

L'amendement n° 51 est présenté par Mme Didier, MM. Billout, Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 71 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 92 rectifié est présenté par Mme Keller et M. Retailleau.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer les 5° et 6° du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-2 du code de l'environnement.

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 51.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

La rédaction présentée pour l’article L. 161-2 du code de l’environnement exclut du champ d’application du projet de loi un certain nombre de dommages.

Le 5° exclut tout incident « à l’égard duquel la responsabilité ou l’indemnisation relèvent du champ d’application d’une des conventions internationales énumérées à l’annexe IV, y compris toute modification future de ces conventions, qui est en vigueur dans l’État membre concerné ». En l’état actuel du droit, seules deux conventions sont visées.

Cependant, l’annexe à laquelle il est fait référence énumère cinq conventions : en dehors des dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, sont concernés ceux qui sont dus aux hydrocarbures de soute, ceux qui sont liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses et ceux qui sont causés au cours du transport de marchandises dangereuses par route, rail et bateau de navigation intérieure.

Le 6° exclut les dommages résultant d’activités relevant du traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique ou d’un incident à l’égard desquels la responsabilité ou l’indemnisation « relèvent du champ d’application » d’un des instruments internationaux énumérés à l’annexe V, qui concernent l’énergie nucléaire. Ici, le projet de loi exclut les dommages relevant de six instruments internationaux.

Quand on prend en compte le champ d’application de toutes ces conventions, c’est donc une grande partie des dommages qui se trouve soustraite au dispositif de prévention et de réparation des dommages environnementaux organisé à l’échelon communautaire.

On comprend mal cette exclusion, quand on sait que l’objectif communautaire est d’imposer à tous les États membres un socle minimal de protection, afin de faire reculer en Europe le nombre de sites pollués, les risques graves pour la santé publique et les pertes de biodiversité. Cette démarche serait mise en échec par l’existence de conventions sectorielles, même si elles instaurent un régime moins protecteur.

Ainsi, les indemnisations accordées par le Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, le FIPOL, à la suite de la catastrophe du Prestige ont été dérisoires au regard des dégâts causés. Les élus des communes concernées pourraient vous en parler ! C’est pourquoi il est essentiel que le projet de loi traite de ces activités et leur applique le régime de responsabilité.

Rien n’empêche, en droit, la coexistence de plusieurs normes. Afin de renforcer la portée de ce projet de loi, nous demandons instamment au Sénat d’adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 71.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement, identique aux amendements n° 51 et 92, a pour objet de supprimer des dispositions qui permettent d'exonérer de responsabilité les dommages dus aux pollutions par les hydrocarbures ou par les centrales nucléaires, au motif qu'il existe déjà des conventions internationales qui réglementent la responsabilité civile.

Or, les activités liées au transport d'hydrocarbures et au nucléaire sont potentiellement très dommageables pour l'environnement, et les dispositifs internationaux sont très limitatifs et insuffisamment protecteurs. Par exemple, les indemnisations accordées par le FIPOL à la suite de la catastrophe du Prestige ont été dérisoires au regard des dégâts causés. C'est pourquoi il est essentiel que le projet de loi traite de ces activités et leur applique le régime de responsabilité et le principe pollueur-payeur, en vue d’une juste réparation.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Fabienne Keller, pour présenter l'amendement n° 92 rectifié, dont M. Retailleau est le cosignataire.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

De la Vendée à l’Alsace, la situation est la même !

Cet amendement vise à supprimer dans ce texte qui définit le régime de responsabilité environnementale des dispositions qui permettent d’exonérer de responsabilité les dommages liés au transport des hydrocarbures, d’une part, et à la production d’énergie nucléaire, d’autre part.

En effet, quel pourrait être le sens d’un texte définissant le principe de la prévention et de la réparation dans le domaine de la responsabilité environnementale s’il ne couvre ces deux grands domaines ? Certes, je n’en doute pas, des explications très précises sur les différentes conventions qui les réglementent nous seront fournies – un dispositif particulier prévoit même, dans le domaine du nucléaire, des mesures de restauration et de compensation pour les biens environnementaux qui seraient endommagés –, mais ces textes restent bien en deçà de la directive que nous transposons aujourd'hui.

Nous souhaitons donc donner tout son sens à ce texte, de manière qu’il vise aussi les deux domaines que j’ai évoqués, dont la population perçoit très fortement, à juste titre, le risque environnemental.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 104, présenté par Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Pastor et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Supprimer le 5° du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-2 du code de l'environnement.

