Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 18 novembre 2009 à 14h30
Lutte contre les violences de groupes — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Car si le fait de masquer son visage complique la tâche de la police pour appréhender l’auteur de l’infraction, cela ne peut pas être juridiquement un facteur aggravant. Sinon, selon un raisonnement par l’absurde, le fait de commettre une infraction à visage découvert devrait être une circonstance atténuante.

Le texte tel qu’il est formulé pourrait être utilisé pour remettre en cause la liberté de manifester. Des policiers n’ont-ils pas affirmé eux-mêmes que cette loi ne s’appliquera, dans les faits, que lors de manifestations ?

Voici donc un système qui ne sera en rien utile pour lutter contre les violences de groupes, lesquelles sont pourtant, j’y insiste, un véritable problème, mais qui va permettre de criminaliser l’action sociale.

Cette mesure est dangereuse non seulement pour les libertés publiques, mais également pour la sécurité des personnes lors de manifestations pacifiques, par exemple lorsque des groupes de casseurs s’y seront introduits et que la police « chargera » la foule pour poursuivre les individus cagoulés. Nul doute que cela risque de créer des troubles au lieu d’y mettre un terme.

Mais cette proposition de loi va encore plus loin dans l’atteinte qu’elle porte à l’action militante lorsqu’elle sanctionne d’un an d’emprisonnement « le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement scolaire ». En effet, ce dispositif qui vise particulièrement les locaux scolaires pourrait être étendu à d’autres lieux publics occupés lors de conflits sociaux.

Je comprends tout à fait la nécessité de trouver des solutions pour protéger les personnes chargées d’une mission de service public, mais il ne me semble pas que ce texte y réponde. À mon sens, il s’agit ici, pour le gouvernement, de redorer son blason devant les enseignants, qui ont largement souffert des « réformes » gouvernementales, avec la suppression de nombreux postes, notamment des postes de surveillants, ce qui a pu entraîner une augmentation des intrusions dans les établissements scolaires.

Il y a donc dans cette proposition de loi de quoi porter une grave atteinte à l’action militante, les manifestants risquant ainsi de se voir poursuivis au nom de la lutte contre les violences de groupes. Ce texte est extrêmement dangereux, j’y insiste, alors même que l’objectif annoncé est de mieux protéger les citoyens. Nous devons souligner son peu de cohérence ; rappelons-le, ce dispositif a été pensé dans l’urgence et manque donc du recul indispensable lorsque l’on traite un sujet aussi délicat. On observe ainsi une grande hétérogénéité dans les mesures qui y sont opportunément insérées. On peut d’ailleurs s’étonner de la présence de certaines dispositions qui n’ont qu’un rapport ténu avec le sujet, pour ne pas dire aucun rapport.

Il semble que vous preniez prétexte de cette proposition de loi pour y rattacher certaines mesures comme la vidéosurveillance ou encore la possibilité donnée aux agents des propriétaires et gestionnaires d’immeubles de se munir d’arme. Il y a donc un risque de multiplication des bavures et, de fait, vous affichez votre volonté de privatisation de la sécurité, alors que l’on peut voir les dangers de ce système dans les pays qui y ont recours.

La faculté donnée à ces mêmes propriétaires de transmettre les images de vidéosurveillance dans les parties communes qui sont « susceptibles » de nécessiter l’intervention des forces de l’ordre va dans le même sens et entretient un climat de tension.

Enfin, qu’ajouter de plus à ce qui a déjà été dit concernant la disposition visant à réécrire le délit d’occupations des halls d’immeubles ? La nouvelle formulation que vous proposez ne la rendra toujours pas applicable.

Cette proposition de loi, qui a été élaborée dans l’urgence, je l’ai dit, est peu cohérente et rassemble surtout de nombreuses dispositions hétérogènes qui n’ont pour réel lien que d’aggraver des sanctions prévues dans d’autres lois.

Nous comprenons très bien la visée électorale de ce texte, alors même que vous tendez à revenir fortement sur le terrain sécuritaire à la veille des élections. Cependant, il ne s’agit pas que d’une simple loi d’affichage : elle fait courir de graves risques au mouvement social. On risque donc de voir se reproduire le même schéma que pour les nombreux textes répressifs qui ont été adoptés ces dernières années et qui ont été détournés de leur esprit initial pour réprimer les acteurs de mouvements sociaux.

C’est pourquoi nous nous opposons fermement à l’adoption de ce nouveau texte. Du reste, nous avons déposé des amendements de suppression.

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