Intervention de Jean-Pierre Vial

Réunion du 2 avril 2009 à 10h45
Parcs de l'équipement — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre VialJean-Pierre Vial, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi portant sur le transfert aux départements des parcs de l’équipement, soumis en premier lieu au Sénat, vient parachever le transfert de services prévu aux actes I et II de la décentralisation.

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales a assuré le transfert de 18 000 nouveaux kilomètres de routes nationales dans la voirie départementale et de quelque 30 000 agents des directions départementales de l’équipement.

Concernant les parcs de l’équipement qui, avec leurs personnels, constituent des moyens opérationnels exploités en commun par l’État et les départements, la loi du 13 août 2004 a décidé de reporter la décision sur leur avenir, en engageant une large réflexion pour y parvenir. Il est vrai que ces parcs constituent une vraie originalité et, en même temps, malgré la spécificité des métiers, un service peu connu, vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État. Créés historiquement par l’État et les départements pour l’entretien de leur réseau routier respectif, ces services distincts se sont vu imposer leur fusion par la loi du 15 octobre 1940. Leur régime juridique, financier et comptable dépend aujourd’hui de la loi du 2 décembre 1992, avec cette originalité du compte de commerce qui assure le suivi financier des prestations assurées pour le compte de l’État, des départements, mais aussi, et souvent, des communes.

Si le transfert des parcs s’inscrit dans la logique de la décentralisation, il s’inscrit aussi dans la logique des faits. En effet, l’activité des parcs s’est inversée au profit des départements qui se sont vu attribuer 55 000 kilomètres de voirie nationale en 1972 et 18 000 kilomètres en 2004, l’État ne conservant plus, si j’ose dire, que 12 000 kilomètres de voirie, consistant en routes dites d’intérêt national et en autoroutes non concédées.

Il s’inscrit aussi dans la mise en œuvre des directives européennes au regard des prestations fournies pouvant relever du domaine concurrentiel.

Ce transfert repose donc sur trois enjeux essentiels : la situation des personnels, le devenir des biens, le calendrier et les conditions de mise en œuvre.

Concernant la situation des personnels, les parcs sont constitués de trois catégories de personnels : les fonctionnaires et agents non titulaires non ouvriers au nombre d’environ 850 ; les ouvriers des parcs et ateliers, OPA, dont l’effectif était de près de 7 600 en 2008, dont 5 500 comptabilisés au compte de commerce des parcs.

Les OPA, agents de droit public non fonctionnaires et ne relevant pas non plus des dispositions des contractuels de l’État ont acquis progressivement un régime spécifique et les personnels ont veillé à ce que le transfert ne soit pas l’occasion d’une remise en cause des avantages acquis.

C’est donc dans ce contexte qu’a été engagé un travail important qui a abouti à la mission confiée au conseiller d’État Jean Courtial, dont les conclusions sont à l’origine du projet de loi qui visait à créer un « quasi-statut commun » à l’État et aux collectivités locales.

La question de fond est une vraie question, car la forte progression des effectifs et la montée en puissance des compétences transférées aux collectivités locales, plus particulièrement aux départements en l’espèce, ont conduit à une forte évolution des métiers de la fonction publique territoriale en la rendant de plus en plus attractive.

L’intérêt que représente l’effet passerelle pour les fonctionnaires entre la fonction publique d’État et la fonction publique territoriale est un enjeu majeur qu’il nous faut veiller à préserver ; c’est l’intérêt de la richesse des ressources humaines de la fonction publique et de son devenir.

Malheureusement, la spécificité du régime des OPA n’a pas permis d’aboutir à un consensus sur ce « quasi-statut commun », malgré une longue et minutieuse réflexion qui a impliqué l’ensemble des acteurs - État, départements et personnels -, que je tiens tout particulièrement à saluer.

Cette difficulté a conduit la commission des lois à privilégier une solution qui permette de sécuriser les modalités du transfert des parcs de l’équipement, de garantir les droits des personnels et de leur offrir une carrière attractive et, enfin, de prendre en compte la diversité des départements.

Nous proposons de revenir au système du droit commun de la décentralisation : la mise à disposition de plein droit et sans limitation de durée, à titre individuel, de la collectivité bénéficiaire, assortie d’une option pour le statut de fonctionnaire territorial, dans le délai de deux ans à compter du transfert du parc.

