C’est en tant que président du groupe d’études sur la gestion des déchets et représentant d’un certain nombre d’élus de terrain que je prends la parole.
Il est prévu, à cet article 9, d’augmenter très fortement la TGAP sur le stockage des déchets et de créer une TGAP sur l’incinération. Vous le savez, monsieur le ministre, ces dispositions suscitent de fortes inquiétudes parmi les élus locaux.
Vous justifiez cette hausse par la volonté d’augmenter la part du recyclage dans le traitement des déchets. Nous approuvons tous, bien entendu, cet objectif, mais il faudrait tout d’abord s’entendre sur le taux actuel exact de déchets recyclés en France.
En effet, aux termes du projet de loi « Grenelle I », il était de 24 % en 2004, alors que le chiffre de 17 % était avancé au début des débats du Grenelle de l’environnement, tandis que, voilà quelques jours à peine, un membre de cabinet ministériel évoquait, lors des discussions d’un groupe interdéchets, un taux de 30 %. Nous sommes en 2008 : il me semblerait souhaitable que le Parlement dispose, avant de voter des mesures aux conséquences fiscales très importantes, de données de référence un peu plus récentes !
De plus, il est souvent reproché à la France de n’être pas très bien classée à l’échelon européen en matière de recyclage, mais cette comparaison a-t-elle un sens, l’assiette prise en compte pour déterminer le taux de recyclage variant considérablement d’un pays à l’autre ? Est-il donc envisagé d’harmoniser enfin les modes de calcul au plan européen ?
De très nombreux élus s’interrogent sur la philosophie qui sous-tend la hausse de la TGAP.
Je rappelle que la France est le pays d’Europe qui rejette le moins de CO2 par habitant et qu’elle est le premier producteur européen de matériaux issus du recyclage. Cela prouve à l’évidence que, depuis 1992, le recyclage s’y est développé sans que le recours à une fiscalité punitive ait été nécessaire.
En effet, c’est bien de cela qu’il s’agit : la taxation, conçue au départ comme devant être incitative, est devenue, dans le projet de loi relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dissuasive, et même punitive dans le présent projet de loi de finances.
Elle pénalise d’abord les collectivités territoriales qui se sont lancées dans des investissements très lourds, presque toujours, d’ailleurs, sous la pression des services de l’État et de son bras armé, l’ADEME, alors que la durée d’amortissement de ces équipements est de vingt-cinq ans et que l’on change les règles en cours de jeu.
Ces changements radicaux et incessants de stratégie de l’État se soldent par un gaspillage considérable d’argent public. Ce seront, au final, les ménages qui en supporteront les conséquences. Ils comprendront très difficilement pourquoi plus leurs élus se sont conformés aux recommandations de l’État pour développer le tri des déchets, plus ils devront payer demain.
En outre, ces mesures se concentrent à l’extrême sur les déchets ménagers, alors que ceux-ci ne représentent que 6 % du total des déchets. Quand, monsieur le ministre, s’attaquera-t-on enfin sérieusement aux 94 % de déchets autres, à la source de pollutions beaucoup plus graves ?
L’accord auquel seraient parvenues les parties prenantes au Grenelle de l’environnement est constamment mis en avant pour justifier que les parlementaires adoptent presque sans discuter les mesures qui leur sont soumises.
C’est pourquoi j’aimerais, sur le sujet précis que nous examinons aujourd’hui, effectuer quelques mises au point.
Je sais, pour avoir fait partie du comité opérationnel sur les déchets, le Comop, que ses participants se sont globalement mis d’accord sur le principe de taxer plus fortement le stockage et l’incinération, mais, dans ce projet de loi de finances, la déclinaison de ce principe est très loin de respecter l’ensemble des conditions sur lesquelles ce groupe s’est mis d’accord.
Tout d’abord, le Comop unanime souhaitait que la totalité du produit supplémentaire de la TGAP soit affectée à la politique de prévention de la production de déchets par l’intermédiaire d’un fonds hébergé par l’ADEME : or, finalement, cette recette supplémentaire ira au budget général, et nous devons nous en remettre à la seule parole du Gouvernement pour son affectation.
Nous avons, certes, obtenu des gages pour les trois années à venir, mais qu’en sera-t-il au-delà ? Mes chers collègues, nous avons toutes les raisons d’être inquiets, surtout lorsqu’on sait que, sur les 260 millions d'euros collectés aujourd’hui au titre de la TGAP, quelque 30 millions d'euros seulement, soit un peu plus de 10 %, vont à l’ADEME.
Ensuite, la hausse de la TGAP faisait partie d’un paquet global de mesures, qui comportait notamment la création de nouvelles filières de traitement reposant sur le principe de la responsabilité élargie du producteur, la fameuse REP.
Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous nous proposez la hausse de la taxe, mais où sont passées les « filières REP », qui constituent le fondement d’une politique de gestion des déchets pertinente ? La filière REP concernant les DASRI, les déchets d’activités de soins à risques infectieux, est, semble-t-il, prévue dans le projet de loi de transition environnementale, mais l’adoption de ce texte n’est pas attendue avant plusieurs mois, comme toujours. Que de temps perdu !
C’est pourquoi je présenterai un certain nombre d’amendements visant à accélérer la mise en place de ces filières, qui, je le rappelle, allait de pair, dans l’esprit des participants au Grenelle de l’environnement, avec la hausse de la TGAP. Il était en effet hors de question, pour eux, de dissocier ces deux éléments.
Enfin, il est clairement indiqué, dans le rapport, que le groupe n’a pas pu se mettre d’accord sur les critères de modulation des taux des TGAP « stockage » et « incinération ».
Le groupe n’a donc nullement tranché, ni dans un sens ni dans l’autre. C’est le Gouvernement qui a décidé, au travers de l’article 9, de prévoir une modulation extrêmement faible en fonction du critère environnemental.
Ainsi, le fait, pour les collectivités, d’avoir investi pour obtenir la certification de leurs installations de stockage ne leur rapportera pas grand-chose, et vouloir valoriser le biogaz, pour être « environnementalement » ou « grenellement » compatibles, ne leur rapportera absolument rien !
En un mot, les collectivités territoriales qui s’en tireront le mieux sont celles qui n’ont jamais suivi les recommandations de l’État et qui n’ont jamais rien fait !