Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant de rapporteur spécial de la commission des finances, je vous indique d’emblée que le montant des crédits de la mission « Enseignement scolaire » est considérable. Il s’élève à 61, 8 milliards d’euros, soit 21, 6 % des crédits de paiement du budget de l’État.
Près de 94 % de ces crédits sont consacrés aux dépenses de personnels, sachant que les emplois relevant de la mission représentent 49 % des effectifs de la fonction publique de l’État.
Afin d’illustrer la difficulté de notre travail, je souhaite formuler deux observations.
Première observation, l’effort courageux de réduction des effectifs que vous faites, monsieur le ministre, permet de réaliser en année pleine une économie de 366 millions d’euros, soit très exactement – j’ai le goût des statistiques – 0, 6 % de la masse salariale annuelle de votre administration.
Toutefois, cette économie est largement pondérée. D’abord, les mesures catégorielles qui ont été adoptées en faveur des enseignants – elles sont d’ailleurs légitimes, puisque ces derniers doivent assumer l’effort de baisse des effectifs – s’élèvent à 199 millions d’euros. Ensuite, les dispositions générales relatives à la fonction publique ont des conséquences financières à hauteur de 130 millions d’euros. Enfin, le traditionnel glissement-vieillesse-technicité, ou GVT, s’ajoute à quelques mesures techniques pour un total de 89 millions d’euros. Dès lors, l’économie réelle n’est que d’une cinquantaine de millions d’euros, pour une diminution d’effectifs de l’ordre de 16 000 postes.
Nous voyons ainsi l’utilité, mais également les limites de ces réductions d’effectifs. Et je n’évoque même pas le compte d’affectation spéciale « Pensions » !
Deuxième observation – elle est peut-être encore plus importante –, les chiffres que vous nous avez communiqués, monsieur le ministre, permettent de mesurer les difficultés d’application de votre schéma d’emplois.
Les effectifs relevant de la mission « Enseignement scolaire » sont plafonnés à 983 070 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT. L’essentiel d’entre eux dépendent du ministère de l’éducation nationale. En effet, seulement 2, 1 % des emplois relevant de cette mission dépendent du ministère de l’agriculture.
Le plafond d’emplois du programme Enseignement technique agricole est fixé à 14 876 ETPT, soit une baisse de 214 unités par rapport à l’année précédente.
Cependant, et je tiens à le souligner au nom de la commission des finances, les chiffres présentés dans les documents budgétaires pour l’année 2011 ne tiennent compte ni des conséquences de l’amendement que nous avions adopté l’année dernière pour rétablir 150 emplois au sein du programme Enseignement technique agricole, ni du moratoire annoncé à la rentrée 2010 par M. Bruno Le Maire, qui porte sur 75 emplois.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, il nous serait extrêmement utile de connaître le plafond d’emplois réel de ce programme. Au demeurant – ma collègue Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission de la culture, y reviendra sans doute dans quelques instants –, des baisses d’effectifs dans des établissements de petite taille peuvent aboutir à des suppressions de classes, voire menacer la pérennité de certains établissements.
Pour autant, l’essentiel des effectifs relevant de la mission « Enseignement scolaire » dépendent du ministère de l’éducation nationale. En l’occurrence, la situation est assez paradoxale.
En effet, on constate une hausse de 4 000 ETPT alors qu’il est proposé de supprimer 16 000 emplois à la rentrée prochaine ! Cela tient à des raisons assez complexes ; je vous renvoie à cet égard au rapport spécial de la commission des finances. Mais je tenais à évoquer ce point en séance pour souligner les interrogations que finissent par susciter certains documents chiffrés.
Je souhaite également adresser un satisfecit à votre administration, monsieur le ministre. Cette année, la mise en œuvre des décisions que je viens d’évoquer sera déconcentrée au niveau des académies, ce qui paraît extrêmement pertinent. En effet, si les académies doivent effectivement réduire leurs dépenses de personnels, elles ne sont pas tenues de le faire toutes de la même manière. D’une part, les problèmes auxquels elles sont confrontées peuvent être très différents. D’autre part, les diminutions d’effectifs peuvent prendre plusieurs formes, par exemple des regroupements de classes ou une réorganisation de l’offre scolaire.
Nous souscrivons donc à la méthode qui a été retenue. Nous souhaitons simplement pouvoir bénéficier d’une évaluation ou, du moins, d’informations précises dans la loi de règlement, afin de connaître les conditions concrètes de mise en œuvre des décisions dans les différentes académies.
