La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Guy Fischer.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Nous en sommes parvenus aux interventions des représentants des groupes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle également que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Colette Mélot.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget pour 2011 de la mission « Enseignement scolaire » répond à deux objectifs : d’une part, la mise en œuvre concrète des engagements du Président de la République en matière de maîtrise des dépenses publiques ; d’autre part, la garantie pour tous les élèves de l’acquisition des connaissances fondamentales.
Ce budget illustre clairement la priorité donnée par le Gouvernement à l’enseignement scolaire. La mission « Enseignement scolaire » reste ainsi la plus importante du budget de l’État, avec plus de 61 milliards d’euros. Nous nous satisfaisons que ses crédits soient en hausse de 1, 6 % par rapport à 2010.
Pour autant, la mission ne fait pas exception et contribue à l’effort général de maîtrise des dépenses publiques. Ainsi, 16 120 emplois ne seront pas remplacés en 2011. Vous avez, monsieur le ministre, la volonté de mener des réformes ambitieuses avec le souci permanent de la performance du système éducatif. Et vous le démontrez en évaluant au plus près du terrain les réalités et besoins des établissements scolaires.
Nous soutenons votre politique de réforme visant à favoriser la réussite de tous les élèves et à leur garantir l’acquisition d’un socle commun de compétences. La réforme de l’école élémentaire se poursuivra en 2011 avec un programme Enseignement scolaire public du premier degré de plus de 18 milliards d’euros, en hausse de 4, 5 % par rapport à 2010. Plus de 29 milliards d’euros seront consacrés en 2011 au programme Enseignement scolaire public du second degré, prévoyant l’acquisition des connaissances et des compétences indispensables pour favoriser l’orientation des élèves.
La poursuite de cette politique mise en œuvre par le Gouvernement depuis 2007 repose aujourd’hui sur trois piliers : l’aide personnalisée apportée à chaque élève, la responsabilisation des établissements et la valorisation des enseignants, qui bénéficient d’un nouveau « pacte de carrière ».
Je commencerai donc par la personnalisation du suivi de l’élève, car l’accompagnement individuel est le meilleur rempart contre l’échec scolaire. Il s’agit de poursuivre l’individualisation de la prise en charge, afin de mieux répondre à la diversité des élèves et aider chacun d’eux à trouver sa voie.
Cette personnalisation est présente à tous les niveaux de la scolarité : à la maternelle et en élémentaire, avec les deux heures hebdomadaires d’aide personnalisée et les stages gratuits de remise à niveau en français et en mathématiques pendant les vacances scolaires pour les élèves de CM 1 et de CM 2 qui rencontrent des difficultés scolaires ; au collège, avec les deux heures d’accompagnement éducatif pour les élèves ayant besoin d’un encadrement personnalisé.
Ces mesures ont été reconduites et amplifiées par la mise en œuvre de la réforme du lycée, qui se traduit notamment par des dispositifs de tutorat, de stages de mise à niveau dans les nouvelles classes de seconde et d’accompagnement individualisé. Nous saluons ces avancées notables car il est important de porter une attention particulière à la réussite de chaque élève.
Ensuite, le Gouvernement a laissé davantage d’autonomie aux établissements, afin de mieux adapter les réponses pédagogiques aux besoins des élèves. Cette orientation va de pair avec une plus grande responsabilisation des recteurs, des inspecteurs et des chefs d’établissements dans leurs domaines de compétence, afin de prendre en compte les réalités quotidiennes du terrain. Ainsi, 25 % des heures d’enseignement de seconde seront librement organisées par chaque lycée, sur proposition du conseil pédagogique.
Enfin, la mission « Enseignement scolaire » prévoit le financement de mesures en faveur de la gestion des personnels et de la revalorisation de la condition enseignante.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le nouveau pacte de carrière des enseignants, ambitieux et complet, répond à quatre engagements : une meilleure formation des enseignants, initiale et continue ; un plus grand accompagnement tout au long de leur vie professionnelle ; des possibilités plus larges et réelles de mobilité et d’évolution de parcours ; un métier mieux considéré et mieux rémunéré.
Cette reconnaissance accrue permettra aux enseignants de s’investir pleinement dans leur mission : la réussite de chaque élève.
Je souhaiterais revenir plus particulièrement sur la réforme de la formation des enseignants. L’allongement de la durée de formation initiale à cinq ans permettra sans conteste de leur offrir une meilleure spécialisation. Le nouveau concours permet ainsi de conjuguer connaissances théoriques et académiques, mais aussi connaissances pédagogiques, puisque la pratique professionnelle fait partie intégrante du cursus des nouveaux arrivants. Cette réforme a été mise en place récemment, j’en conviens, monsieur le ministre, mais quel bilan pouvez-vous d’ores et déjà en tirer ?
L’objectif est ainsi de construire une politique de ressources humaines ambitieuse, avec des enseignants mieux formés, mieux accompagnés et mieux payés. À ce jour, cependant, des ajustements paraissent encore nécessaires pour mener à bien cette réforme.
Je souhaiterais aussi, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des précisions sur les mesures annoncées par le Gouvernement pour résoudre les problèmes, trop souvent constatés, de non-remplacements des enseignants et donc de rupture dommageable dans l’enseignement de certaines matières. En effet, des postes restent inoccupés durant de longues périodes, ce qui suscite l’incompréhension très légitime des familles.
Si la politique d’enseignement que vous menez est ambitieuse, elle n’en est pas moins novatrice, puisque vous avez ouvert quatre chantiers d’expérimentation sur notre territoire.
Tout d’abord, onze nouveaux internats d’excellence ont été ouverts pour accueillir des élèves motivés, mais ne bénéficiant pas d’un environnement favorable pour réussir leurs études : c’est la concrétisation de la politique d’égalité des chances, de promotion sociale et d’accès à l’excellence.
Ensuite, le dispositif « Cours le matin, sport l’après-midi », expérimenté dans 124 établissements scolaires, concernera plus de 7 000 élèves.
Par ailleurs, des établissements de réinsertion scolaire accueillant des élèves ayant été exclus de leur établissement seront créés.
Enfin, le lancement du programme CLAIR, collèges et lycées pour l’ambition, l’innovation et la réussite, renforcera la stabilité des équipes éducatives, facteur de réussite scolaire et de meilleure maîtrise des situations de violence.
Je voudrais également appeler votre attention, monsieur le ministre, sur la mise en place d’écoles numériques. De nombreuses initiatives ont été prises, en particulier en milieu rural. Il est important de les soutenir, car les moyens sont très limités dans beaucoup de communes. Le numérique, qui n’en est qu’à ses balbutiements sur le plan scolaire, est certainement appelé à se développer rapidement. Nous avons le devoir de l’accompagner.
Monsieur le ministre, nous ne pouvons que souscrire à votre volonté d’améliorer l’efficacité du système scolaire, de consolider les réformes entreprises et d’assurer l’équité de traitement des territoires en renforçant les chances de réussite de chaque élève et en permettant d’assurer la qualité des enseignements.
Vous pouvez compter sur le soutien du groupe UMP pour accompagner le nécessaire mouvement de modernisation de l’enseignement scolaire que vous poursuivez. C’est pourquoi nous voterons les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Merci !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un budget de 62 milliards d’euros, le concours de plus d’un million d’agents de la fonction publique en charge de douze millions d’élèves, l’enseignement scolaire est assurément une priorité de l’action gouvernementale. Reste que, selon les estimations, 130 000 à 150 000 jeunes sortent encore du système éducatif sans aucune qualification. Cela représente 20 % d’une classe d’âge, un jeune sur cinq !
Hormis assurer le socle commun de connaissances, comme le réaffirme la loi sur l’école de 2005, la mission de l’éducation nationale doit porter une ambition fondamentale.
Cette ambition doit être de « favoriser la réussite », mais aussi et surtout d’« assurer l’épanouissement personnel et intellectuel des élèves » afin que ceux-ci fassent le meilleur choix, soit celui de l’enseignement supérieur, soit celui de la professionnalisation. Il faut que ce choix, les jeunes soient aidés à le faire de manière éclairée, qu’ils soient soutenus et conseillés tout au long de leur parcours, que ceux qui les conseillent connaissent vraiment le monde du travail, de l’entreprise et cessent de les orienter par défaut.
La question de l’orientation reste un immense problème. La mission « Jeunesse » que nous avons conduite il y a deux ans au Sénat l’a bien rappelé : l’orientation, de par son mode organisationnel, est l’une des grandes carences de notre système. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous dire quelles sont ces nouvelles mesures, que vous avez évoquées lors de votre audition, qui ont été mises en œuvre depuis la rentrée scolaire ?
L’école, dont le système, vous en conviendrez, est très normatif, ne convient pas à tous. Je pense aux jeunes qui sont en situation de décrochage scolaire ou à ceux rendus inadaptables en raison de leur situation sociale ou familiale. Pourtant, tous les jeunes ont droit à la scolarité. Il faut donc trouver des voies et des moyens pour répondre à cet impératif.
En ce sens, l’ouverture lors de cette rentrée scolaire des établissements spécifiques, tels que les internats d’excellence ou les établissements de réinsertion scolaire, est une bonne chose.
Avec des classes de taille adaptée, un « dépaysement » des jeunes par rapport à leur milieu souvent précaire, un encadrement spécialisé, les ERS sont une solution à la violence de certains jeunes en situation de « précarité éducative et scolaire ». Ainsi, malgré les incidents de Craon, en Mayenne, l’expérimentation doit absolument se poursuivre.
Acceptons de mettre les moyens correspondant à cette ambition pour l’enseignement scolaire en termes non seulement d’enseignants, mais également de personnel d’assistance éducative : assistantes sociales, médecins scolaires, psychologues, CPE, ... Ce sont eux qui permettent de prévenir certaines violences ou décrochages. Rappelons, comme notre rapporteur spécial, que la médecine scolaire reste le parent pauvre de l’éducation nationale, hélas !
On comprend qu’il faille que chaque ministère participe à l’effort de redressement des déficits publics de notre pays, mais quand on parle des « leviers d’efficience de l’enseignement scolaire », notamment des moyens à mettre en œuvre pour ne pas remplacer un enseignant sur deux partant à la retraite, je trouve qu’il y a là un risque. Certes, il nous faut raisonner en termes de taux d’encadrement, mais il y a tout de même des postes spécifiques qui disparaissent. Je pense aux RASED.
Je pense également à la suppression des intervenants en langues étrangères en primaire. Permettez-moi de vous dire en tant que linguiste que, en dépit de la bonne volonté des instituteurs pour se former, rien ne remplacera les professionnels ou les locuteurs natifs pour mettre en place correctement les bases et les premiers réflexes.
Aussi je voudrais que les discussions sur les rythmes scolaires, qui procèdent d’une excellente initiative, soient menées non pas au travers du prisme de la réduction des moyens, mais en fonction de l’intérêt des jeunes et d’un système équilibré. Nous serons très attentifs sur ce point.
On remarque bien l’écueil qu’il y a à ne raisonner qu’en termes de réduction d’effectifs. L’enseignement privé sous contrat, comme l’a également rappelé M. le rapporteur spécial, qui connaît une forte croissance depuis 2002, devrait fermer ces trois prochaines années 1 000 écoles, 100 collèges, et 70 lycées.
Que l’on soit pour ou contre l’enseignement privé – ma remarque s’adresse à certains de mes collègues –, reste que ce sont des élèves qu’il faudrait de toute façon scolariser.
Portons cette ambition : que l’éducation nationale soit attentive aux besoins de chacun, en les adaptant à l’évolution des jeunes et selon les territoires. En ce sens, la recommandation du député Frédéric Reiss visant à sortir du modèle de l’école unique, en prônant l’esprit d’initiative des équipes, l’élaboration d’expérimentations à partir d’un projet commun, doit être suivie.
S’adapter aux évolutions rapides de notre monde, voilà une obligation ! L’école du XXIe siècle doit prendre en compte que l’internet et les nouvelles technologies sont devenus omniprésents dans notre quotidien, avec toutes les conséquences culturelles, sociales et économiques que cela induit. Les jeunes de primaire, qui savent se servir d’un téléphone mobile, d’un lecteur MP3 ou d’un iPad, sont certainement de plus grands utilisateurs de l’internet et de supports numériques que leurs enseignants.
Or, si ces nouveaux médias sont incontestablement une source d’enrichissement des connaissances, ils représentent un risque de perte de repères et de manque de hiérarchisation de l’information. La dissolution du sens critique, la mise en péril de leur intimité, les effets sur la santé, la violence des images, dont le rôle ne peut être minimisé, sont des craintes que l’on peut avoir.
Il est frappant de constater, alors que les jeunes vivent désormais dans un monde multimédiatique omniprésent, que l’école et la famille les laissent sans accompagnement par rapport à ces nouveaux outils. La proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique, dont j’ai eu l’honneur d’être rapporteur pour avis, a été l’occasion d’une prise de conscience du rôle fondamental que doit assumer l’école de la République.
Intégrer ce monde numérique dans sa culture et ses pratiques est essentiel. Or l’école est en décalage, en termes de supports pédagogiques, avec l’environnement numérique dans lequel ces jeunes grandissent. La France est classée vingt-quatrième sur vingt-sept par la Commission européenne pour l’utilisation des technologies numériques à l’école. C’est inquiétant !
Par ailleurs, au-delà du simple enseignement dans le cadre du brevet informatique et internet, le B2i, les enseignants sont-ils vraiment sensibilisés au rôle éducatif qui doit être le leur ?
Lors de votre audition, monsieur le ministre, vous nous aviez précisé que vous feriez l’annonce au salon de l’éducation, le 25 novembre, d’un plan de développement des usages du numérique à l’école. Peut-on maintenant en savoir plus ?
Dans ce domaine, je note que le projet de budget n’a pas prévu de crédits dédiés. À cet égard, je regrette que le plan de développement du numérique dans les écoles rurales, qui a été un grand succès, n’ait pas été prolongé. Des demandes sont en effet restées insatisfaites malgré la rallonge budgétaire consentie l’année dernière et au-delà des 70 millions d’euros qui avaient été répartis par académie afin de permettre le cofinancement de tableaux numériques.
C’est pourquoi je me félicite que notre commission, sur l’initiative de son président, propose d’introduire dans le projet de loi de finances, via un amendement, une enveloppe de 25 millions d’euros. Il y a en effet une attente forte sur ce sujet, attente que j’ai encore pu mesurer dans mon propre département, vendredi dernier, lors d’une visite de canton.
Même si ce ne sont pas les mêmes missions budgétaires, 25 millions d’euros, c’est également le coût de la carte musique. En l’occurrence, peut-être y aurait-il un choix à faire ? Quoi qu’il en soit, il nous faut avant tout répondre à une priorité, à savoir la formation des jeunes.
Toujours dans ce domaine, on pourrait aussi évoquer la formation initiale et continue des enseignants, cette dernière étant notoirement insuffisante dans de nombreux domaines. Au reste, cela ne date pas d’aujourd’hui. Nombre d’anciens enseignants qui siègent dans cet hémicycle pourraient en parler en connaissance de cause.
La formation est un vaste sujet. C’est aussi dans ce secteur qu’il y aurait matière à agir, pour autant qu’on ait réglé ce qui cause beaucoup d’inquiétudes ces derniers temps : la mastérisation. Notre collègue Jean-Jacques Pignard évoquera en détail ce point.
Voilà, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais faire au nom du groupe de l’Union centriste.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de son intervention télévisée du 16 novembre, le Président de la République n’a pas prononcé une seule fois le mot « éducation ». On ne pouvait pas mieux avouer aux Français que l’éducation ne faisait pas partie des priorités du Gouvernement. Pourtant, si un poste budgétaire est à préserver, surtout en période de crise, c’est bien celui-là.
L’éducation n’est pas une charge, l’éducation est un investissement, déterminant pour l’avenir d’un pays.
Investir dans l’éducation, c’est permettre à un pays de s’enrichir, notamment par une augmentation des gains de productivité. L’OCDE l’a encore rappelé en septembre dernier. Nous ne pouvons que déplorer l’absence de prise en compte des recommandations de cette instance internationale par le Gouvernement.
Je vous le demande en effet, monsieur le ministre : avec une hausse de 1, 5 % du budget de l’enseignement scolaire, hausse équivalente à l’inflation, peut-on sérieusement prétendre que nous traitons l’éducation comme un secteur d’avenir de notre pays ? Les 61, 79 milliards d’euros que vous nous proposez n’atteignent même pas les objectifs prévus au titre de la programmation pluriannuelle 2009-2011, à savoir 63, 2 milliards d’euros.
La mission « Enseignement scolaire », loin de représenter une priorité, est emblématique des économies réalisées par le Gouvernement, même si elle absorbe 21, 6 % des crédits de paiement du budget général de l’État.
Pour masquer les nombreuses coupes sévères, des expérimentations sont régulièrement annoncées dans les médias, comme le dispositif CLAIR, les internats d’excellence, les ERS. Mais ce ne sont pas ces quelques initiatives créées dans la précipitation – on en voit parfois les résultats – et sans concertation avec les personnels concernés qui nous permettront de faire oublier les accablants résultats décriés par les rapports et classements nationaux et internationaux.
Permettez-moi seulement de vous rappeler que, parmi les élèves de quinze ans de trente pays européens, la France occupe désormais le dix-septième rang pour la compréhension de l’écrit et la culture mathématique et le dix-neuvième rang pour la culture scientifique. Quelques expérimentations ciblées ne font donc que masquer l’absence de la véritable politique globale d’éducation dont notre pays a besoin.
Les conséquences des sacrifices de l’éducation nationale sont nombreuses.
La réduction continue des postes depuis cinq ans, alors que les effectifs d’élèves sont en constante augmentation, est la preuve même que le Gouvernement n’a qu’une obsession : faire des économies ! Vous avez déjà supprimé près de 50 000 postes en quatre ans et vous voulez encore en éliminer 16 000 en 2011. Comment pensez-vous être crédible lorsque vous prétendez que l’éducation reste une priorité du Gouvernement ?
On a bien vu que vous essayez de regonfler le solde officiel des emplois pour 2011 en le majorant de 20 000 emplois « retrouvés ». Mais la situation sur le terrain n’est plus tenable dans beaucoup d’établissements.
Les conséquences néfastes de ces suppressions massives de postes sont fortement ressenties par les élèves et leurs parents.
Du côté du personnel de l’éducation nationale, un climat de tension généralisée règne, la démotivation et le découragement s’installent progressivement. Les chefs d’établissement et les équipes de direction sont cantonnés dans une gestion de moyens de plus en plus difficile et ils ont perdu toute marge d’autonomie.
La rentrée de 2010 a représenté pour beaucoup le summum du recul de ces dernières années. Il est à craindre que la situation ne fera qu’empirer l’année prochaine.
Quant aux étudiants qui souhaiteraient devenir professeurs, ils sont découragés avant même d’avoir commencé leur métier et parfois avant même d’avoir commencé leurs études.
Un exemple démonstratif : en septembre dernier, au concours de professeur des écoles dans l’académie de Créteil, seuls 1 324 candidats ont tenté leur chance à l’écrit, contre 2 747 l’an dernier. Comment souhaitez-vous motiver les nouvelles générations à entrer à l’éducation nationale ?
Ce qu’on leur offre aujourd’hui se résume à bien peu de chose : pas de formation professionnelle, pas de moyens suffisants pour mener à bien leurs projets éducatifs. Il est évident que les témoignages actuels ne donnent pas envie de poursuivre dans cette voie professionnelle. Le nombre de démissions et d’arrêts maladie des stagiaires à deux mois de cette rentrée 2010 est d’ailleurs un signe alarmant.
L’éducation n’est plus une priorité politique. Derrière la quasi-stagnation du budget de cette mission dans son ensemble se cachent d’importantes réductions de moyens. Ainsi, les dépenses de fonctionnement ou celles d’intervention du premier degré enregistrent des baisses respectives de 6, 4 % et de 5 %. Dans le secondaire, les crédits pédagogiques diminuent de 5 % pour le collège et de 7, 22 % pour le lycée général et technologique.
En revanche, l’enseignement privé est privilégié puisque, proportionnellement, on y supprime deux fois moins de postes que dans l’enseignement public. Pourtant, dans le premier degré, les établissements privés accueilleront 2 400 élèves de moins que cette année, alors que les établissements publics verront leurs effectifs augmenter de 3 900 élèves.
C’est l’idée même d’école républicaine qui est aujourd’hui menacée : l’idée d’une école pour tous, qui donne ses chances à tous.
