Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quelques mois après la réforme des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle, l’examen du projet de budget de cette mission nous offre l’occasion de porter de nouveau un regard d’ensemble sur la place que l’État accorde aux collectivités territoriales.
Le constat est alarmant : les atteintes répétées, réforme après réforme, au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales font aujourd’hui sentir leurs effets à un point tel que l’équilibre budgétaire de ces dernières s’en trouve fortement et inéluctablement menacé.
Plusieurs éléments nous amènent à établir ce constat.
En premier lieu, il nous est annoncé que, entre 2011 et 2014, les concours de l’État feront l’objet d’un « gel en valeur » à hauteur du montant ouvert en loi de finance initiale de 2010, soit 50, 45 milliards d’euros.
Ce gel annonce une baisse d’au moins 1 milliard d’euros des concours de l’État pour 20 000 communes. Cela signifie rien de moins qu’une asphyxie de nos régions, de nos départements et de nos communes, alors que, dans le même temps, l’État continue de se désengager de ses responsabilités en transférant de nombreuses compétences sans les assortir des moyens correspondants.
À l’échelon tant national que local, l’État persiste à mener une politique fiscale injuste au profit des plus riches, tandis que les départements font face à une hausse soutenue des dépenses sociales. Ces dernières sont liées, certes, aux effets de la crise économique, mais aussi à la mise en œuvre du revenu de solidarité active, dont l’État doit pourtant assurer la compensation – je vous renvoie à notre proposition de loi sur ce sujet –, ainsi qu’à divers transferts de compétences.
En second lieu, l’année 2011 sera celle de l’entrée en vigueur de la réforme de la taxe professionnelle pour les collectivités, 2010 ayant été une année de transition durant laquelle l’État versait une petite compensation aux collectivités. Les effets de la réforme se feront pleinement sentir dès 2011.
Lors des débats sur la suppression de la taxe professionnelle, M. Estrosi s’était engagé à ce qu’elle ne déséquilibre pas les investissements et les politiques d’aménagement des collectivités et des territoires. Or, comme nous l’avions prédit, les investissements des collectivités locales ont diminué de 2, 1 % en 2010, et ce n’est qu’un début.
Le Gouvernement voit en cette baisse une marque de prudence des collectivités dans la gestion de leur budget. Il se dit certainement que lorsqu’on leur serre la ceinture, elles dépensent mieux ! Eh bien non, les collectivités ne dépensent pas mieux ! Elles sont simplement contraintes d’interrompre, de reporter des projets. Ce sont bien évidemment les usagers des services publics qui souffrent en premier lieu de cette situation, l’état des routes se dégradant et le nombre de logements diminuant. Les entreprises de la voirie et du bâtiment, qui se voient contraintes de réduire leurs effectifs, en pâtissent également.
Au final, c’est donc la situation de l’emploi qui se détériore, alors que vous vous targuez de vouloir la préserver, voire de l’améliorer, avec la suppression de la taxe professionnelle, qui, selon vous, devait inciter les entreprises à embaucher. Aujourd’hui, la diminution des investissements contraint les entreprises à licencier. Encore une fois, vous jouez des apparences et vous donnez d’une main ce que vous reprenez de l’autre, mais nous ne sommes pas dupes, et les citoyens non plus.
Enfin, à l’occasion de l’ouverture du dernier congrès de l’Association des maires de France, M. Sarkozy s’est félicité d’avoir mis en place une réforme des collectivités territoriales « équilibrée ». Il n’a apparemment pas écouté les inquiétudes exprimées par les maires et les différents élus… Continuant sa politique de dénigrement de l’échelon local, il montre du doigt nos collectivités en leur imputant, et en leur faisant subir, les conséquences du déficit budgétaire national.
À propos de politique de dénigrement, j’aimerais attirer l’attention sur un projet ahurissant du Gouvernement : la mise en place d’une modulation des dotations de l’État aux collectivités en fonction de « critères de bonne gestion » !
Certains d’entre nous se demandent déjà quels pourraient ces « critères de bonne gestion ». Pour ma part, je m’interroge avant tout sur les objectifs de ce projet, qui me paraît pernicieux. Il s’agit encore une fois de stigmatiser les élus, souvent bénévoles, en présumant leur mauvaise gestion, alors même qu’ils tentent d’être des contre-pouvoirs et les « amortisseurs sociaux » de votre politique antisociale et sélective.