Intervention de Luc Chatel

Réunion du 30 novembre 2010 à 21h45
Loi de finances pour 2011 — État b

Luc Chatel, ministre :

Je reconnais que cet amendement est séduisant pour l’élu rural que je suis. Je n’ignore pas le succès du plan que vous avez évoqué, monsieur Legendre, puisque près de 8 000 écoles ont pu être équipées en tableaux blancs interactifs ou en chariots roulants d’ordinateurs portables grâce aux moyens exceptionnels dégagés par l’État. Pour ces écoles, c’est incontestablement un grand progrès.

Tout à l’heure, Catherine Morin-Desailly rappelait que le niveau d’équipement numérique des écoles restait insuffisant dans notre pays, ce retard ayant d’ailleurs motivé le plan numérique que je viens de lancer.

Mais les arguments avancés par M. Longuet sont tout aussi pertinents.

D’abord, le plan de relance avait par nature vocation à être limité dans le temps, mesdames, messieurs les sénateurs. Le projet de budget que vous examinez actuellement met d’ailleurs fin à de nombreuses dispositions du plan de relance. Du reste, la principale source de réduction du déficit budgétaire pour l’exercice 2011 réside dans l’arrêt de mesures exceptionnelles qui avaient été prises à la suite de la crise de 2008-2009.

Ensuite, il y a peu, vous avez longuement débattu de la question des partages de compétences entre les différents niveaux de collectivités. Comme l’a rappelé M. Longuet, le législateur a voulu, dans les premières lois de décentralisation, qu’il a adoptées voilà plus de vingt-cinq ans et qui ont depuis été confirmées à plusieurs reprises, séparer les responsabilités entre, d’une part, l’État, qui prend en charge les aspects éducatifs et pédagogiques, y compris les salaires des enseignants et, d’autre part, les collectivités, qui assurent toute la dimension matérielle, dont relèvent notamment les investissements dans les bâtiments et les achats de fournitures.

En dehors du cadre exceptionnel du plan de relance, l’État peut-il continuer à investir dans le matériel ? Je suis certes sensible au fait que ces 25 millions d’euros permettraient d’équiper 2 500 écoles, mais je rappelle que notre pays compte 55 000 écoles, dont plus de la moitié sont des écoles rurales. Je vous laisse imaginer la masse des crédits qu’il faudrait mobiliser pour financer l’équipement de toutes ces écoles !

Je voudrais toutefois proposer une solution de repli au président Legendre.

En premier lieu, d’après les contacts que nous avons pu avoir, le commissariat aux investissements d’avenir, qui travaille sur l’équipement numérique, ne serait pas insensible à la question de l’équipement des écoles en milieu rural. Cette institution pourrait donc fournir une première source de financement.

En second lieu, dans le cadre du plan numérique que je viens d’annoncer, l’éducation nationale a décidé de renforcer ses partenariats avec les associations d’élus et de collectivités territoriales, notamment l’Association des régions de France, l’Assemblée des départements de France et l’Association des maires de France. Les conventions-cadres que nous sommes en train de rédiger reposent notamment sur un partenariat qui consiste, pour l’État, à renforcer son engagement sur son cœur de métier, à savoir la formation des enseignants et les ressources pédagogiques, et, pour les collectivités territoriales, à investir en contrepartie dans les équipements.

Nous pourrions ainsi conclure avec l’AMF un accord aux termes duquel les communes s’engageraient à investir dans l’équipement numérique, en contrepartie des moyens déployés par l’État concernant les ressources pédagogiques et la formation des enseignants.

En conclusion, cet amendement me séduit en tant qu’élu local, mais je peux difficilement y être favorable en tant que ministre de l’éducation nationale, compte tenu du précédent qu’il pourrait créer en matière d’investissements dans des compétences qui ne sont pas celles de l’État.

En conséquence, l’avis est plutôt défavorable.

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