Je pense ainsi à la réduction continue des réseaux d’aides spécialisés aux élèves en difficulté, RASED, qui ne sont plus affectés sur leur « cœur de métier », à la confusion que vous entretenez entre aide personnalisée et aide spécialisée. Je pense aux enfants handicapés, pour qui la possibilité même d’être scolarisés est compromise. Je pense aux enfants de deux ans à qui l’école ferme ses portes, alors que les bénéfices d’un accueil anticipé sont unanimement démontrés. Je pense aux élèves qui quittent l’école primaire en rencontrant des difficultés, et pour qui le choc du passage au collège est brutal, et souvent fatal. Je pense à tous ceux qui subissent leur orientation au lieu de la choisir. Je pense à tous ceux qui redoublent sans pour autant sortir de l’échec scolaire.
Un chiffre, que tout le monde connaît et dénonce, est révélateur de la situation : 150 000 élèves quittent chaque année le système scolaire sans diplôme ni qualification. Il est facile de déclarer que demain tous les enfants de CE1 sauront lire. Mais encore faut-il se donner les moyens d’y parvenir. Le socle commun de connaissances et de compétences doit être acquis par tous les élèves à la fin du collège.
Les enquêtes et rapports se multiplient pour pointer les failles de notre système éducatif. Et ces failles ne vont pas en se comblant, loin s’en faut. Le haut conseil de l’éducation est sans appel : « Non seulement le collège ne parvient pas à réduire les inégalités scolaires d’origine sociale, mais il aurait même tendance à les accroître. » Là encore, les chiffres de nos voisins européens devraient nous faire réfléchir : en France, un lycéen de milieu défavorisé a deux fois moins de chances d’entrer dans l’enseignement supérieur qu’un Espagnol ou un Irlandais de même milieu.
Face à ces échecs, il faut agir énergiquement et prioritairement. Vous et vos amis de l’UMP, monsieur le ministre, avez l’habitude de clamer que les socialistes ne proposent rien. Permettez-moi de faire la démonstration du contraire. Ne faites pas semblant de ne pas entendre nos propositions.
La formation des maîtres par exemple, ne doit pas être décomposée mais plutôt renforcée, afin de leur donner la possibilité de transmettre le socle commun de connaissances et de compétences inscrit dans la loi de 2005, mais aussi de leur permettre d’individualiser la pédagogie en fonction des besoins variables des élèves. Par ailleurs, une réelle autonomie, en termes de dotation, doit être accordée à tous les établissements, pour la mise en œuvre de leurs projets.
Le programme socialiste prévoit également de concrétiser l’idée de mixité sociale en reconsidérant la sectorisation et en créant un indice de mixité sociale, y compris pour les établissements privés. Le collège ne doit plus être conçu seulement comme une antichambre du lycée d’enseignement général mais bien comme une continuité logique de l’école élémentaire, pour qu’en fin de scolarité obligatoire soit acquis le socle commun de connaissances et de compétences. Les liens entre les lycées et l’enseignement supérieur doivent être renforcés pour permettre à un plus grand nombre d’étudiants d’acquérir un diplôme.
Voilà des propositions claires et structurantes, susceptibles d’aider tous les élèves, le corps enseignant, et d’assurer la pérennité de l’école républicaine.
Pour conclure, je vous livrerai une pensée de Condorcet que je vous invite, monsieur le ministre, à méditer : « La nation qui a les meilleures écoles est la première nation au monde. Si elle ne l’est pas aujourd’hui, elle le sera demain. » Comptez sur les socialistes pour qu’il en soit ainsi dans un proche avenir sinon un avenir proche !
L’impératif de réduction des dépenses publiques n’épargne malheureusement pas l’enseignement scolaire, et si cette réduction entraîne des difficultés dans l’enseignement public, les conséquences sont encore plus lourdes pour l’enseignement privé : en 2011, 2012 et 2013, cette politique risque d’entraîner la fermeture de plusieurs centaines d’écoles, une centaine de collèges, et 70 lycées du réseau de l’enseignement catholique. Ces chiffres peuvent paraître au-delà du raisonnable, mais pourtant, ils risquent d’être réalistes.
Il n’est pas question, bien sûr, de chercher à exonérer l’enseignement privé des efforts nécessaires pour assainir les finances publiques, et celui-ci comprend très bien que cet assainissement exige une réduction de l’emploi public, compte tenu du poids des charges en personnel supportées par le budget de l'État.
C’est d’ailleurs dans ce cadre qu’il a restitué 4 600 emplois au cours des quatre dernières années, en s’efforçant de redéployer les moyens d’enseignement d’académies excédentaires vers des académies déficitaires, en regroupant des établissements et en fermant des classes.
Seulement, il semble que les prélèvements d’emplois envisagés pour les trois années à venir, avec 16 000 retraits par an au total, ne sont pas absorbables selon la méthode que vous envisagez de mettre en place, monsieur le ministre, sauf à remettre en cause la diversité de l’offre éducative faite aux enfants dans notre pays, l’accompagnement des élèves en grande difficulté scolaire dans des établissements spécialisés, et – j’insiste sur ce dernier point en tant qu’élu d’un territoire rural – à mettre en péril l’aménagement du territoire français caractérisé par la présence harmonieuse d’établissements scolaires publics et privés.
Dans le budget de l’enseignement scolaire, le principe de parité a toujours été appliqué pour faire respecter la règle des « crédits limitatifs ». Ce principe, qui a été établi pour brider la croissance de l’enseignement privé, se heurte aujourd’hui à la volonté de plus en plus grande des familles d’inscrire leurs enfants dans l’enseignement privé.
À ce propos, il est nécessaire de considérer que les 135 000 enseignants dont dispose l’enseignement privé, associé à l'État par contrat, effectuent leur service devant élèves, contrairement à l’enseignement public, qui dispose de réserves plus importantes. Cela signifie qu’à chaque retrait d’emploi d’enseignant de l’enseignement privé sous contrat correspond une disparition de classe en premier degré, ou d’offre de formation en second degré.
Il est donc nécessaire de prendre des décisions pour mieux accompagner l’évolution des effectifs dans le privé, revoir peut-être la règle des « 80-20 », qui est aujourd’hui totalement inadaptée et qui a des conséquences particulièrement néfastes pour cet enseignement privé.
J’ai bien entendu l’intervention de notre collègue rapporteur pour avis Jean-Claude Carle, et je voterai naturellement son amendement. Cependant, il me semble qu’il risque d’être insuffisant par le nombre de postes qui est proposé. C’est la raison pour laquelle je me permets de vous interpeller pour essayer d’augmenter cette dotation et, en fonction de cette réponse, je voterai votre budget.
La mission interministérielle « Enseignement scolaire » aura, en 2011, le plus gros budget au sein de la loi de finances, représentant 21, 6 % des crédits de paiement et 49 % des emplois autorisés. Est-ce pour autant un motif de satisfaction, monsieur le ministre ? Permettez-moi simplement de vous rappeler la formule emblématique de Michelet : « Quelle est la première partie de la politique ? L’éducation. La seconde ? L’éducation. Et la troisième ? L’éducation. »
Cette mission est, bel et bien, la plus fondamentale de toutes et il est tout à fait normal qu’elle bénéficie de moyens exceptionnels. Cette année, pourtant, avec 39 000 élèves de plus inscrits dans le second degré, le budget de la mission n’augmente que d’à peine 1, 6 %. Cette augmentation de façade cache en réalité la politique de ressources humaines plus que catastrophique induite par la révision générale des politiques publiques, RGPP.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. À la rentrée 2008, 11 200 postes d’enseignants avaient été supprimés, puis 13 500 en 2009 et 16 000 en 2010. Pour 2011, ce sont encore 16 000 postes qui vont disparaître. Au total, plus de 50 000 postes auront été supprimés depuis 2007. Comment espérer remédier aux nombreux maux dont souffre l’école, avec toujours moins de personnel et de moyens ? Les rapports sur la situation alarmante de l’école primaire, du collège et du lycée se suivent et se ressemblent. Même les analyses internationales pointent du doigt les dysfonctionnements de notre système éducatif.
C’est pourquoi je regrette amèrement les choix budgétaires de votre gouvernement. En 2007, la France avait 22, 6 élèves par classe en primaire et 24, 3 dans le secondaire, plus que la moyenne de l’OCDE, soit respectivement 21, 4 et 23, 9 élèves. À chaque rentrée scolaire, la question des effectifs par classe ressurgit. Les enseignants et les familles sont de plus en plus inquiets, surtout dans les établissements les plus défavorisés, premiers touchés par les conséquences dramatiques des classes surchargées.
Toujours selon l’OCDE, le système français est devenu l’un des plus inéquitables. Triste bilan pour votre gouvernement ! Ainsi, au fil de la scolarité les inégalités se creusent, et les enfants les plus défavorisés n’acquièrent même plus à l’école le socle commun minimum. Ils ne parviennent plus à se hisser vers l’enseignement supérieur, alors que c’était le cas jusque dans les années soixante-dix. L’ascenseur social est en panne. L’école de la République n’assure plus l’égalité des chances qui, pourtant, constitue la base de notre pacte républicain et de notre cohésion sociale.
Alors, monsieur le ministre, pourquoi continuez-vous à ne considérer le budget de l’éducation nationale qu’à travers le spectre de la logique comptable et de la réduction des dépenses publiques ? Centrer la politique scolaire sur la diminution du nombre de fonctionnaires est une orientation désastreuse, qui conduit à fragiliser davantage encore les académies, pourtant censées devenir de véritables centres de décision dotés des moyens nécessaires à leurs missions.
Si je redoute les conséquences de ces restrictions d’ordre quantitatif, je crains tout autant le risque d’une diminution de la qualité de l’enseignement, liée à votre réforme du mode de recrutement et de formation des enseignants. Le bilan de la mastérisation est plus que mitigé. Les crédits accordés à la formation sont diminués de plus de 40 %, et les enfants sont désormais confiés à temps plein à des stagiaires qui n’ont jamais reçu la moindre formation pédagogique. C’est dramatique.
Le problème du remplacement des enseignants absents est aussi aggravé par la mise en place de ce nouveau système de recrutement. Faudra-t-il recruter de nouveaux remplaçants pour compenser l’absence des nouveaux stagiaires ? Non, vous préférez nous proposer de créer un vivier constitué de retraités ou d’étudiants ! Est-ce de cette façon que vous souhaitez, monsieur le ministre, atteindre l’objectif pour 2011 d’un taux de remplacement de 94 % dans le primaire et de 96 % dans le secondaire ? J’ai du mal à croire que ces mesures déraisonnables puissent améliorer l’accompagnement des élèves vers la réussite.
Je voudrais aussi aborder le cas particulier de la réforme de la voie professionnelle et de son bac en trois ans, qui, malgré mes inquiétudes, a été bien accueillie. Les passerelles entre les différentes filières fonctionnent. Par exemple, 12 % des élèves ont emprunté la passerelle menant de la dernière année de CAP vers une première professionnelle en 2009, contre 0, 15 % en 2008 ; c’est un succès ! Pour qu’il soit complet, de nouveaux efforts doivent être consentis pour assurer un accompagnement personnalisé indispensable des élèves de cette filière qui choisiraient de continuer vers le BTS.
De plus, la revalorisation du bac professionnel ne doit pas conduire à la dévalorisation du CAP. Il faut donc mettre tout en œuvre pour que les effets positifs de la réforme ne soient pas qu’un feu de paille. Je m’inquiète des effets de la mastérisation. Jusqu’à présent, les enseignants étaient pour la plupart des professionnels, et c’était un gage de la transmission des savoirs. C’est pourquoi cette réforme de la formation crée sans aucun doute des tensions.
Par ailleurs, pour aller de l’avant dans la revalorisation des filières, il est indispensable et urgent de moderniser notre méthode d’orientation. L’enseignement professionnel est encore aujourd’hui considéré par un trop grand nombre de conseillers d’orientation, d’enseignants et de familles comme une voie de relégation pour les élèves en difficultés. Dans cette même logique, l’organisation actuelle du collège doit être repensée afin que la filière professionnelle constitue définitivement une orientation choisie par des élèves motivés.
Enfin, avant de conclure, je voudrais évoquer la situation des personnels non enseignants, qui ne sont pas épargnés par vos choix budgétaires.
Les emplois de vie scolaire sont directement menacés par la baisse du taux de prise en charge des contrats aidés, pénalisant ainsi les écoles, qu’elles soient situées en banlieue ou en zone rurale.
Les crédits consacrés aux AVS, indispensables à la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire, ont été légèrement augmentés par l’Assemblée nationale, mais ils demeurent très insuffisants. La précarité reste de mise ; le problème de la continuité des contrats est alarmant. Les enfants sont accompagnés par un AVS qui, le plus souvent, change en cours d’année scolaire. La relation qui s’établit dans le temps est une relation de confiance, personnalisée, humaine et n’est donc pas interchangeable, du moins pas sans conséquences affectives et matérielles pour le confort de l’enfant et la sérénité de sa scolarisation.
Pour toutes ces raisons, il est urgent de pérenniser les contrats d’AVS. Il s’agit d’un véritable métier, …
Mme Françoise Laborde. … exercé par des personnes de grande qualité. Il est indispensable de mettre en place une vraie formation pour les professionnaliser et une vraie rémunération pour les stabiliser.
Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.
Quant aux crédits de la médecine scolaire, s’ils sont en hausse, c’est après avoir été amputés de 20 % en 2008. Par ailleurs, le recrutement des médecins scolaires est de plus en plus difficile et le nombre d’enfants ayant bénéficié du bilan de santé dans leur sixième année ne fait que diminuer depuis 2005. Dans ce domaine, comme dans ceux que j’ai évoqués précédemment, le bilan de vos choix budgétaires est loin d’être encourageant.
Monsieur le ministre, d’année en année, les conditions d’enseignement ne cessent de se dégrader pour les élèves comme pour les enseignants : suppressions de postes, difficultés concernant les remplacements, diminution de l’offre de formation initiale et continue des enseignants, surcharge des classes, problèmes liés à l’orientation, sans oublier, bien sûr, la non-scolarisation des enfants de deux ans.
Mme Françoise Laborde. Le budget que vous nous présentez ne laisse entrevoir aucune amélioration sur l’ensemble de ces points. La majorité des membres du groupe du RDSE votera donc contre les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget 2011 de la mission « Enseignement scolaire » s’inscrit dans la continuité de l’entreprise de déconstruction de notre service public de l’éducation menée par le Gouvernement depuis 2007, avec toujours le même credo : le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Ainsi, 16 000 emplois seront supprimés en 2011, et ce rythme devrait être maintenu au cours des deux prochaines années.
En 2010, le nombre de postes supprimés avoisinait déjà les 16 000, mais l’essentiel de ces suppressions portait sur les stagiaires, du fait de la réforme de la formation des enseignants. Cette année, cette source est tarie et, pour 2011, apparaissent dans les documents budgétaires des « corrections techniques » venant gonfler le plafond d’emplois de 20 359 ETPT.
Quel paradoxe ! D’un côté, vous affichez la volonté de poursuivre des suppressions massives d’emplois, en conformité avec la RGPP, et, de l’autre, vous semblez découvrir un tel « gisement ». En réalité, une partie correspond à un désajustement entre vos prévisions de départs à la retraite et leur réalisation. Cette inadéquation, liée aux effets de la réforme Balladur des retraites, était pourtant déjà signalée dans le rapport annuel de performances de 2009.
Cette année, vous choisissez d’inscrire dans le plafond d’emplois les moyens destinés à financer les stages en responsabilité proposés aux étudiants en master, moyens qui étaient l’année dernière budgétisés en crédits ; même opération concernant des emplois de vacataires-enseignants, recrutés pour faire face aux besoins de remplacement.
Ces corrections, nous dit-on, sont entreprises dans un souci « d’exhaustivité et de sincérité ». Ce jeu d’écriture budgétaire vient, en réalité, confirmer l’insincérité des budgets successifs, que je dénonce depuis 2007. Il suffit pour s’en convaincre de se plonger dans la lecture des projets annuels de performances pour constater, d’année en année, un recul terrible en termes de lisibilité et de transparence, ce qui réduit à la portion congrue le pouvoir de contrôle des parlementaires.
Ce manque de transparence est renforcé, cette année, par la décision de laisser aux recteurs « le soin de faire la chasse aux postes ». Car c’est bien de cela qu’il est question !
Dans le cadre du schéma d’emplois 2011-2013, les recteurs et les inspecteurs d’académie se sont ainsi vu assigner l’objectif de supprimer des postes en s’appuyant sur ce que vous qualifiez de « gisements d’efficience » à mobiliser. Quid; alors, de l’objectif d’amélioration de la qualité de l’enseignement ? Il est forcément sacrifié quand il ne s’agit que de satisfaire au dogme aveugle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.
C’est d’ailleurs au nom de ce dogme que sont supprimés 4 500 postes d’EVS, emplois sans lesquels il est impossible, dans les conditions actuelles, d’assurer la scolarisation des enfants handicapés ; une scolarisation qui nécessite d’ailleurs de vrais emplois, qualifiés, stabilisés et correctement rémunérés. Sur ce point, vous refusez toujours d’avancer.
Quelles seront les conséquences de ces orientations sur le terrain à la rentrée 2011 ?
Dans le premier degré, ce sont bien 8 967 emplois en moins pour les écoles. Compte tenu de la hausse des effectifs en préélémentaire – 13 900 effectifs supplémentaires prévus en 2011 –, je m’inquiète donc très fortement, d’une part, de la dégradation des conditions d’accueil des enfants à la maternelle et, d’autre part, de la fin programmée de l’accueil des enfants de deux ans.
Nous le savons, faute d’une volonté politique de consacrer des postes et des classes en nombre suffisant, l’accueil des deux ans a subi de plein fouet le contrecoup de la pression démographique des trois-cinq ans. Ainsi, le taux de scolarisation des deux ans ne cesse de baisser ; il pourrait chuter à 12, 7 % en 2011, et ce alors même que de nombreuses études ont démontré les effets bénéfiques d’une scolarisation précoce, dans un cadre adapté, pour les enfants des milieux les plus défavorisés.
Or, dans le premier degré, parmi les leviers retenus pour supprimer des postes, figurent justement la taille des classes et la scolarisation des enfants de deux ans.
Dans le second degré, 4 800 emplois d’enseignants et 200 emplois administratifs disparaissent à la rentrée 2011, alors que le nombre d’élèves devrait augmenter d’environ 62 000. Cette année, si nous ne disposons pas de la ventilation des suppressions, nous pouvons aisément émettre des hypothèses.
En lançant la réforme du lycée, Nicolas Sarkozy s’était engagé à ce qu’elle se fasse à moyens constants. C’est donc logiquement vers le collège et le lycée professionnel que l’on va se tourner. Or c’est justement là que les effectifs prévus pour la rentrée 2011 sont en hausse : de 35 300 élèves au collège et de 14 000 en lycée professionnel. Comment imaginer, dès lors, que ces suppressions seront sans effet sur la qualité de l’enseignement ?
D’autant que, là aussi, les leviers d’action recommandés sont connus : augmentation du nombre d’élèves par classe par le relèvement des seuils d’ouverture et de fermeture de classes ; accroissement du poids des heures supplémentaires, auxquelles le budget prévoit de consacrer plus de 1 milliard d’euros ; recours massif aux personnels non titulaires et précaires, l’enveloppe pour les vacations passant de 44 millions d’euros en 2010 à 70 millions d’euros en 2011 ; réduction des moyens de remplacement des personnels ; rationalisation de l’offre de formation – entendez : limitation du nombre d’heures de cours. Tout cela, selon le document retraçant le schéma d’emplois 2011-2013, « sans dégrader les performances globales ». Mais, dans la réalité, c’est bien l’effet inverse que l’on constate.
Comment supprimer des postes alors que la lutte contre l’échec et la violence scolaire suppose plus d’adultes et plus de pédagogie dans les établissements ? On sait le sort qui est fait aux conseillers principaux d’éducation depuis quatre ans, et tout le monde souligne la pénurie d’infirmières et de médecins scolaires. Je pense également aux RASED, dont le nombre a diminué de 2 247 depuis la rentrée de 2009. Quant au nombre de départs en formation, il confine au ridicule et confirme leur mise en extinction.
Même difficulté pour les établissements de réinsertion scolaire, les ERS, expérimentation engagée dans la précipitation et dont je demande la suspension. À Nanterre, monsieur le ministre, plus d’un mois après l’ouverture d’un ERS, les conditions de fonctionnement, d’apprentissage et d’éducation y sont préoccupantes. Parents et enseignants viennent de s’adresser à vous pour réclamer l’affectation de personnels qualifiés et formés, personnels dont il ne peut être fait l’économie pour un travail de remédiation efficace.
Comment donc sanctuariser les établissements sans en sanctuariser les moyens et en y développant les emplois précaires ?
Même observation concernant la formation initiale et continue des enseignants, pourtant élément clef de la réussite des enfants. Force est de constater que tous les écueils pointés par les opposants – majoritaires – à cette réforme sont en train de se vérifier.
