Monsieur le ministre, l’école est toujours proclamée fabrique de la nation, creuset de la République, mais son désarroi inquiète les Français, sans que cette inquiétude ait vraiment gagné les classes dirigeantes.
À peine préconise-t-on des journées de réflexion sur l’éducation, à l’heure où l’ascenseur social enregistre de multiples pannes et où l’illettrisme explose, ce qui devrait tout de même démontrer l’importance de la question scolaire.
Un jeune sur deux se dit angoissé quant à son avenir, sans que l’école lui apparaisse comme une planche de salut. La baisse du niveau scolaire et la violence que connaissent trop d’établissements ont nourri une crise de confiance.
L’école n’est pas coupable de la fracture sociale. Elle la subit, et peut-être l’amplifie en croyant la réduire. Notre école est élitiste. Les acquis initiaux marquent, pour les élèves, une avance indéniable, et l’inégalité est déjà en place. Dualité sociale, dualité culturelle.
Chaque année, 120 000 élèves sortent sans maîtriser le « lire, écrire et compter ». Pour eux, c’est d’abord le redoublement, pourtant fort critiqué, puis la mise à l’écart de la voie générale et l’orientation vers la voie professionnelle, ce qui passe bien à tort pour une déchéance.
Faut-il supprimer les notes pour éviter tout découragement ? Je crois que vous y êtes opposé, monsieur le ministre. La note doit-elle être considérée comme un échec ou une évaluation ? C’est là une vraie question. Certes, la note est susceptible d’enfermer l’élève dans une bulle négative, voire une détestation de l’école, peu propice à la progression recherchée.
Quoi qu’il en soit, avec ou sans notes, l’orientation donnée engage notre responsabilité. La machine à exclure est en route.
Et pourtant, comment oublier que la lutte contre l’illettrisme est une grande cause ? Il est en effet affligeant de laisser sortir du primaire un élève qui ne sait pas lire.
L’allongement de la durée de la scolarité obligatoire aurait été une bonne idée si l’on avait, plus que modestement, élargi cette scolarité à l’apprentissage de nouveaux domaines, en particulier des nouvelles technologies, qui conditionnent l’entrée dans la société moderne.
La personnalisation des parcours, notion que vous appréciez particulièrement, monsieur le ministre, devait se traduire par toute une série d’actions de soutien, de la maternelle à l’université : aide personnalisée de deux heures hebdomadaires, stages de remise à niveau en français et en maths pendant les vacances scolaires, généralisation progressive de l’accompagnement éducatif entre seize heures et dix-huit heures, pour n’évoquer que l’école primaire. L’idée serait intéressante si elle n’était gâchée par la mesure de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, qui entraîne une chute impressionnante du nombre d’enseignants : près de 65 400 postes supprimés depuis 2005, malgré la poussée démographique scolaire. Vous dites une chose et faites son contraire !