Intervention de Luc Chatel

Réunion du 30 novembre 2010 à 21h45
Loi de finances pour 2011 — Enseignement scolaire

Luc Chatel, ministre :

Quoi qu'il en soit, aujourd’hui, le collège accueille 100 % des jeunes d’une même génération ; le lycée, 66 %, alors que, au début des années quatre-vingt, cette proportion n’était que de 22 %. Nous avons donc multiplié par trois le nombre de jeunes qui se présentent aujourd’hui au baccalauréat.

Toutefois, et vous avez été un certain nombre à le souligner, si nous avons relevé le défi de la quantité, nous n’avons pas encore – toutes les enquêtes internationales le démontrent – relevé celui de la qualité. Relever le défi de la qualité revient à faire en sorte qu’il y ait bien pour chacun une solution telle qu’il puisse trouver sa place à la sortie du système éducatif.

Dans quelques jours, les résultats pour l’année 2010 de l’enquête PISA seront dévoilés, et nous aurons à nous interroger sur notre système. L’un de nos sociologues de l’éducation, Christian Baudelot, dit souvent que la France est « le pays du grand écart », avec, d’un côté, une élite plutôt rétrécie, représentant environ 10 % de la population scolaire, mais qui possède de grandes qualités si on la compare à celle des grands pays développés, et, de l’autre, une part importante d’élèves en grande difficulté, qui représente environ 20 % de la population scolaire.

Nous avons donc devant nous une double gageure : augmenter la proportion de notre élite – dans certains pays développés, elle représente 17 % à 18 % de la population – et, en même temps, réduire celle des élèves en grande difficulté.

Cela suppose que nous agissions ensemble dans trois directions, ainsi que plusieurs d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, l’ont rappelé.

D’abord, nous devons être capables de nous adapter à la diversité des élèves en personnalisant notre enseignement. Quand vous dialoguez avec des enseignants, ce que vous faites très régulièrement en tant qu’élu local, ils vous disent tous que leur plus grande difficulté est liée à l’hétérogénéité des classes. Face à vingt-cinq ou trente élèves, il faut être capable à la fois de détecter celui qui a le plus gros potentiel, pour le porter vers l’excellence, et de tenir compte de ceux qui ont de grandes difficultés, qui risquent de décrocher et de quitter le système éducatif sans qualification et sans diplôme. Eh bien, résoudre ce problème implique personnaliser notre enseignement.

Comment procéder ?

Il convient de mettre en place, tout au long de la scolarité, dès le plus jeune âge, c'est-à-dire à partir de la maternelle, une aide personnalisée. Par exemple, dans le cadre du plan de lutte contre l’illettrisme, que j’ai tenu à lancer au Salon du livre au mois de mars dernier, nous mettons en place deux heures d’aide personnalisée, qui permettront de prendre à part les élèves rencontrant des difficultés dans l’apprentissage des savoirs fondamentaux. On les aide ainsi à lire et à calculer, de manière qu’ils ne quittent pas le système éducatif du premier degré sans maîtriser les bases.

Cette personnalisation des parcours, nous la développons tout au long de la scolarité, en organisant par exemple des stages de remise à niveau en français et en mathématiques pendant les vacances – plus de 200 000 élèves en ont bénéficié en 2009. Nous proposons également, au collège mais aussi dans les réseaux de l’éducation prioritaire et les écoles d’outre-mer, l’accompagnement éducatif, cette fameuse réponse à la problématique des « orphelins de 16 heures ». Plus d’un million d’élèves qui étaient jusqu’alors laissés à eux-mêmes sont désormais pris en charge, tous les soirs, pour des activités de soutien scolaire, des activités culturelles et sportives.

Bien évidemment, la personnalisation des parcours est au cœur de deux sujets que plusieurs orateurs – Mme Colette Mélot et Mme Catherine Morin-Desailly, notamment – ont évoqués : la réforme du lycée d’enseignement général et technologique, que nous avons mise en œuvre à la rentrée de 2010, et la rénovation de la voie professionnelle, qui monte en puissance après son entrée en vigueur en 2009.