Le rapport qui vous a été remis cet été par l’IGAENR, l’inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, sur la préparation de la rentrée 2010 n’est pas pour me rassurer. Ce rapport évoque l’instauration d’une « diversité kaléidoscopique des situations ». Dans les académies, cela se traduit par des écarts de temps de formation considérables : des périodes de « stages » allant de 96 à plus de 160 heures ; des actions de « compagnonnage » du tuteur mobilisant de 36 à 108 heures ; des périodes de formation variant d’une soixantaine à plus de 150 heures.
À ces inégalités s’ajoutent une forte diminution des moyens consacrés à la formation continue des enseignants. Dans le premier degré, le nombre de semaines de formation financées chute de plus de 61 % par rapport à 2009. Dans le second degré, les crédits sont divisés par deux et les moyens alloués au remplacement diminuent.
Ces choix budgétaires contribuent à fragiliser les plans de formation des enseignants, alors même que de nouvelles obligations sont créées au bénéfice des nouveaux professeurs stagiaires.
Je m’interroge donc : où les académies trouveront-elles demain de nouvelles marges de manœuvre pour réaliser les 16 000 suppressions annoncées pour 2012 et pour 2013…
… et alors même que la plupart des économies ont déjà été réalisées ?
La prochaine étape pourrait concerner la déstructuration territoriale, spatiale, de l’école. Comment ne pas faire le rapprochement avec d’autres réformes conduites par le Gouvernement, comme celle des collectivités territoriales ? Se posera alors la question primordiale de l’égalité de traitement sur tout le territoire.
Le rapport de Frédéric Reiss, recyclant le projet des EPEP, trace la voie, comme le dernier rapport du Haut Conseil de l’éducation ou celui du député Jacques Grosperrin – quel unanimisme ! –, d’une école du socle commun. On y voit se dessiner l’institutionnalisation d’une école à deux vitesses où les disciplines « doivent être au service du socle » et où le collège ainsi transformé ne serait plus officiellement un lieu de préparation à la poursuite d’études mais un lieu de « triage » des élèves.
Cela signifierait que notre service public de l’éducation, loin d’affronter les difficultés réelles et de relever les défis d’éducation et de formation de ce nouveau millénaire, renonce à l’ambition qui le fonde depuis toujours et que nous défendons : celle d’un égal accès de tous, sur l’ensemble du territoire, à un haut niveau de culture générale, relevant le défi d’émancipation de chacune et de chacun.
C’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe CRC-SPGvotera résolument contre ce budget.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une longue partie de ma vie, par vocation, a été consacrée, de diverses manières, à l’éducation nationale. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’interviens ce soir.
Le combat pour la réussite de nos jeunes concitoyens est partagé. Variant au fil du temps, les idées, les approches, les propositions, les moyens mis en œuvre n’ont cependant pas permis d’atteindre les objectifs visés. L’exercice est difficile : il convient donc de faire preuve d’une grande humilité et de beaucoup de modestie !
La rapidité et l’ampleur des bouleversements sociétaux ne doivent pas annihiler les valeurs fondamentales sur lesquelles repose l’institution éducative : le respect, la discipline et la reconnaissance de l’autorité du maître.
Le parcours éducatif de l’élève, son comportement, ses résultats ne dépendent pas exclusivement de l’institution scolaire. Son environnement familial, son lieu de vie, ses activités personnelles sont autant de facteurs extérieurs qui influent sur les vecteurs favorisant la réussite ou l’échec.
Comment ne pas être étonné de constater, alors que les moyens – 1 milliard d’euros supplémentaires pour 2011 – et les efforts consentis sont toujours en progression, que les fondamentaux dans les matières telles que le français et les mathématiques ne sont pas acquis ou sont mal assimilés par une partie grandissante des élèves ? Cela démontre que les problèmes persistent, voire s’amplifient pour certains.
Dans son processus d’évolution, l’enfant, dès son jeune âge, mérite une attention particulière…
… et je suis aujourd’hui convaincu – après avoir étudié cette question avec ma collègue Monique Papon, ce qui a donné lieu à un rapport d’information – que, de deux à trois ans, les jardins d’éveil…
… se révèlent une solution favorable et propice pour les premiers pas de la socialisation. Essayons !
L’école maternelle, dont on loue les qualités en France, constitue naturellement le relais pour assurer la continuité de cette découverte, pour donner à celle-ci une ouverture plus large et pour préparer l’entrée à l’école élémentaire obligatoire.
Ces préambules éducatifs sont très précieux pour l’édification des bases indispensables à la traversée sans encombre des années de classes élémentaires et à la préparation de l’entrée en classe de sixième.
Le collège, puis le lycée doivent pouvoir conduire chaque individu vers une formation à la fois diplômante et qualifiante, en développant, pour celles et ceux qui le souhaitent, la formation en alternance.
À cet égard, indiscutablement, les mentalités doivent évoluer ; les mondes de l’entreprise et de l’éducation doivent être partenaires, et ce dans l’intérêt de tous. L’entrée dans la vie active ne doit plus être vécue comme un « saut » dans l’inconnu ; la découverte du monde du travail doit se vivre au cours de la vie scolaire.
En fonction des réalités territoriales, de l’organisation économique et sociale, de nos institutions républicaines, le monde de l’éducation doit être en mesure d’analyser les besoins, de s’adapter à la demande, en s’appuyant sur des établissements autonomes, dirigés par des directeurs ayant un pouvoir et le devoir de prendre en compte les particularités locales. Ce « capitaine », au-delà de la gestion de l’établissement, a également vocation à assurer la responsabilité pédagogique de l’équipe.
Nous, responsables politiques, avons à imaginer les outils et les ingrédients permettant à tous les acteurs, enfants, parents, enseignants, chefs d’établissement, mais aussi responsables d’entreprises ou d’administrations, publiques ou privées, de trouver les recettes personnalisées de la réussite.
Oui, la dynamisation de notre système scolaire repose sur le principe d’union de toutes les compétences et de tous les acteurs. Elle ne doit pas être uniquement affaire d’argent, elle doit aussi être affaire de bon sens…
… puisque tous ces jeunes dont on doit se préoccuper représentent, par leur diversité, la richesse du pays.
Tous ne sont pas aptes à apprendre et à comprendre dans les mêmes conditions. Mais tous doivent pouvoir se former sans connaître l’angoisse de l’orientation ou la crainte de l’échec. L’erreur est humaine ; elle ne doit pas concourir à une quelconque forme de renonciation ou d’abandon, mais être au contraire source de progrès. Et ce message doit être accepté et compris par l’ensemble des partenaires qui composent l’environnement scolaire de l’élève. Il faut penser à l’intérêt de chacun des enfants plus qu’à l’égalité de tous les enfants.
Dans une France où l’espérance de vie s’allonge pour de multiples raisons, la jeunesse est une chance, un atout, car elle représente la force vive de demain. Il est de notre devoir de l’encourager dans sa volonté et son désir de progresser, de se former, de s’ouvrir à ce monde en perpétuel mouvement, …
… en lui offrant les meilleurs lieux de l’acquisition des connaissances et de l’apprentissage des techniques, où s’imposent le respect, la tolérance, la solidarité et la recherche de l’excellence.
Le comité de pilotage de la conférence nationale sur les rythmes scolaires que vous avez mis en place, monsieur le ministre, doit à la fois permettre de dresser un bilan des expériences engagées depuis quelques années et envisager l’organisation des temps scolaires la plus adaptée pour les succès recherchés et attendus, mais aussi d’identifier les meilleurs leviers susceptibles d’assurer une progression de l’enfant-élève pour le préparer à son entrée dans le monde adulte.
Au chapitre des bonnes idées, le soutien individuel, la mobilisation contre l’illettrisme et les auxiliaires de vie scolaire sont non pas des dispositifs gadgets, mais bel et bien des mesures de bon sens, testées, approuvées et reconnues, qui ne peuvent que conduire l’élève sur la voie de la réussite scolaire.
Lors de votre audition devant la commission de la culture, vous avez, monsieur le ministre, renouvelé votre détermination à « passer de l’école pour tous à l’école de la réussite de chacun ». J’adhère bien entendu à cette ambition et je souhaite que nous puissions tous ici la partager.
M. Pierre Martin. C’est pourquoi je voterai le budget que vous proposez.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le peu de temps qui m’est imparti, je voudrais évoquer deux points qui font aujourd'hui débat : la formation des maîtres et l’évaluation.
Concernant la formation des maîtres, je vous le dis tout net, monsieur le ministre, je ne suis pas de ceux qui regrettent les IUFM tels qu’on les a connus hier : une formation théorique déconnectée des réalités, des apriori pédagogiques issus d’une idéologie souvent fumeuse…
… et le verbiage d’intervenants qui eussent été bien incapables de faire classe ! Ces réalités m’ont poussé à saluer votre choix de privilégier, pour les jeunes maîtres, le contact direct avec les enfants et l’apprentissage sur le terrain.
Mais force est de constater que la réalité n’est pas toujours conforme à l’ambition affichée.
La mastérisation continue de sacrifier souvent au pédagogisme, au détriment de la pratique. Deux stages de 108 heures, soit quatre jours par trimestre, ne sont, vous en conviendrez avec moi, monsieur le ministre, vraiment pas suffisants. Et ils le sont d’autant moins que ces jeunes débutants se voient confier, à l’issue de ce master, une classe à plein-temps.
A priori, ce n’est pas une mauvaise chose, mais à une condition toutefois, et elle est capitale : qu’ils puissent bénéficier du soutien et de l’expérience d’un véritable tuteur. Or c’est là que le bât blesse !
La situation telle qu’on peut l’appréhender après trois mois offre un paysage pour le moins contrasté.
Certaines académies jouent le jeu, d’autres beaucoup moins. Vous avez souhaité qu’il soit procédé à une évaluation. Il est urgent qu’elle ait lieu, afin que nous puissions notamment gommer ces disparités.
Au demeurant, la formation ne concerne pas que les débutants.
Dans notre société en pleine mutation, le développement de l’école numérique est une priorité absolue, et je rejoins en cela le point de vue exposé tout à l'heure par ma collègue Catherine Morin-Desailly. Encore faut-il que les enseignants soient formés à ces nouvelles pratiques, et tout au long de leur carrière, car, s’il est un secteur qui bouge en permanence, c’est bien celui-là.
Les recteurs d’académie proposent chaque année 18 heures de formation aux enseignants. Puissent-ils les réserver, pour l’essentiel, à ces formations !
Ils ne devraient pas non plus négliger l’enseignement artistique.
Les recommandations faites en leur temps par M. Éric Gross pourraient utilement être prises en compte.
Je n’ignore pas que vous êtes contraint par les réalités budgétaires. Mais c’est justement quand l’argent se fait plus rare que l’innovation doit se faire plus prégnante, ...
… quitte à bouleverser un peu les habitudes et l’inertie d’une grande maison comme la vôtre !
À cet égard, je ne prendrai qu’un seul exemple : la loi du 13 août 2004, qui prévoit la création des établissements publics d’enseignement primaire, laquelle va dans le sens d’une rationalisation et d’une mutualisation, attend toujours ses décrets d’application. Certes, le Haut Conseil de l’éducation a émis un avis négatif, mais il n’est que consultatif.
Selon moi, vous auriez tout à gagner, monsieur le ministre, à faire d’abord confiance à votre bon sens et à celui des enseignants de terrain, plutôt qu’à celui de certains experts. Que la RGPP s’applique aux experts, cela ne me gêne pas ; qu’elle s’applique aux enseignants de terrain, cela me dérange un peu plus.
La dernière idée mûrie par ces brillants cerveaux est d’abolir toute notation. Quitte à paraître démodé, je persiste à penser, eu égard à ma longue expérience d’enseignant, qu’une note permet aux élèves de se situer par rapport aux autres…
… et à eux-mêmes, à condition, bien sûr, que l’enseignant ait la manière.
Un bon maître saura toujours expliquer à tel élève que c’est grâce à son travail que sa note est passée de 5 à 10 et à tel autre que c’est son absence de travail qui l’a fait chuter de 15 à 8.
Notre époque aime la complication !
Je conclurai mon intervention par une note d’humour.
Un jeune maître en début de carrière m’a expliqué sa perplexité d’avoir à évaluer ses élèves de cours préparatoire sur trente compétences. Je ne les énumérerai pas toutes, mais certaines conviendraient aussi, me semble-t-il, à la classe politique prise dans son ensemble, sénateurs et ministres inclus : « comprendre des phrases nouvelles » ; « lire à haute voix un texte préparé par avance » ; « construire une phrase ayant un sens » ; « comprendre les règles d’un jeu collectif » ;…
M. Jean-Jacques Pignard. Monsieur le ministre, je vais vous faire une confidence, il se trouve aussi dans cette liste une compétence que je n’ai pas acquise et qui m’aurait fait tripler mon cours préparatoire : « déterminer par addition ou soustraction le résultat d’une augmentation » !
Rires.
M. Jean-Jacques Pignard. Mais vous n’êtes pas concerné, monsieur le ministre, car vous avez élaboré un budget !
Sourires.
Comme la plupart de mes collègues centristes, je voterai ce budget, malgré ses imperfections, espérant que vous tiendrez compte de mes préoccupations concernant la formation.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP. – Mme Françoise Laborde et M. Jean-Jacques Mirassou applaudissent également.
Monsieur le ministre, le budget que vous défendez ressemble à un exercice de bon élève appliqué.
Nouveaux sourires.
En effet, vous parlez d’une légère hausse des crédits, d’une maîtrise de la masse salariale, de l’optimisation des ressources de votre ministère. Vous êtes donc bien un bon élève, mais qui se trouve, hélas ! dans une mauvaise classe, le gouvernement auquel vous appartenez ne sachant programmer que des soustractions ou des divisions !
Nouveaux sourires.
… dans la mesure où elle correspond à peine à l’inflation, alors même que la programmation pluriannuelle présentée en 2009 prévoyait une augmentation de 2, 8 % pour l’année prochaine.
En réalité, avec 16 000 suppressions de postes en 2011, ce sont 65 400 emplois qui auront été supprimés en cinq ans.
II ne s’agit plus d’optimisation des ressources humaines : c’est la mise en péril des fondations de l’éducation nationale, …
… même si, moyennant quelques astuces techniques, vous venez de retrouver miraculeusement 20 000 postes !
Ces fondations sont d’ailleurs également mises en péril par la prétendue réforme de la formation des enseignants, qui n’avait d’autre finalité que de récupérer quelque 15 000 postes.
Aujourd’hui, la réalité est catastrophique. Sous prétexte de mastérisation et de prétendue élévation du niveau des enseignants, vous avez propulsé devant des élèves des jeunes professeurs qui n’ont pas été formés au métier d’enseignant et se retrouvent démunis, désorientés face aux difficultés de ce métier, qu’ils découvrent brutalement.
À titre de compensation, vous aviez promis un tutorat pour ces jeunes professeurs.
Mais, le plus souvent, ce tutorat n’a pas été organisé ou s’est résumé à un simple échange de courriels avec des professeurs titulaires, en général débordés et fort peu disponibles.
Au demeurant, toujours à la pointe du progrès, vous avez fait distribuer des DVD intitulés « Tenue de classe », censés se substituer aux cours de pédagogie. Le visionnage de ce film est édifiant : une voix off explique comment se comporter en classe, où se placer pour se faire respecter, etc.
Ancienne enseignante, je suis stupéfaite de découvrir que le métier d’enseignant, c’est simple comme une notice vidéo !
Aujourd’hui, le collectif « Stagiaire impossible » regroupe ces jeunes professeurs qui témoignent de leur angoisse et de leur détresse au moment d’entrer en classe. Ils ont à cœur de réussir la mission qui est la leur, à savoir enseigner et transmettre, mais paniquent devant l’ampleur d’une tâche qu’ils doivent assumer seuls.
Combien ont démissionné et combien vont le faire ? Combien se détourneront définitivement de ce métier avec un sentiment d’échec bien lourd à porter pour leur avenir professionnel ?
Aussi est-il urgent de les entendre et de résoudre les difficultés auxquelles ils sont confrontés ! Les élèves qui leur sont confiés en seront les premiers bénéficiaires.
Rappelons que le syndicat des inspecteurs d’académie s’est ému, le 31 octobre dernier, des résultats perceptibles de cette politique. Les associations de parents d’élèves s’inquiètent à leur tour et n’ont, hélas ! reçu à ce jour aucune réponse à leurs questions. Nous sommes en plein pilotage à vue, mais cela semble être la doctrine de ce gouvernement ! J’en veux pour preuve la réforme des programmes des lycées, si bien préparée que les manuels ne sont toujours pas disponibles partout, trois mois après la rentée scolaire !
Pour appliquer les prochaines suppressions de postes, vous avez décidé de déconcentrer la gestion de la réduction des effectifs. Ainsi, chaque recteur d’académie devra trouver les fameux « gisements d’efficience » exigés par votre administration. En clair, il s’agit de « raboter » tous les emplois, fussent-ils vitaux pour la qualité du service public d’éducation. Les recteurs auront donc le choix entre la suppression de la scolarisation à deux ans, malgré la demande des parents, la baisse de l’encadrement, la fermeture de classes, le recours systématique à des vacataires pour effectuer les remplacements, la limitation de l’offre pédagogique ou des coupes dans les personnels administratifs.
En bref, vous appliquez au service public le plus essentiel à notre République les méthodes managériales de la grande distribution. Cette gestion des effectifs à flux tendu a déjà fait beaucoup de dégâts, et la situation s’aggravera encore cette année.
De plus, je pense que les conséquences du vote de la réforme des retraites n’ont pas été suffisamment prises en compte. De nombreuses enseignantes mères de trois enfants ne vont pas avoir d’autre choix que de faire valoir leurs droits à la retraite à la rentrée prochaine, afin de bénéficier du régime antérieur et de ne pas être pénalisées en travaillant plus longtemps. C’est un comble !
Toujours optimiste, néanmoins, vous considérez que l’éducation nationale, même amputée de ses moyens, progresse. C’est sans doute vrai, mais grâce à l’engagement de ses personnels, passionnés par leur travail, qu’ils vivent pour nombre d’entre eux comme une mission. Cela n’est pas le fait de votre politique d’expérimentation tous azimuts, …
…qui ne profite qu’à un tout petit nombre d’élèves, les autres, c'est-à-dire la plupart, étant pénalisés par la redistribution des moyens globaux grâce à laquelle ces expérimentations sont financées.
Tout cela s’inscrit, selon vous, dans le cadre d’un effort nécessaire d’économies, auquel doivent participer toutes les administrations, l’éducation nationale mettant en œuvre avec zèle la fameuse RGPP.
Les promesses passées du Président de la République, lors de son discours de Versailles, sont oubliées, voire reniées. Permettez-moi de le citer : « La question centrale est donc celle de la qualité de la dépense publique. La logique de la rigueur l’occulte parce qu’elle conduit à ne plus s’interroger que sur les conséquences budgétaires à court terme des décisions que l’on prend. »
Visiblement, les universités n’ont pas eu à subir cette politique de rigueur. Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche nous l’a confirmé. Tant mieux !
Pourtant, les derniers rapports et évaluations internationaux ont pointé les mauvais résultats de nos élèves. Cela justifierait, à mon avis, une pause dans les réductions budgétaires appliquées à l’éducation nationale.
Monsieur le ministre, vous venez d’être reconduit dans vos fonctions. Je formule le vœu que ce « redoublement » vous soit utile et vous permette de vous rendre compte que notre école publique mérite une tout autre ambition.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’évoquer dans ce débat la situation éducative du territoire le plus éloigné de la métropole.
Si l’ancien enseignant que je suis n’a plus guère le temps de se plonger dans l’étude des orientations pédagogiques, il garde néanmoins un œil attentif sur le fonctionnement de l’enseignement à Wallis-et-Futuna.
Il y a maintenant une quinzaine d’années, les responsables du territoire avaient souhaité le classement de Wallis-et-Futuna en zone d’éducation prioritaire. Le dossier était sur le point d’aboutir, quand un changement de Gouvernement est venu tout remettre en question.
La ZEP n’a donc pas été mise en place et les problèmes demeurent, à commencer par un taux d’échec très supérieur à la moyenne nationale. Bien sûr, notre isolement géographique et un choix très restreint de filières n’y sont pas étrangers. Cependant, le manque ou l’inadéquation des moyens matériels et humains y sont aussi pour beaucoup.
La décentralisation n’ayant pas encore atteint les rivages de Wallis-et-Futuna, c’est à l’État, selon le statut du territoire, qu’incombe la charge de l’éducation, y compris l’immobilier. Or, celui-ci, qui était déjà très dégradé, est désormais, après le passage du cyclone Tomas, dans un état de délabrement avancé.
