Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la genèse de la proposition de loi déposée par mon collègue et ami Yvon Collin est liée à la nomination récente d’Henri Proglio, PDG de Veolia, entreprise privée cotée au CAC 40, à la tête d’EDF, première entreprise publique par le nombre de ses salariés et l’importance de son chiffre d’affaires. Cette nomination est essentiellement le fait de la volonté du Président de la République, qui, semblerait-il, ne souhaitait pas le renouvellement du mandat de Pierre Gadonneix, actuel PDG d’EDF.
Il s’agit d’un cas de figure insolite et inhabituel, qui a incontestablement suscité une certaine émotion, pour ne pas dire davantage. J’ai eu l’occasion de qualifier cette situation de « berlusconienne », analyse qui n’a pas vraiment enthousiasmé l’heureux récipiendaire mais que je maintiens.
De quoi s’agit-il ?
Je veux d’abord écarter très clairement tout argument lié à la compétence de M. Proglio, car celle-ci n’est pas en cause ici, ou à son salaire : ce n’est pas là ce qui m’intéresse. Je considère en revanche qu’il est bon de rappeler certains principes républicains devant cette assemblée, afin que l’opinion publique puisse en prendre connaissance. Ces principes veulent que, lorsque deux entreprises n’ont pas la même finalité – du moins jusqu’à ce jour ! –, on puisse légitimement considérer que la nomination à la tête de l’une d’un PDG qui continue à garder un pied dans l’autre fait planer la menace d’un conflit d’intérêt.
Lorsqu’une nomination concerne une entreprise publique dans laquelle la participation de l’État est aussi importante, il est tout à fait normal que la Haute Assemblée ait son mot à dire. Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à avoir réagi : M. le président de la commission des finances du Sénat, notre excellent collègue Jean Arthuis, a lui aussi stigmatisé cette situation lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement. Pour avoir assisté à cette séance, je ne peux pas dire que les réponses fournies aient été extrêmement convaincantes…
EDF est un établissement public à caractère industriel et commercial chargé d’une mission de service public. À ce titre, il lui incombe d’assurer un service universel de fourniture d’électricité aux ménages les plus démunis ainsi que dans les zones les moins accessibles. Son chiffre d’affaires est important, de même que sa capitalisation boursière, même si le groupe a perdu quelques millions d’euros l’an dernier, à la suite d’une politique d’expansion coûteuse et peut-être mal maîtrisée.
Quant à Veolia Environnement, c’est une entreprise privée issue de la Compagnie générale des eaux, la CGE. Leader mondial des services à l’environnement, elle poursuit une finalité exclusivement lucrative. Près des deux tiers de son capital sont flottants. La Caisse des dépôts et consignations, son premier actionnaire institutionnel, détient moins de 10 % de son capital.
Il est à noter que la CGE avait été scindée en deux entités, Veolia Environnement et Vivendi Universal, cette dernière étant présidée par Jean-Marie Messier. Chacun sait que celui-ci fut, dans un passé récent, un gestionnaire extrêmement rigoureux et particulièrement avisé, voire un visionnaire. On connaît la suite…