Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 18 novembre 2009 à 14h30
Lutte contre les violences de groupes — Adoption d'une proposition de loi

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la justice :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, garantir la sécurité et la tranquillité de nos concitoyens en adaptant nos moyens face à une délinquance sans cesse évolutive relève de notre responsabilité partagée. La proposition de loi soumise à votre examen vise donc à renforcer la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public.

Ce texte, adopté par l'Assemblée nationale, a fait l'objet d'un examen approfondi par votre commission des lois. Je tiens à saluer le travail tout à fait remarquable effectué par celle-ci, et particulièrement par son rapporteur.

Comme chacun peut le constater, les hommes et les femmes chargés de la protection des Français doivent faire face à un accroissement de la violence de la part des délinquants. Élus locaux, nous sommes tous amenés à le vérifier quotidiennement sur le terrain.

Deux faits étayent ce constat.

Il s’agit, premièrement, du rôle des bandes dans la montée des violences. Leurs liens avec les trafics de stupéfiants, voire les trafics d'armes, sont connus. En recherchant la confrontation violente avec les forces de l'ordre, ces bandes peuvent être à l'origine de véritables scènes de guérilla urbaine, comme l’illustrent les événements de Gagny. Il ne s’agit là que d’un exemple, mais plusieurs d’entre nous – c’est notamment mon cas – ont vécu par le passé ce type de situation dans des villes de province. Nous avons tous ces incidents en mémoire. Ils causent un trouble très important et masquent souvent d’autres trafics et agissements.

Il s’agit, deuxièmement, de l’extension de la violence à des lieux longtemps préservés et essentiels à la cohésion sociale.

C'est, hélas ! le cas de l'école. Ce phénomène, qui n’existait pas lorsque j’ai commencé à exercer des mandats électifs, est apparu peu à peu, d’abord subrepticement, puis de manière beaucoup plus importante. Des événements récents ont révélé que les établissements scolaires pouvaient devenir le théâtre de violences inacceptables à l’encontre des élèves et du corps enseignant. Et les faits se multiplient.

Cela concerne également, dans un tout autre registre, les stades. Rien n'est plus opposé à l'esprit du sport que les violences qui perturbent trop souvent nos manifestations sportives. Sont en cause non seulement les grands matchs dits « à hauts risques », mais également les rencontres amateurs du samedi et du dimanche après-midi, dans nos communes, sur les stades de quartiers.

Ainsi, la délinquance évolue et nos réponses doivent également évoluer. La proposition de loi vise donc à adapter nos réponses en prévoyant de nouveaux moyens et des mesures ciblées sur certains lieux symboliques, que je viens d’évoquer.

Tout d’abord, contre la délinquance violente, le texte prévoit de nouveaux moyens pour combler les lacunes existantes. Ces moyens sont juridiques, opérationnels et technologiques.

Concernant les moyens juridiques, les incriminations contre les bandes violentes sont aujourd'hui insuffisantes, qu'il s'agisse de l'interdiction des attroupements ou de l'association de malfaiteurs.

L'infraction de participation à une bande violente permet de mieux appréhender la réalité du phénomène. La participation à une bande constituée pour commettre des atteintes aux personnes et aux biens sera désormais punie de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Ladite infraction permet de lutter contre les différentes formes du phénomène, qu'il s'agisse du regroupement de personnes qui se connaissent, tels les gangs qui se constituent ici et là, ou du regroupement de personnes qui n’ont pas de liens a priori, mais se retrouvent volontairement en un lieu donné pour commettre une action commune violente. C'est le cas des black blocs ou d’un certain nombre de bandes de casseurs qui se retrouvent à l’occasion ou en marge de manifestations, avec les effets que nous connaissons.

Cette infraction permet également de lutter contre l'impunité, clairement recherchée par les personnes agissant en groupe. Elle n'établit pas pour autant une responsabilité collective. Cet aspect sera, je n’en doute pas, l’un des éléments du débat à venir. En participant concrètement au groupe et en poursuivant un même objectif délictueux, chacun, en effet, se rend personnellement coupable. On n’est pas là par hasard !

Afin de lutter contre les infractions commises à visage dissimulé, la proposition de loi prévoit l'introduction d'une nouvelle circonstance aggravante. Les agressions à visage dissimulé augmentent le traumatisme des victimes et compliquent le travail d'identification de la justice. À ce sujet, un décret en Conseil d'État du 19 juin 2009 incrimine d’ailleurs le fait de dissimuler volontairement son visage en marge d'une manifestation. Il est logique d’alourdir les sanctions prononcées pour toute agression commise à visage dissimulé.

