Ce n’est pas la réalité !
Nous avons surtout constaté une régression majeure de l’autonomie fiscale des collectivités : comme cela a été souligné par l’ensemble des intervenants, quelle que soit leur sensibilité politique, les régions ont totalement perdu leur pouvoir de modulation fiscale, tandis que les départements ont vu le leur divisé par trois, passant de 36 % à 12 % !
Parallèlement, le gel des dotations de l’État pèsera lourdement sur les perspectives d’investissement des collectivités, en particulier pour celles d’entre elles qui ne bénéficieront pas du fonds national de garantie individuelle des ressources ou de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle.
Enfin, cette réforme inique entraînera un transfert massif de l’impôt vers les ménages, dont la contribution aux ressources locales va passer de 48 % à 72 %. Voilà un message qui réjouira certainement, en cette période de Noël, les plus modestes de nos compatriotes, ceux-là mêmes qui se débattent au quotidien dans des situations dramatiques, en raison de la crise économique.
En tout cas, le gel de l’ensemble des dotations pour trois ans est une nouvelle attaque frontale contre les libertés locales. Et ce n’est là que le dernier avatar d’une politique visant à orchestrer, depuis maintenant huit ans, le recul de cette autonomie financière pourtant inscrite, grâce à la réforme Raffarin, à l’article 72-2 de la Constitution ! À quelle fin, si ce n’est transférer aux collectivités une part de plus en plus importante du trop lourd déficit de l’État et faire supporter aux élus locaux la responsabilité d’une incurie budgétaire qui incombe à la majorité ?
Concrètement, 14 000 communes ou intercommunalités auront vu leurs dotations baisser en 2010 en euros courants, alors que l’enveloppe normée progressait encore de 0, 6 %. L’année prochaine, elles seront 25 000 à subir cet étranglement financier qui leur ôtera toute marge de manœuvre. À cela s’ajoute l’étouffement des départements et des régions. En 2010, vingt-sept départements sont au bord de la cessation de paiement ; l’an prochain, ils seront peut-être quarante ou cinquante, du seul fait de leur incapacité à faire face à l’effet de ciseaux créé par des charges toujours plus lourdes et des ressources toujours plus rares.
Monsieur le ministre, ne restez pas sourd à la colère de ces milliers d’élus locaux de tous bords, pour qui il est de plus en plus difficile d’établir un budget permettant de satisfaire les besoins de leurs administrés, en raison de la ponction que leur impose l’État. Il est absurde de faire croire et de vouloir se persuader que c’est en donnant moins aux collectivités qu’elles dépenseront moins, alors même que les besoins locaux, particulièrement en matière de services publics, n’ont jamais été aussi criants.
Les collectivités territoriales ont toujours réussi, jusqu’à présent en tout cas, à satisfaire à l’obligation légale de voter des budgets non déficitaires qui s’impose à eux. De plus, la part du déficit des administrations publiques locales dans le déficit public a diminué cette année et représente maintenant à peine 10 % de celui-ci. Dans ces conditions, comment l’État, qui n’a pas voté un budget en équilibre depuis 1980, peut-il prétendre faire la leçon aux élus locaux ? Comment une majorité qui a porté notre dette publique de 900 milliards d’euros en 2002 à 1 700 milliards d’euros en 2011 ose-t-elle donner des leçons de gestion ? Il est tout simplement inconcevable que les mêmes prétendent moduler demain les dotations de l’État en fonction de critères de « bonne gestion », critères qu’ils définiraient eux-mêmes, au mépris du principe de libre administration.
Il est faux de dire que les collectivités sont dans l’impasse parce qu’elles auraient trop dépensé et même, prétend-on parfois, trop embauché.
Je vous rappellerai, monsieur le ministre, que les transferts de compétences massivement opérés depuis 2004 n’ont pas été accompagnés des compensations intégrales que la loi impose à l’État. Les conseils généraux n’ont ainsi reçu que 8 milliards d’euros sur les 12 milliards d’euros que l’État aurait dû leur verser au titre des prestations sociales dont ils ont la charge. C'est la raison pour laquelle le groupe RDSE a déposé une proposition de loi visant à obliger l’État à compenser intégralement les charges dues au titre des allocations individuelles de solidarité versées par les départements.
Ce sont aussi les collectivités qui financent à hauteur de 96 % les budgets des services départementaux d’incendie et de secours – la charge est assumée à 56 % par les conseils généraux – et qui supportent les conséquences financières de décisions prises par l’État, par exemple le surcoût de la mise en œuvre du dispositif ANTARES.
Je vous rappellerai également que les embauches effectuées par les collectivités correspondent à des transferts de personnels ou à des besoins réels de nos administrés.
Je vous rappellerai enfin que l’État a opéré l’ensemble de ces transferts de façon coercitive, sans aucune concertation, alors que la recherche du consensus aurait dû être la seule ligne directrice. Dans mon département, le préfet a ainsi demandé au conseil général son avis sur le transfert de la gestion des routes nationales, tout en précisant que ce transfert aurait lieu de toute façon ! Et l’on passa outre, en effet, l’avis négatif du conseil général, exprimé à l’unanimité moins une voix…
En conclusion, l’avenir est sombre pour nos collectivités, particulièrement dans les zones rurales. En restreignant les possibilités de cofinancement et de subventions, votre loi portant réforme des collectivités territoriales contraindra les élus à revoir leurs projets d’investissement et à abandonner, ou même à privatiser, pour la plus grande satisfaction de certains, des services publics.
La perspective que vous ouvrez en étranglant les finances locales, c’est donc celle de la disparition des solidarités locales. Les radicaux de gauche, ainsi que la majorité des membres du RDSE, la refusent avec détermination. En conséquence, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».