Ensuite, madame la ministre, les policiers sont les grands perdants de votre politique. Leurs syndicats nous ont saisis pour exprimer leur mécontentement face aux difficultés qu’ils rencontrent et déplorer la dégradation grandissante de leurs conditions de travail. Je les cite : « Jugez plutôt : 10 000 policiers sont blessés en service chaque année, soit 10 % de l’effectif total au sol. Aucune profession ne peut afficher de tels chiffres, démonstratifs de la violence au quotidien subie par les forces de l’ordre lors de l’exercice de leur mission. »
À cet égard, je me joins aux propos qui ont été tenus tout à l’heure par Jean-Patrick Courtois, pour remercier l'ensemble des agents et les féliciter de leur travail.
Sachez, madame la ministre, que la suppression d’une partie de leurs RTT, sur la base d’un accord avec un seul syndicat, dont la représentativité est contestée, est très mal perçue sur le terrain. Le Gouvernement se doit donc de rouvrir les négociations avec l'ensemble des organisations syndicales.
Bien sûr, toutes ces décisions se traduiront forcément par une baisse de l’efficacité opérationnelle et se répercuteront sur la sécurité des policiers. Et que dire de la fermeture annoncée des écoles de formation ?
Quant au retour de la police de proximité, nous vous le demandons depuis 2003. Vous remettez celle-ci en place sous le nom d’unités territoriales de quartier, certes, mais de manière bien trop limitée. Il n’en existe aujourd’hui que huit, réparties dans trois départements, ce qui est largement insuffisant !
Enfin, la baisse annoncée des effectifs annule, pour une bonne part, les prétendues créations de postes annoncées dans le cadre de la LOPSI 1 de 2002. Les syndicats de policiers contestent d’ailleurs vos chiffres et, démonstration à l’appui, ils affirment que la réduction des effectifs est bien plus importante que celle que vous annoncez.
La politique mise en place entre 2002 et 2004 affichait l’ambition de porter de 105 000 à 108 000 le nombre de policiers en 2012. À l’époque, souvenez-vous, nous nous étions montrés sceptiques. Aujourd’hui, vous revenez totalement sur cet objectif, puisque, selon le calcul effectué par les syndicats, les effectifs passeront en fait, à cette date, de 105 000 à 100 300.
Les policiers ne tolèrent plus de telles réductions d’effectifs. Ils ont d’ailleurs manifesté partout en France à ce sujet, conscients que ces mesures auront des conséquences sur la sécurité et, donc, sur le service rendu au citoyen.
Quelle solution leur apportez-vous ? Qu’ils travaillent plus pour en pâtir plus !
Plus grave encore, madame la ministre, les budgets sont réduits.
Vous annoncez une augmentation de 2, 2 % du budget de la mission « Sécurité », mais, pour la première fois depuis longtemps, les autorisations d’engagement resteront quasiment stables.
Si nous prenons en compte l’« arrivée » de la gendarmerie sous votre responsabilité, la baisse des effectifs de la police, les menaces terroristes sérieuses que vous nous citiez en commission, au bout du compte, nous avons toutes les raisons d’être très inquiets !
La vérité, c’est que la sécurité n’est plus du tout une priorité pour le Gouvernement. En matière de prévention, rien, non plus, n’a été entrepris. Le document de politique transversale Prévention de la délinquance ne permet pas de retracer une réelle volonté politique. Tout se reporte sur les collectivités locales.
En réalité, madame la ministre, vous êtes obligée de faire mieux avec moins, et l’on comprend que ce soit difficile ! Vous annoncez une baisse de 13 % de la délinquance générale, en vous fondant sur les données de l’état 4001, c’est-à-dire celles qui sont issues des enregistrements des services de police et de gendarmerie.
Les enquêtes de victimation établies par l’INSEE donnent des résultats plus complets et relativisent les données classiques. C’est ainsi que l’on apprend que, selon les estimations, le nombre d’atteintes subies en 2007 était de 4, 615 millions quand le nombre d’atteintes suivies d’une plainte n’était plus que de 1, 644 million. Autrement dit, les deux tiers des victimes ne déposent pas plainte auprès de vos services !
On y apprend aussi qu’un peu plus de 800 000 personnes âgées de 14 ans et plus ont déclaré avoir subi au moins un acte de violence physique en 2007, contre 736 000 en 2006, soit une augmentation de 9 %. Nous sommes loin des chiffres annoncés !
Mais foin de l’éternelle polémique sur les chiffres, et admettons – beau paradoxe ! – que la délinquance baisse en même temps que les moyens !
La réalité, je le répète, c’est que les communes se débrouillent toutes seules. Elles pallient le désengagement constant de l’État en matière de sécurité et de prévention. C’est tout à fait flagrant au regard du nombre croissant des communes qui se sont dotées d’une police municipale : on en comptabilise 4 040 aujourd'hui, contre 3 300 en 2005, soit 740 communes de plus en l’espace de trois ans ! Les collectivités ont recruté plus de 10 000 policiers municipaux. De votre côté, vous nous annoncez, pour 2009, une baisse de 7 000 policiers et gendarmes.
En termes de prévention, le Fonds interministériel pour la prévention de la délinquance, le FIPD, n’est plus affecté qu’aux opérations visant à mettre en place la vidéosurveillance. Les autres actions sont toutes abandonnées, on fait fi du travail en profondeur sur le terrain.
Or, si l’efficacité de la vidéosurveillance est prouvée pour les investigations des délits filmés, elle est beaucoup moins évidente pour ce qui est de la prévention de la délinquance, laquelle est au cœur de l’action municipale. La preuve est faite que, dans ce domaine également, vous utilisez les collectivités pour pallier vos insuffisances en matière de moyens.
À la lumière de toutes ces données, nous pouvons surtout féliciter les communes de leurs actions concernant la sécurité et la prévention de la délinquance.
En définitive, j’y insiste, les économies du ministère de l’intérieur se font au détriment des territoires.
Le groupe socialiste est donc inquiet pour l’avenir. Il ne votera pas votre projet de budget.