Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 18 novembre 2009 à 14h30
Lutte contre les violences de groupes — Adoption d'une proposition de loi

Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État :

Monsieur Mézard, vous estimez que ce texte est motivé par des considérations démagogiques ou de circonstance. Pour ma part, ma longue expérience de terrain, qui m’a amené à envisager certaines innovations en termes de lutte contre l’insécurité, fait que je ne suis pas choqué que l’on puisse chercher des réponses adaptées aux situations nouvelles auxquelles nous sommes confrontés.

Précisément, ce texte offre de nouveaux outils, pour les forces de police, mais aussi pour la défense des libertés publiques. Ainsi, l’article 4 vise l’enregistrement audiovisuel des interventions des policiers ou des gendarmes en vue de restituer le déroulement des opérations, l’objectif étant également d’assurer le plus complet respect des droits des citoyens. Cette possibilité d’enregistrement n’est donc pas liberticide : elle permettra au contraire de protéger tant les policiers que les citoyens.

Par ailleurs, si la rédaction initiale de la proposition de loi comportait peut-être en effet certains risques de doublons ou de conflits en matière d’infractions, le travail de la commission des lois du Sénat a permis d’y remédier.

Vous avez en outre affirmé, monsieur Mézard, que le Gouvernement souhaitait jouer de la circonstance aggravante de dissimulation du visage pour réglementer l’expression dans l’espace public. Cette question ne peut être liée, comme vous l’avez fait d’une façon à mon sens quelque peu malaisée dans votre argumentation, à celle du port de la burqa : les deux problématiques sont tout à fait différentes. Dans cette proposition de loi, la dissimulation du visage est non pas un délit, mais une circonstance aggravante de certaines infractions. Je ne crois pas que le port de la cagoule va devenir une provocation du seul fait de ce texte. Cette pratique constitue déjà un véritable problème, comme en témoignent les agissements violents de certaines personnes cagoulées lors des dispersions de manifestations. Je reviendrai d’ailleurs sur la dénaturation de manifestations pacifiques et démocratiques que peut engendrer ce phénomène.

Monsieur Béteille, je vous remercie d’avoir resitué les vrais enjeux de cette proposition de loi, en écartant certains procès d’intention.

Vous avez eu raison de mettre en exergue le développement du phénomène des bandes, dont la violence, souvent extrême, s’exerce certes contre les forces de l’ordre, mais aussi entre elles. En effet, il s’agit également de protéger des jeunes qui, comme l’a souligné M. Dassault, se sont fourvoyés, et peuvent tout autant être victimes qu’auteurs d’actes de violence.

Comme vous l’avez souligné par ailleurs, ces violences portent souvent atteinte à la liberté de manifester, car les manifestants sont les premières victimes des casseurs, et ce à un double titre : d’une part, en raison des atteintes à leur personne ou à leurs biens ; d’autre part, parce que le message véhiculé par leur manifestation pacifique se trouve dénaturé et brouillé. Dans ces conditions, j’affirme que réprimer de manière plus efficace ces phénomènes relativement nouveaux est une façon de protéger la liberté de manifester.

Enfin, monsieur Béteille, c’est également à juste titre que vous avez souligné que les violences commises contre les personnes dépositaires de l’autorité publique, les enseignants et, de façon générale, les personnes chargées d’une mission de service public sont intolérables. Sanctuariser les établissements scolaires, en particulier, correspond à une exigence démocratique.

Monsieur Christian Gautier, vous avez opposé ce texte à la nécessaire prévention de la délinquance. Or les deux sujets sont liés, et apporter des réponses à un type nouveau de délinquance n’est pas contradictoire avec la mise en œuvre de politiques de prévention.

Par ailleurs, vous avez critiqué le fait que l’arsenal législatif soit modernisé à la suite d’événements ayant choqué l’opinion publique. Or, dans un pays démocratique, l’apparition de nouvelles formes de délinquance qui défraient la chronique constitue un indicateur à prendre en compte, sans qu’il s’agisse pour autant de légiférer sous le coup de l’émotion. Il convient de se donner le temps de la réflexion, même si nos concitoyens sont sensibles à juste titre à ces évolutions. Il en va d’ailleurs de même dans nos fonctions d’élus locaux, qui nous imposent de faire preuve de sang-froid tout en étant réactifs.