La parole est à Mme Odette Herviaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps les amendements n° 104 et 105.

S’agissant de l’amendement n° 104, les activités liées au transport d’hydrocarbures sont potentiellement, nous en savons quelque chose, très dommageables à l’environnement, et les dispositifs internationaux sont, à notre avis, trop limitatifs et insuffisamment protecteurs.

Ainsi, à la suite de la catastrophe du Prestige, les indemnisations accordées par le Fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures ont été dérisoires au regard des dégâts causés.

Certes, le récent jugement relatif à la marée noire engendrée par le naufrage de l’Erika a, pour la première fois, consacré la possibilité d’une indemnisation du préjudice résultant d’une atteinte à l’environnement, en dehors du préjudice moral et du préjudice matériel, et ce avant toute transposition dans notre droit interne de la directive qui nous occupe et en application des principes classiques du droit de la réparation.

Cependant, quand il s’agit de répondre à des exigences constitutionnelles, on ne peut s’en remettre à la jurisprudence, qui, par nature, intervient après un dommage.

Je rappelle, en effet, que l’article 3 de la Charte de l’environnement dispose que « toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu’elle est susceptible de porter à l’environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences ».

Par ailleurs, nous ne pouvons imaginer qu’il n’en eût pas été autrement si l’exploitant de l’Erika avait anticipé, en adoptant des mesures de prévention, les risques financiers qu’aurait fait peser le principe pollueur-payeur s’il s’était appliqué avant la catastrophe. Au dire des spécialistes, la jurisprudence Erika est en train de révolutionner les pratiques du secteur. N’est-ce pas là une preuve que la menace d’une sanction, notamment financière, est efficace pour faire évoluer les mentalités dans le bon sens ?

Certains industriels, qui devancent les mesures de protection dans leurs entreprises et dans leurs filiales, l’ont d’ailleurs bien compris. C’est ce que nous appelons l’ « excellence environnementale », et c’est le seul moyen crédible, à nos yeux, de restaurer l’exemplarité de la France en Europe et dans le monde.

L’amendement n° 105 vise, quant à lui, à supprimer le 6° du texte proposé à l’article 1er pour l’article L. 161-2 du code de l’environnement. Les activités liées à la production d’énergie nucléaire doivent être soumises aux dispositions du projet de loi. Les risques annexes, tels que ceux qui pèsent sur la qualité de l’eau des rivières à proximité immédiate des centrales, sont effectivement loin d’être négligeables.

À l’heure où la France souhaite exporter sa technologie nucléaire, n’est-on pas en droit de s’imaginer que, grâce à l’application effective du principe pollueur-payeur chez elle, elle pourrait faire valoir un avantage comparatif essentiel dans la compétition économique internationale ?

Les exigences environnementales doivent permettre à notre industrie de réaliser ce que l’on appelle des sauts technologiques majeurs, qui sont aussi le gage d’une croissance future.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 5 rectifié bis, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le 5° du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-2 du code de l'environnement :

« 5° Résultant d'un événement soumis à un régime de responsabilité ou d'indemnisation prévu par les conventions internationales mentionnées à l'annexe IV de la directive 2004/35/CE à compter de leur entrée en vigueur sur le territoire de la République française ; »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il s’agit d’un amendement de simplification, qui prévoit de renvoyer directement à l’annexe IV de la directive, s’agissant des conventions relatives aux hydrocarbures, plutôt que de présenter une énumération dans la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 105, présenté par Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Pastor et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Supprimer le 6° du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-2 du code de l'environnement.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 6, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le neuvième alinéa () du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-2 du code de l'environnement, supprimer le mot :

futures

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements autres que ceux qu’elle a elle-même présentés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

L’amendement n° 6 est un amendement de précision.

Il faut pouvoir prendre en compte les modifications apportées aux conventions visées avant l'entrée en vigueur de la loi. Celles-ci, à l’inverse des conventions auxquelles il est fait référence à l’amendement n° 5 rectifié bis, doivent être mentionnées dans la loi, car certaines d’entre elles n’ont pas encore été ratifiées par la France. Seule la loi peut procéder à l'exclusion du champ d'application.

La commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques n° 51, 71 et 92 rectifié, ainsi que sur les amendements n° 104 et 105.

L’exclusion du champ d’application de la directive des dommages relevant d’une convention relative au transport des hydrocarbures ou au nucléaire est un choix qui a été fait à l’échelon de l’Union européenne par l’ensemble des États membres.