L’agent qui n’aurait pas exercé son droit d’option, ou qui aurait opté pour le maintien de sa qualité d’OPA, pourrait demander à tout moment à intégrer la fonction publique territoriale. Dans ce cas, cependant, la collectivité serait libre d’accepter ou non l’intégration.

Le dispositif retenu par la commission assure aux OPA la sécurité d’emploi que le contrat à durée indéterminée ne leur garantit pas juridiquement et le bénéfice d’un véritable statut. Il préserve aussi la liberté de choix des agents transférés puisque ceux d’entre eux qui souhaiteront conserver leur qualité d’OPA le pourront.

La mise à disposition donnera lieu à remboursement puisque le transfert des OPA n’est pas compensé financièrement, leurs rémunérations étant prises en charge par les départements à travers les prestations commandées au parc. Le remboursement de la mise à disposition des OPA transférés prendra la forme de deux échéances semestrielles, en mars et en juillet, assorties d’un ajustement annuel.

Concernant l’intégration dans un cadre d’emploi de la fonction publique territoriale, trois dispositions importantes sont proposées pour faciliter et garantir cette possibilité : la classification, le régime indemnitaire et la retraite.

La grille d’homologie, qui avait donné lieu à une longue discussion lors de l’examen du précédent projet, s’appuiera sur les qualifications des agents attestées par un titre ou un diplôme ou par l’expérience professionnelle ; c’est la notion de valorisation des acquis. La correspondance dans les grades et échelons du cadre d’emplois d’intégration prendra en compte le niveau salarial acquis pour ancienneté de services dans l’emploi occupé par l’agent à la date d’effet de l’intégration.

Le texte de la commission garantit aux OPA une rémunération au moins égale à leur rémunération antérieure – reprenant en cela des dispositions déjà utilisées par le passé - avec, le cas échéant, une indemnité compensatrice résorbée au fur et à mesure des augmentations des rémunérations acquises dans le cadre d’emploi d’intégration.

Enfin, de manière exceptionnelle, il prévoit la conservation des droits acquis pour la période antérieure à l’intégration, au titre des pensions du régime des ouvriers des investissements industriels de l’État, quelle que soit la durée de cotisation.

Il est proposé que ce dispositif d’intégration dans la fonction publique territoriale prévue pour les OPA des parcs soit étendu à leurs collègues mis à disposition des ports et aérodromes transférés aux collectivités locales en application de la loi du 13 août 2004.

Certains départements souhaitent maintenir la prestation de services aux communes. D’autres envisagent de rapprocher le parc de l’équipement de celui du service départemental d’incendie et de secours, le SDIS, pour regrouper les moyens. C’est pourquoi la commission a prévu la double mise à disposition des personnels transférés des parcs de l’équipement, fonctionnaires et OPA, en cas de constitution d’un syndicat mixte ou structures ad hoc, entre le département et le service départemental d’incendie et de secours.

L’ensemble de ces dispositions devrait permettre de répondre au mieux aux préoccupations légitimes des personnels et de leurs futures collectivités d’accueil, les départements.

II reviendra au décret d’application de répondre aux garanties attendues - vous l’avez d'ailleurs souligné, monsieur le secrétaire d'État -, celles qui ont pu être données notamment en matière d’évolution de rémunération par le ministère du budget.

Je ne vous surprendrai pas, monsieur le secrétaire d'État, en exprimant un seul regret, celui de n’avoir pas pu vous convaincre de l’intérêt social, politique et économique qu’aurait apporté la compensation financière, limitée dans le temps, des effectifs qui auraient pu être transférés en surnombre.

La règle posée est donc particulièrement claire : les effectifs transférés devront correspondre aux effectifs de l’activité assurée pour les besoins des départements au moment de ce transfert.

Les départements conservent la possibilité de se voir attribuer des effectifs plus importants.

La seule question concernera donc les effectifs revenant à l’État et pour lesquels l’organisation des directions interdépartementales des routes, les DIR, pourra poser quelques difficultés ici ou là.

Nous voyons bien que l’organisation des DIR ne se présentera pas dans tous les territoires de la même façon. C’est par exemple le cas entre la DIR Ouest pour la Bretagne, dont le réseau routier, qui est le fruit de l’histoire, est important, cohérent et structuré, et la DIR Centre-Est, qui s’étire sur presque 500 kilomètres, du département de l’Aube au nord à Montélimar au sud.

