Monsieur le ministre, autant je suis d’accord sur l’objectif, autant je suis en total désaccord avec les moyens que vous proposez.
Fiscalité incitative, dites-vous. Force est de constater pourtant que les communes qui payent le moins, sur notre territoire national, sont celles dont les élus locaux en ont fait le moins !
À l’inverse, ceux qui se trouvent les plus pénalisés sont les élus qui ont suivi les recommandations de l’État, et en particulier de l’ADEME, en choisissant un certain nombre de procédés qui leur ont été conseillés, voire qu’on les a poussés à adopter.
Ils ont donc investi, et, pour cela, ont dû parfois prévoir un amortissement extrêmement long, sur une durée allant jusqu’à vingt-cinq ans. Et, au bout d’à peine cinq ans, alors que ces charges pèsent sur leurs administrés, l’État change radicalement d’avis.
Tant pis pour eux ! Ils ont investi suivant vos conseils, ils ont encore besoin de vingt ans pour amortir leurs investissements, mais vous avez changé d’avis. Qu’ils se débrouillent comme ils l’entendent ; de toute façon, ils ne bénéficieront d’aucun bonus par rapport à ceux qui n’ont rien fait.
Ce n’est pas là ce qu’on peut appeler de la fiscalité incitative, monsieur le ministre !
Dans le cadre de mes fonctions de président du groupe d’études sur les déchets, j’ai été amené à étudier ce qui se passait à l’étranger. À ce titre, j’ai notamment observé le système adopté en Angleterre. S’il est vrai que l’on a fixé là-bas à un niveau très élevé la taxe correspondant chez nous à la TGAP, les Anglais ont toutefois instauré, à côté, des systèmes d’incitation très efficaces auprès des collectivités pour aider celles-ci à se doter des installations qu’ils préconisent, ce qui n’est absolument pas le cas en France.
Par conséquent, en ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas parler de fiscalité incitative. À la rigueur, il s’agit d’une fiscalité dont nous aurions aimé qu’elle soit simplement dissuasive, et qui est maintenant en train de devenir punitive. Cet adjectif est clairement employé par tous les professionnels, qui nous souhaitent d’ailleurs bien du plaisir pour expliquer à nos administrés que nous allons non seulement leur demander de faire des efforts, mais encore les pénaliser un peu plus au passage !
Actuellement, monsieur le ministre, 4 à 6 % de nos concitoyens sont complètement réfractaires aux gestes de tri. Tout le monde le sait ! Je peux vous assurer que cette proportion, avec les dispositions que nous mettons en place, va augmenter considérablement, et pour une raison simple : on ne peut pas, dans une période particulièrement difficile, augmenter la participation des administrés, alors qu’on leur demande toujours plus d’efforts dans leurs gestes quotidiens.
Je tiens d’ailleurs à vous préciser que l’objectif de 35 % de produits recyclés en 2012 et 45 % en 2015 paraît déjà à tous les professionnels, dans l’état actuel des choses, totalement inaccessible.
Alors, bien sûr, il est facile de faire voter des taux, de même qu’il est aisé aux préfets de prendre des arrêtés et de coucher des décisions sur le papier, mais il est certainement beaucoup plus difficile aux élus de les appliquer localement !
Je voulais donc très simplement vous dire mon regret que l’on pénalise une fois encore nos concitoyens, monsieur le ministre. La vraie, la seule solution, c’est de faire payer par le consommateur, et non par le contribuable, la plus grande partie du coût engendré par le traitement des produits en fin de vie.
Il y a très longtemps que le Gouvernement aurait dû s’engager fortement en ce sens et élargir la responsabilité du producteur. Cela fait quinze ans que l’on parle, dans les colloques spécialisés, de la réduction des déchets à la source, c’est-à-dire en agissant sur les professionnels. Quinze ans ! Et rien n’a été fait…Le problème est d’ailleurs le même en ce qui concerne la maîtrise des coûts liés à la gestion des déchets : là aussi, on en parle depuis quinze ans. Eh bien, avec la disposition telle que vous nous demandez de la voter, nous allons porter un coup, et un rude coup, à cette démarche collective qui exige pourtant l’adhésion de nos concitoyens, par ailleurs contribuables.