Intervention de Philippe Richert

Réunion du 30 novembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Compte spécial : avances aux collectivités territoriales

Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite aborder devant vous en toute transparence ce dossier complexe. Quelles que soient nos responsabilités, ce n’est qu’ainsi que nous pourrons avancer ensemble, pour le bien de la nation.

La discussion des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et des articles rattachés constitue l’un des trois moments du débat sur les finances locales que ménage l’examen du projet de loi de finances. En effet, la semaine dernière, vous avez déjà adopté la première partie du projet de loi de finances et son volet relatif aux prélèvements sur recettes de l’État au profit des collectivités territoriales, et j’aurai le plaisir, en fin de semaine ou en début de semaine prochaine, de vous retrouver pour examiner les articles relatifs à la clause de rendez-vous de la réforme de la taxe professionnelle.

L’importance de ces débats et des articles associés résulte de deux orientations majeures de ce projet de loi de finances : l’application concrète de la réforme de la taxe professionnelle pour les collectivités territoriales, d’une part, la mise en œuvre du gel des concours financiers et la poursuite de l’effort de péréquation, d’autre part.

Avant de présenter les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », je voudrais exposer brièvement ces orientations, en ayant bien conscience des difficultés auxquelles nous sommes tous confrontés au sein de nos collectivités territoriales.

En ce qui concerne tout d’abord la clause de rendez-vous de la taxe professionnelle, ce projet de loi de finances répond de manière concrète, comme le Gouvernement s’y était engagé, à une attente forte des parlementaires et des élus locaux.

Cette clause de rendez-vous permet d’établir une première évaluation de la réforme. Les collectivités territoriales, je tiens à le redire ici, n’ont pas été asphyxiées par la suppression de la taxe professionnelle. D’ailleurs, le montant de la compensation-relais de la taxe professionnelle perçue cette année marque une sensible augmentation – à hauteur de 3, 7 % – par rapport au produit de la taxe professionnelle perçue l’an dernier. Ce ne sont pas des chiffres arbitraires, c’est la réalité ! Cela représente, quoi que l’on puisse dire, 1, 1 milliard d’euros de ressources supplémentaires pour les collectivités locales.

Certes, la territorialisation des nouvelles ressources continue de faire débat. À mon sens, elle légitime les outils de péréquation qui doivent être progressivement mis en œuvre : pour les échelons régional et départemental, un mécanisme de péréquation assis sur la croissance de la cotisation sur la valeur ajoutée, la CVAE ; pour le seul niveau départemental, le mécanisme relatif aux droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, introduit l’an dernier sur l’initiative du député Marc Laffineur ; enfin, pour l’échelon communal, l’examen de ce projet de loi de finances permet d’ouvrir le débat sur l’instauration, dès 2012, d’un nouveau dispositif de péréquation des ressources communales et intercommunales selon les modalités décrites à l’article 63.

Tout le monde est favorable à la péréquation, à condition que l’effort repose d’abord sur les autres. Je n’ai cessé de le constater depuis bientôt trente ans que j’exerce des responsabilités.

Le Gouvernement souhaite établir une feuille de route pour les travaux que nous aurons à conduire en 2011, en étroite concertation avec le Comité des finances locales, monsieur le rapporteur spécial. Nous aurons l’occasion de débattre de ces différents mécanismes dans les tout prochains jours. Enfin, nous avons dû adapter les instruments de mesure des écarts de richesse aux nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales. Étant donné les évolutions intervenues, il était nécessaire de trouver de nouvelles bases.

Cette mesure est indispensable pour la répartition des dotations de péréquation. C’est l’objet de l’article 86 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui prévoit de conserver en 2011, pour la part de potentiel fiscal assise sur la seule taxe professionnelle, les données utilisées pour le calcul du potentiel fiscal en 2010, c'est-à-dire en fait les données de 2009.

Ce choix a été fait pour ne pas perturber trop gravement la répartition des dotations de péréquation au moment où se mettent en place les nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales. Naturellement, l’an prochain, un nouveau potentiel fiscal prendra en compte les nouvelles ressources fiscales des collectivités territoriales.

J’en viens maintenant à la stabilisation en valeur, pour la période 2011-2013, des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.

Cette décision a été prise lors de la deuxième conférence des déficits publics. Elle s’inscrit dans le cadre des conclusions du rapport Carrez-Thénault et vise à appliquer aux concours financiers de l’État la même règle d’évolution que celle que l’État fixe pour ses propres dépenses.

L’effort de maîtrise des finances publiques concerne en effet l’ensemble des dépenses publiques, d’autant que le contribuable final est toujours le même. Bien entendu, les dettes des collectivités ne sont cependant pas du même niveau que celles de l’État ; personne ne saurait prétendre le contraire.

Pour mémoire, je souhaite rappeler que le gel ne porte que sur une enveloppe de 50, 4 milliards d’euros, alors que l’effort financier global de l’État en faveur des collectivités territoriales est nettement supérieur, puisqu’il atteint 77 milliards d’euros en comptant les concours financiers et les dégrèvements législatifs d’impôts locaux, et en réalité 99 milliards d’euros en ajoutant la fiscalité transférée en compensation des transferts de compétences. Cela représente tout de même le premier poste de ce projet de budget, loin devant, par exemple, celui de l’éducation nationale, qui s’élève à 61, 7 milliards d’euros.

De surcroît, ce gel s’accompagne de plusieurs engagements forts.