Lors des discussions entre les responsables du territoire et les parents d’élèves, qui demandaient un engagement sérieux dans des travaux de réparation, aussi bien à Wallis qu’à Futuna, il a été décidé d’y consacrer la quasi-totalité des crédits « éducation nationale » restants du contrat de développement 2007-2011, soit 2 millions d’euros à utiliser cette année et l’an prochain.
Ces crédits ne suffiront cependant pas à la mise aux normes des établissements. Il faudra que ce problème soit sérieusement examiné, car il n’est pas normal que les enfants de Wallis-et-Futuna ne bénéficient pas des mêmes conditions de travail que leurs camarades des autres collectivités françaises.
Soyez remercié, monsieur le ministre, de votre réactivité à la suite du passage du cyclone Tomas. Les travaux ont commencé, mais l’inquiétude des parents demeure quant aux regroupements scolaires qui vont survenir dans le cadre de la reconstruction. Pouvez-vous, s’il-vous-plaît, nous rassurer sur ce point ?
Par ailleurs, tout en vous disant ma reconnaissance pour les crédits octroyés en 2011 en faveur du lycée, je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur d’autres priorités pour cette année.
Il s’agit tout d’abord des collèges de Lano et de Lavegahau, qui requièrent également des travaux urgents et importants.
Toujours du fait du cyclone, des besoins de première nécessité restent criants au collège de Sisia, qu’il s’agisse des logements de fonction, de la clôture ou même du matériel scolaire. En effet, le bâtiment, dont la construction est en cours de finition, ne dispose pas du premier équipement.
Les crédits de fonctionnement des collèges et du lycée méritent, eux aussi, attention. En effet, il y a de réels besoins de financement des périodes de formation en milieu professionnel des élèves préparant le baccalauréat professionnel. À ce jour, la totalité de ces formations se déroule en Nouvelle-Calédonie. Des solutions sont actuellement recherchées à Fidji, et j’espère que le ministère sera actif sur ce dossier.
Je ne saurais terminer mon intervention sans dire un mot de la situation de l’enseignement primaire et des conditions pédagogiques dans lesquelles travaillent les enfants.
La convention de 1969 confie l’enseignement primaire à la mission catholique, mais celle-ci reçoit l’aide de l’État. Je vous remercie vivement, monsieur le ministre, d’avoir abondé les crédits inscrits à ce titre en 2010. Cependant, dans la durée, cette aide demeure insuffisante. Les discussions qui ont commencé entre les responsables du territoire et ceux de l’enseignement, pour réfléchir sur le renouvellement de cette convention d’ici à 2012, doivent permettre d’analyser en profondeur cette situation afin que soient prises les décisions qui s’imposent.
J’aimerais beaucoup connaître, monsieur le ministre, votre point de vue sur la renégociation de cette convention.
Dans l’espoir de vous entendre réaffirmer l’engagement fort de l’État dans le domaine de l’enseignement scolaire à Wallis-et-Futuna, c’est avec confiance que je voterai votre budget.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi d’ouvrir cette intervention par deux citations.
« N’use pas de violence dans l’éducation des enfants, mais fais en sorte qu’ils s’instruisent en jouant : tu pourras par là mieux discerner les dispositions naturelles de chacun. »
« L’éducation doit viser à favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant, le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de ses potentialités. »
Plus de deux millénaires séparent les propos de Platon et l’article 29 de la convention internationale des droits de l’enfant. Mais quelle belle conception de l’éducation ! Et toujours d’actualité, n’est-ce pas ?
Mais quelle est la vôtre à vous, monsieur le ministre ?
À considérer votre discours de la dernière rentrée, je serais tentée de penser que vous adhérez à ces principes. Hélas, si je regarde la traduction chiffrée de vos beaux discours, je suis bien forcée de constater qu’il y a loin des paroles aux actes.
Le modèle prôné par Platon et inscrit dans l’article 29 de la convention internationale des droits de l’enfant suppose de s’intéresser aux conditions de vie de l’élève, aux inégalités sociales et de naissance, et d’avoir la volonté de doter notre système éducatif des moyens de palier ces inégalités. Malheureusement, avec ce budget, c’est loin d’être le cas.
Dans son dernier rapport, la Défenseure des enfants lance un cri d’alarme sur la situation des enfants pauvres. Il faut savoir que 2 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté. Or les risques d’un cercle vicieux de la précarité sont réels si les enfants n’ont pas accès à un capital social et culturel suffisant.
Logement insalubre, difficulté ou absence d’accès aux soins, situation familiale instable, mal-être psychologique sont les maux quotidiens de ces enfants. La plupart d’entre eux sont ainsi condamnés à subir le déterminisme social.
Vous le savez, mes chers collègues, les conditions de vie des élèves sont une composante essentielle de leur réussite. Or les défis contemporains sont nombreux : augmentation de la précarité, crainte du déclassement social, éclatement des structures familiales, crise de l’autorité parentale ou encore désaffection des institutions.
La réussite de chaque élève – c’est bien l’objectif affiché – ne saurait se passer de personnels médico-sociaux présents au cœur même de notre dispositif éducatif : médecins, infirmières, psychologues et assistantes sociales doivent travailler de concert à l’accomplissement individuel de chaque élève.
Notre rapporteur a évoqué tout à l’heure la médecine scolaire. Je suis, moi aussi, très alarmée par le manque de moyens de cette médecine, qui remplit un rôle spécifique de prévention, située au carrefour du médical, du pédagogique et du familial.
Elle contribue à lutter contre l’échec scolaire en permettant d’identifier les troubles susceptibles d’affecter les capacités d’apprentissage des élèves. Elle intervient dans la détection de la maltraitance, dans la prise en charge individuelle des enfants handicapés, ainsi que dans l’éducation à la santé.
Elle répond aux problèmes actuels de la société, qui touchent dramatiquement nos jeunes : lutte contre l’obésité – vous le savez, il y a dans les ZEP deux fois plus d’obèses qu’ailleurs –, tentatives de suicides, conduites addictives, ignorance du respect dû à l’autre, etc. Son rôle est également important en matière de contraception. Je rappelle que, chaque année, on compte encore 15 000 interruptions volontaires de grossesse pratiquées sur des mineures.
Plus d’un tiers des élèves disent avoir mal au ventre avant d’aller à l’école le matin ! Nous l’avions déjà signalé lorsqu’il a été question de l’absentéisme scolaire : en France, seulement 45 % des élèves se sentent bien à leur place à l’école, contre 81 % dans les autres pays de l’OCDE.
Votre budget ne dote pourtant la médecine scolaire que de 440 millions d’euros, soit moins de 0, 73 % des 61 milliards d’euros qui sont affectés à l’éducation nationale:
On ne dénombre que 1238 médecins titulaires, soit un médecin pour plus 10 000 élèves, …
… et beaucoup de ceux qui sont en place vont partir à la retraite très prochainement. Or rien n’est fait pour attirer les jeunes médecins vers ce travail.
Vous avez ouvert des postes d’infirmières, évidemment sans beaucoup de succès compte tenu des conditions de travail et de rémunération.
J’aurais aussi voulu vous parler des auxiliaires de vie scolaire. Nous nous sommes déjà beaucoup exprimés sur ce sujet. Malheureusement, rien ne change, ou plutôt tout s’aggrave. Cette année, c’est un véritable feuilleton auquel nous sommes confrontés : des articles sont régulièrement publiés dans la presse, et c’est d’ailleurs sans doute ce qui permet aux préfets de mobiliser des AVS. Beaucoup de parents d’enfant handicapé vous ont adressé des courriers décrivant l’ampleur de leurs difficultés.
Cette année, le droit du travail a été bafoué : les AVS ont signé des contrats en juillet et, un mois plus tard, ils ont été licenciés par SMS ! C’est insensé, monsieur le ministre !
Mon temps de parole étant épuisé, je m’en tiendrai là, concluant seulement par une citation, de Victor Hugo cette fois :
Hélas ! combien de temps faudra-t-il vous redire
À vous tous, que c’était à vous de les conduire,
Qu’il fallait leur donner leur part de la cité ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a entrepris de réduire les effectifs dans la fonction publique et singulièrement à l’éducation nationale, qui emploie le plus grand nombre de fonctionnaires. Je souscris à cette politique. Toutefois, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les conditions dans lesquelles s’opèrent ces réductions et sur leurs conséquences éventuelles.
Depuis la loi Debré de 1959, l’État verse aux écoles privées une subvention de fonctionnement proportionnelle au nombre d’élèves qui y sont accueillis et paie le salaire de leurs enseignants. Pour maintenir un statu quo, le ministère Chevènement avait mis en place, en 1985, la règle tacite dite des « 80-20 », qui consiste à réserver 80 % des postes d’enseignants au public et 20 % au privé.
Monsieur le ministre, je souhaite savoir si, pour l’avenir, vous envisagez de réajuster cette règle des « 80-20 » afin de tenir compte de l’évolution du rapport entre les effectifs du public et ceux du privé. Tandis que les effectifs du public accusent un léger fléchissement depuis une dizaine d’année, je crois savoir que ceux du privé stagnent, voire évoluent très légèrement à la hausse.
Ma deuxième remarque porte sur la différence de marge de manœuvre entre les deux secteurs. En effet, les 135 000 enseignants du privé exercent directement leur mission éducative auprès des élèves, tandis que les 800 000 enseignants du public ne sont pas tous affectés à l’enseignement proprement dit : une part non négligeable – 10 % à 15 % – des effectifs du public n’exercent pas directement leurs fonctions auprès des élèves, notamment lorsqu’ils sont détachés sur des emplois syndicaux ou associatifs, titulaires sur zone de remplacement ou en surnombre. Le privé ne dispose pas, lui, de ces « réserves » de personnels.
Cette année, l’enseignement public bénéficiera de 5 600 régularisations des « surnombres », alors que l’on observe une accélération de l’effort demandé au privé, de 16, 5 % par rapport à l’année dernière, avec 1 633 postes supprimés, contre 1 400 l’année dernière...
La politique de réduction de l’emploi public, affichée comme un objectif prioritaire, n’a donc pas les mêmes répercussions sur les deux secteurs. Je souhaite savoir si, dans la détermination du nombre de postes, cet élément est pris en compte cette année et le sera pour les années à venir.
Dans l’immédiat, je me réjouis de la position de la commission de la culture, qui, sur l’initiative du rapporteur Jean-Claude Carle, a adopté un amendement destiné à rééquilibrer la situation.
Ma troisième observation découle des deux précédentes : si l’on ne prend pas en considération les évolutions réelles des effectifs public/privé et la réalité des taux d’encadrement, on s’expose à des fermetures de classes, notamment en milieu rural et particulièrement dans les régions où, historiquement, l’enseignement privé est le plus important, comme l’Alsace, les Pays de la Loire ou la Bretagne.
J’ai pu observer plusieurs exemples qui révèlent à quel point ce désengagement provoque des redéploiements du milieu rural au profit de la ville. Je n’ignore pas, bien sûr, l’histoire de nos écoles, ni les débats relatifs à la laïcité et à la liberté scolaire. Mais ce désengagement n’est pas neutre pour les finances de nos communes lorsqu’elles doivent se substituer au privé, construire des écoles et assumer leur fonctionnement.
En ces temps de restrictions budgétaires pour tout le monde, une approche pragmatique et globale des situations est plus que jamais souhaitable.
Vous êtes là pour représenter un lobby ou pour défendre l’intérêt général ?
Enfin, d’une façon plus générale, je voudrais souligner que notre pays est l’un de ceux qui affectent le plus de moyens humains et financiers à l’enseignement secondaire, sans pour autant que nos résultats reflètent cet effort.
On doit s’interroger sur la cause de cette situation. Je pense au nombre d’options dans le second degré, si consommatrices d’heures d’enseignement. Je pense aussi au cloisonnement des matières et des spécialités. Des options très peu enseignées conduisent à ne pas pouvoir offrir des postes à temps plein. Pour éviter de sous-utiliser les compétences, pourquoi ne pas chercher à les mutualiser ? On pourrait aussi imaginer des passerelles entre des matières « voisines », comme le français et l’histoire, et introduire ainsi davantage de souplesse dans la gestion des ressources humaines.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous puissiez nous éclairer sur de possibles évolutions dans ces domaines, en dépassant la seule considération des effectifs comptables, au profit d’une réflexion sur la rationalisation du contenu des enseignements.
En conclusion, je dirai que je souscris aux efforts nécessaires d’assainissement des finances publiques, qui passent notamment par la réduction des emplois publics. Mais je suis convaincu qu’il faut accomplir cette démarche avec pragmatisme et l’accompagner de la recherche de solutions visant à améliorer les contenus et l’organisation des enseignements. Élèves, enseignants et finances publiques ont tout à y gagner.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2010, l’enseignement agricole comptait 173 000 élèves, 838 établissements et 90, 2 % de taux d’insertion professionnelle : autant dire du jamais vu !
Pourtant, enseignement et formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires souffrent d’un désintérêt alarmant de la part du Gouvernement.
La rapporteur elle-même s’en est inquiétée en commission de la culture, dénonçant la logique de rationnement et le pilotage des effectifs par l’offre de formation, c’est-à-dire par l’enveloppe budgétaire définie a priori Il faut pourtant permettre à tous ceux qui le souhaitent de suivre cet enseignement d’excellence.
Toutefois, nous pouvons saluer la décision du Premier ministre de maintenir le programme Enseignement technique agricole dans la mission « Enseignement scolaire ». En effet, l’agriculture ne représentant que 20 % de l’enseignement et de la formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires, une autre décision aurait été perçue comme un signal particulièrement négatif face à la richesse des formations.
Le budget paraît en hausse, mais veillons à ne pas nous laisser tromper par ce leurre grossier. Les crédits affichent certes une hausse de 2, 5 %, mais l’enseignement agricole est familier des ajustements budgétaires de dernière minute. Cela explique que, de 2006 à 2010, le programme 143 ait bénéficié d’abondements de 29, 39 millions de l’éducation nationale. Le transfert total au budget de l’agriculture aurait donc encore fragilisé le budget de l’enseignement agricole.
Si, de 1995 à 2005, les effectifs ont augmenté de 10 % dans l’enseignement agricole, il n’empêche que celui-ci souffre d’un cruel manque de professeurs. De nombreuses classes à faible effectif ont dû être fermées. Les effets sont particulièrement graves en milieu rural.
La diminution du plafond du programme est l’enjeu majeur. Il diminue de 214 équivalents temps plein pour 2011 par rapport à 2010, et le plafond d’emplois est fixé à 14 876 équivalents temps plein. Cela laisse entrevoir la véritable volonté politique du Gouvernement, qui, sous couvert d’augmentation des crédits, supprime des postes. Des effectifs d’enseignants, des emplois sont toujours aujourd’hui menacés, des titulaires ne sont pas remplacés, des postes sont précarisés. Cela représente 300 personnes pour cette rentrée 2010.
L’enseignement agricole participe à l’effort de réduction des dépenses publiques et à l’objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire en départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, avec 120 départs à la retraite non renouvelés en 2011.
Ce nombre est jugé « raisonnable » par le ministre de l’agriculture. Il faut cependant savoir que l’enseignement agricole présente des caractéristiques d’organisation bien différentes de l’enseignement général et que les professeurs y sont moins nombreux. La rapporteur du Sénat, joignant sa voix à celle du député Yves Censi, rapporteur à l’Assemblée nationale, s’est émue de cette diminution du nombre d’enseignants.
Le moratoire dont l’enseignement public a bénéficié de la part du Gouvernement pour 2010 n’était qu’un leurre. C’était reculer pour mieux sauter puisque les suppressions de postes vont bien avoir lieu en 2011. Les reports de charge d’année en année sont aussi un des problèmes prégnants dans l’enseignement agricole. Ce n’est qu’un artifice visant à masquer la diminution des financements. La clarté est la forme la plus difficile du courage. Or, à ce titre, la sincérité du budget peut être remise en cause.
Que penser des fermetures de classes en milieu rural, du refus d’accepter des élèves alors que la demande grandit ? C’est un raisonnement à la logique absconse, qui ne se justifie que sur un plan cyniquement financier. Les postes supprimés, c’est une offre moindre à terme, donc plus d’élèves refusés et mis au ban de la scolarité.
Le bilan net de l’ouverture de classes fait apparaître un solde de 25, 5 classes en moins pour 2008-2009, de 65 classes en moins pour 2009-2010. Il faut mettre un terme à cet appauvrissement des moyens, qui est parfaitement délibéré. Vous annoncez, monsieur le ministre, que vous allez étudier la pertinence d’un maintien de classes de petits effectifs Mais ne s’agit-il pas, une fois de plus, que d’un vœu pieux ?
On assiste désormais essentiellement à des fermetures et à des regroupements qui ne prennent pas en compte la réalité des attentes des territoires. Les parents qui n’ont pas d’offre locale ne pourront pas faire bénéficier leurs enfants de cet enseignement d’excellence. On diminue les effectifs pour montrer que les effectifs diminuent au lieu d’attribuer les effectifs en fonction de la demande.
De plus, les réformes promises, comme la réforme du lycée et du baccalauréat professionnel, n’ont pas été mises en place. Il y a également des craintes que certaines structures du type maison familiale ne puissent pas aller jusqu’au baccalauréat professionnel, ce qui les condamne à court terme.
L’enseignement agricole ne doit pas être sacrifié sur l’autel du déficit public. Le choix du Gouvernement est celui du désengagement de l’État sans cap pour l’avenir. Dans ces conditions budgétaires, l’autonomie prévue dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche est difficilement applicable.
Comment agir ? Il faut faire en sorte d’assurer une juste stabilisation des effectifs, voire une augmentation pour permettre à l’enseignement agricole d’avoir la place qu’il mérite. Les effectifs des professeurs doivent répondre à la demande, c'est-à-dire correspondre au nombre d’élèves, et non l’inverse.
La spécificité de cet enseignement doit être respectée et encouragée. À l’heure où l’on prône l’innovation, voilà un modèle ! Mais je crains qu’il ne faille plutôt dire que c’était un modèle. En effet, les réductions d’effectifs entraînent la destruction d’un secteur d’innovation reconnu.
Que dire du peu d’égard manifesté par le Gouvernement quant à la qualité de l’enseignement agricole ? Investir pour l’emploi permet à tous les jeunes de s’insérer dans le monde du travail, même à ceux qui sont le plus en difficulté. J’en déduis que ce n’est pas la priorité du Gouvernement.
Monsieur le ministre, nous ne comprenons pas vos arbitrages et encore moins ce qui les motive, sinon des questions d’argent.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le ministre, l’école est toujours proclamée fabrique de la nation, creuset de la République, mais son désarroi inquiète les Français, sans que cette inquiétude ait vraiment gagné les classes dirigeantes.
À peine préconise-t-on des journées de réflexion sur l’éducation, à l’heure où l’ascenseur social enregistre de multiples pannes et où l’illettrisme explose, ce qui devrait tout de même démontrer l’importance de la question scolaire.
Un jeune sur deux se dit angoissé quant à son avenir, sans que l’école lui apparaisse comme une planche de salut. La baisse du niveau scolaire et la violence que connaissent trop d’établissements ont nourri une crise de confiance.
L’école n’est pas coupable de la fracture sociale. Elle la subit, et peut-être l’amplifie en croyant la réduire. Notre école est élitiste. Les acquis initiaux marquent, pour les élèves, une avance indéniable, et l’inégalité est déjà en place. Dualité sociale, dualité culturelle.
Chaque année, 120 000 élèves sortent sans maîtriser le « lire, écrire et compter ». Pour eux, c’est d’abord le redoublement, pourtant fort critiqué, puis la mise à l’écart de la voie générale et l’orientation vers la voie professionnelle, ce qui passe bien à tort pour une déchéance.
Faut-il supprimer les notes pour éviter tout découragement ? Je crois que vous y êtes opposé, monsieur le ministre. La note doit-elle être considérée comme un échec ou une évaluation ? C’est là une vraie question. Certes, la note est susceptible d’enfermer l’élève dans une bulle négative, voire une détestation de l’école, peu propice à la progression recherchée.
Quoi qu’il en soit, avec ou sans notes, l’orientation donnée engage notre responsabilité. La machine à exclure est en route.
Et pourtant, comment oublier que la lutte contre l’illettrisme est une grande cause ? Il est en effet affligeant de laisser sortir du primaire un élève qui ne sait pas lire.
L’allongement de la durée de la scolarité obligatoire aurait été une bonne idée si l’on avait, plus que modestement, élargi cette scolarité à l’apprentissage de nouveaux domaines, en particulier des nouvelles technologies, qui conditionnent l’entrée dans la société moderne.
