Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2010, l’enseignement agricole comptait 173 000 élèves, 838 établissements et 90, 2 % de taux d’insertion professionnelle : autant dire du jamais vu !
Pourtant, enseignement et formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires souffrent d’un désintérêt alarmant de la part du Gouvernement.
La rapporteur elle-même s’en est inquiétée en commission de la culture, dénonçant la logique de rationnement et le pilotage des effectifs par l’offre de formation, c’est-à-dire par l’enveloppe budgétaire définie a priori Il faut pourtant permettre à tous ceux qui le souhaitent de suivre cet enseignement d’excellence.
Toutefois, nous pouvons saluer la décision du Premier ministre de maintenir le programme Enseignement technique agricole dans la mission « Enseignement scolaire ». En effet, l’agriculture ne représentant que 20 % de l’enseignement et de la formation professionnelle aux métiers de l’agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires, une autre décision aurait été perçue comme un signal particulièrement négatif face à la richesse des formations.
Le budget paraît en hausse, mais veillons à ne pas nous laisser tromper par ce leurre grossier. Les crédits affichent certes une hausse de 2, 5 %, mais l’enseignement agricole est familier des ajustements budgétaires de dernière minute. Cela explique que, de 2006 à 2010, le programme 143 ait bénéficié d’abondements de 29, 39 millions de l’éducation nationale. Le transfert total au budget de l’agriculture aurait donc encore fragilisé le budget de l’enseignement agricole.
Si, de 1995 à 2005, les effectifs ont augmenté de 10 % dans l’enseignement agricole, il n’empêche que celui-ci souffre d’un cruel manque de professeurs. De nombreuses classes à faible effectif ont dû être fermées. Les effets sont particulièrement graves en milieu rural.
La diminution du plafond du programme est l’enjeu majeur. Il diminue de 214 équivalents temps plein pour 2011 par rapport à 2010, et le plafond d’emplois est fixé à 14 876 équivalents temps plein. Cela laisse entrevoir la véritable volonté politique du Gouvernement, qui, sous couvert d’augmentation des crédits, supprime des postes. Des effectifs d’enseignants, des emplois sont toujours aujourd’hui menacés, des titulaires ne sont pas remplacés, des postes sont précarisés. Cela représente 300 personnes pour cette rentrée 2010.
L’enseignement agricole participe à l’effort de réduction des dépenses publiques et à l’objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire en départ à la retraite sur deux dans la fonction publique, avec 120 départs à la retraite non renouvelés en 2011.
Ce nombre est jugé « raisonnable » par le ministre de l’agriculture. Il faut cependant savoir que l’enseignement agricole présente des caractéristiques d’organisation bien différentes de l’enseignement général et que les professeurs y sont moins nombreux. La rapporteur du Sénat, joignant sa voix à celle du député Yves Censi, rapporteur à l’Assemblée nationale, s’est émue de cette diminution du nombre d’enseignants.
Le moratoire dont l’enseignement public a bénéficié de la part du Gouvernement pour 2010 n’était qu’un leurre. C’était reculer pour mieux sauter puisque les suppressions de postes vont bien avoir lieu en 2011. Les reports de charge d’année en année sont aussi un des problèmes prégnants dans l’enseignement agricole. Ce n’est qu’un artifice visant à masquer la diminution des financements. La clarté est la forme la plus difficile du courage. Or, à ce titre, la sincérité du budget peut être remise en cause.
Que penser des fermetures de classes en milieu rural, du refus d’accepter des élèves alors que la demande grandit ? C’est un raisonnement à la logique absconse, qui ne se justifie que sur un plan cyniquement financier. Les postes supprimés, c’est une offre moindre à terme, donc plus d’élèves refusés et mis au ban de la scolarité.
Le bilan net de l’ouverture de classes fait apparaître un solde de 25, 5 classes en moins pour 2008-2009, de 65 classes en moins pour 2009-2010. Il faut mettre un terme à cet appauvrissement des moyens, qui est parfaitement délibéré. Vous annoncez, monsieur le ministre, que vous allez étudier la pertinence d’un maintien de classes de petits effectifs Mais ne s’agit-il pas, une fois de plus, que d’un vœu pieux ?
On assiste désormais essentiellement à des fermetures et à des regroupements qui ne prennent pas en compte la réalité des attentes des territoires. Les parents qui n’ont pas d’offre locale ne pourront pas faire bénéficier leurs enfants de cet enseignement d’excellence. On diminue les effectifs pour montrer que les effectifs diminuent au lieu d’attribuer les effectifs en fonction de la demande.
De plus, les réformes promises, comme la réforme du lycée et du baccalauréat professionnel, n’ont pas été mises en place. Il y a également des craintes que certaines structures du type maison familiale ne puissent pas aller jusqu’au baccalauréat professionnel, ce qui les condamne à court terme.
L’enseignement agricole ne doit pas être sacrifié sur l’autel du déficit public. Le choix du Gouvernement est celui du désengagement de l’État sans cap pour l’avenir. Dans ces conditions budgétaires, l’autonomie prévue dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche est difficilement applicable.
Comment agir ? Il faut faire en sorte d’assurer une juste stabilisation des effectifs, voire une augmentation pour permettre à l’enseignement agricole d’avoir la place qu’il mérite. Les effectifs des professeurs doivent répondre à la demande, c'est-à-dire correspondre au nombre d’élèves, et non l’inverse.
La spécificité de cet enseignement doit être respectée et encouragée. À l’heure où l’on prône l’innovation, voilà un modèle ! Mais je crains qu’il ne faille plutôt dire que c’était un modèle. En effet, les réductions d’effectifs entraînent la destruction d’un secteur d’innovation reconnu.
Que dire du peu d’égard manifesté par le Gouvernement quant à la qualité de l’enseignement agricole ? Investir pour l’emploi permet à tous les jeunes de s’insérer dans le monde du travail, même à ceux qui sont le plus en difficulté. J’en déduis que ce n’est pas la priorité du Gouvernement.
Monsieur le ministre, nous ne comprenons pas vos arbitrages et encore moins ce qui les motive, sinon des questions d’argent.