Le Gouvernement cherche donc non pas à faire de l’affichage, mais à répondre au développement du phénomène des violences de bandes, que nous constatons tous sur nos territoires, que ce soit en région parisienne ou en province. Ces bandes, qui se forment souvent à l’occasion d’un événement particulier, ne sont pas structurées et sont souvent constituées de casseurs voulant éviter d’être identifiés. La présente proposition de loi n’a d’autre objet que de répondre très concrètement à ces mutations des formes de délinquance : lorsque les faits délictueux évoluent, la loi doit également évoluer.

Ces phénomènes de violences de bandes, qu’ils traduisent un rejet radical des représentations de la société ou la volonté de s’approprier un territoire, sont inacceptables dans une société démocratique. Ils intéressent à la fois la sécurité publique et la justice.

Vous contestez, monsieur Gautier, la constitutionnalité de l’infraction de participation à une bande, jugeant que sa création constitue un retour à la loi « anti-casseurs » et l’affirmation d’une responsabilité collective. De tels propos m’étonnent, car il ne s’agit pas d’une nouveauté, cette infraction étant très similaire à celle d’association de malfaiteurs, constituée par le simple fait de s’associer en vue de commettre un délit et que vous n’avez jamais envisagé de supprimer par le passé. Il est important de pouvoir intervenir en amont, à partir d’éléments constitués.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour contrer ces phénomènes de bandes, qui impliquent souvent des jeunes –mais pas uniquement, comme l’ont montré les événements de Poitiers –, plusieurs d’entre vous ont mis l’accent sur la nécessité de conduire des actions de prévention de la délinquance.

Ce sujet me tient très à cœur, à la fois en tant qu’élu local et en tant que secrétaire d’État à la justice. Le Gouvernement est très engagé dans cette démarche. Un rapport sur ce sujet vient d’être remis au Premier ministre dans le cadre du plan gouvernemental de prévention de la délinquance, qui comporte des déclinaisons locales, mises en œuvre sous l’égide des parquets, des représentants locaux de l’État et des collectivités territoriales : les groupes locaux de traitement de la délinquance ou les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance représentent, par exemple, des innovations tout à fait intéressantes.

Toujours en ce qui concerne la prévention, vous avez également insisté, monsieur Dassault, sur les réponses à apporter en matière d’éducation ou d’insertion par le travail, grâce à des formations adaptées, destinées notamment aux jeunes non diplômés. Nous connaissons votre engagement sur ces questions, et c’est à juste titre que vous considérez que des améliorations sur ces différents points auraient des effets positifs sur la vie au quotidien de ces jeunes dans nos cités et limiteraient le risque qu’ils sombrent dans la délinquance.

Nous pensons comme vous qu’il est inadmissible que certains délinquants s’en prennent aux forces de police, dont le rôle est de tous nous protéger. Il n’est pas sain pour notre modèle démocratique et républicain de stigmatiser systématiquement les forces de police au moindre problème, même quand elles ne sont pas impliquées, par exemple dans le cas de violences entre bandes.

Les règles générales applicables en matière de complicité, par ailleurs, permettent déjà de sanctionner ceux qui entravent l’action des policiers. Le présent texte pourra également être utilisé pour sanctionner des groupes qui se constituent dans le dessein de s’attaquer aux forces de police.

Madame Boumediene-Thiery, cette proposition de loi ne vise absolument pas à interdire les groupes pacifiques ou bénévoles. La liberté de manifester n’est pas en cause ; au contraire, ce texte contribuera à mieux la protéger, comme je l’ai dit tout à l’heure. Il ne faut pas attribuer à ses partisans des intentions qu’ils n’ont pas.

Il ne s’agit pas d’un texte de circonstance : il vient compléter et adapter notre dispositif législatif. Nous avons déjà apporté certaines réponses réglementaires, mais il paraît utile de passer également par la loi.

Cette proposition de loi, qui avait déjà fait l’objet d’un très bon travail à l’Assemblée nationale, a également bénéficié d’une réflexion de grande qualité de la commission des lois du Sénat, ainsi que nous pourrons le constater lors de la discussion des articles.

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