La personnalisation des parcours, notion que vous appréciez particulièrement, monsieur le ministre, devait se traduire par toute une série d’actions de soutien, de la maternelle à l’université : aide personnalisée de deux heures hebdomadaires, stages de remise à niveau en français et en maths pendant les vacances scolaires, généralisation progressive de l’accompagnement éducatif entre seize heures et dix-huit heures, pour n’évoquer que l’école primaire. L’idée serait intéressante si elle n’était gâchée par la mesure de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, qui entraîne une chute impressionnante du nombre d’enseignants : près de 65 400 postes supprimés depuis 2005, malgré la poussée démographique scolaire. Vous dites une chose et faites son contraire !
Les conséquences sont lourdes : efficacité contestable des aides aux élèves en difficulté, redoublement toujours trop utilisé, fermetures d’écoles ou surcharge des classes, remplacements non assurés, multiplication des heures supplémentaires, offre éducative en baisse, non-scolarisation des enfants de deux ans, sans parler d’une journée scolaire trop longue dans une semaine trop courte.
Croyez-vous sérieusement, monsieur le ministre, que la réduction du nombre d’enseignants et la suppression d’heures de cours à l’école primaire, destinée à économiser des postes, permettront d’enrayer le déclin ?
La politique de restriction budgétaire, reconduite et accentuée chaque année, selon une logique toute comptable, affiche sans complexe votre volonté de faire de l’école une machine à sélectionner, par une stratégie éducative de tri social.
S’il est vrai, comme vous l’affirmez – permettez-moi cependant d’en douter – que les moyens sont suffisants, les résultats, eux, ne le sont pas !
Au moment où l’école doit donner un sens à l’identité nationale, surtout dans les zones où la nationalité est découplée, où doit être affirmée la volonté du vivre ensemble, que Renan appelait joliment le « plébiscite permanent », on peut craindre que l’éducation nationale ne porte les prémices d’une école à deux vitesses, véritable machine à sélectionner : réussite pour les uns, avenir incertain pour les autres.
Monsieur le ministre, le groupe socialiste ne votera pas ce projet de budget, qui, loin de rechercher la réussite pour tous, continue à creuser les injustices.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n’est vraiment pas facile d’être le dernier à prendre la parole à cette heure tardive !
Je ne reprendrai pas ce qui a déjà été dit, qu’il s’agisse de la suppression nette de 16 000 emplois en 2011, et de près de 66 000 en cinq ans, des conditions de travail des enseignants et de leur formation, ou encore des auxiliaires de vie scolaire, évoqués par plusieurs intervenants. J’ai reçu, pas plus tard qu’hier, de nombreux courriers relatifs à ce dernier sujet, et il est vrai que la situation à cet égard est tout à fait anormale.
Pour ma part, j’aborderai deux thèmes qui, bien qu’importants, sont à mon avis trop souvent passés sous silence : d’une part, l’aménagement du rythme scolaire pour permettre aux élèves de faire du sport l’après-midi ; d’autre part, la protection de la vie privée des jeunes sur Internet.
L’expérimentation « Cours le matin, sport l’après-midi » trouve son origine dans une circulaire diffusée l’année dernière. Celle-ci part du principe qu’un tel aménagement du rythme scolaire « peut permettre aux élèves de mieux vivre leur scolarité, d’accroître leur motivation et leur épanouissement et contribuer ainsi à leur réussite scolaire » et qu’il permet en outre « d’améliorer le climat des établissements et d’endiguer les phénomènes de violence à l’école ». Voilà en effet une bonne chose !
Cette expérimentation va se dérouler sur trois ans et vous avez promis, monsieur le ministre, d’accorder à ce titre une dotation de 5 000 euros par établissement. Toutefois, je n’ai pas réussi à repérer cette somme dans le budget, ni pour 2010 ni pour 2011 ! Mais peut-être cette ligne budgétaire m’a-t-elle échappé.
J’aimerais savoir, monsieur le ministre, quels sont, à terme, les objectifs de cette expérimentation. S’agit-il de la généraliser ? Est-elle destinée à organiser différemment la scolarité des jeunes en difficulté ?
Je souligne l’implication des collectivités locales dans cet aménagement du rythme scolaire puisqu’elles participent au budget de fonctionnement des collèges concernés et mettent à disposition les différents équipements nécessaires tels que terrains de sport ou gymnases. Or les représentants des collectivités locales semblent absents des comités de pilotage mis en place.
J’en viens à la protection de la vie privée des jeunes sur Internet, sujet rarement évoqué.
Il faut savoir que 70 % des moins de 11 ans utilisent Internet, que 19 % des 9-10 ans et 50 % des 11-12 ans possèdent un téléphone portable. Bon nombre de jeunes sont utilisateurs des réseaux sociaux. Chacun sait aussi qu’il est possible de photographier ou filmer des scènes avec des portables, et les jeunes maîtrisent ces fonctions avec une dextérité proprement époustouflante.
Les dangers sont connus : si l’on ne prend pas de précautions, les informations mises sur les réseaux sociaux, ineffaçables, deviennent accessibles par des milliers d’amis ou prétendus amis. Or, bien souvent, les jeunes n’ont pas suffisamment conscience – pas plus d’ailleurs que bon nombre d’entre nous – que la vie privée est un capital qu’il faut préserver.
L’éducation nationale a un rôle à jouer à cet égard, non pas pour affoler les enfants en mettant seulement l’accent sur les dangers, mais pour les responsabiliser et leur faire adopter les bons réflexes sur Internet.
Je voudrais saluer ici l’initiative de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui vient d’envoyer aux 40 000 classes de cours moyen deuxième année un document de huit pages sur le thème « Protège ta vie privée sur Internet ». Y sont notamment développés les sujets suivants : « les technologies actuelles permettent de suivre les individus à la trace », « Internet est un vaste espace de liberté … mais on a aussi le devoir de respecter les autres ».
Pareil travail de sensibilisation, monsieur le ministre, ne devrait-il pas être réalisé par le ministère de l’éducation nationale ? Sincèrement, je pense que la réponse est oui.
Sans doute nous objecterez-vous qu’une telle opération pourrait entrer dans le cadre de l’opération « école numérique », que vous avez lancée l’an dernier à grands coups de trompette. Le problème, c’est que la dotation instaurée à cet effet l’année dernière a disparu du projet de budget que nous examinons aujourd’hui !
Monsieur le ministre, mes chers collègues, face à l’envahissement de l’informatique dans notre vie quotidienne, l’éducation nationale a le devoir de former des citoyens responsables, capables de remettre en cause l’information qu’ils reçoivent, c'est-à-dire des citoyens libres.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, dix-huit mois après ma nomination au ministère de l’éducation nationale, et quelques jours après l’élargissement de mes responsabilités à la jeunesse et à la vie associative, je suis très heureux de présenter devant votre assemblée mon deuxième projet de budget pour l’éducation nationale.
J’ai en effet le plaisir de vous redire que le Gouvernement est pleinement mobilisé pour relever un défi absolument majeur et passer, vous l’avez rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, de « l’école pour tous », véritable leitmotiv durant de très nombreuses années, à « la réussite de chacun ».
Je veux tout de suite rassurer les membres du groupe socialiste, en particulier M. Bodin : ce budget reste bien le premier budget de l’État, avec 60, 505 milliards d’euros alloués à l’éducation nationale, soit une progression de 1, 6 % par rapport à l’année dernière.
Ainsi, dans une situation économique mondiale passablement perturbée et dans un contexte budgétaire difficile pour la plupart des pays développés, notamment pour certains États européens, la France fait le choix d’augmenter encore le budget qu’elle consacre à l’éducation. Elle continue en outre de faire de l’éducation nationale le premier employeur de notre pays, avec près d’un million de fonctionnaires.
Passer de « l’école pour tous » à « la réussite de chacun » est un objectif ambitieux. Nous avons, depuis une trentaine d’années, réussi à relever un défi majeur, celui de la massification du système éducatif. Quand j’ai formulé cette remarque en commission, des sénateurs du groupe socialiste m’ont aimablement fait remarquer que j’avais déjà dit la même chose l’année dernière… Mais cela me paraît plutôt rassurant ! Cela signifie en effet que la politique que nous menons en matière éducative maintient son cap.
Quoi qu'il en soit, aujourd’hui, le collège accueille 100 % des jeunes d’une même génération ; le lycée, 66 %, alors que, au début des années quatre-vingt, cette proportion n’était que de 22 %. Nous avons donc multiplié par trois le nombre de jeunes qui se présentent aujourd’hui au baccalauréat.
Toutefois, et vous avez été un certain nombre à le souligner, si nous avons relevé le défi de la quantité, nous n’avons pas encore – toutes les enquêtes internationales le démontrent – relevé celui de la qualité. Relever le défi de la qualité revient à faire en sorte qu’il y ait bien pour chacun une solution telle qu’il puisse trouver sa place à la sortie du système éducatif.
Dans quelques jours, les résultats pour l’année 2010 de l’enquête PISA seront dévoilés, et nous aurons à nous interroger sur notre système. L’un de nos sociologues de l’éducation, Christian Baudelot, dit souvent que la France est « le pays du grand écart », avec, d’un côté, une élite plutôt rétrécie, représentant environ 10 % de la population scolaire, mais qui possède de grandes qualités si on la compare à celle des grands pays développés, et, de l’autre, une part importante d’élèves en grande difficulté, qui représente environ 20 % de la population scolaire.
Nous avons donc devant nous une double gageure : augmenter la proportion de notre élite – dans certains pays développés, elle représente 17 % à 18 % de la population – et, en même temps, réduire celle des élèves en grande difficulté.
Cela suppose que nous agissions ensemble dans trois directions, ainsi que plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, l’ont rappelé.
D’abord, nous devons être capables de nous adapter à la diversité des élèves en personnalisant notre enseignement. Quand vous dialoguez avec des enseignants, ce que vous faites très régulièrement en tant qu’élu local, ils vous disent tous que leur plus grande difficulté est liée à l’hétérogénéité des classes. Face à vingt-cinq ou trente élèves, il faut être capable à la fois de détecter celui qui a le plus gros potentiel, pour le porter vers l’excellence, et de tenir compte de ceux qui ont de grandes difficultés, qui risquent de décrocher et de quitter le système éducatif sans qualification et sans diplôme. Eh bien, résoudre ce problème implique personnaliser notre enseignement.
Comment procéder ?
Il convient de mettre en place, tout au long de la scolarité, dès le plus jeune âge, c'est-à-dire à partir de la maternelle, une aide personnalisée. Par exemple, dans le cadre du plan de lutte contre l’illettrisme, que j’ai tenu à lancer au Salon du livre au mois de mars dernier, nous mettons en place deux heures d’aide personnalisée, qui permettront de prendre à part les élèves rencontrant des difficultés dans l’apprentissage des savoirs fondamentaux. On les aide ainsi à lire et à calculer, de manière qu’ils ne quittent pas le système éducatif du premier degré sans maîtriser les bases.
Cette personnalisation des parcours, nous la développons tout au long de la scolarité, en organisant par exemple des stages de remise à niveau en français et en mathématiques pendant les vacances – plus de 200 000 élèves en ont bénéficié en 2009. Nous proposons également, au collège mais aussi dans les réseaux de l’éducation prioritaire et les écoles d’outre-mer, l’accompagnement éducatif, cette fameuse réponse à la problématique des « orphelins de 16 heures ». Plus d’un million d’élèves qui étaient jusqu’alors laissés à eux-mêmes sont désormais pris en charge, tous les soirs, pour des activités de soutien scolaire, des activités culturelles et sportives.
Bien évidemment, la personnalisation des parcours est au cœur de deux sujets que plusieurs orateurs – Mme Colette Mélot et Mme Catherine Morin-Desailly, notamment – ont évoqués : la réforme du lycée d’enseignement général et technologique, que nous avons mise en œuvre à la rentrée de 2010, et la rénovation de la voie professionnelle, qui monte en puissance après son entrée en vigueur en 2009.
S’agissant de la réforme du lycée, vous m’avez interrogé, madame Morin-Desailly, sur le processus d’orientation. Effectivement, nous avons voulu le faire évoluer pour passer d’un système couperet dans lequel, à quatorze ans, il faut décider de ce qu’on doit faire dans la vie, et pour toute sa vie, à un système progressif et réversible, qui autorise le changement de trajectoire et reconnaît le droit à l’erreur. On a le droit de se tromper ! On a le droit, à quatorze ans, de ne pas savoir ce qu’on va faire de sa vie ! On a le droit de cheminer et d’être accompagné dans ce cheminement !
L’éducation nationale doit donc être capable de construire des parcours progressifs, en proposant des changements de parcours et des passerelles. Toute la réforme du lycée est conçue autour de cette idée.
S’agissant de la voie professionnelle – je réponds ici à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, que je sais très engagée sur cette question –, nous obtenons des résultats encourageants quinze mois après la mise en œuvre de la réforme dont elle a fait l’objet.
À la rentrée de 2010, la réforme a été appliquée aux classes de première. Nous avons constaté une augmentation très significative des poursuites d’études, au niveau des élèves de BEP, celles-ci concernant 66 % d’une classe d’âge en 2010, contre 50 % en 2009. C’était l’objectif ! Nous voulons pousser davantage d’élèves vers le niveau du « bac pro », c’est-à-dire vers la qualification et l’obtention d’un diplôme. Le nombre d’inscrits en première professionnelle augmente de 40 % entre la rentrée de 2010 et celle de 2009, ce qui correspond à un effectif d’environ 47 000 élèves.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces résultats sont encourageants.
Outre la personnalisation des parcours, le deuxième axe qui doit nous permettre de relever les défis actuels est celui de l’autonomie.
Faisons confiance aux acteurs locaux ! L’éducation nationale ne peut plus être totalement pilotée depuis le 110, rue de Grenelle. Nous devons donner davantage de marges de manœuvre à ceux qui connaissent le mieux nos élèves : les chefs d’établissement, les professeurs, les acteurs locaux. Il faut faire confiance, responsabiliser, rompre avec les rigidités du système éducatif et les décisions venues d’en haut. Il faut cesser de brider les initiatives prises sur le terrain.
Accorder plus d’autonomie aux établissements, c’est ce que nous avons fait avec la réforme du lycée. Les questions du dédoublement de classe et de la dotation horaire ont été évoquées : les décisions en ces matières relèvent dorénavant, après avis du conseil pédagogique, du chef d’établissement. C’est un vrai progrès en termes d’adaptation aux situations rencontrées localement dans les établissements scolaires.
Le renforcement de l’autonomie passe également par l’expérimentation : nous devons aussi faire confiance aux acteurs locaux s’agissant de leur capacité à mettre en œuvre des réponses adaptées à la situation.
M. Gérard Longuet a rappelé l’importance du dispositif, clair, sur lequel nous misons. Aujourd’hui, nous avons donné à 105 collèges et lycées une autonomie en matière de recrutement, de projet pédagogique et de vie scolaire. Nous verrons, en fonction de l’évaluation des pratiques constatées dans ces 105 établissements, s’il y a matière à étendre le dispositif.
Quoi qu’il en soit, faire confiance aux acteurs locaux pour recruter certains professeurs, parce que ceux-ci ont choisi de travailler dans un établissement difficile, parce qu’ils ont été préparés à cela, parce qu’ils ont adhéré à un projet pédagogique, parce qu’ils se sentent à l’aise dans une équipe pédagogique, me semble être la meilleure réponse que nous puissions apporter aux difficultés rencontrées dans certains collèges ou lycées.
M. Claude Domeizel vient d’évoquer une autre expérimentation, concernant la place du sport à l’école.
Ce projet nous permet tout d’abord d’expérimenter un nouveau rythme scolaire. Mais nous savons aussi que le sport véhicule des valeurs comparables à celles de l’école : l’acceptation de la règle, le respect de l’autre, notamment de celui qui est chargé de faire appliquer la règle, la valorisation de l’effort, le travail en équipe. Ces valeurs, connues au sein des établissements scolaires, se retrouvent effectivement dans la pratique du sport.
Ainsi, 7 000 élèves bénéficient de cette expérimentation « cours le matin, sport l’après-midi », et je peux rassurer M. Domeizel : les crédits pédagogiques correspondants ont bien été intégrés à la ligne voulue, à hauteur de 5 000 euros par établissement.
Dans le cadre des expérimentations encourageant l’autonomie, je veux aussi évoquer nos internats d’excellence.
Ils offrent une vraie réponse à des élèves méritants, qui réussissent à l’école mais qui, s’ils restaient dans leur environnement familial, auraient peu de chances, nous le savons, d’aller au bout de leurs possibilités et risqueraient fort de quitter prématurément le système éducatif. En effet, je suis désolé de le dire, on a peu de chances de réussir scolairement et a fortiori d’être admis dans une grande école quand on partage un appartement de 40 mètres carrés avec sept autres personnes.
Les internats d’excellence consistent donc à proposer le meilleur à des élèves qui ont du talent et des qualités pour l’école. C’est l’esprit même de l’école de la République, tel que, je pense, nous l’avons toutes et tous en tête.
Enfin, en matière d’expérimentations et d’autonomie, il faut parler des établissements de réinsertion scolaire – ERS –, destinés à des élèves qui sont très perturbateurs et doivent être sortis de leur milieu éducatif habituel.
Je vais vous décevoir, madame Gonthier-Maurin, mais nous n’allons pas suspendre cette expérience. Nous pensons effectivement qu’il manquait un maillon dans la chaîne de réponses à la situation des élèves en grande difficulté, entre les classes relais et les établissements où des mineurs sont placés sur décision judiciaire.
Nous prévoyons, pour l’accueil de ces élèves très perturbateurs en ERS, un taux d’encadrement important, de l’ordre d’un encadrant pour un élève. Cela démontre que nous savons aussi mobiliser des moyens lorsque c’est nécessaire.
Nous poursuivrons donc cette expérimentation des établissements de réinsertion scolaire, chers au président Arthuis, comme il l’a montré dans son département de la Mayenne.
Le troisième axe de la stratégie que nous menons concerne la gestion de nos ressources humaines, pour laquelle nous développons une politique audacieuse et dynamique.
La plus belle ressource de l’éducation nationale, c’est sa ressource humaine : tous ces acteurs, ces passionnés qui travaillent pour elle. On ne s’improvise pas enseignant ! L’enseignement est un métier de passion : on s’y engage parce qu’on a une vocation !
Nous devons valoriser davantage cet engagement et c’est l’esprit du nouveau pacte de carrière que j’ai voulu sceller avec les enseignants.
Il consiste, tout d’abord, à mieux valoriser leur engagement sur un plan financier.
Je vous rappelle que, sur les économies réalisées grâce au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, 178 millions d’euros sont redistribués aux enseignants. Cette année, nous avons augmenté les traitements de tous les enseignants ayant moins de sept ans d’ancienneté, soit 170 000 enseignants. Cela s’est traduit, très concrètement, par une augmentation mensuelle de 157 euros nets pour les professeurs stagiaires, mentionnés à plusieurs reprises par les orateurs, le jour de leur prise de fonctions, à savoir le 1er septembre dernier.
Quel pays fait aujourd’hui confiance à ses enseignants et reconnaît leur valeur au point de leur accorder, dans la crise que nous connaissons, une augmentation d’environ 10 % au moment de la rentrée scolaire ? Je n’en connais pas d’autres !
Toutefois, la reconnaissance de l’engagement des enseignants n’est pas uniquement financière.
Elle se manifeste aussi, par exemple, dans le droit individuel à la formation – le DIF – que nous avons instauré à la dernière rentrée scolaire. Ce DIF, qui existait ailleurs, mais n’était pas accessible aux personnels de l’éducation nationale, permet aux enseignants d’aller se former pendant les vacances scolaires, dans une limite de 20 heures par an, pour une réorientation professionnelle.
Nous travaillons également à une prise en compte renforcée du bien-être au travail, à travers l’accord que j’ai signé avec la Mutuelle générale de l’éducation nationale. Celui-ci prévoit un accompagnement médical et un bilan de santé systématique de tous les personnels.
Nous nous intéressons à l’accompagnement tout au long de la carrière, qui s’organise autour d’entretiens d’évaluation et doit permettre aux enseignants, notamment grâce à un portail de la mobilité mis à leur disposition, de pouvoir envisager des évolutions de carrière, voire d’autres perspectives, comme celle d’une deuxième carrière. Il est essentiel de mieux les accompagner dans leur parcours professionnel.
Vous avez été nombreux à évoquer la question de la réforme de la formation professionnelle des enseignants.
