Comme en première lecture, la commission des lois a estimé tout d’abord qu’il fallait tenir compte des décisions du Conseil constitutionnel, selon lesquelles les peines planchers ne peuvent s’appliquer que dans des cas ayant un caractère de gravité exceptionnelle, la récidive légale nouvelle étant elle-même une circonstance d’une particulière gravité. Je vous rappelle d'ailleurs, chers collègues, que la loi de 2007 a été validée par le Conseil constitutionnel.
À mon avis, le texte voté par le Sénat répond parfaitement aux critères posés par le Conseil constitutionnel, ce qui ne serait pas le cas, monsieur le ministre – nous avons une petite divergence sur ce point –, si nous abaissions trop les exigences en matière de gravité de la peine.
Chers collègues de l’opposition, je vous rappelle tout de même que, parmi les faits visés ici – les violences volontaires aggravées et les délits commis avec la circonstance aggravante de violences – figurent notamment les violences intraconjugales.
Or je ne suis pas certain que, dans ce domaine, les peines soient toujours à la mesure de la gravité des atteintes. On nous dit qu’il faut agir contre les violences intraconjugales, mais celles-ci font précisément partie des cas les plus graves, qui sont visés ici et qui sont punissables de dix ans d’emprisonnement.
Toutefois, monsieur le ministre, il y a ici une autre difficulté. Si nous avons complété le projet de loi en précisant que les juges pourront toujours prononcer une peine d’emprisonnement inférieure à deux ans, c’est parce que se pose le problème de l’aménagement de peines – je le mentionne, car il faut être objectif.
Or, d’après les dernières statistiques du ministère de la justice dont nous disposons, il y a, dans les prisons françaises, 60 000 personnes, prévenus et détenus, et quelque 8 000 personnes sous écrou bénéficient d’un aménagement de peine, ce chiffre étant en augmentation. Je pense d'ailleurs que ce dispositif est globalement une réussite, notamment pour les courtes peines.
En matière d’aménagement de peines, nous avons fixé des règles dans la loi pénitentiaire et nous y sommes attachés. Le dispositif commence à peine à s’appliquer : quand une disposition a été adoptée, il faut l’évaluer avant de la modifier ! Peut-être serons-nous amenés à faire évoluer ce régime, mais, jusqu’à présent, il a tout de même permis à la fois de diminuer le nombre des incarcérations et de mieux aménager les peines.
Du reste, monsieur le ministre, les dispositifs mis en œuvre sont multiples. L’aménagement de peines peut aussi passer par la semi-liberté, et les mesures décidées sont parfois contraignantes. Il ne s'agit pas uniquement du bracelet électronique !
Nous avons donc essayé de trouver un équilibre, encore que, nous le reconnaissons, les peines planchers, qui visent à donner au juge une indication, ne devraient même pas exister : si les auteurs de violences ayant entraîné quinze jours d’ITT et ayant été commises avec des circonstances aggravantes sont passibles de dix ans d’emprisonnement mais se trouvent condamnés à des durées de prison très faibles, c’est vraiment qu’il y a un problème d’échelle des peines !
Nous augmentons sans cesse le quantum, mais, si les peines ne sont pas prononcées, cela n’a plus aucun sens !
Monsieur le ministre, nous aurons l’occasion d’en discuter, mais je crois qu’il s'agit ici d’une question de proportion. Nous reconnaissons que les peines planchers peuvent être une indication forte, mais le juge est toujours libre de ne pas les prononcer, bien sûr, sinon cette disposition serait à l’évidence censurée par le Conseil constitutionnel.
Je tenais à faire ces quelques observations pour recadrer un peu notre débat.
Monsieur le ministre, le Sénat, dans sa sagesse, s’efforce habituellement de faire en sorte que la répression soit efficace. Toutefois, nous considérons qu’il faut pour cela s’appuyer aussi sur l’institution judiciaire. Toute la chaîne, depuis la police jusqu’aux juridictions, doit être efficace et homogène. En effet, s’il est nécessaire de permettre la répression, celle-ci n’est pas tout : il faut aussi envisager ce qui se passera après.