C’est pourquoi toute réglementation doit être assortie de sanctions qui, je l’espère, joueront un rôle dissuasif.
Ce texte soulève quelques interrogations.
En premier lieu, on passe de la responsabilité fondée sur la faute individuelle à une responsabilité reposant sur l’idée du risque et de la sécurité, ce qui, de mon point de vue, est très judicieux. Toutefois, ce virage suppose que les marges d’incertitudes scientifiques soient les plus minces possibles, que les savoirs et les expertises soient partagés par toutes les forces vives de la nation, afin de gérer au mieux ces risques inhérents à toute activité humaine que sont les risques sanitaires, les risques industriels et les risques environnementaux.
En deuxième lieu, il convient, pour que cette législation soit applicable, que les pouvoirs politiques et judiciaires soient en mesure d’échapper à la pression des groupes d’intérêt, les lobbies, qui ne poursuivent que leur intérêt propre sans penser au bien public. Or j’ai parfois le sentiment que la rédaction, à Bruxelles, d’un certain nombre de directives européennes est fortement influencée par ces lobbies.
En troisième lieu, il importe de prendre en compte, dans le même temps, une demande forte, croissante, de sanctions, de réparations assorties d’indemnisations, dans une société de méfiance où le contentieux tient souvent lieu de lien social. Il nous faut donc tenir un discours simple, perceptible par tous nos concitoyens, et élaborer une législation claire. Or je ne suis pas sûr que ces textes répondent complètement à cette préoccupation.
La peur du renouvellement de grandes catastrophes, telle que celle de Bhopal, en Inde, en décembre 1984, lorsque quarante tonnes de gaz se sont répandues dans l’atmosphère, provoquant plus de 4 000 décès dans une ville de plus de 600 000 habitants, ou encore les échouages répétés de pétroliers avec leur cortège de pollutions marines, font que la société demande aujourd’hui des comptes aux responsables de telles catastrophes, par le biais de réparations et de sanctions.
Cela ne doit pas pour autant brider l’innovation et la recherche. Il faut donc trouver un équilibre judicieux qui permette aux activités économiques de se développer, mais dans le respect absolu des normes environnementales.
Or nous savons aujourd’hui que cet équilibre harmonieux est loin d’être acquis. Il suffit de constater la poursuite des processus de dégradation des sols en termes de réserve organique – à cet égard, j’espère que la directive européenne actuellement en préparation paraîtra rapidement pour qu’elle puisse être transcrite en droit français –, ou encore la dégradation de la qualité de l’eau dans certains champs captants par les nitrates et les pesticides, exemples parmi bien d’autres que je pourrais citer pour illustrer mon propos. Il est nécessaire que chacun, dans les actes quotidiens de sa vie, se sente responsable et que toute transgression tombe sous le coup d’une sanction, afin que les normes environnementales soient totalement respectées.
Il convient donc de réfléchir à une cohésion plus grande du droit environnemental.
L’accumulation de textes devient une entrave à leur applicabilité. Au niveau européen, ce sont ainsi 200 directives, 708 textes, dans lesquels le droit reste trop souvent imprécis et le vocabulaire approximatif, ce qui implique des ajustements permanents qui sont d’ailleurs le plus souvent actés par la jurisprudence.
En conclusion, si le texte qui nous est soumis constitue une certaine avancée, personnellement, je reste sur ma faim. On aurait pu aller plus loin et je suis persuadé que nous devrons un jour revenir sur l’ensemble de ces dispositions. (Applaudissements