Cette exclusion a été justifiée par le fait que, dans ces domaines, des conventions internationales prévoient déjà des régimes de responsabilité. À titre d’exemple, la convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par hydrocarbures fixe des indemnités versées en cas de dommages à l’environnement, qui doivent correspondre au coût des mesures de remise en état.

Par ailleurs, en matière nucléaire, la responsabilité de l’exploitant est exclusive, objective et assortie d’une obligation d’assurance ou de garantie financière. Avec la notion de garantie financière, on va donc en quelque sorte plus loin encore que ne le prévoit le présent texte.

Les instruments internationaux visés dans le projet de loi définissent des mesures de restauration à la charge de l’exploitant en cas de dommage.

En conséquence, dans ces hypothèses, la responsabilité de l’exploitant peut déjà être mise en cause, et il ne faut pas compliquer le système existant en ajoutant les dispositions du présent projet de loi.

Enfin, le récent jugement intervenu à la suite de la catastrophe de l’Erika a montré que le juge pouvait, s’il le souhaitait, demander au responsable d’une pollution par les hydrocarbures de réparer le dommage causé à l’environnement, en allouant à la Ligue pour la protection des oiseaux une somme correspondant non seulement au nettoyage des oiseaux, mais aussi aux dépenses nécessaires pour permettre la nidification et l’élevage des oiseaux de remplacement, soit 75 euros par animal si ma mémoire est bonne.

En définitive, tous ces amendements me semblent satisfaits par les conventions internationales.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’ensemble des amendements ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

S’agissant des amendements visant à supprimer un certain nombre d’exonérations de responsabilité, la question est relativement simple : nous avons signé des conventions internationales qui ne jouent que si les poursuites sont ouvertes sur leur seul fondement. Cela est prévu de façon expresse.

Certes, on peut envisager d’améliorer ces conventions, et vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous y sommes plutôt favorables. Toutefois, retenir les propositions des auteurs desdits amendements, visant à permettre de poursuivre sur un autre fondement que celui des conventions, ne serait pas conforme à nos engagements internationaux et mettrait à mal l’équilibre général du dispositif. Cela étant, le régime de la responsabilité dans le secteur du transport maritime, visé à l’article 5, présente un caractère spécifique.

En tout état de cause, le Gouvernement ne peut être que défavorable aux amendements n° 51, 71, 92 rectifié, 104 et 105.

Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur les amendements n° 5 rectifié bis et 6 de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 51, 71 et 92 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre d’État, vous arguez du fait que l’adoption de ces amendements, ainsi que celle des amendements n° 104 et 105 de Mme Herviaux, nous mettraient en contradiction avec les conventions internationales que la France a signées.

M. le ministre d’État opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cependant, pour éclairer le débat et nous permettre de décider le cas échéant de retirer nos amendements, pourriez-vous nous donner lecture des termes exacts de ces conventions ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Je n’ai pas le texte des conventions à ma disposition, mais je puis vous lire les attendus de la directive, qui sont clairs :

« Plusieurs États membres sont parties à des accords internationaux traitant de la responsabilité civile en ce qui concerne des domaines particuliers. Ces États membres devraient pouvoir rester parties à ces accords après l’entrée en vigueur de la présente directive, tandis que les autres États membres devraient garder la faculté de devenir parties à ces accords. »

D’autres explications concernent Euratom et la convention relative aux hydrocarbures.

Monsieur le sénateur, je vous transmettrai le texte des conventions avant la levée de la présente séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Monsieur Desessard, acceptez-vous de retirer l’amendement n° 71 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Non, monsieur le président ! M. le ministre d’État n’a pas vraiment répondu à ma demande. En conséquence, je maintiens mon amendement.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 7, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 161-2 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« 7° Causés par une pollution à caractère diffus, sauf si l'autorité visée au 2° de l'article L. 165-2 établit un lien de causalité entre les dommages ou leur menace et les activités des différents exploitants. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Cet amendement tend à déplacer, pour des raisons de lisibilité, l'exclusion du champ d'application des pollutions diffuses à l'article L. 161-2 du code de l’environnement et à préciser, conformément à l’article 11 de la directive, que c'est au préfet de déterminer le lien de causalité entre les dommages et les activités des exploitants. Cette précision est particulièrement utile pour les pollutions diffuses, du fait de la difficulté à établir le lien de causalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le sous-amendement n° 126, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de l'amendement n° 7, remplacer les mots :

si l'autorité visée au 2° de l'article L. 165-2 établit

par les mots :

s'il est possible d'établir

La parole est à M. le ministre d'État.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Ce sous-amendement vise à revenir au plus près du texte de la directive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

La commission a examiné avec attention cette proposition du Gouvernement, avec lequel elle se trouve quelque peu en désaccord sur ce point.