Il est donc important qu’à l’occasion de ce transfert des parcs, qui constitue la dernière étape de la décentralisation, tout soit fait pour que, dans les discussions qui vont s’engager entre l’État et les départements, les conventions permettent d’aboutir à la meilleure prise en compte de cet enjeu social pour les personnels.

Pour ce qui concerne le devenir des biens, le transfert des parcs ne devrait pas être source de difficultés particulières et les dispositions proposées sont tout à fait modestes, mais tendent à répondre à un certain nombre de situations particulières qui pourront se poser et permettre ainsi un transfert dans les meilleures conditions qui soient.

Pour permettre aux départements d’apprécier l’état des biens immobiliers transférés avant d’arrêter sa décision, la commission propose de porter de un à deux ans le délai prévu pour introduire une demande de transfert de ces biens en pleine propriété.

Conformément à ce qui est prévu pour les immeubles, il est proposé d’exonérer les transferts de propriété de biens meubles du versement de tout droit, taxe ou honoraire.

La commission s’est souciée tout particulièrement de l’état des sols qui ont pu être pollués par les activités qui y ont été exercées. Il s’agit tout simplement d’appliquer, en l’espèce, les règles imposées aux exploitants, et j’ai bien noté la doctrine de l’État dans ce domaine. Il est donc prévu que le coût de remise en état des terrains serait pris en charge prioritairement avant liquidation sur la contribution du parc à la trésorerie du compte de commerce.

Les réseaux de communications radioélectriques gérés par les parcs de l’équipement sont essentiels pour l’exploitation, mais ils présentent également un intérêt important pour la gestion des crises et des catastrophes naturelles.

Or il apparaît que l’infrastructure nationale partagée des transmissions, l’INPT, du ministère de l’intérieur, qui permettra aux SDIS de bénéficier de la couverture ANTARES - adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours - sur tout le territoire national à la fin de 2010, pourrait être mis à la disposition des départements pour les routes.

Il a donc été décidé d’offrir aux départements la liberté de rechercher les solutions adaptées à leurs besoins tout en assurant la continuité du bon fonctionnement du réseau radio pour I’État comme pour les collectivités.

S’agissant du calendrier et des conditions de mise en œuvre, le projet de loi repose sur trois principes directeurs : le transfert des parcs pour tous les départements au 1er janvier 2010 ou, au plus tard, au 1er janvier 2011 ; les modalités de transfert définies localement dans un cadre conventionnel à partir d’un dispositif commun édicté par la loi ; enfin, un transfert unilatéral en cas d’échec de la procédure contractuelle ou, à défaut de signature de la convention au 1er janvier 2010, par arrêté ministériel.

Le respect de ce calendrier est important tant pour rassurer les personnels que pour une bonne mise en œuvre de ce transfert pour les départements.

Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'État, de tout faire pour que l’examen de ce texte et sa mise en œuvre puissent intervenir dans les meilleurs délais.

Afin qu’un suivi soit assuré dans des conditions satisfaisantes, ainsi que le prévoit la loi de 2004, la commission a retenu le principe de la mise en place d’une commission nationale de conciliation chargée d’examiner les litiges que pourrait soulever la détermination du format du transfert.

Enfin, pour se donner les moyens d’évaluer la mise en œuvre de ce transfert et d’adapter, le cas échéant, les mesures qui pourraient apparaître nécessaires la commission a jugé utile de prévoir une clause de revoyure pour permettre l’établissement d’un état des lieux ; ce bilan interviendrait dans les cinq ans du transfert et permettrait de procéder aux ajustements éventuellement nécessaires.

Compte tenu de l’ensemble de ces dispositions et observations, la commission propose d’adopter le projet de loi relatif au transfert aux départements des parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers.

Ce texte est l’aboutissement d’une longue concertation, dont je tiens à saluer une nouvelle fois les acteurs, notamment les syndicats et l’Assemblée des départements de France, qui y ont contribué durant de très nombreux mois. Il est aussi le résultat d’un travail particulièrement minutieux mené par vous-même, monsieur le secrétaire d'État, et par vos collaborateurs, ainsi que par les services du Sénat, que je tiens à remercier tout spécialement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion