Notre profil en matière d'immigration est en effet déséquilibré. L'immigration pour motif familial occupe une place très importante dans les flux migratoires, alors que l'immigration pour motif de travail reste à un niveau marginal. Seulement 7 % des titres de séjour sont accordés pour des raisons professionnelles, loin derrière l'immigration familiale, qui demeure prépondérante.
Il nous faut inverser cette tendance. Il faut favoriser la venue sur notre territoire de ceux qui peuvent et qui veulent travailler. Inversement, il faut s'opposer à la venue de ceux qui n'ont aucune perspective d'intégration.
L'objectif du Président de la République est clair : à terme, l'immigration économique devra représenter 50 % du flux total des entrées à des fins d'installation durable en France. Il convient donc de se donner les moyens d'atteindre cet objectif.
Le projet de loi qui nous est soumis nous permet de franchir une nouvelle étape. Il confirme, en l'amplifiant, la réforme engagée en 2006. Il confirme le choix d'une immigration choisie. Il confirme l'affirmation d'un lien étroit entre intégration et immigration, tant il est vrai que l'immigration n'a de sens que si elle débouche sur une vraie intégration. Enfin, il confirme la nécessité d'inscrire notre politique d'immigration dans une véritable stratégie de codéveloppement.
Ce projet de loi, monsieur le ministre, a deux objectifs.
Premièrement, il vise à mieux contrôler les conditions du regroupement familial pour favoriser la réussite de l'intégration.
C'est un bon projet, car il accentue le processus d'intégration des immigrés réguliers.
Trois mesures permettront d'atteindre cet objectif.
En premier lieu, les personnes souhaitant rejoindre la France dans le cadre du regroupement familial seront désormais soumises, dans les pays de résidence, à une évaluation de leur connaissance de la langue française et des valeurs de la République. Il s'agit d'une mesure de bon sens, car comment espérer s'intégrer en France, trouver un travail et organiser une vie sociale sans parler un mot de français ?
Un débat a eu lieu en commission des lois pour savoir si les conjoints étrangers de Français résidant à l'étranger et souhaitant rejoindre leur conjoint français devaient passer ou non un test de langue et suivre dans leur pays d'origine une formation linguistique et civique.
Le mariage d'un étranger avec un Français peut parfois représenter un signe d'intégration. Mais tel n'est pas toujours le cas. Les conjoints étrangers de Français résidant à l'étranger ne sauraient bénéficier d'une présomption d'intégration.
Un amendement déposé par notre collègue Robert Del Picchia me paraît intéressant. Il prévoit explicitement que des conventions internationales pourront dispenser les conjoints de Français du test et de la formation dans le pays où ils sollicitent le visa. Cette évaluation et cette formation pourront se faire à l'arrivée en France.
Cet amendement me paraît raisonnable, car il permet de prendre en compte la situation particulière des couples binationaux qui, vivant à l'étranger, décident de rejoindre la France pour des raisons professionnelles.
En deuxième lieu, ce projet de loi vise à créer un « contrat d'accueil et d'intégration pour la famille », qui s'ajoute au contrat d'accueil et d'intégration.
Signé entre les parents d'enfants ayant bénéficié du regroupement familial et l'État, ce nouveau contrat obligera les premiers à veiller à la bonne intégration de leurs enfants arrivant en France.
La création de ce nouvel outil au service de l'intégration ne constitue pas un signe de défiance à l'égard des parents étrangers arrivant en France, pas plus qu'il ne s'agit d'entraver le droit d'un enfant à vivre une vie familiale normale avec ses parents. Il s'agit, là aussi, d'une mesure de bon sens destinée à favoriser l'intégration des enfants dont les parents s'installent sur notre sol et à accroître leurs chances de réussir leur vie en France.
En troisième lieu, l'étranger souhaitant faire venir son conjoint et ses enfants en France devra prouver qu'il dispose de revenus adaptés à la taille de sa famille.
Conformément à l'engagement pris par le Président de la République, les étrangers qui font une demande de regroupement familial doivent pouvoir disposer de revenus suffisants pour subvenir aux besoins de leur famille sans recourir aux prestations sociales.
Le projet de loi initial du Gouvernement prévoyait que les ressources exigées puissent varier, selon la taille de la famille, entre le SMIC et 1, 2 fois le montant de ce dernier.
L'Assemblée nationale a décidé de durcir les conditions de ressources en proposant que, pour une famille de plus de six personnes, il soit possible d'exiger jusqu'à 1, 33 fois le SMIC.
Le seuil retenu nous semble ignorer les dispositions constitutionnelles qui protègent le regroupement familial. C'est pourquoi la commission des lois du Sénat, sur l'initiative de notre excellent rapporteur, proposera une voie médiane. Le SMIC demeurerait la référence et le plafond serait fixé à 1, 2 SMIC pour les seules familles de six enfants ou plus.
L'équilibre trouvé me semble satisfaisant, car il concilie la position de principe du Sénat, arrêtée par deux fois en 2003 et en 2006, et celle du Gouvernement.
Cette mesure me paraît être de bon sens, car les dépenses nécessaires à l'intégration d'une famille de plus de six enfants sont nécessairement plus importantes que pour une famille de trois enfants.
Elle me paraît également être utile, car elle vise à mettre fin au système intolérable des marchands de sommeil qui logent des familles entières dans des hôtels insalubres.
Enfin, c'est une mesure opportune, car l'étranger qui fait une demande de regroupement familial doit pouvoir vivre sur notre territoire du revenu de son travail et non des revenus de l'assistance. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de nos débats.
Ce texte est bon, car il est à la fois juste et humain.