Effectivement, nous avons souhaité que nos enseignants soient mieux formés – au niveau master – et mieux préparés aux défis du monde d’aujourd’hui. Cette évolution se traduit par une exigence disciplinaire forte, mais aussi par une capacité d’adaptation à l’évolution des connaissances. C’est un gage d’excellence académique pour les futurs professeurs : il s’agit avant tout de recruter les meilleurs dans leur discipline. En outre, le fait d’être recruté au niveau du master permet de bénéficier d’une initiation à la recherche et, donc, d’acquérir le désir de se perfectionner tout au long de sa carrière professionnelle.
Nous avons également voulu que la formation académique initiale au niveau soit complétée par un enseignement pratique, en mettant en place un certain nombre de stages. Il s’agit là d’une formation à la réalité de la classe, d’une formation « par » la pratique professionnelle plus que d’une formation « pour » la pratique professionnelle.
À l’issue de ce processus – 108 heures de stage au cours des deux années de master –, les stagiaires doivent disposer de méthodes de travail et avoir amélioré leur pratique.
Il faut ensuite mettre en place un accompagnement tout au long du parcours professionnel.
Je veux rassurer un certain nombre d’entre vous, en particulier M. Jean-Claude Carle et M. Yannick Bodin, sur ce sujet.
D’abord, nous n’avons pas enregistré plus de démissions de professeurs stagiaires cette année que l’année dernière. Ensuite, dans l’enquête que nous avons effectuée, nous avons repéré moins de 1 % de stagiaires en difficulté. Enfin, le taux de congé maladie se situe entre 3 % et 4 %, contre 5 % environ l’année dernière.
Vous pouvez le constater, mesdames, messieurs les sénateurs, nous suivons de très près les indicateurs de ressources humaines, afin d’accompagner nos professeurs stagiaires.
J’en viens maintenant à un autre outil en matière de gestion des ressources humaines, que vous avez été nombreux à évoquer : les remplacements.
Considérant que le système des remplacements ne fonctionnait pas bien à l’éducation nationale, j’ai pris un certain nombre d’engagements forts dans ce domaine.
À la rentrée de 2010, nous avons assoupli les frontières des zones de remplacement et renforcé le pilotage des remplacements. Dans chaque académie, un référent a été désigné et nous disposons, dans chaque établissement scolaire, d’un pilote chargé de l’organisation des remplacements.
L’objectif est de rechercher systématiquement la solution de remplacement en interne, dès le premier jour d’absence de l’enseignant, sans attendre le fameux délai de carence, qui faisait qu’on attendait parfois pendant quatorze jours une solution qui n’arrivait jamais.
Nous avons également constitué des viviers académiques de personnels contractuels remplaçants, nous permettant, lorsque les TZR ne sont pas disponibles, de recourir à des jeunes diplômés ou à des personnes qualifiées. Par exemple, dans l’académie d’Orléans-Tours, 146 retraités ont été recrutés. Le fait qu’un jeune retraité de l’éducation nationale vienne, de temps en temps, donner quelques heures de cours en remplacement d’un professeur absent me semble entrer parfaitement dans le cadre du lien entre les générations.
Ainsi, j’ai de bons résultats à vous annoncer, mesdames, messieurs les sénateurs, en matière de remplacement. Dans le second degré, où les difficultés sont souvent plus importantes, le rendement du remplacement est en hausse : il est passé de 76 % à la rentrée de 2009 à 80 % en 2010, après trois mois d’activité. Le taux de mobilisation s’est donc amélioré grâce à la méthode mise en œuvre.
J’évoquerai à présent la question du schéma d’emplois en commençant par revenir sur la méthode.
J’ai indiqué au début de mon propos que l’éducation nationale restait à la fois le premier budget de l’État et le premier employeur public. À ce titre, compte tenu du contexte que j’ai rappelé, l’éducation nationale ne peut pas s’exonérer de l’effort collectif de réduction de la dépense publique et d’économies budgétaires qui est réalisé par le Gouvernement.
Cela étant posé, il existe deux façons de procéder.
Nous pouvions évidemment décider de fonctionner comme précédemment : l’autorité supérieure, le 110, rue de Grenelle, c’est-à-dire le ministre, décidait de la répartition des économies tirées du non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite – 16 000 postes – et, de manière autoritaire, nous les affections par académie, par cycle, par type d’emplois, etc.
J’ai pensé qu’il était une autre méthode qui permettait d’associer l’ensemble de nos acteurs, et en particulier nos personnels d’encadrement : les académies, les recteurs, les inspecteurs d’académie, les chefs d’établissement. Toute société humaine organisée peut être mieux structurée et gagner ainsi en efficacité. Ma conviction profonde est que l’éducation nationale peut continuer à dégager des gains d’efficacité. Ces gains, nous les obtiendrons désormais en travaillant avec les acteurs concernés. C’est l’idée qui fonde cette nouvelle méthode de gestion.
Plusieurs d’entre vous, notamment M. Longuet, sont revenus sur les corrections techniques apportées au plafond d’emplois : d’un côté, 16 000 postes sont supprimés et, de l’autre, une régularisation concerne 20 359 emplois. Ces corrections sont effectuées, je tiens à le souligner, dans un souci de transparence et de sincérité. Il me semblait en effet essentiel que l’ensemble des moyens d’enseignement effectivement consacrés aux élèves apparaissent bien dans les documents budgétaires.
Il ne s’agit pas de créations d’emplois puisque ces emplois existaient déjà, ainsi que les crédits correspondants. Simplement, ils n’étaient pas inscrits dans le plafond d’emplois ministériel. J’ai donc souhaité qu’un recensement exhaustif soit réalisé cette année.
Ainsi, dans le cadre de la réforme du recrutement des enseignants, des stages en responsabilité devant les élèves – je viens d’en parler – sont proposés aux étudiants : 5 833 emplois, qui n’avaient pas été évoqués au moment où cette réforme a été présentée, sont intégrés à ce titre.
De même, 2 900 emplois de vacataires enseignants, recrutés pour faire face aux besoins de remplacement en cours d’année n’étaient pas intégrés. Ce sont des emplois hors titre II. Il s’agit donc d’une régularisation.
M. Longuet a évoqué la mise en œuvre de CHORUS, qui modifie les modalités de décompte des supports d’agents rémunérés sur une base non indiciaire et se traduit par un ajustement du plafond d’emplois, en l’occurrence à hauteur de 1 300 équivalents temps plein.
Autre exemple : dans le programme Enseignement public du premier degré, les effectifs d’enseignants sont relevés de 5 600 emplois à compter du 1er janvier 2011, pour tenir compte des surnombres qui sont attendus au titre de l’année scolaire 2010-2011, en raison de la diminution des départs à la retraite, nettement moins nombreux que prévu, cela a été dit tout à l’heure.
Monsieur Longuet, vous posez une question très pertinente. Qu’en est-il de l’avenir de ce schéma d’emplois ? Finalement, peut-on continuer à travailler sur la personnalisation et l’autonomie avec un cap de schéma d’emplois comme celui qui a été fixé par le Gouvernement ?
Je voudrais rappeler à votre assemblée que, en 1990, 604 300 élèves de plus entraient dans le système éducatif, pour 45 267 enseignants de moins. Donc, vingt ans après, le taux d’encadrement est nettement supérieur à celui que nous avons connu au début des années quatre-vingt-dix.
J’ai la conviction profonde que nous pouvons continuer à mener une politique de personnalisation, d’autonomie, de motivation de nos personnels à travers la nouvelle gestion des ressources humaines, tout en prenant notre part de l’effort budgétaire collectif.
Plusieurs d’entre vous ont évoqué l’enseignement privé et la part qui lui est réservée dans ce projet de budget pour 2011.
M. de Legge a rappelé le principe du « 80-20 » qui avait été mis en place au milieu des années quatre-vingt par l’un de mes prédécesseurs, aujourd'hui membre de votre assemblée, Jean-Pierre Chevènement. Depuis, tous les ministres de l’éducation nationale se sont tenus à cette règle non écrite selon laquelle l’enseignement privé représente, grosso modo, 20 % de l’ensemble du dispositif de l’éducation nationale.
À ce titre, la part des crédits affectés à l’enseignement privé est de 20 % du total. C’est la répartition à laquelle je me suis astreint dans la préparation du budget pour 2011. Simplement, comme l’a très bien précisé M. de Legge, l’enseignement privé présente des spécificités : tous les professeurs sont devant des élèves et il n’y a pas de surnombre ; en outre, certaines fonctions n’existent pas, tels les TZR, les RASED ou certains postes d’assistants d’éducation.
Ils ne s’embêtent pas avec tout ça : les professeurs sont recrutés sur dossier !
Nous avons donc tenu compte de la spécificité de l’enseignement privé. Alors que le ratio de 20% aurait dû, par une stricte application comptable, aboutir à la suppression de 3 200 postes – 20 % de 16 000 – dans l’enseignement privé, nous avons déduit tous les postes que je viens d’évoquer, pour arriver à un total de 1 633. Par conséquent, 16 000 emplois sont supprimés et 1 633 concernent l’enseignement privé.
Différents orateurs ont également évoqué la question de la scolarisation des élèves handicapés. Bien que ce sujet me tienne à cœur, je serai bref car le temps me manque pour être exhaustif.
Nous accueillons actuellement 197 000 élèves handicapés dans nos écoles, en milieu ordinaire, c’est-à-dire plus de 10 000 élèves de plus que l’année dernière. Nous avons donc bien progressé en cette rentrée et nous allons continuer.
Nous avons ouvert 268 unités pédagogiques d’intégration – aujourd’hui dénommées unités localisées pour l’inclusion scolaire, ou ULIS – de plus que l’année dernière, c’est-à-dire que nous avons dépassé le cap des 2 000 unités de ce type créées.
Depuis la dernière rentrée, nous avons également ouvert 72 CLIS, classes d’intégration scolaire, concernant le premier degré, et 340 enseignants spécialisés supplémentaires sont au service des enfants handicapés.
Cela vous montre que nous mettons en œuvre le schéma d’emplois avec discernement. Lorsque des priorités s’imposent, nous n’hésitons pas à faire appel à des moyens supplémentaires.
Pour finir, je répondrai à quelques questions précises qui m’ont été posées.
En ce qui concerne le numérique à l’école, sur lequel nous allons revenir dans quelques instants, je rappelle que le Gouvernement avait lancé un plan « écoles numériques rurales » dans le cadre du plan de relance. Ce dernier est maintenant derrière nous, mais j’ai tenu à ce que nous mobilisions des moyens nouveaux dans le cadre d’un plan d’envergure sur le numérique à l’école, qui sera concentré sur les compétences de l’éducation nationale.
Nous mettons l’accent non pas sur l’acquisition de matériels, qui relève des collectivités territoriales – votre assemblée est évidemment très au fait de ces questions, notamment après le débat sur la réforme des collectivités territoriales –, mais sur la formation des enseignants au numérique et la constitution de ressources pédagogiques. C’est ainsi qu’un nouveau portail sera mis à la disposition des enseignants, que des « chèques-ressources » seront créés pour les collèges et les lycées, de manière que les professeurs puissent bénéficier de ces ressources pédagogiques nouvelles.
Je dirai un mot sur l’enseignement technique agricole, cher à Mme Férat.
Je me réjouis qu’un accord entre Bruno Le Maire, ministre de l’agriculture, et moi-même, sous l’autorité du Premier ministre, ait permis de ne pas changer de maquette, comme cela avait été envisagé un instant, et surtout de mettre en place de véritables synergies entre nos équipes. Cette dynamique nous permettra de travailler au plus près des réalités du terrain et de vos besoins.
Votre assemblée est, je le sais, très attentive à l’enseignement technique agricole, et je répondrai précisément à Gérard Longuet que le plafond d’emplois pour cet enseignement est de 14 876.
Monsieur Laufoaulu, certaines écoles, à Wallis-et-Futuna, sont aujourd’hui complètement inadaptées aux risques de cyclone, de tsunami ou de tremblement de terre.
Vous le savez, nous avons encore la compétence sur les investissements dans votre collectivité territoriale, et les financeurs, notamment l’Union européenne, ne s’engageront dans des travaux lourds de mise aux normes des établissements que si ceux-ci sont à l’abri des risques en question. Cela signifie que nous devons engager une réflexion globale sur le nombre d’établissements, leur taille, leurs équipements, leur implantation, en concertation avec l’ensemble des habitants.
Enfin, concernant la renégociation de la convention prévoyant de déléguer l’enseignement primaire à la mission catholique, le préfet a installé, le 20 octobre dernier, une commission de réflexion sur la rédaction de cette future convention, commission aux travaux de laquelle vous participez, monsieur le sénateur. Le vice-recteur organise des réunions chaque mois sur ce sujet. Je veillerai bien entendu à ce que de bonnes conditions soient réservées, dans le cadre de ce renouvellement, à l’enseignement primaire.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, en cette période difficile pour de nombreux Français, notre société a plus que jamais besoin d’école. En effet, le savoir ou les compétences que l’on acquiert, et qui se concrétisent par l’obtention d’un diplôme, sont d’abord des armes anti-crise.
Dans cette société de la connaissance, notre école doit être en mesure d’évoluer, d’innover, d’expérimenter, de s’adapter au monde d’aujourd’hui. C’est précisément les orientations du budget que je vous propose d’adopter.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur plusieurs travées de l ’ Union centriste.
Nous allons maintenant procéder à l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.
en euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Enseignement scolaire
Enseignement scolaire public du premier degré
Dont titre 2
17 992 044 010
17 992 044 010
Enseignement scolaire public du second degré
Dont titre 2
29 262 954 828
29 262 954 828
Vie de l’élève
Dont titre 2
1 769 799 984
1 769 799 984
Enseignement privé du premier et du second degrés
Dont titre 2
6 335 469 799
6 335 469 799
Soutien de la politique de l’éducation nationale
Dont titre 2
1 348 786 685
1 348 786 685
Enseignement technique agricole
Dont titre 2
819 643 987
819 643 987
L'amendement n° II-241, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2
Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2
Vie de l'élèveDont Titre 2
Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2
Soutien de la politique de l'éducation nationaleDont Titre 2
321 664
321 664
Enseignement technique agricoleDont Titre 2
7 7367 736
7 7367 736
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le ministre.
Le présent amendement vise à minorer de 400 273 euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, les crédits de la mission « Enseignement scolaire », afin de tirer les conséquences de l’ajustement des transferts de compétences à certaines régions et, en particulier, au syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF.
Cette minoration se répartit entre une baisse de 392 537 euros des crédits du programme 214, Soutien de la politique de l’éducation nationale, et une baisse de 7 736 euros des crédits de personnel hors compte d’affectation spéciale « Pensions » du programme 143, Enseignement technique agricole.
Ces ajustements concernent donc le transfert au STIF des services de l’éducation nationale qui sont en charge de l’organisation et du fonctionnement des transports scolaires, ainsi que le transfert aux régions de personnels techniques, ouvriers et de service de l’enseignement technique agricole.
Nouveaux sourires.
Monsieur le ministre, tout d’abord, je ne veux pas croire que chaque projet de budget soit l’occasion de cibler le STIF et la région Île-de-France. Il semblerait pourtant que cela devienne presque une manie…
Ensuite, la compensation des transferts de charges aux collectivités territoriales par l’actualisation des taux de la TIPP ou des crédits de la dotation générale de décentralisation et de la dotation globale d’équipement reste très théorique. Vous savez très bien que les collectivités territoriales ne s’y retrouveront pas, comme nous l’avons souligné à l’occasion de l’examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
En d’autres termes, les prétendues compensations ne couvrent pas les charges qui sont régulièrement transférées depuis un certain temps aux collectivités, et le décalage ne fait que s’aggraver d’année en année.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple du transfert des personnels TOS, que j’ai personnellement suivi au sein de la région Île-de-France. Au moment où il a été envisagé de transférer ces personnels aux collectivités, le ministère de l’éducation nationale a commencé par ne plus pourvoir les postes vacants et n’a plus créé aucun poste de TOS. Ensuite, quand il s’est agi d’évaluer la masse salariale pour ajuster le montant de la compensation financière, il n’a été tenu aucun compte de l’évolution des carrières.
Voilà pourquoi, au final, la gestion des personnels TOS coûte beaucoup plus cher aux régions et aux départements que le montant des aides ou des compensations versées par l’État. Et le retard, loin d’être comblé au fil des ans, s’accumule.
C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons absolument pas voter un amendement qui, une nouvelle fois, alourdit la charge des départements, des régions, mais aussi, en l’occurrence, des communes, alors que l’État se désengage.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-148, présenté par M. Legendre, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2
Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2
Vie de l’élèveDont Titre 2
Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2
Soutien de la politique de l’éducation nationaleDont Titre 2
Enseignement technique agricoleDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le président de la commission de la culture.
La commission de la culture est particulièrement attachée à cet amendement, qui vise à financer le prolongement du dispositif des écoles numériques rurales, …
… lequel avait été engagé, il est vrai, dans le cadre du plan de relance.
Au printemps 2009, a été lancé un programme d’équipement numérique d’écoles situées dans des communes de moins de 2 000 habitants, dont les moyens sont généralement limités. Il s'agissait de doter les écoles rurales d'ordinateurs, de tableaux interactifs et autres matériels informatiques, pour assurer l'égalité de tous les élèves, sur l’ensemble du territoire national, face à l'enjeu de la maîtrise des nouvelles technologies. En contrepartie, il a été demandé aux communes de concourir au financement en assumant certaines charges comme l’abonnement Internet à haut débit de l’école.
Doté initialement de 50 millions d'euros, pour financer l'équipement de 5 000 écoles, ce plan a finalement, compte tenu de l'ampleur des demandes émanant de communes rurales volontaires, bénéficié de 67 millions d'euros.
Alors même que de nombreuses communes rurales doivent encore être équipées, aucune prolongation financière de ce plan n’est prévue dans le projet de loi de finances pour 2011. Vous venez d’indiquer, monsieur le ministre, que l’éducation nationale ferait quelques efforts dans les domaines qui relèvent directement de sa compétence, mais nous savons que, faute de poursuivre ce plan, de nombreuses écoles en milieu rural ne pourront pas être équipées avant longtemps.
Nous avons tous constaté, lors de nos déplacements, l’intérêt des élèves et l’enthousiasme des enseignants pour ce dispositif et nous voulons absolument donner aux écoles situées en milieu rural la chance de pouvoir en bénéficier.
Voilà pourquoi nous proposons de prélever 25 millions d'euros sur les sommes très importantes qui sont provisionnées pour payer les heures supplémentaires. Il ne s’agit que d’un trait de plume, mais il permettra, cette année, de poursuivre cet effort en faveur de quelque 2 500 communes supplémentaires.
Nous espérons, monsieur le ministre, que vous serez favorable à cet amendement, qui apparaît particulièrement légitime à l’ensemble des membres de la commission.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis, applaudit également.
La commission des finances est très partagée. L’école numérique rurale, fille du plan de relance, est en effet un succès, comme vous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission de la culture, mais cet enfant, parfaitement légitime, pose toutefois deux problèmes à la commission des finances.
Premièrement, si le dispositif « écoles numériques rurales » a permis d’apporter un soutien à des communes ou à des regroupements intercommunaux qui, en son absence, n’auraient certainement pas pu accéder à ce type d’équipements, il a aussi créé une sorte de précédent qui vient contrarier la répartition traditionnelle des responsabilités entre, d’un côté, le ministère de l’éducation nationale, lequel prend en charge les salaires des enseignants – en l’occurrence ceux du primaire –, et, de l’autre, les communes, qui assument les dépenses relative aux équipements. Or le présent amendement rompt avec ce principe.
Deuxièmement, vous proposez, monsieur Legendre, de gager cet amendement par un redéploiement des crédits destinés à financer les heures supplémentaires des professeurs de l’enseignement secondaire, lesquelles s’inscrivent dans ce vaste et pertinent projet qu’est la réforme des lycées.
Nous serions naturellement enclins à émettre un avis favorable sur cet amendement, qui constitue assurément un progrès. Il n’en est pas moins contraire à la logique traditionnelle de répartition des charges entre les collectivités et l’État et, par ailleurs, il pourrait affecter le projet de l’État de mettre en place un enseignement plus suivi et plus personnalisé au lycée.
Cela étant, je reconnais que l’effort demandé, qui s’élève à 25 millions d’euros, ne représente qu’une faible part du budget consacré au financement des heures supplémentaires dans les lycées, qui mobilise 1 milliard d’euros.
La commission aimerait donc recueillir votre avis, monsieur le ministre. Sans doute le suivra-t-elle, si vous savez être convaincant ! §
Je reconnais que cet amendement est séduisant pour l’élu rural que je suis. Je n’ignore pas le succès du plan que vous avez évoqué, monsieur Legendre, puisque près de 8 000 écoles ont pu être équipées en tableaux blancs interactifs ou en chariots roulants d’ordinateurs portables grâce aux moyens exceptionnels dégagés par l’État. Pour ces écoles, c’est incontestablement un grand progrès.
