Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 18 novembre 2009 à 22h00
Lutte contre les violences de groupes — Article 4

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Comme l’a rappelé M. Sueur, nous sommes nombreux dans cet hémicycle à avoir été saisis par des personnes victimes de violences policières. Je puis vous affirmer, monsieur Hyest, qu’il ne s’agit pas de fantasmes.

Je pourrais citer plusieurs exemples, pris en région parisienne, à Montreuil, au Blanc-Mesnil ou à Argenteuil, mais aussi en Franche-Comté, à Cannes et ailleurs. Des violences policières ont souvent, malheureusement, été à l’origine de situations dramatiques et nombres d’entre elles ont donné lieu à une saisine de la CNDS.

Sans entrer dans un débat de fond, je tiens néanmoins à attirer votre attention sur le phénomène, inquiétant, du classement sans suite des plaintes visant à mettre en cause de tels comportements.

La CNDS, qui travaille très souvent avec nous, a précisément été mise en place pour permettre une meilleure poursuite des manquements aux règles de déontologie de la sécurité. Elle apporte la garantie d’un certain contrôle, nécessaire dans toute République et dans toute démocratie.

Le dispositif qui nous est proposé aujourd’hui pourrait se révéler utile, voire important dans le cadre de ces procédures.

Toutefois, une analyse plus précise de la rédaction de l’article 4 montre que, en réalité, la production des enregistrements dans le cadre d’une plainte pour violence policière sera souvent impossible. Je connais des cas où, en effet, il n’a pas été possible de produire d’enregistrement.

Le versement de cet enregistrement au dossier est de droit lorsqu’il est demandé par la personne à qui il est reproché une infraction. Lorsque c’est un agent qui est soupçonné d’un manquement aux règles de déontologie, il suffit qu’il refuse le versement de l’enregistrement au dossier pour que la victime perde ainsi une chance d’établir la réalité des agissements allégués.

Une des graves lacunes de ce texte tient au caractère unilatéral du dispositif. L’égalité des armes commande qu’une pièce puisse être produite par l’une ou l’autre des parties, sans favoriser l’une par rapport à l’autre, qu’elle soit ou non dépositaire de l’autorité publique.

Si nous sommes soucieux de garantir la transparence dans la conduite des interventions de police, nous devons autoriser l’enregistrement et permettre qu’il soit produit dans le cadre d’une procédure, y compris quand elle est diligentée contre un agent des services de police. C’est à ce prix que la disposition remplira son office.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons que le versement de l’enregistrement soit également de droit lorsque l’intervention qui a donné lieu à l’enregistrement est suivie d’une plainte pour violence policière et que la victime estime, même contre l’avis de l’agent, que l’enregistrement est susceptible d’étayer ses dires.

En refusant cette possibilité, vous ôtez tout intérêt à l’article 4. Pis, vous immunisez certaines pratiques, au risque d’en permettre l’impunité, rare, heureusement, dans le champ de la protection pénale, mais réelle.

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