Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 18 novembre 2009 à 14h30
Lutte contre les violences de groupes — Article 1er

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur :

La rédaction initiale de la proposition de loi prévoyait la création, dans le code pénal, d’un article 222-14-2 ainsi rédigé :

« Le fait de participer, en connaissance de cause, à un groupement, même formé de façon temporaire, qui poursuit le but, caractérisé par un ou plusieurs faits matériels, de commettre des violences volontaires contre les personnes ou des destructions ou dégradations de biens, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende. »

Ce texte visait à réprimer non pas les faits, mais l’intention de participer à des violences portant atteinte aux personnes ou aux biens. Il posait d’emblée la question de l’intention délictueuse, qui est complexe à établir, car cela suppose, d’une part, la preuve que le groupement s’apprête à commettre des faits répréhensibles, et, d’autre part, la connaissance par chacun des membres du groupe des infractions préparées.

Je vous donne acte, monsieur le rapporteur, que la rédaction que vous proposez est meilleure, ou en tout cas moins mauvaise ! Elle se rapproche de la rédaction de l’article 450-1 du code pénal, qui définit l’association de malfaiteurs.

Toutefois, cet article nous paraît tout à fait inutile et susceptible de poser de lourds problèmes.

Il est inutile, car l’arsenal législatif actuel est, à l’évidence, suffisant. En effet, les textes en vigueur prévoient déjà que les violences ou dégradations sont punies plus sévèrement lorsqu’elles sont commises en réunion. La jurisprudence a étendu la notion de réunion à toute personne ayant pris part au groupe pour faire masse. Pourquoi, alors, ajouter une nouvelle disposition, puisque l’objectif est atteint ?

Par ailleurs, les circonstances aggravantes s’appliquent à tous les complices et coauteurs. Pour les actes de violences, la préméditation et le guet-apens sont des circonstances aggravantes. La loi du 5 mars 2007 a, en outre, créé le délit d’embuscade, qui consiste dans le fait d’attendre en un lieu déterminé et durant un certain temps des représentants des forces de l’ordre dans le dessein « caractérisé par un ou plusieurs faits matériels » de commettre à leur encontre des violences avec usage ou menace d’une arme.

De manière subsidiaire, j’ajoute que la rédaction de l’article 1er ne conserve pas l’architecture du code pénal, dont le livre II est consacré aux personnes et le livre III aux biens. Or le nouvel article 222-14-2 qu’il tend à créer, pour l’intégrer au livre II du code pénal, réprime la participation à un groupement en vue de la commission d’atteintes non seulement aux personnes, mais également aux biens. Ce n’est pas très cohérent !

En conclusion, je souhaite insister sur le fait que le dispositif de l’article 1er s’appliquerait à un groupement « même formé de façon temporaire ». Quelle temporalité prendre en compte, monsieur le secrétaire d'État ? Si, pendant quelques minutes, des personnes demeurent les unes à côté des autres, …

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