Par ailleurs, je note que les suppressions d’effectifs sont beaucoup plus importantes dans l’enseignement primaire. Pour 2011, elles s’élèvent à 9 000, contre seulement 4 800 dans le secondaire. Cela tient à la fois aux effectifs de base et, surtout, au comportement des enseignants du primaire. Dans la mesure où, pour diverses raisons, ces derniers partent en retraite plus tardivement, la baisse du nombre de postes budgétaires est moins importante que dans les projections du Gouvernement.
En résumé, il y a 9 000 suppressions d’emplois dans l’enseignement primaire, 4 800 dans le secondaire et 600 dans l’administration centrale et les services extérieurs du ministère de l’éducation nationale. Au sein de l’enseignement privé – je me tourne vers notre collègue Jean-Claude Carle –, 1 633 postes sont également supprimés. L’effort est donc réparti.
Toutefois, cet effort significatif n’aboutit pas à une diminution des effectifs qui relèvent du ministère de l’éducation nationale, dont le plafond d’emplois est revalorisé de 20 359 ETPT entre 2010 et 2011. En réalité, il s’agit d’une « correction » ; je vous renvoie à la page 34 du rapport de la commission des finances, où le phénomène est expliqué.
Comme je le soulignais à l’instant, les départs en retraite sont évalués, mais ils ne sont pas nécessairement déterminés au moment où le projet de budget nous est présenté. Et, quand ces départs se révèlent inférieurs aux projections, nous avons des « sureffectifs ». Monsieur le ministre, vous avez décidé à juste titre d’intégrer ces sureffectifs dans vos documents budgétaires. Mais, comme l’opération consiste à faire « réapparaître » des effectifs qui existaient déjà, elle n’est effectivement pas forcément facile à comprendre par tous.
En outre, monsieur le ministre, vous avez affiché l’année précédente la suppression de 18 202 emplois au titre de la réforme du recrutement. Des élèves enseignants, qui étaient auparavant comptabilisés parmi les effectifs du ministère, ont été renvoyés vers le statut d’étudiant. Or force est de reconnaître qu’une partie de leur temps de travail était consacrée à des activités d’enseignement ou de suppléance d’enseignants. Dès lors, un tiers des emplois supprimés des documents budgétaires, soit 6 000 unités, y réapparaissent, pour la bonne raison qu’ils n’auraient jamais dû en être exclus.
Pour plus d’informations, et afin de ne pas abuser de mon temps de parole, je vous renvoie, comme je l’ai dit, à la page 34 du rapport de la commission des finances. Et, quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, nous serons extrêmement attentifs aux explications statistiques qui nous seront apportées dans le débat et lors de l’examen du projet de loi de règlement.
Une des explications réside dans la mise en place du système Chorus pour contrôler vos effectifs, monsieur le ministre. Et ce contrôle fait réapparaître 1 300 personnels dont nous ne savons pas très bien où ils étaient auparavant. Ce sont les mystères d’une très grande administration. Je le dis en souriant, mais 20 000 emplois sur 1 million, cela représente tout de même 2 %. Et une marge d’erreur de 2 %, c’est beaucoup !
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur le fait qu’il sera difficile – vous le savez mieux que quiconque – de poursuivre le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux sans se poser à un moment ou à un autre la question de l’offre scolaire.
Vous connaissez la contrainte. Elle a d’ailleurs eu des effets positifs ; des services ont été mutualisés et des moyens ont été optimisés.
Pour autant, nous arrivons à un point où il devient difficile de ne pas s’interroger sur l’offre scolaire, sur sa diversité et sur sa répartition. Nous aimerions connaître votre sentiment sur cette question, monsieur le ministre.
En outre, nous devons rendre la diminution des effectifs compatible avec deux orientations, qui nous paraissent extrêmement pertinentes : d’une part, la personnalisation pédagogique auprès des élèves, c'est-à-dire le suivi individualisé ; d’autre part, la responsabilisation des établissements telle que vous l’avez menée dans le programme « collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite », le programme CLAIR.
Je terminerai en abordant un point que je soulève sans grand succès chaque année.
Soucieux de voir renforcer la responsabilité des établissements, nous souhaiterions que soit réglé le lancinant problème du décret d’application permettant la création des établissements publics d’enseignement primaire, les EPEP, qui correspondent à une nécessité sur le terrain.
Nonobstant les observations ou interrogations que je viens de formuler et la précision quantitative et statistique que je viens de solliciter, monsieur le ministre, je vous informe que la commission des finances, dans sa majorité, approuve le projet de budget de la mission « Enseignement scolaire » et propose au Sénat de l’adopter.