Demander le renvoi à la commission d’un texte connu depuis deux ans peut sembler curieux, mais bien des choses se sont passées durant ce laps de temps.
D’abord, aucune alternance n’est venue troubler les travaux des administrations centrales. Vous auriez donc pu vous ranger à l’idée que l’adjonction d’un titre VI au code de l’environnement, sans aucune autre modification significative, ne suffisait pas à nous faire croire que le principe pollueur-payeur deviendra demain une réalité.
Ensuite, a été organisé le Grenelle de l’environnement, à l’occasion duquel le principe pollueur-payeur et la responsabilité environnementale ont été largement évoqués.
Vous voulez aujourd’hui nous faire transposer en urgence un texte identique, qui nie littéralement les conclusions du Grenelle de l'environnement et qui ne répondra qu’à une seule exigence : permettre à la France d’être exemplaire aux yeux des Européens à la veille d’exercer la présidence de l’Union européenne ; vous l’avez concédé dans votre intervention liminaire, madame la secrétaire d'État.
Pensez-vous que la France puisse devenir exemplaire après seulement deux jours de débat sur un texte qui consiste à minimiser autant que possible l’impact de la mise en œuvre concrète du principe pollueur-payeur dans notre pays ?
En France, nous tergiversons depuis des années autour de ce principe sans jamais le rendre concret. À chaque fois, d’ailleurs, c’est la droite qui nous propose des succédanés. Déjà la loi du 2 février 1995, dite « loi Barnier », avait modifié le code de l’environnement pour y introduire cette notion. Ainsi, l’article L. 110-1 du code de l’environnement dispose : « I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation.
« II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion [...] s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, [du] principe pollueur-payeur, selon lequel les frais résultant des mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci doivent être supportés par le pollueur... »
Nous sommes précisément dans ce cadre aujourd’hui : la discussion d’une loi qui définit la portée du principe pollueur-payeur. C’est au travers de ce texte que vous souhaitez rendre concret l’article 4 de la Charte de l’environnement inscrite dans la Constitution depuis 2005 : « Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi. » Mais de quel environnement s’agit-il ? Des seuls espèces et habitats naturels protégés ? Certainement pas !
Toutefois, le présent projet de loi limite la portée du principe pollueur-payeur à cette vision très restrictive de l’environnement.
Au cours des débats sur le Grenelle de l’environnement, plusieurs groupes se sont préoccupés de la mise en œuvre de ce principe, à tel point que l’avant-dernier alinéa de l’article 43 du projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, que le ministre de l’écologie et du développement durable nous a présenté le 29 avril dernier, précise : « De plus, la France portera au niveau communautaire le principe de la reconnaissance de la responsabilité des sociétés mères à l’égard de leurs filiales en cas d’atteinte grave à l’environnement. Elle défendra ces orientations au niveau international ».
Or le texte que nous sommes appelés à examiner aujourd’hui ne reprend pas exactement la définition de l’exploitant prévue par la directive ; il limite donc la responsabilité des sociétés mères et actionnaires sur les dommages causés par leurs entreprises filiales et dépendantes. C’est tout le contraire de ce que souhaite ou dit souhaiter le Président de la République !