Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 30 novembre 2010 à 21h45
Loi de finances pour 2011 — Enseignement scolaire

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Quelles seront les conséquences de ces orientations sur le terrain à la rentrée 2011 ?

Dans le premier degré, ce sont bien 8 967 emplois en moins pour les écoles. Compte tenu de la hausse des effectifs en préélémentaire – 13 900 effectifs supplémentaires prévus en 2011 –, je m’inquiète donc très fortement, d’une part, de la dégradation des conditions d’accueil des enfants à la maternelle et, d’autre part, de la fin programmée de l’accueil des enfants de deux ans.

Nous le savons, faute d’une volonté politique de consacrer des postes et des classes en nombre suffisant, l’accueil des deux ans a subi de plein fouet le contrecoup de la pression démographique des trois-cinq ans. Ainsi, le taux de scolarisation des deux ans ne cesse de baisser ; il pourrait chuter à 12, 7 % en 2011, et ce alors même que de nombreuses études ont démontré les effets bénéfiques d’une scolarisation précoce, dans un cadre adapté, pour les enfants des milieux les plus défavorisés.

Or, dans le premier degré, parmi les leviers retenus pour supprimer des postes, figurent justement la taille des classes et la scolarisation des enfants de deux ans.

Dans le second degré, 4 800 emplois d’enseignants et 200 emplois administratifs disparaissent à la rentrée 2011, alors que le nombre d’élèves devrait augmenter d’environ 62 000. Cette année, si nous ne disposons pas de la ventilation des suppressions, nous pouvons aisément émettre des hypothèses.

En lançant la réforme du lycée, Nicolas Sarkozy s’était engagé à ce qu’elle se fasse à moyens constants. C’est donc logiquement vers le collège et le lycée professionnel que l’on va se tourner. Or c’est justement là que les effectifs prévus pour la rentrée 2011 sont en hausse : de 35 300 élèves au collège et de 14 000 en lycée professionnel. Comment imaginer, dès lors, que ces suppressions seront sans effet sur la qualité de l’enseignement ?

D’autant que, là aussi, les leviers d’action recommandés sont connus : augmentation du nombre d’élèves par classe par le relèvement des seuils d’ouverture et de fermeture de classes ; accroissement du poids des heures supplémentaires, auxquelles le budget prévoit de consacrer plus de 1 milliard d’euros ; recours massif aux personnels non titulaires et précaires, l’enveloppe pour les vacations passant de 44 millions d’euros en 2010 à 70 millions d’euros en 2011 ; réduction des moyens de remplacement des personnels ; rationalisation de l’offre de formation – entendez : limitation du nombre d’heures de cours. Tout cela, selon le document retraçant le schéma d’emplois 2011-2013, « sans dégrader les performances globales ». Mais, dans la réalité, c’est bien l’effet inverse que l’on constate.

Comment supprimer des postes alors que la lutte contre l’échec et la violence scolaire suppose plus d’adultes et plus de pédagogie dans les établissements ? On sait le sort qui est fait aux conseillers principaux d’éducation depuis quatre ans, et tout le monde souligne la pénurie d’infirmières et de médecins scolaires. Je pense également aux RASED, dont le nombre a diminué de 2 247 depuis la rentrée de 2009. Quant au nombre de départs en formation, il confine au ridicule et confirme leur mise en extinction.

Même difficulté pour les établissements de réinsertion scolaire, les ERS, expérimentation engagée dans la précipitation et dont je demande la suspension. À Nanterre, monsieur le ministre, plus d’un mois après l’ouverture d’un ERS, les conditions de fonctionnement, d’apprentissage et d’éducation y sont préoccupantes. Parents et enseignants viennent de s’adresser à vous pour réclamer l’affectation de personnels qualifiés et formés, personnels dont il ne peut être fait l’économie pour un travail de remédiation efficace.

Comment donc sanctuariser les établissements sans en sanctuariser les moyens et en y développant les emplois précaires ?

Même observation concernant la formation initiale et continue des enseignants, pourtant élément clef de la réussite des enfants. Force est de constater que tous les écueils pointés par les opposants – majoritaires – à cette réforme sont en train de se vérifier.

Le rapport qui vous a été remis cet été par l’IGAENR, l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, sur la préparation de la rentrée 2010 n’est pas pour me rassurer. Ce rapport évoque l’instauration d’une « diversité kaléidoscopique des situations ». Dans les académies, cela se traduit par des écarts de temps de formation considérables : des périodes de « stages » allant de 96 à plus de 160 heures ; des actions de « compagnonnage » du tuteur mobilisant de 36 à 108 heures ; des périodes de formation variant d’une soixantaine à plus de 150 heures.

À ces inégalités s’ajoutent une forte diminution des moyens consacrés à la formation continue des enseignants. Dans le premier degré, le nombre de semaines de formation financées chute de plus de 61 % par rapport à 2009. Dans le second degré, les crédits sont divisés par deux et les moyens alloués au remplacement diminuent.

Ces choix budgétaires contribuent à fragiliser les plans de formation des enseignants, alors même que de nouvelles obligations sont créées au bénéfice des nouveaux professeurs stagiaires.

Je m’interroge donc : où les académies trouveront-elles demain de nouvelles marges de manœuvre pour réaliser les 16 000 suppressions annoncées pour 2012 et pour 2013…

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