Toutefois, afin de prendre en compte le vœu du Gouvernement, nous proposons de rectifier notre amendement n° 7, afin de proposer la rédaction suivante pour le 7° de l’article L. 161-2 du code de l’environnement :

« Causés par une pollution à caractère diffus, sauf si un lien de causalité entre les dommages ou leur menace et les activités des différents exploitants est établi par l’autorité visée au 2° de l’article L. 165-2, qui peut demander à l’exploitant les évaluations et informations nécessaires ; ».

Cette formulation devrait permettre de trouver un équilibre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis donc saisi d’un amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 161-2 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« 7° Causés par une pollution à caractère diffus, sauf si un lien de causalité entre les dommages ou leur menace et les activités des différents exploitants est établi par l'autorité visée au 2° de l'article L. 165-2, qui peut demander à l'exploitant les évaluations et informations nécessaires ; »

Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement n° 7 rectifié ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat et retire son sous-amendement n° 126.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° 8 est présenté par M. Bizet, au nom de la commission.

L'amendement n° 65 est présenté par Mme Didier, MM. Billout, Danglot et Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 72 est présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 106 est présenté par Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Pastor et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article L. 161-3 du code de l'environnement.

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il s’agit d’un amendement de coordination avec l’amendement n° 5 rectifié bis, qui exclut du champ d’application du projet de loi les dommages relevant des conventions figurant à l’annexe IV de la directive quand elles auront été ratifiées par la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l'amendement n° 65.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Il a été défendu en même temps que l’amendement n° 51, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 72.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Odette Herviaux, pour présenter l'amendement n° 106.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l’avis du Gouvernement sur les quatre amendements identiques ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Favorable.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 161-4 du code de l'environnement :

« Art. L. 161-4. - Le présent titre s'applique sans préjudice du droit pour un propriétaire de navire de limiter sa responsabilité en application de la convention sur la limitation de la responsabilité en matière de créances maritimes de 1976 et, à compter de son entrée en vigueur sur le territoire de la République française, de la convention de Strasbourg du 4 novembre 1988 sur la limitation de la responsabilité en navigation intérieure. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Conformément à la directive, cet amendement vise à la prise en compte, dès que la France l’aura ratifiée, de la convention de Strasbourg du 4 novembre 1988, laquelle tend à harmoniser la limitation de la responsabilité des propriétaires de navires.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 10, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le mot :

depuis

rédiger comme suit la fin du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-5 du code de l'environnement :

le fait générateur du dommage

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il s’agit d’un amendement rédactionnel, monsieur le président.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 11, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa () du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-6 du code de l'environnement, remplacer les mots :

l'émission, l'événement ou l'incident ayant causé le dommage

par les mots :

le fait générateur du dommage

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il s’agit là aussi d’un amendement rédactionnel.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 12, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa () du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-6 du code de l'environnement :

« 2° Lorsque le fait générateur du dommage résulte d'une activité ayant définitivement cessé avant le 30 avril 2007. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 13, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article L. 161-7 du code de l'environnement.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Il s’agit d’un amendement de conséquence, la définition de l'exploitant ayant été déplacée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 107, présenté par Mme Herviaux, MM. Raoult, Repentin, Pastor et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 161-7 du code de l'environnement :

« Art. L. 161-7. I. - Pour l'application du présent titre, « l'exploitant » s'entend de toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui exerce ou contrôle une activité professionnelle ou qui a reçu par délégation un pouvoir économique important sur le fonctionnement technique, y compris le titulaire d'un permis ou d'une autorisation pour une telle activité, ou la personne faisant enregistrer ou notifiant une telle activité.