Pour faciliter le travail des forces de l'ordre, de nouveaux moyens opérationnels et technologiques sont prévus.

La proposition de loi précise ainsi le cadre d'exercice de la police d'agglomération. En effet, la délinquance moderne se joue des frontières administratives et, pour adapter l'organisation de la sécurité aux bassins de délinquance, la police d'agglomération renforcera la coordination entre les services de sécurité. Les compétences du préfet de police en matière de maintien de l’ordre public seront donc étendues aux départements de Paris et à ceux de la petite couronne.

Des moyens technologiques sont également prévus. L'enregistrement audiovisuel par les services de police constitue un progrès et permettra de confondre plus aisément les auteurs d'agressions, même s’ils portent une capuche ou un foulard pour dissimuler leur visage. Il facilitera l'administration de la preuve, souvent complexe dans un contexte de groupe. Il favorisera les bonnes pratiques policières, en permettant d’établir la vérité sur les circonstances et le déroulement effectif des événements, si l’intervention de police devait ensuite être mise en cause. Il conviendra, naturellement, de préciser le régime juridique de ces enregistrements.

Mesdames, messieurs les sénateurs, adapter nos réponses suppose de nouveaux moyens contre la délinquance violente.

Protéger nos concitoyens exige également, je le disais tout à l’heure, des mesures ciblées sur certains lieux symboliques.

Ainsi, contre la violence dans les stades, le dispositif en vigueur doit être renforcé, en premier lieu les mesures de prévention. La proposition de loi permet de doubler la durée des interdictions administratives de stade. Celles-ci pourront être portées à six mois et interviendront dès le premier trouble à l'ordre public. Les mesures de répression doivent également être renforcées. L'incrimination de la détention et de l'usage des fumigènes est particulièrement adaptée aux spécificités de la violence dans les stades. Certains de ces engins sont des plus dangereux, y compris pour ceux qui les manipulent

Sanctuariser l'école est le second objectif qui sous-tend le texte soumis à votre examen. L'école est un lieu d’apprentissage, où se transmettent les règles de la vie en commun ; elle doit le demeurer. Les événements récents ont montré la nécessité de protéger les écoles, leurs abords et les personnels qui y travaillent.

Pour protéger l'école, il faut la préserver des violences venues de l'extérieur. Ces violences, commises par des personnes mal intentionnées qui pénètrent dans l'enceinte d'un établissement sans y être autorisées, peuvent parfois entraîner un drame.

L'intrusion dans un établissement scolaire sera punie d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. La peine pourra être aggravée, la détention étant susceptible d’atteindre sept ans et l’amende pouvant s’élever à 100 000 euros si l’agression est perpétrée par plusieurs personnes armées. Il s’agit d’une avancée pour la sécurité des élèves et des enseignants.

L'introduction d'une arme dans l'enceinte scolaire constituera un délit en soi, punissable de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende. La sécurisation des abords de l'école contribue à la protection des élèves comme des professeurs. La proposition de loi complète à cet égard le code pénal en ajoutant une circonstance aggravante pour les faits de vols et d’extorsions commis à proximité des établissements scolaires.

Enfin, la sécurité des personnels de l'éducation nationale doit être renforcée. L'autorité des professeurs est aujourd'hui la cible de ceux qui s'en prennent à toute autorité légitime. Les personnels de l’éducation nationale et leurs proches doivent bénéficier d'une protection identique à celle qui est accordée aux agents dépositaires de l'autorité publique. Le texte soumis à votre examen prévoit que les sanctions réprimant les atteintes à ces personnels soient aggravées dès lors que les faits sont liés aux fonctions exercées par la victime. Afin de mieux prendre en compte la réalité du terrain, la proposition de loi étend ce dispositif à leurs proches.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la sécurité est la première des libertés ; elle est la condition de toutes les autres : liberté de s'instruire dans les écoles de la République ; liberté d'y enseigner ; liberté de participer à des événements sportifs ; liberté de manifester pour exprimer ses idées, sans craindre la menace de casseurs et de pillards qui puissent dénaturer ces rassemblements pacifiques et légitimes ; liberté, tout simplement, d'aller et venir dans la rue en toute tranquillité, sans redouter les exactions de bandes violentes.

La présente proposition de loi nous donne les moyens de mieux préserver ces libertés par des mesures concrètes. Respectueuse de nos principes, elle réaffirme un objectif que nous partageons tous : garantir la protection de chacun, en toutes circonstances, sur tous les territoires de la République. C'est notre devoir ! C'est notre responsabilité au service de nos concitoyens !

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