Premièrement, la stabilisation des concours financiers de l’État ne concernera pas toutes les dotations. En effet, conformément aux préconisations de MM. Carrez et Thénault, le Fonds de compensation pour la TVA n’est pas inclus dans le périmètre du gel. Les dotations aux collectivités territoriales ne seront donc pas pénalisées par la croissance des investissements que celles-ci pourraient engager. Le produit des amendes de police est également exclu du périmètre du gel.

Deuxièmement, les effets de la réforme de la taxe professionnelle, notamment la création de la nouvelle dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, ne pèseront pas sur les autres concours financiers de l’État.

Troisièmement, les dotations de péréquation vont continuer à progresser. Cela témoigne de notre souhait de renforcer l’équité entre les territoires ; j’y reviendrai tout à l’heure lors de l’examen des amendements.

Ainsi, l’article 80 précise que la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale augmentera de 77 millions d’euros, monsieur Sueur. La dotation de solidarité rurale croîtra, quant à elle, de 50 millions d’euros. Cela représente une augmentation de 6, 2 % pour chacune de ces deux dotations. Elle sera certes gagée par la baisse d’autres composantes de l’enveloppe gelée, notamment de certaines parts de DGF.

Je précise toutefois que, s’agissant de l’écrêtement du complément de garantie, celui-ci ne sera plus appliqué de manière uniforme comme les années précédentes, mais en fonction du potentiel fiscal des communes. C’est une vraie mesure de redistribution, particulièrement protectrice pour les petites communes, les communes les plus fragiles. J’ajoute qu’un amendement adopté à l’Assemblée nationale a permis de dégager une ressource de 149 millions d’euros, qui soulagera les contraintes au sein du financement de la péréquation.

Enfin, je voudrais rappeler l’engagement très fort du Président de la République de réduire le poids des normes pesant sur les collectivités territoriales. Un moratoire sur les normes nouvelles est d’ores et déjà en vigueur depuis le 6 juillet dernier, et un travail s’engage sur le stock de normes existantes, en liaison avec les trois associations d’élus nationales.

Je voudrais à présent présenter brièvement les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Leur montant est modeste au regard de l’effort global de l’État au profit des collectivités territoriales, puisqu’il se décompose pour 2011 en 2, 626 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et en 2, 58 milliards d’euros de crédits de paiement.

Je vais vous prouver que, même pour cette mission budgétaire, l’immobilisme n’est pas de mise.

Tout d’abord, l’article 82 du projet de loi de finances prévoit de fusionner la dotation globale d’équipement et la dotation de développement rural, pour créer une nouvelle dotation d’équipement des territoires ruraux. Elle sera dotée de 615 millions d’euros ; il n’y a donc pas de diminution. Son fonctionnement permettra d’améliorer et de simplifier la gestion des crédits déconcentrés à l’échelon des préfectures, d’élargir le champ des projets éligibles, et donc de mieux répondre aux besoins des territoires ruraux, notamment pour le montage de projets, conformément aux attentes exprimées par les collectivités territoriales lors des assises des territoires ruraux.

Par ailleurs, quelques dotations sont abondées afin de répondre à des besoins spécifiques. C’est le cas de la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires de Mayotte, ou encore du fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées, qui progressent respectivement de 5 millions d’euros et de 10 millions d’euros.

Enfin, la dotation de développement urbain est reconduite sur l’ensemble de la période 2011-2013, et l’État continuera ainsi d’apporter son soutien aux projets des communes les plus défavorisées dans le domaine économique et social.

Telles sont les principales orientations dont je voulais vous faire part avant de répondre de façon plus spécifique aux orateurs. Leurs questions ont été tellement nombreuses que je vais essayer de les regrouper par thèmes.

Nous savons tous que la situation est difficile, dans notre pays et ailleurs. Tous les jours ou presque, des informations nous parviennent sur la fragilité de la situation de certains de nos partenaires. Dans ces conditions, il est normal que l’État consente des efforts, et il est aussi normal que les collectivités y participent. Il ne saurait en être autrement : nous ne serions pas responsables si nous tenions un autre langage. Cela étant, il faut évidemment tenir compte de la situation spécifique des collectivités territoriales.

En ce qui concerne la taxe professionnelle, nous reviendrons sur ce sujet en fin de semaine ou au début de la semaine prochaine. Aux orateurs ayant affirmé que la suppression de la taxe professionnelle avait entraîné une forte dégradation de la situation des collectivités, je ferai observer que s’il est tout à fait exact que celles-ci ne disposent plus des mêmes marges de manœuvre qu’auparavant, il n’en demeure pas moins que le montant de la contribution apportée par l’État aux collectivités territoriales a été supérieur de 1, 1 milliard d’euros en 2010 par rapport à 2009. Nous sommes donc allés au-delà de la garantie qui avait été donnée de maintenir son niveau. Lors du congrès de l’Association des maires de France, j’ai entendu un intervenant affirmer que sa commune avait vu sa dotation baisser de 50 % : cela n’est pas possible !

Cela ne veut pas dire que tout est simple et que les collectivités territoriales n’ont pas perdu une partie de leurs marges de manœuvre financières, mais la réalité est que le montant de la dotation est supérieur en 2010 de 1, 1 milliard d’euros à ce qu’il a été l’année précédente.

En ce qui concerne les départements, il est clair, monsieur Poncelet, qu’ils subissent un véritable effet de ciseaux, entre la croissance des dépenses, notamment dans le domaine social, en particulier pour financer la prise en charge de la dépendance, et l’évolution difficile des ressources, liée notamment à une chute des recettes tirées des droits de mutation.

Une première réponse à cette situation sera d’accompagner les départements les plus fragiles grâce à deux dotations.

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