Même la « loi anti-casseurs », que nous avons pourtant combattue, monsieur le secrétaire d’État, ne prenait en compte que les actes préparatoires au délit, jamais les intentions !
Je rappelle qu’en matière pénale deux principes fondamentaux issus de la jurisprudence de la Cour de cassation sont intégrés dans le code pénal : « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait. » ; « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. »
Ces principes s’opposent ainsi à l’établissement d’une responsabilité collective, c’est-à-dire, pour reprendre les termes de M. Yves Mayaud, « une responsabilité qui pèserait sur une personne au titre d’une participation à une infraction commise par plusieurs, mais sans qu’il soit possible de savoir qui, des participants, a précisément réalisé le fait qui en constitue la matérialité ».
Ainsi, à l’article 1er de la proposition de loi, monsieur le rapporteur, vous avez remplacé l’expression « en connaissance de cause », qui manque de précision et de clarté, par l’adverbe « sciemment » ; mais c’est encore très imprécis. Cette rédaction permettra d’engager la responsabilité pénale d’une personne pour la simple connaissance de son appartenance, fût-elle temporaire, à un groupement, fût-il fugitif, circonstanciel, inconstitué, dont seuls quelques éléments ont des intentions malveillantes, et quand bien même les intentions de ladite personne ne le seraient pas.
De plus, la rédaction initiale de ce même article mentionnait que le groupement « poursuit le but ». Certes, vous avez là encore modifié la formulation, monsieur le rapporteur, mais cela ne change pas le fond. Il existe un réel risque d’engagement d’une responsabilité pénale pour autrui, ce qui est clairement inconstitutionnel.
L’établissement d’un lien avec un groupe dont certains membres sont effectivement animés d’intentions délictueuses créera, à l’égard de tous les autres, une présomption d’intention. Cet élément se révèle totalement contraire au principe de la présomption d’innocence en vertu duquel « le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive », pour reprendre les termes du Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 juin 2009.
Concernant la liberté individuelle, le texte prévoit une peine identique pour des faits de nature différente, alors que le code pénal opère une distinction entre les violences ayant entraîné des interruptions temporaires de travail plus ou moins longues, ou encore les dégradations de biens présentant, ou non, un danger pour les personnes.
En outre, l’instauration du délit de groupe conduirait à ce résultat paradoxal que, dans certaines situations, l’intention de commettre un forfait serait punie autant, voire, parfois, plus sévèrement que la commission du délit lui-même.
Vous le voyez, mes chers collègues, tout cela pose un grand nombre de problèmes et ne résout rien.
Pour finir, je voudrais dire quelques mots sur l’article 2 bis, un article dont vous avez essayé de défendre le bien-fondé tout à l'heure, monsieur le secrétaire d’État, mais avec beaucoup de mal. D’ailleurs, je dois vous éclairer sur cette disposition, car peut-être n’êtes-vous pas au courant de la déclaration qu’a faite tout à l'heure M. Brice Hortefeux devant la commission des lois. M. le ministre de l’intérieur a dit qu’il était « réservé » sur cet article, …