Tout à l’heure, Catherine Morin-Desailly rappelait que le niveau d’équipement numérique des écoles restait insuffisant dans notre pays, ce retard ayant d’ailleurs motivé le plan numérique que je viens de lancer.
Mais les arguments avancés par M. Longuet sont tout aussi pertinents.
D’abord, le plan de relance avait par nature vocation à être limité dans le temps, mesdames, messieurs les sénateurs. Le projet de budget que vous examinez actuellement met d’ailleurs fin à de nombreuses dispositions du plan de relance. Du reste, la principale source de réduction du déficit budgétaire pour l’exercice 2011 réside dans l’arrêt de mesures exceptionnelles qui avaient été prises à la suite de la crise de 2008-2009.
Ensuite, il y a peu, vous avez longuement débattu de la question des partages de compétences entre les différents niveaux de collectivités. Comme l’a rappelé M. Longuet, le législateur a voulu, dans les premières lois de décentralisation, qu’il a adoptées voilà plus de vingt-cinq ans et qui ont depuis été confirmées à plusieurs reprises, séparer les responsabilités entre, d’une part, l’État, qui prend en charge les aspects éducatifs et pédagogiques, y compris les salaires des enseignants et, d’autre part, les collectivités, qui assurent toute la dimension matérielle, dont relèvent notamment les investissements dans les bâtiments et les achats de fournitures.
En dehors du cadre exceptionnel du plan de relance, l’État peut-il continuer à investir dans le matériel ? Je suis certes sensible au fait que ces 25 millions d’euros permettraient d’équiper 2 500 écoles, mais je rappelle que notre pays compte 55 000 écoles, dont plus de la moitié sont des écoles rurales. Je vous laisse imaginer la masse des crédits qu’il faudrait mobiliser pour financer l’équipement de toutes ces écoles !
Je voudrais toutefois proposer une solution de repli au président Legendre.
En premier lieu, d’après les contacts que nous avons pu avoir, le commissariat aux investissements d’avenir, qui travaille sur l’équipement numérique, ne serait pas insensible à la question de l’équipement des écoles en milieu rural. Cette institution pourrait donc fournir une première source de financement.
En second lieu, dans le cadre du plan numérique que je viens d’annoncer, l’éducation nationale a décidé de renforcer ses partenariats avec les associations d’élus et de collectivités territoriales, notamment l’Association des régions de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France. Les conventions-cadres que nous sommes en train de rédiger reposent notamment sur un partenariat qui consiste, pour l’État, à renforcer son engagement sur son cœur de métier, à savoir la formation des enseignants et les ressources pédagogiques, et, pour les collectivités territoriales, à investir en contrepartie dans les équipements.
Nous pourrions ainsi conclure avec l’AMF un accord aux termes duquel les communes s’engageraient à investir dans l’équipement numérique, en contrepartie des moyens déployés par l’État concernant les ressources pédagogiques et la formation des enseignants.
En conclusion, cet amendement me séduit en tant qu’élu local, mais je peux difficilement y être favorable en tant que ministre de l’éducation nationale, compte tenu du précédent qu’il pourrait créer en matière d’investissements dans des compétences qui ne sont pas celles de l’État.
En conséquence, l’avis est plutôt défavorable.
Je ne peux pas retirer cet amendement, monsieur le ministre.
Les solutions de repli que vous proposez ne présentent aucune garantie.
Par ailleurs, nous ne demandons pas que les 25 millions d’euros de crédits que nous proposons de dégager soient utilisés dans les mêmes conditions que dans le cadre du plan « écoles numériques rurales », mais qu’ils servent à poursuivre l’effort engagé. Nous devons continuer à amorcer ce grand mouvement, qui s’avère absolument indispensable.
Nous avons, nous aussi, une double lecture de cet amendement. En effet, nous sommes partagés.
Le plan d’équipement des petites écoles rurales est un vrai succès. Il a impulsé une dynamique dans nos territoires ruraux. Il correspond à ce que nous défendons tous : l’égalité des territoires et des moyens.
Aujourd’hui, nous sommes au milieu du gué. Il y a, d’une part, les collectivités et les écoles qui ont pu être équipées et, d’autre part, toutes celles qui, aujourd’hui, aimeraient pouvoir bénéficier d’un prolongement de ce plan.
Nous approuvons l’intérêt et la nécessité de ce plan, mais ce qui nous pose problème, c’est bien évidemment la source de son financement. Il est fait appel à une ligne budgétaire relative aux heures supplémentaires.
Lors de la réforme des lycées, on nous a expliqué que le choix avait été fait de recourir aux heures supplémentaires, absolument nécessaires pour la mise en place de cette réforme ambitieuse, plutôt que de l’appuyer sur de nouveaux postes.
On le voit donc bien, il n’est pas question de création de postes.
Même si nous reconnaissons l’intérêt d’équiper les écoles rurales, cette façon de déshabiller Pierre pour habiller Paul ne peut nous satisfaire. Nous ne pouvons « opposer », si je puis dire, l’égalité des territoires ruraux et l’ambition légitime de réussite du grand projet de réforme des lycées.
Telle est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Sur le principe, on ne peut qu’être favorable à la proposition d’abonder les crédits en faveur du prolongement du dispositif des écoles numériques rurales, qui a été engagé dans le cadre du plan de relance.
Lancée sur l’initiative du ministère en 2009, ce dispositif a suscité beaucoup d’intérêt, puisque 7 000 communes de moins de 2 000 habitants en ont bénéficié.
Cet intérêt s’explique par le fait que les écoles françaises disposent d’un ordinateur seulement pour douze élèves et ont moins de 30 000 tableaux interactifs.
Ces chiffres nous situent très en deçà par rapport à la plupart des pays voisins.
Point plus préoccupant, il existe une grande disparité d’équipement entre les territoires, ce qu’avait d’ailleurs mis en lumière un rapport de la Cour des comptes en décembre 2008.
Force est de constater, de ce point de vue, une absence de politique et d’ambition à l’échelon national. Ce sont les collectivités territoriales qui financent les ordinateurs, les logiciels, les connexions au réseau. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce plan avait reçu une grande écoute et avait recueilli un tel succès.
Monsieur le ministre, à l’occasion du Salon européen de l’éducation, vous avez annoncé un plan pour le numérique à l’école. Celui-ci déclencherait, notamment, la mise en œuvre de chèques ressources numériques pour les établissements, permettant à ces derniers d’acquérir des ressources numériques pédagogiques. Qui financera ces chèques ?
Vous venez d’indiquer que vous aviez eu l’engagement de pouvoir créer des coopérations avec des associations d’élus, notamment avec l’Association des maires de France, l’AMF. Là encore, je m’interroge. Chacun, dans cette enceinte, connaît l’état des ressources des collectivités territoriales : demandera-t-on encore à ces dernières des efforts supplémentaires sans leur donner l’assurance d’une égalité de traitement sur l’ensemble du territoire ?
Il serait donc utile de réfléchir à la création d’un budget pérenne destiné à équiper les écoles et à développer l’usage du numérique. Il convient de se donner les moyens d’une véritable ambition.
Je voterai cet amendement.
Chacun a rappelé l’enjeu que représentait le plan ENR et l’engouement qu’a suscité son lancement.
Si l’on interrogeait les responsables des communes qui en ont bénéficié, il se révélerait que seul un petit nombre d’entre eux saurait que le financement émanait du grand emprunt. En ne poursuivant pas cet élan, le sentiment d’injustice serait grand.
J’entends bien que les équipements relèvent de la responsabilité des communes, mais dès lors que l’opération a été lancée, qu’elle est un succès et qu’elle répond à des besoins, il faut la poursuivre. C’est l’objet du dispositif proposé.
Je peux témoigner que, dans les écoles qui sont équipées, les enfants sont très intéressés et, surtout, on constate une motivation nouvelle de la part des enseignants, ce qui est un élément important.
Par ailleurs, le financement fait l’objet d’un partenariat. Aux crédits de l’État viennent souvent s’ajouter ceux du département, afin que la commune n’ait pas trop à débourser, étant entendu qu’il s’agit de petites communes rurales. Il faut encourager ce partenariat.
C’est pourquoi je voterai l’amendement.
Monsieur le ministre, vous ne serez pas surpris si je vous dis que m’inscris tout à fait dans la même logique que mes collègues.
Étant maire d’une petite commune rurale, je constate à l’évidence cet engouement, mais aussi un sentiment d’injustice chez les communes qui ne sont pas équipées.
Au nom du principe d’égalité d’accès aux nouvelles technologies, j’appelle de tous mes vœux au vote de cet amendement.
J’irai même au-delà, mais peut-être est-ce présomptueux de ma part, monsieur le ministre : il serait sans doute nécessaire que ce budget soit reconduit non seulement l’année prochaine, mais également les trois ou quatre années suivantes, afin de permettre d’équiper le plus grand nombre de communes rurales.
Monsieur le ministre, vous avez dit, à juste titre, que les lois de décentralisation ont donné des compétences aux collectivités territoriales.
Néanmoins, à mon sens, le rôle de l’État est d’amorcer un certain nombre d’initiatives, comme celle dont nous débattons.
Il l’a fait en ce qui concerne 2010. Il faut poursuivre l’effort en 2011 et profiter de cet exercice pour contractualiser avec les communes.
Mais il serait risqué d’interrompre cette initiative dès 2011.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
Comme mes collègues, je soutiens cet amendement, au nom du groupe Union centriste.
Monsieur le ministre, le succès de l’opération a été grand. Les premières communes mobilisées ont eu accès immédiatement au financement. Mais, très peu de temps après, les communes voisines inscrites dans la même dynamique ont appris qu’il n’y avait plus de financement disponible.
Il conviendrait, pour le moins, que le financement des dossiers déposés soit mené à bien, par souci d’équité.
On peut jouer, bien sûr, sur les compétences des uns et des autres, mais les efforts accomplis par les collectivités territoriales vont bien au-delà de leurs strictes obligations, en matière d’investissements, en termes d’intervenants dans les domaines sportif, culturel, notamment par des financements exceptionnels à caractère pédagogique.
Tout cela ne relève pas forcément de la compétence première des collectivités territoriales. Mais, pour ces dernières, la frontière peut être dépassée quand il s’agit de l’intérêt de l’enfant et de la mise en œuvre de pratiques indispensables.
Le numérique en fait partie et, je le redis, il me paraît très important de prendre en compte cette dimension. Ne l’oublions pas, selon un classement de la Commission européenne, nous sommes le vingt-quatrième pays sur vingt-sept dans le domaine de l’équipement numérique. Tout le monde doit y mettre un peu du sien !
À l’évidence, je suis séduit par l’amendement présenté par le président de la commission de la culture, M. Legendre, mais le gage proposé me paraît incertain.
Monsieur le ministre, nous avons eu à nous prononcer sur un décret d’avances faisant apparaître une insuffisance de crédits de 370 millions d’euros pour rémunérer vos collaborateurs, et ce pour l’année 2010.
Par conséquent, j’émets l’hypothèse que les marges de manœuvre pour 2011 ne doivent pas être considérables.
Je ne suis donc pas sûr que le gage proposé permette de financer cet équipement numérique, dont je ne sous-estime cependant pas l’intérêt.
Par ailleurs, le recours à l’emprunt national pour les investissements d’avenir ne doit pas être une façon de compenser des insuffisances budgétaires. Il n’a été conçu que pour des investissements d’une autre nature.
À titre personnel, je suis donc extrêmement réservé sur le crédit de ce gage, monsieur le président Legendre.
J’ai le sentiment que les crédits de personnels sont juste à niveau, et pas plus. Aussi, prélever 20 millions d'euros, c’est prendre le risque de ne pas disposer des crédits suffisants en fin d’année 2011 pour rémunérer les collaborateurs de M. le ministre de l’éducation nationale.
Je suis l’élu d’un département proche du vôtre, monsieur le ministre, et qui a apprécié la mise en place des écoles numériques rurales.
Pour autant, je tiens à rappeler que les circonstances sont tout à fait exceptionnelles. Le Gouvernement, réagissant avec raison à la crise économique de l’automne 2008, a lancé un plan de relance en 2009.
Aujourd'hui, nous ne sommes plus dans cette logique.
J’ai des responsabilités politiques : je préside un groupe auquel beaucoup de mes collègues appartiennent. Ils ont applaudi debout le Premier ministre rappelant le devoir de rétablir les finances publiques.
Mes chers collègues, comme l’a souligné le président de la commission des finances, nous voyons bien que ce gage s’impute sur un budget dont nous ne sommes absolument pas certains qu’il permette de financer toutes les dépenses qui sont au cœur de la responsabilité de l’État, c'est-à-dire de payer les enseignants pour développer une politique de personnalisation de l’enseignement et de réussite individuelle de chacun des élèves.
C’est la raison pour laquelle je vous invite, mes chers collègues – mais je n’en voudrais à personne de ne pas me suivre ! –, par cohérence avec la logique de la commission des finances et la lutte pour réduire le déficit public et devant l’incertitude du gage, à surseoir à ce statut.
Cela me paraît d’autant plus raisonnable qu’un tel précédent en ouvrirait la voie à d’autres demandes similaires. Je ne vois absolument pas pourquoi nous n’aurions pas, demain, des demandes reconventionnelles, récurrentes ou complémentaires de collectivités locales dans ce domaine des équipements.
Je vous mets donc en garde, mes chers collègues. Nous voulons le bien des écoles, des enfants, des enseignants et, à cet égard, je partage totalement votre sentiment, monsieur Martin. Toutefois, nous devons tenir compte d’une logique de répartition des responsabilités. Les collectivités locales ont leur budget, laissons-les l’assumer.
Un moratoire des giratoires permettrait peut-être d’apporter une réponse à un besoin plus immédiat, celui de la réussite de nos jeunes.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-147, présenté par M. Carle, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2
Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2
Vie de l’élèveDont Titre 2
Enseignement privé du premier et du second degrésDont Titre 2
Soutien de la politique de l’éducation nationaleDont Titre 2
Enseignement technique agricoleDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.
Monsieur le ministre, je partage votre volonté de voir l’éducation nationale, premier employeur de France, effectuer « des gains d’efficacité », pour reprendre vos termes Cela fait quinze ans que je répète chaque année à cette tribune, lors des débats budgétaires, que l’inflation des moyens n’est pas la solution et que tant le secteur public que le secteur privé doivent participer aux efforts de productivité, proportionnellement, bien sûr, à leur importance respective.
L’amendement que je vous soumets ne traduit en aucune façon une vision idéologique de l’éducation nationale. Pour ma part, je n’oppose pas l’enseignement privé à l’enseignement public. L’enseignement privé fait partie intégrante de notre système éducatif. La liberté d’enseignement, principe auquel je suis attaché, est inscrite dans la Constitution. J’ai l’habitude des débats budgétaires, je sais que les lobbies œuvrent à cette occasion, mais cet amendement ne m’a pas non plus été dicté par l’un d’entre eux.
Je suis aujourd'hui intimement convaincu que la situation dans laquelle se trouve l’enseignement privé aura des conséquences dramatiques : elle entraînera des fermetures de classes, puis d’établissements. Ce sont souvent des établissements de proximité, situés dans des zones rurales, qui seront obligés de fermer, faute de moyens.
J’ajoute que l’effort que vous exigez de l’enseignement privé, monsieur le ministre, me paraît disproportionné par rapport à celui qui est demandé à l’enseignement public : 16 000 postes seront supprimés dans l’ensemble du système éducatif, dont 1 633 dans l’enseignement privé, soit beaucoup plus qu’au cours de l’exercice passé. Sur ces 16 000 suppressions, 5 600 correspondent à des régularisations de surnombres. Il s’agit donc de réductions non pas effectives, mais purement comptables.
Par ailleurs, vous l’avez dit vous-même, les conditions ne sont pas les mêmes dans l’enseignement privé et dans l’enseignement public. L’enseignement privé n’a pas de titulaires de zone de remplacement, ou TZR, ni d’enseignants en surnombre.
Il me semble donc souhaitable, et même nécessaire, de transférer 4 millions d’euros du programme Soutien de la politique de l’éducation nationale vers le programme Enseignement privé du premier et du second degrés. Il n’est évidemment pas question, pour reprendre les propos de Mme Blondin, de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Cette somme n’est pas prise sur les crédits de l’enseignement public.
À l’évidence, je suis guidé par le désir de maintenir l’équité entre les deux systèmes, mais j’ai surtout l’intime conviction, née de nos rencontres avec un certain nombre d’acteurs tant du public que du privé, que si nous ne transférons pas ces crédits, correspondant à 100 équivalents temps plein travaillé, les établissements privés seront dans des situations catastrophiques. Je ne souhaite pas que nous en arrivions là, monsieur le ministre.
J’ai eu l’occasion tout à l’heure de rappeler la règle qu’applique le Gouvernement en matière de répartition des crédits entre l’enseignement public et l’enseignement privé.
Cette règle, qui existe depuis vingt-cinq ans, a été appliquée par tous mes prédécesseurs. J’ai tenu à l’appliquer à mon tour.
Certains d’entre vous ont souhaité la remettre en question. Alors que, pendant des années, elle a été plutôt favorable à l’enseignement privé, aujourd’hui, il semblerait qu’elle lui soit défavorable. Mais c’est le principe de la règle : elle s’applique jusqu’à ce qu’elle soit rediscutée et renégociée.
La règle de répartition est simple : 20 % des effectifs égalent 20 % des crédits et des moyens. Son application comptable aboutirait à la suppression de 3 200 postes dans l’enseignement privé.
Cependant, j’ai entendu les arguments des responsables de l’enseignement privé, que vous avez très justement fait valoir, monsieur le rapporteur spécial.
L’enseignement privé a des spécificités. Certains postes n’existent pas dans l’enseignement privé, en particulier les enseignants en surnombre, les titulaires remplaçants, les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED.
C’est pourquoi les suppressions de postes ont été recalculées en déduisant ces postes qui n’existent pas dans le privé. Nous sommes ainsi arrivés au nombre de 1 633 non-renouvellements de personnels de l’éducation nationale pour l’exercice 2011. Je n’ai pas le sentiment, monsieur le rapporteur pour avis, qu’il s’agit là d’un effort disproportionné.
Permettez-moi d’apporter une précision sur l’évolution des suppressions de postes par rapport à l’année dernière.
Si moins de postes ont été supprimés dans l’enseignement privé l’année dernière, c’est parce que nous avions alors choisi, vous vous en souvenez, de supprimer les postes de professeurs stagiaires dans le cadre de la mastérisation. Nous ne pouvions supprimer plus de postes de professeurs stagiaires dans le secteur privé qu’il n’en existait.
Aujourd'hui, nous supprimons 1 633 postes, soit un peu plus que l’année dernière, mais cela ne correspond pas à une répartition différente des suppressions.
Par ailleurs, j’entends dire ici ou là que les élèves seraient plus nombreux dans l’enseignement privé. Or l’évolution du nombre d’élèves est exactement la même dans le public et dans le privé, soit une hausse de 0, 3 % en cette rentrée dans chacun des deux secteurs. Ce critère n’interfère donc pas dans la répartition des crédits.
Enfin, monsieur le rapporteur pour avis, vous évoquez les 5 600 enseignants qui n’étaient pas devant élèves dans l’enseignement public. Certes, ils n’étaient pas devant élèves, mais il s’agissait bien d’enseignants en chair et en os, qu’il a fallu rémunérer. La situation de ces enseignants résulte de l’écart entre le nombre postes ouverts aux concours de recrutement et le nombre de départs en retraite. Elle est la conséquence de prévisions erronées et de mauvais ajustements. Ces 5 600 postes vont être résorbés.
En tout état de cause, les professeurs qui n’étaient pas devant élèves n’ont pas été pris en compte dans le calcul des suppressions de postes, par souci d’équité entre l’enseignement privé et l’enseignement public, comme vous le souhaitiez.
Pour toutes ces raisons, j’invite le Sénat à ne pas adopter cet amendement. Je considère que l’enseignement privé et l’enseignement public ont fait l’objet d’un traitement équitable dans le cadre de la préparation de ce projet de budget.
Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-147 est-il maintenu ?
Oui, monsieur le président, je le maintiens.
Je le répète, plus que le souci de préserver l’équité entre le secteur public et le secteur privé, j’ai l’intime conviction que les établissements privés, et surtout les familles, vont connaître des situations difficiles.
D’autres que moi partagent ce point de vue, notamment – il m’a autorisé à le dire – M. le président du Sénat, avec qui je me suis entretenu de cette question et qui soutient l’initiative de la commission de la culture.
Mon intervention portera non pas sur l’enseignement public et l’enseignement privé, mais sur la situation des EVS, les emplois vie scolaire, et des AVS, les auxiliaires de vie scolaire.
