Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat est saisie du projet de loi organique relatif à la prorogation du mandat des membres du Conseil économique et social, devenu Conseil économique, social et environnemental aux termes de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008.
L’enjeu réside bien dans la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui a largement modifié les attributions, le fonctionnement et la composition du Conseil économique et social.
Il s’agit là d’une nouvelle étape dans la vie du Conseil économique et social, institution originale, qui l’a conduit à être qualifié de troisième chambre en même temps que d’autres pouvaient s’interroger sur son rôle.
Créé en 1925 sous le nom de Conseil national économique, ce n’est en réalité qu’en 1946 et 1958 que le Conseil économique et social se voit confirmé comme une institution à part entière, reconnu par la Constitution de 1946 et confirmé par la Constitution de 1958, avec un titre spécifique.
La présente réforme constitutionnelle ne se réduit pas à un simple aspect de forme. Elle se rattache à cette volonté politique qui veut faire du Conseil économique et social un acteur à part entière du débat démocratique aux côtés du Parlement.
Pourquoi ne pas souligner à quel point, dès la Libération, le général de Gaulle considérait comme nécessaire l’expression de la société civile à travers sa composante économique et sociale, dont l’idée d’un projet « Grand Sénat » en 1958 et du projet référendaire de 1969 était une traduction forte, quand bien même elle fut rejetée par trois fois.
Cette nécessité de trouver les moyens d’associer les acteurs de la société civile au cœur du débat politique a gardé toute son actualité.
Si certains grands pays voisins, comme l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, sont dépourvus d’une telle institution, encore convient-il de souligner que l’acceptation des règles sociales dans ces pays résulte d’un processus d’élaboration tout particulièrement ancré dans leur culture politique et sociale.
À l’inverse, un nombre beaucoup plus important de pays ont suivi l’exemple français en se dotant d’une telle institution associant les acteurs de la société civile à l’élaboration des choix politiques.
L’enjeu repose donc bien sur les missions, le fonctionnement et la représentation de l’institution dont aujourd’hui presque les trois quarts de son activité relève de sa propre autosaisine.
La réforme constitutionnelle veut répondre à ce triple défi.
C’est d’abord l’élargissement du champ de compétences du Conseil économique et social aux questions environnementales. À cet égard, si la saisine du Conseil dans les domaines de l’environnement reste facultative, tout projet de programmation à caractère environnemental devra lui être soumis pour avis, au même titre que ceux qui ont un caractère économique et social.
C’est ensuite le double élargissement de la saisine du Conseil : saisine au bénéfice du Parlement, conformément à la nouvelle rédaction de l’article 70 de la Constitution, adoptée sur proposition du Sénat ; saisine au bénéfice des citoyens, par voie de pétition, dont la loi organique aura à préciser les conditions.
C’est enfin la rénovation de l’institution par une nouvelle composition qui devra intégrer la limitation des membres à 233, nombre fixé par la Constitution, à l’instar du nombre des membres des deux assemblées parlementaires.
Il s’agit en réalité d’une double réforme. Au réajustement des différentes catégories de ses membres pour une meilleure représentation de la société attendue depuis longtemps s’ajoute l’intégration des nouveaux membres de la représentation environnementale.
Tous les aspects de la réforme auraient pu être mis en œuvre sans une remise en cause du calendrier électoral du renouvellement des membres.
En revanche, la révision de la composition du Conseil nécessite une rénovation en profondeur de la représentation et constitue un élément majeur de la réforme.
En ce qui concerne la prise en compte la plus large possible des différentes composantes de la société civile, la question de la représentation éventuelle des cultes a été soulevée par certains.
Je tiens à le dire, j’ai été sensible, monsieur le ministre, à la position que vous avez exprimée à l’Assemblée nationale, en soulignant que le Gouvernement n’y était pas favorable et que cette représentation ne serait donc pas proposée dans la loi organique. Je vous remercie de bien vouloir me le confirmer.
Le rapport de M. Dominique-Jean Chertier, qui a été remis au Président de la République, montre bien, à travers les trois scénarios proposés, l’enjeu fondamental que représente la réforme de la composition du Conseil. L’absence d’ajustement progressif a provoqué un véritable décalage entre l’expression de l’institution et sa représentation, qui pouvait être fortement discutée. À défaut d’être abordée avec courage et clarté, cette question de la représentativité aurait immanquablement pesé de plus en plus sur la légitimité de l’institution.
Compte tenu de l’objet très limité du texte, il n’y a pas lieu de se prononcer aujourd’hui sur la composition future du Conseil.
Néanmoins, il me semble utile de souligner dès à présent que la force du Conseil est d’être un lieu d’expertise sociale où s’élaborent des consensus entre les différents acteurs de la société civile et de la vie professionnelle. Il faudra en tenir compte pour désigner les nouveaux membres intégrés au Conseil, en particulier les acteurs de l’environnement.
La réforme portant sur la composition est donc un enjeu essentiel, dont le temps nécessaire à la concertation doit être une des conditions du succès. Encore faut-il que cette étape de concertation soit précisément encadrée dans un délai raisonnable. Le report de l’échéance à un délai de quatre mois suivant la promulgation de la loi, avec une date butoir fixée au 30 septembre 2010, constitue un délai raisonnable pour le report du renouvellement des membres du Conseil économique, social et environnemental.
Conformément à la position de la commission des lois, je vous demande, mes chers collègues, en vous en remerciant par avance, de bien vouloir voter conforme le texte adopté par l’Assemblée nationale, qui a apporté les modifications rédactionnelles nécessaires.