« II. - Pour l'application du présent titre, « l'activité» s'entend de toute activité pratiquée dans le cadre d'une activité économique, d'une affaire ou d'une entreprise, indépendamment de son caractère privé ou public, lucratif ou non lucratif. »

La parole est à Mme Odette Herviaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Cet amendement a pour objet de revenir à la définition de l'exploitant responsable retenue dans la directive.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 74, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après les mots :

ou contrôle une activité professionnelle

rédiger comme suit la fin du texte proposé par cet article pour l'article L. 161-7 du code de l'environnement :

ou qui a reçu par délégation un pouvoir économique important sur le fonctionnement technique, y compris le titulaire d'un permis ou d'une autorisation pour une telle activité, ou la personne faisant enregistrer ou notifiant une telle activité

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement a pour objet de reprendre la définition de l'exploitant responsable contenue dans la directive, de manière à responsabiliser notamment les actionnaires principaux des exploitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 107 et 74 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

La commission est défavorable à ces amendements.

Elle a en effet fait le choix, pour la définition de l’exploitant, de se rapprocher le plus possible des termes juridiques utilisés en droit français, tout en restant fidèle à la directive, afin de ne pas introduire un flou juridique qui est en quelque sorte, dans ce projet de loi, le principal écueil qui guette les exploitants.

Aussi la commission souhaite-t-elle écarter de la rédaction du projet de loi des notions qui sont extrêmement floues en droit français, comme celle d’« affaire », qui figure dans le texte de l’amendement n° 107.

En outre, sur le fond, la commission ne souhaite pas, contrairement aux auteurs des amendements, viser les actionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 13, 107 et 74 ?

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 13 de la commission.

Il est en revanche défavorable aux amendements n° 107 et 74.

Cela étant, la France a pris l’engagement, je le rappelle, de porter à l’échelon communautaire le principe de la reconnaissance de la solidarité des sociétés mères à l’égard de leurs filiales en cas d’atteinte à l’environnement et défendra ces orientations sur le plan international.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

En conséquence, les amendements n° 107 et 74 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 84, présenté par MM. Desessard et Muller et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 161-7 du code de l'environnement, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Sont concernés par le principe pollueur-payeur, l'ensemble des exploitants, semenciers, grossistes, agriculteurs, qui utilisent les organismes génétiquement modifiés, susceptibles de contaminer les sols et l'air, à court, moyen ou long terme. »

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement vise en quelque sorte à compléter le principe pollueur-payeur.

Le débat sur les OGM, qui fut houleux, a été provisoirement tranché, mais il est loin d'être terminé ! La nocivité des OGM apparaîtra de plus en plus clairement au cours des prochaines années, que ce soit du point de vue de la santé publique ou de celui de l’économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

M. Jean Bizet, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Mais je ne vais pas revenir sur un débat qui, voilà peu, nous a réunis, sans toutefois nous rassembler !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

En cas de dommage grave à l’environnement, conformément à l’annexe III de la directive, seront notamment soumises à un régime de responsabilité sans faute – c’est donc assez lourd ! – les activités suivantes : toute utilisation confinée, y compris le transport, de micro-organismes génétiquement modifiés, toute dissémination volontaire dans l’environnement, tout transport ou mise sur le marché d’organismes génétiquement modifiés.

En conséquence, sauf à rouvrir un débat que nous avons déjà eu à l’occasion de l’examen d’un précédent projet de loi, le présent amendement n’apporte pas grand-chose au texte. C’est pourquoi la commission y est défavorable.

J’ajouterai même, avec un certain humour, qu’il est déjà satisfait. Par conséquent, M. Jean Desessard est, j’en suis persuadé, comblé !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Elle figure à l’annexe III de la directive. Vous avez donc d’ores et déjà satisfaction. C’est pourquoi je disais que, sur ce point, vous êtes un homme comblé !

Debut de section - Permalien
Jean-Louis Borloo, ministre d'État

Je ferai la même remarque : tout est bien précisé et le texte renvoie spécifiquement à l’annexe III.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je note donc que les OGM peuvent être dangereux, puisque cela est précisé à l’annexe III de la directive. C’est bien ce que vous venez de dire, monsieur le rapporteur ?

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

J’ai bien compris que, sur la dangerosité des OGM, nous avions des avis divergents !

Cela étant, aujourd’hui, vous êtes le rapporteur du projet de loi relatif à la responsabilité environnementale. Si les OGM se révélaient être dangereux, ce que je pense, contrairement à vous, il y aurait réparation au titre de l’annexe III de la directive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Oui, mais selon moi, les dommages seront graves, et c’est précisément la raison pour laquelle je suis inquiet !

Cela dit, puisque ma proposition figure dans la directive, je retire mon amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L’amendement n° 84 est retiré.

Vous voyez bien que vous êtes comblé, monsieur Desessard !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Michèle André.