Un amendement visant à rétablir les crédits nécessaires au financement de ces emplois aidés a été présenté à l’Assemblée nationale par mes collègues socialistes. Il a été adopté à l’unanimité, en commission et en séance publique. Je m’en félicite, même s’il est nécessaire de travailler sur la pérennité de ces postes devenus indispensables pour l’accompagnement des élèves et le soutien au travail des enseignants.
Je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la situation des EVS-AVS actuellement en poste et dont les contrats sont renouvelables à la date du 30 novembre 2010, c'est-à-dire aujourd'hui. Voilà quelques jours, ils ont appris brutalement la fin de leur contrat.
Les crédits nécessaires au financement de ces emplois aidés ayant été rétablis par l’Assemblée nationale, il serait normal qu’ils servent en priorité à assurer la continuité de ces contrats renouvelables, faute de quoi ces personnes seront licenciées.
Les titulaires de ces contrats attendent votre réponse, monsieur le ministre. Pourriez-vous les rassurer ?
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, je soutiendrai l’amendement de M. le rapporteur pour avis, Jean-Claude Carle.
Monsieur le ministre, vos chiffres ne sont pas ceux que présentent les responsables de l’enseignement privé.
Pour être élu d’un département où l’enseignement privé représente 52 % des effectifs, ce qui est un taux élevé, je crois qu’on ne peut pas suspecter la crédibilité des objections formulées par ces responsables, qui nous ont apporté la démonstration comptable que le secteur de l’enseignement privé est aujourd'hui étranglé.
Il a déjà connu des suppressions de postes les années précédentes. Il a fait tous les efforts possibles pour se conformer à la volonté du Gouvernement et resserrer ses effectifs pour des raisons budgétaires. Il a procédé à des réaménagements particulièrement difficiles, sans mot dire.
Cependant, aujourd'hui, si ses responsables se plaignent d’un étranglement total, cela signifie que, devant le nombre insuffisant d’enseignants, ils seront dans l’obligation d’augmenter le nombre d’élèves par classe. Il en résultera naturellement une disparité importante, source d’inégalité.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’invite l’ensemble de nos collègues à voter cet amendement.
Je pense que nous sommes tous attachés à la liberté d’enseignement et au libre choix des familles.
C’est un aspect très important : il est légitime qu’une famille puisse choisir l’établissement scolaire qui lui paraît adapté pour ses enfants.
Monsieur le ministre, je ne conteste pas, et d’ailleurs je n’ai pas les éléments pour le faire, la règle que vous avez rappelée de répartition des crédits entre l’enseignement public et l’enseignement privé.
Toutefois, je constate que, dans ma région, la Vendée, où l’enseignement privé n’est pas particulièrement développé, tous les établissements privés ont dû refuser des élèves au motif qu’ils ne pouvaient pas les accueillir dans des conditions normales. Il me semble que cela modifie quelque peu la donne, monsieur le ministre ! Si ces établissements avaient pu ouvrir des postes, les chiffres seraient probablement différents de ceux que vous avez indiqués.
Parce que je suis profondément convaincu que les familles doivent avoir le choix, je voterai l’amendement présenté par M. le rapporteur pour avis Jean-Claude Carle
J’ai été attendri par la plaidoirie de M. le rapporteur pour avis sur le problème des écoles privées rurales contraintes à la fermeture, ce qui entraîne des souffrances que je comprends bien.
Cependant, j’aimerais que l’on fasse preuve de la même ferveur lorsqu’il s’agit de défendre les petites écoles publiques rurales…
… qui, elles aussi, subissent des suppressions de postes, ce qui les contraint également à la fermeture. Elles n’assurent plus alors leur mission de service public, à laquelle nous devrions être attentifs en premier lieu.
J’indique également à M. Revet que, comme je l’ai souligné lors de mon intervention tout à l'heure, les suppressions de postes dans l’enseignement agricole empêchent aujourd'hui un certain nombre d’élèves d’intégrer ces établissements.
J’insiste donc sur la nécessité de porter la même attention à l’enseignement agricole, qui est une offre d’enseignement indispensable en milieu rural.
Enfin, j’observe que pour pouvoir proposer une offre complète aux familles, on est prêt à ouvrir un crédit de 4 millions d’euros. C’est une attention particulièrement charitable en faveur des écoles privées. Vous n’avez pas autant d’égards envers le secteur public !
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Je serai brève, car beaucoup de choses ont déjà été dites, notamment par mon collègue Jean-Luc Fichet.
Oui, mes chers collègues, les suppressions de postes entraînent bien des fermetures de classes et précipitent les difficultés ! §Or l’enseignement privé n’est pas le seul à en subir les conséquences : le secteur public est tout aussi concerné !
En tout état de cause, nous avons une nouvelle fois la démonstration que le projet de budget présenté par le Gouvernement ne permet pas de répondre aux besoins de l’école d’aujourd'hui !
Je souscris aux propos de notre collègue Charles Revet, et souhaite vous faire part d’un témoignage allant dans le même sens.
Dans mon département, certaines demandes d’admission en école privée ne sont pas satisfaites. Par conséquent, la règle dite des « 20-80 », que M. le ministre évoquait tout à l’heure, devrait être pondérée en fonction de la réalité, c'est-à-dire des demandes effectives des familles. Évitons de figer définitivement un seuil !
Je n’ai pas les moyens d’entrer dans une polémique sur les chiffres et les « 20-80 ». En revanche, je partage l’intime conviction de notre collègue Jean-Claude Carle.
Je n’ai pas non plus l’intention de prendre part à une querelle entre enseignement public et enseignement privé. J’observe simplement que, dans mon département, les fermetures de classes dans les établissements privés, outre qu’elles portent atteinte à la liberté de choix des familles, obligent les communes à engager des investissements extrêmement lourds. Or je ne suis pas certain que celles-ci en aient tout à fait les moyens aujourd'hui…
Le premier sujet de préoccupation des collègues maires que je rencontre est bien le financement de leurs écoles avec des taux de subventions très faibles !
Par conséquent, je milite pour une approche qui soit véritablement pragmatique. C’est pourquoi je voterai l’amendement proposé par M. le rapporteur pour avis Jean-Claude Carle.
Une politique d’ensemble a des contraintes. Certes, la maîtrise des effectifs de la fonction publique, que la majorité de notre Haute Assemblée soutient, ne fait plaisir à personne. Mais il s’agit d’un effort national. Est-il équitablement réparti ?
Comme M. le ministre vient de nous le rappeler, en 2011, la diminution des effectifs dans l’enseignement privé représentera 11, 9 % de la baisse totale, alors que ses effectifs représentent en moyenne 20 % des effectifs totaux de l’enseignement. En clair, compte tenu de son poids réel, l’enseignement privé est proportionnellement moins sollicité.
Nous pourrions évidemment adopter l’amendement de notre collègue Jean-Claude Carle – personnellement, je n’en voudrais à personne de le voter –, mais cela aurait pour effet de remettre en cause la cohérence d’ensemble d’une politique.
Sincèrement, sauf à vouloir décourager M. le ministre de mener une politique courageuse, il ne me semble pas possible de soutenir l’amendement de mon excellent collègue Jean-Claude Carle.
Nous connaissons toute l’histoire de l’enseignement privé et de l’enseignement public en France ; c’est une histoire à présent séculaire.
En effet, monsieur le rapporteur spécial !
Au sein de la Haute Assemblée, il nous est arrivé de nous opposer avec une certaine violence sur la question des relations entre enseignement public et enseignement privé.
Et puis, à certains moments de l’Histoire, les accords qui sont intervenus ont permis à la « paix », si je puis employer ce terme, de s’installer. Il y avait bien longtemps que nous n’avions pas rouvert ce dossier pour en débattre aussi longuement.
Pourquoi le faire maintenant, alors que la position de M. le ministre, même si je n’accepte pas la logique consistant à supprimer des postes, est pour une fois équilibrée ?
Mes chers collègues, ne rouvrons pas un certain nombre de plaies !
Comme l’a souligné mon collègue Jean-Luc Fichet, les difficultés des écoles rurales et les risques de fermetures de classes que vous évoquez concernent aussi bien l’école publique que l’école privée. Toutes deux sont confrontées à des problèmes de cette nature en raison des contraintes budgétaires qui nous sont infligées aujourd'hui.
C’est pourquoi je souhaiterais que nous n’ayons pas à nous prononcer sur cet amendement et que, sur un tel sujet, nous continuions à avoir des échanges pacifiques.
Permettez-moi de vous faire part de mon étonnement.
Tout au long de la soirée, on nous a parlé de la nécessité d’une rigueur budgétaire et d’un esprit de responsabilité. L’état de nos finances publiques étant alarmant, on nous a expliqué qu’il fallait contribuer à résoudre de telles difficultés grâce l’arme que représentent les « gains d’efficience ».
Or ceux qui ont expliqué cela font à présent le contraire au travers de deux amendements !
Alors que nous-mêmes avions dénoncé la difficulté de mettre en œuvre ces règles de réduction d’effectifs, vous nous dites maintenant que l’application de ces dernières à l’école privée empêcherait certains enfants d’être admis dans les établissements d’enseignement.
Mais le problème est identique dans l’enseignement public, mes chers collègues !
Des enfants de trois ans sont refusés dans les écoles maternelles, faute de places et de personnels ! D’ailleurs, d’après les statistiques, c’est plus particulièrement le cas dans les quartiers difficiles, où les besoins sont pourtant les plus importants !
Je pense que, en l’occurrence, nous devrions appliquer le principe de parallélisme des formes.
Monsieur le ministre, vous nous avez fait la démonstration que la règle que vous appliquiez était juste, en appliquant les mêmes critères à l’enseignement privé et à l’école publique.
Dès lors, sauf à remettre en cause la politique globale de réduction budgétaire et de « gains d’efficience », je ne vois pas comment nous pourrions voter cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° II-145, présenté par M. Carle, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
en euros
Programmes
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Enseignement scolaire public du premier degréDont Titre 2
Enseignement scolaire public du second degréDont Titre 2
Vie de l’élèveDont Titre 2
Enseignement privé du premier et du seconddegrésDont Titre 2
Soutien de la politique de l’éducation nationaleDont Titre 2
Enseignement technique agricoleDont Titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. Jean-Claude Carle, rapporteur pour avis.
Lors de la discussion générale sur les crédits de la mission, j’évoquais les médecins et les infirmières scolaires, qui jouent, me semble-t-il, un rôle aussi important que les enseignants. En effet, leur intervention permet souvent de « déminer » – passez-moi l’expression – des situations susceptibles de dériver et d’avoir de lourdes conséquences.
Or ces professions manquent d’attractivité. J’ai mentionné tout à l’heure le traitement brut mensuel des médecins scolaires débutants, qui s’élève à 1 755 euros, mais le problème se pose également pour les infirmières scolaires.
Il importe donc de rendre ces métiers plus attractifs afin d’avoir un recrutement plus important.
Certes, la contractualisation avec des médecins libéraux ou des infirmières libérales est peut-être une solution. Mais, aujourd'hui, je pense que nous devons adresser un signal aux médecins et aux infirmières scolaires.
Je vous propose donc un amendement tendant à mobiliser un million d’euros en ce sens. Là encore, il s’agit non pas de l’inscription de fonds supplémentaires, mais d’un redéploiement de crédits entre deux programmes.
Le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Nous avons été fort nombreux à déplorer la pénurie de médecins scolaires, à regretter leur trop faible rémunération et à dénoncer leurs conditions de travail, qui sont de plus en plus lourdes.
Aucun poste de médecin scolaire n’a été ouvert depuis 2006, c'est-à-dire depuis plusieurs années. Or la situation des élèves et, plus généralement, de notre société a beaucoup évolué.
Pour assurer un suivi médical relativement rapproché, il faudrait créer 700 postes de médecins. Cela correspond grosso modo aux 700 ETPT – il s’agissait de vacataires – qui, en 2006, effectuaient de telles tâches et permettaient ce suivi.
Toutefois, je pense que cela ne suffirait pas. Il faudrait également, me semble-t-il, revaloriser la grille indiciaire des personnels concernés, pour l’ensemble des catégories et à tous les échelons.
Par ailleurs, ces professionnels souhaitent voir leurs compétences reconnues en matière de santé publique. Ils sont en effet particulièrement bien formés dans ce domaine. La mise en place de la coordination des acteurs médicaux par les agences régionales de santé, les ARS, pourrait inciter certains de ces professionnels à se diriger vers la médecine scolaire.
M. le rapporteur pour avis Jean-Claude Carle vient d’évoquer la possibilité de recours à la profession libérale. Or c’est là une véritable crainte pour les personnels médicaux de l’éducation nationale, qui - ils l’ont déjà exprimé – ne veulent ni d’une privatisation ni d’une introduction de l’activité libérale dans le service public de l’enseignement !
Vous l’avez compris, il faut un véritable plan de relance pour rendre les postes de médecine scolaire plus attractifs. Nous y sommes favorables.
Cependant, et je rejoins les remarques que mes collègues ont formulées sur ce point, cet amendement ne prévoit pas d’engager des crédits supplémentaires. L’auteur de cet amendement nous propose de prélever les crédits, au sein du programme 214 de Soutien de la politique de l’éducation nationale, sur les moyens des rectorats et des inspections académiques dans le cadre de l’action « Pilotage et mise en œuvre des politiques éducatives », laquelle est déjà touchée par une baisse de ses crédits de 13 %, puisqu’ils passent de 414 millions d’euros en 2010 à 361 millions d’euros en 2011 !
En raison de ces difficultés liées aux crédits, nous nous abstiendrons.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Nous partageons unanimement le constat de M. le rapporteur pour avis Jean-Claude Carle, concernant la médecine scolaire.
Deux chiffres ont été avancés tout à l’heure dans le débat : on compte plus de 1 200 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves.
Tous les syndicats de l’éducation nationale ont d’ailleurs interpellé la représentation parlementaire sur l’extrême gravité de la situation de la médecine scolaire. Ils ont souligné, notamment, l’indécence des salaires des médecins.
L’amélioration de la situation de ces médecins devra passer par la revalorisation de leur statut et de leurs rémunérations. Je rappelle que, en 2008, les effectifs de médecine scolaire ont été amputés de 20 %. Résultat, la proportion d’élèves ayant bénéficié du bilan santé, dans la sixième année, continue de chuter : 73, 5 % en 2005 et seulement 66 % en 2009.
Je comprends le souci de M. le rapporteur pour avis. Cependant, j’ai le sentiment que l’on continue à ne pas prendre la mesure de la situation ni des actions qui devraient être engagées. En effet, ce ne sont pas de simples réajustements, alimentés par des redéploiements, qui pourront améliorer sensiblement la situation.
Une fois de plus, tout cela témoigne de l’inéquation du budget qui nous est proposé. En conséquence, je m’abstiendrai.
L'amendement est adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Enseignement scolaire », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission « Enseignement scolaire », modifiés.
Ces crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion l’article 73 quater qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Enseignement scolaire
Au plus tard le 30 juin de chaque année, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport sur les moyens financiers et en personnels consacrés à la scolarisation en milieu ordinaire des élèves handicapés. –
Adopté.
L'amendement n° II-221 rectifié, présenté par Mmes Gonthier-Maurin, Beaufils et Didier, M. Foucaud et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 73 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au plus tard le 30 avril 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport dressant un état des lieux de la carte des formations de l'enseignement agricole technique et détaillant les moyens financiers et en personnels consacrés à l'enseignement agricole public et privé et leur évolution depuis 2005.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Depuis plusieurs années, l’enseignement agricole est en état de choc du fait d’une insécurité budgétaire insupportable. Les arbitrages et les pratiques budgétaires successifs ont, en effet, instauré la pénurie du fait des suppressions de postes, d’une sous-évaluation dramatique du plafond des emplois, tant enseignants qu’administratifs, de gels ou de reports de crédits.
Cette situation se traduit sur le terrain par une profonde dégradation de l’offre de formation, des refus d’élèves, une déstabilisation de la carte scolaire. C’est la raison pour laquelle, depuis plusieurs exercices budgétaires, le Parlement a adopté des mesures d’urgence pour apporter des corrections.
Au Sénat, comme à l’Assemblée nationale, tous les rapporteurs pointent du doigt les limites d’une telle politique, qui met en péril la pérennité de cet enseignement dont chacun s’accorde à reconnaître l’excellence en termes d’insertion professionnelle et de remédiation. Ainsi, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances du Sénat s’interrogent « sur la soutenabilité d’une telle politique à moyen terme ».
Pourtant, et cela a été dit, cent quarante-cinq nouvelles suppressions d’emplois interviennent, alors que les effectifs scolarisés augmentent.
En outre, le budget souffre, cette année plus que jamais, d’un manque de lisibilité et de transparence, ainsi que de l’absence d’éléments relatifs à l’exécution budgétaire de 2010. Se pose, en effet, la question du respect des engagements votés par le Sénat lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010 et du moratoire sur les suppressions de postes dans l’enseignement agricole public annoncé par le ministre de l’agriculture.
Lors du débat budgétaire de l’année dernière, un amendement est venu abonder de 50 ETPT le plafond d’emplois d’enseignants du programme 143, ce qui correspondait, selon les engagements pris par le ministre, à 150 emplois physiques à la rentrée de 2010.
À la lecture des documents concernant le projet de budget pour 2011, force est de constater que, si les 50 ETPT votés l’année dernière ont bien été abondés, l’extension de cette mesure en année pleine n’a pas eu lieu.
Ainsi, ces effectifs dégelés existent bien, les enseignements devant se poursuivre jusqu’en juin, mais ils ne sont pas comptabilisés sur le budget pour 2011. Nous n’avons donc aucun moyen de vérifier la réalisation des engagements votés au Parlement ni aucune trace du moratoire dans le projet annuel de performance, le PAP. C’est un comble, quand on est en mesure de nous dire que 3 ETPT ont été transférés de l’éducation nationale pour une classe de fleuristes !
La même opacité règne sur la répartition des suppressions d’emplois : on indique la suppression de 100 postes d’enseignants et de 45 postes de personnels administratifs. Or, dans son rapport, M. le rapporteur spécial souligne que le ministère de l’agriculture a « envisagé de faire supporter l’essentiel des suppressions d’emplois sur les personnels enseignants », ce qui lui fait écrire que le PAP « ne présente dès lors pas une image tout à fait fiable de la politique d’emploi dans l’enseignement agricole pour 2011 ».
Toutes ces raisons ont donc motivé le dépôt de cet amendement, qui vise à doter les parlementaires d’un rapport dressant un état des lieux précis de la carte des formations de l’enseignement agricole technique et détaillant les moyens financiers et en personnels qui lui sont consacrés.
Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement. Mon collègue, ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire, Bruno Le Maire, vous l’aurait également dit, madame le sénateur.
Je vous rappelle qu’il existe un Observatoire national de l’enseignement agricole créé en 1996, qui est présidé aujourd’hui par M. Henri Nallet, ancien ministre. Cette instance a justement pour objet de produire des études et des recherches sur l’enseignement agricole public et privé. Ses travaux sont objectivées et rendus publics.
En outre, un Panorama de l’enseignement agricole est réalisé chaque année par le ministère de l’agriculture. Je vous invite à consulter sur le site internet de ce même ministère les données d’évaluation.
Quant aux éléments d’exécution budgétaire de 2010, ils seront disponibles au travers du rapport annuel de performance qui sera transmis au Parlement au printemps prochain.
Pour toutes ses raisons, le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 1er décembre 2010, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale (n° 110, 2010-2011).
Examen des missions :
Outre-mer (+ articles 77 à 77 quinquies)
MM. Marc Massion et Éric Doligé, rapporteurs spéciaux (rapport n° 111, annexe n° 18) ;
Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 113, tome III) ;
M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 115, tome IV) ;
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (avis n° 116, tome VII).
Sport, jeunesse et vie associative (+ article 87 quater)
M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 30) ;
MM. Pierre Martin et Jean-Jacques Lozach, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 114, tome VIII).
Recherche et enseignement supérieur (+ article 78)
MM. Philippe Adnot et Philippe Dominati, rapporteurs spéciaux (rapport n° 111, annexe n° 22) ;
MM. Jean-Pierre Plancade et Jean-Léonce Dupont, rapporteurs pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (avis n° 114, tome VII) ;
MM. Michel Houel et Daniel Raoul, rapporteurs pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 115, tome VI).
Santé (+ articles 86 bis à 86 nonies)
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 26) ;
M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales (avis n° 113, tome V).
Engagements financiers de l’État
Compte spécial : participations financières de l’État
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 12) ;
M. François Patriat, rapporteur pour avis de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (avis n° 115, tome VIII).
Provisions
M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n° 111, annexe n° 21).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 1 er décembre 2010, à une heure vingt-cinq.