Avec le RMI aujourd'hui, et la prestation de compensation du handicap, la PCH, demain, la collectivité départementale a un visage double, messieurs les ministres délégués, et vous le savez bien.
Les départements sont devenus avant tout, pour plus de la moitié de leur budget, des « attributeurs » de prestations. Ensuite, pour la part qui leur reste, ils sont des collectivités décentralisées, autonomes et libres de définir leurs politiques territoriales.
Je me réjouis que, sur un tel débat, deux ministres soient présents aujourd'hui. Je souhaiterais qu'il y en ait désormais plutôt trois ou quatre.
J'évoquerai maintenant les dotations de l'État. Après bien des atteintes lourdes portées à l'autonomie des collectivités locales, nous avons appris ici la suppression de la vignette, la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, et l'encadrement des droits de mutation. On peut parler d'atteintes réciproques à l'autonomie.
Je me réjouis du renouvellement du contrat de croissance et de solidarité. M. le ministre délégué au budget nous le rappellerait si je ne le faisais pas, les droits de mutation vont bien, puisqu'ils représentent 4, 6 milliards d'euros. Ils ont augmenté de 16, 8 % entre 2004 et 2005. Cette ressource n'aura peut-être qu'un temps, car elle dépend de la progression immobilière.
Les impôts directs, notre variable d'ajustement avec les droits de mutation encadrés, ont progressé de façon importante puisqu'ils ont augmenté en moyenne de 4, 3 %. Pour 2006, les prévisions se situent plutôt entre 5 % et 10 %.
Si le bouclier fiscal est une démarche vertueuse à laquelle je souscris, comment peut-il s'appliquer à des dépenses que l'État nous impose ? Comment peut-il porter sur des dépenses de solidarité nationale décidées pour le RMI, l'APA, et la prestation de compensation du handicap engagées, par exemple, par le conseil général de l'Indre-et-Loire, dont on a parlé, par celui de la Côte-d'Or ou par celui de la Guyane ?
Parmi les impôts indirects, nous nous réjouissons de la mise en place, sous l'impulsion de M. Alain Lambert, de la branche « automobile » de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances. Elle permettra de régler 126 millions d'euros au titre de la compensation du transfert de compétences et d'accompagner le financement des SDIS, car il ne s'agit bien que d'un accompagnement dans la mesure où les dépenses à ce titre augmentent de façon beaucoup plus importante.
Pour la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, nous avions pensé faire un très bon calcul. Or, après le cinquième, le sixième et le septième chocs pétroliers, nous constatons que la stagnation de la consommation du carburant rend cette dépense moins dynamique.
Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a accepté de prendre en charge les dépassements de dépenses des départements en RMI. Ainsi, 457 millions d'euros ont été affectés aux départements en vertu de la règle constitutionnelle, et morale, selon laquelle le RMI doit être compensé la première année. Vous réfléchissez, je le sais, à un accompagnement des bonnes pratiques. Nous serons très attentifs aux propositions du Gouvernement.
Je relèverai deux motifs de satisfaction.
S'agissant du fonds de compensation pour la TVA, je me réjouis que le projet de loi élargisse le champ des investissements éligibles à ce mécanisme. Je salue à cet égard l'indépendance d'esprit de mon collègue Frécon, qui a souligné ce point. Ainsi, la TVA qui sera versée à l'occasion d'investissements réalisés dans les communes, les crèches, les maisons de retraite, et les haltes-garderies, sera remboursée aux collectivités territoriales. Nous nous félicitons de cette initiative dynamique.
En ce qui concerne la dotation globale d'équipement, qui ne relève pas de la même dynamique, je crois comprendre que le Gouvernement, au cours de la discussion, formulera des propositions, en particulier pour les départements, qui seraient les premières victimes.
Ma conclusion sera très simple.
Les départements et les communes ont une tâche incontournable. Leur rôle est d'autant plus important que l'identité rurale est en crise et que les banlieues et le tissu périurbain connaissent un véritable malaise. Ce rôle est double. Il s'agit d'abord d'assurer la cohésion territoriale, c'est-à-dire la péréquation de fait entre les villes et les campagnes, entre le périurbain et le périrural, entre les municipalités éloignées du centre et celles qui en sont proches, entre les vieilles communes et celles qui sont plus récentes, entre les villes riches et les communes plus pauvres.
Mais il s'agit ensuite, pour les 102 départements de France métropolitaine et d'outre-mer, d'assurer aussi la cohésion sociale. Affaiblir ce maillon essentiel, ce serait, à mon avis, porter un coup rude à cette République décentralisée dont nous avons souhaité ici l'émergence.
Messieurs les ministres délégués, nous nous réjouissons de la tenue de ce débat fiscal, qui est légitime et rendu d'autant plus nécessaire depuis la réforme de la Constitution. Cependant, nos propos ne concernent qu'une partie minime - en tout cas non majoritaire - du budget que les présidents de conseils généraux vont devoir soumettre à leur assemblée ; pour moi c'est le 14 décembre prochain. Et j'en appelle ici au Gouvernement tout entier, pas seulement à ceux qui le représentent aujourd'hui.
En effet, ce n'est pas moi qui décide du nombre d'enfants que les juges ou l'aide sociale à l'enfance me confient : aujourd'hui, ils m'en ont confié 200 de plus, soit 3 020 au total.
Je ne décide pas plus du nombre des allocataires de la prestation d'autonomie. C'est la loi qui le fixe. Aujourd'hui, 8 000 personnes en sont bénéficiaires, et ce chiffre est en forte augmentation. Comment voulez-vous que les vieux rajeunissent et soient moins dépendants ? C'est improbable !
De la même manière, je ne décide pas du nombre des RMIstes. J'ai voté, en tant que député, la loi sur le RMI en 1988. C'est une allocation de droit, je dois la verser. Cela étant, nous savons gérer nos finances départementales, rassurez-vous, et nous récupérons les sommes indûment versées !