S’agissant de la réforme du lycée, vous m’avez interrogé, madame Morin-Desailly, sur le processus d’orientation. Effectivement, nous avons voulu le faire évoluer pour passer d’un système couperet dans lequel, à quatorze ans, il faut décider de ce qu’on doit faire dans la vie, et pour toute sa vie, à un système progressif et réversible, qui autorise le changement de trajectoire et reconnaît le droit à l’erreur. On a le droit de se tromper ! On a le droit, à quatorze ans, de ne pas savoir ce qu’on va faire de sa vie ! On a le droit de cheminer et d’être accompagné dans ce cheminement !

L’éducation nationale doit donc être capable de construire des parcours progressifs, en proposant des changements de parcours et des passerelles. Toute la réforme du lycée est conçue autour de cette idée.

S’agissant de la voie professionnelle – je réponds ici à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, que je sais très engagée sur cette question –, nous obtenons des résultats encourageants quinze mois après la mise en œuvre de la réforme dont elle a fait l’objet.

À la rentrée de 2010, la réforme a été appliquée aux classes de première. Nous avons constaté une augmentation très significative des poursuites d’études, au niveau des élèves de BEP, celles-ci concernant 66 % d’une classe d’âge en 2010, contre 50 % en 2009. C’était l’objectif ! Nous voulons pousser davantage d’élèves vers le niveau du « bac pro », c’est-à-dire vers la qualification et l’obtention d’un diplôme. Le nombre d’inscrits en première professionnelle augmente de 40 % entre la rentrée de 2010 et celle de 2009, ce qui correspond à un effectif d’environ 47 000 élèves.

Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ces résultats sont encourageants.

Outre la personnalisation des parcours, le deuxième axe qui doit nous permettre de relever les défis actuels est celui de l’autonomie.

Faisons confiance aux acteurs locaux ! L’éducation nationale ne peut plus être totalement pilotée depuis le 110, rue de Grenelle. Nous devons donner davantage de marges de manœuvre à ceux qui connaissent le mieux nos élèves : les chefs d’établissement, les professeurs, les acteurs locaux. Il faut faire confiance, responsabiliser, rompre avec les rigidités du système éducatif et les décisions venues d’en haut. Il faut cesser de brider les initiatives prises sur le terrain.

Accorder plus d’autonomie aux établissements, c’est ce que nous avons fait avec la réforme du lycée. Les questions du dédoublement de classe et de la dotation horaire ont été évoquées : les décisions en ces matières relèvent dorénavant, après avis du conseil pédagogique, du chef d’établissement. C’est un vrai progrès en termes d’adaptation aux situations rencontrées localement dans les établissements scolaires.

Le renforcement de l’autonomie passe également par l’expérimentation : nous devons aussi faire confiance aux acteurs locaux s’agissant de leur capacité à mettre en œuvre des réponses adaptées à la situation.

M. Gérard Longuet a rappelé l’importance du dispositif, clair, sur lequel nous misons. Aujourd’hui, nous avons donné à 105 collèges et lycées une autonomie en matière de recrutement, de projet pédagogique et de vie scolaire. Nous verrons, en fonction de l’évaluation des pratiques constatées dans ces 105 établissements, s’il y a matière à étendre le dispositif.

Quoi qu’il en soit, faire confiance aux acteurs locaux pour recruter certains professeurs, parce que ceux-ci ont choisi de travailler dans un établissement difficile, parce qu’ils ont été préparés à cela, parce qu’ils ont adhéré à un projet pédagogique, parce qu’ils se sentent à l’aise dans une équipe pédagogique, me semble être la meilleure réponse que nous puissions apporter aux difficultés rencontrées dans certains collèges ou lycées.

M. Claude Domeizel vient d’évoquer une autre expérimentation, concernant la place du sport à l’école.

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