Intervention de Jean-Jacques Hyest

Réunion du 14 février 2007 à 15h00
Banque de france — Article 9

Photo de Jean-Jacques HyestJean-Jacques Hyest :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, bien que je parle en cet instant depuis les travées où je siège habituellement, c'est bien en tant que président de la commission des lois que je vais m'exprimer.

L'ordonnance du 23 mars 2006 a été prise sur le fondement de la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie. Sur ce texte, qui avait été renvoyé à la commission des finances pour son examen au fond, la commission des lois n'avait été saisie que pour avis et avait, à ce titre, formulé un certain nombre d'objections. Depuis, bien entendu, l'ordonnance a été prise.

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 23 mars 2006 a été déposé au Sénat en juin 2006 et renvoyé, tout naturellement, à la commission des lois, dès lors que la majorité de ses dispositions concernaient le code civil et, accessoirement, le code de la consommation. C'est d'ailleurs dans la perspective de l'examen de ce texte que la commission avait réfléchi à l'organisation d'une mission tendant à examiner les dispositions de cette ordonnance afin de les ratifier en y intégrant les éléments manquants de la réforme qu'elle introduit.

Pourtant, c'est dans le cadre d'un texte à l'objet fort éloigné du droit des sûretés que le Gouvernement a souhaité faire ratifier cette ordonnance par le Parlement.

L'article 9 de la proposition de loi, introduit par un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, opère une ratification expresse sous réserve de certaines modifications importantes.

Tout d'abord, il étend, d'une part, la simplification de la mainlevée aux hypothèques légales et judiciaires ainsi qu'aux privilèges et, d'autre part, le bénéfice de la purge amiable et de l'attribution judiciaire à toutes les hypothèques et aux privilèges.

Ensuite, il permet au prêteur de deniers titulaire d'un privilège de renoncer à celui-ci et au débiteur de constituer, avec l'accord de ce créancier, une hypothèque conventionnelle rechargeable. Il s'agit donc d'une transformation de sûreté par renonciation et constitution, toutefois limitée aux privilèges du prêteur de deniers publiés avant la date d'entrée en vigueur du présent projet de loi, et ne pouvant être exercée que pendant un délai postérieur de deux ans. Cette transformation de sûreté est exonérée de la taxe de publicité foncière et du droit fixe d'enregistrement.

Ces dispositions ne sont pas mauvaises en tant que telles. C'est même, paraît-il, le motif pour lequel il faut ratifier l'ordonnance très rapidement !

La commission des lois a toujours estimé que, par souci de sécurité juridique, il était nécessaire qu'intervienne une ratification expresse de chaque ordonnance prise sur le fondement de l'article 38 de la Constitution. Mais encore faut-il que cette ratification intervienne dans des conditions satisfaisantes et permette au Parlement d'exercer un contrôle véritable sur les normes adoptées par le pouvoir réglementaire dans le domaine législatif.

On rappellera l'importance que constitue le droit des sûretés dans la vie quotidienne, celle des entreprises notamment. L'ordonnance modifie ainsi près de deux cents articles du code civil et crée des mécanismes nouveaux et controversés comme le prêt viager hypothécaire.

Les conditions de ratification qui nous sont présentées sont-elles réellement de nature à permettre de se pencher sérieusement sur ces innovations ? La question de la protection de la personne qui souscrit un prêt viager hypothécaire, en particulier, n'est même pas soulevée.

Les modifications apportées par la proposition de loi à l'ordonnance suscitent visiblement des difficultés de cohérence juridique, qui ont notamment été soulignées par un certain nombre de juristes, dont la commission tripartite constituée du Conseil national des barreaux, du barreau de Paris et de la Conférence des bâtonniers.

Sur tous ces points, il n'est malheureusement pas donné à la commission des lois, pourtant saisie au fond du projet de loi de ratification, l'occasion de se prononcer aujourd'hui.

Au nom de la commission des lois, je pense que ces méthodes doivent cesser !

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