Intervention de Henri de Richemont

Réunion du 14 février 2007 à 15h00
Protection juridique des majeurs — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Henri de RichemontHenri de Richemont, rapporteur de la commission des lois :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j'ai l'honneur de rapporter au nom de la commission des lois ce texte important qui vise à réformer la loi de 1968 relative au droit des incapables majeurs ainsi que la loi de 1966 relative à la tutelle aux prestations sociales.

Nous avons, avec ma collègue Bernadette Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, auditionné de nombreuses personnes : des magistrats, des professeurs, des responsables d'associations, des tuteurs. Nous avons ainsi pu mesurer que le présent texte arrivait à temps pour mettre fin aux abus et aux dévoiements qui sont constatés dans l'application des lois existantes.

Aujourd'hui, on dénombre 700 000 tutelles et ces mesures ne correspondent plus à leur destination première, qui est de protéger le majeur dont les facultés mentales sont altérées. On utilise de plus en plus la tutelle comme une « bouée de sauvetage » pour protéger des personnes ayant des problèmes de dettes locatives ou dont le logement est insalubre. Autrement dit, on ne respecte pas actuellement les principes de nécessité, de proportionnalité et de subsidiarité.

Nous avons observé que, malheureusement, de moins en moins de personnes acceptent d'exercer la fonction de tuteur lorsqu'un membre de leur famille doit être protégé.

Nous avons également constaté un dévoiement en ce qui concerne le financement. En effet, pour assurer le financement des tutelles, on cumulait un régime de tutelle normal avec une tutelle aux prestations sociales, celle-ci étant à la charge des finances publiques, et plus particulièrement celles du département.

L'une des avancées de ce projet de loi réside dans le fait qu'il trace une ligne de partage très claire entre les mesures de protection juridique destinées à protéger les majeurs dont les facultés mentales sont altérées et les mesures d'accompagnement social.

Je ne rappellerai pas, messieurs les ministres, les dispositions du texte, que vous avez vous-mêmes détaillées, mais je formulerai quelques observations concernant le principe de nécessité, qui est ici clairement affirmé.

Le texte supprime l'ouverture d'une protection juridique pour cause de prodigalité, d'intempérance ou d'oisiveté. Lorsque nous avons discuté avec le professeur Philippe Malaurie de cette disposition novatrice - elle peut étonner puisque, jusqu'à présent, quelqu'un qui s'exposait à tomber dans le besoin pouvait être mis sous curatelle -, il a estimé que chacun avait la liberté de se comporter comme un polisson s'il le souhaitait et qu'il n'était pas normal de tomber sous le coup d'une mesure de protection juridique.

Vous avez supprimé, et je m'en félicite également, la saisine d'office, qui pouvait donner lieu à des abus, et vous proposez, ce que je trouve tout à fait judicieux, que la mesure soit révisée tous les cinq ans.

Ce qui me paraît fondamental dans ce texte, c'est qu'il replace la personne au centre de la mesure de protection. Il y est affirmé de manière très nette qu'aucune personne ne pourra être mise sous tutelle sans que le juge ait préalablement procédé à son audition. Celui-ci se prononcera sur la base d'un avis médical émanant d'un expert figurant sur une liste établie par le procureur de la République.

Il y a eu des discussions pour savoir s'il fallait également l'avis du médecin traitant de la personne en question ou celui d'un deuxième expert. Il a finalement été décidé que non : il suffira que le juge dispose d'un certificat médical émanant d'un expert pour qu'il puisse prononcer une mesure de tutelle. Le problème est toutefois de savoir comment financer cet examen médical qui, paraît-il, coûte très cher.

Le texte affirme donc les droits de la personne protégée, en prévoyant que, sauf inaptitude médicalement constatée, elle sera systématiquement entendue, ce qui me paraît essentiel. Je me réjouis en particulier de toutes les dispositions qui tendent à protéger le logement de la personne ou encore à faire en sorte que le tuteur ne puisse pas changer le compte en banque du majeur protégé sans y avoir été autorisé par le juge.

L'avancée la plus importante du texte est le mandat de protection future. Des débats ont eu lieu en commission sur la question de savoir s'il était souhaitable de maintenir deux mandats distincts, le mandat sous seing privé pour les actes d'administration et le mandat authentique pour les actes de disposition.

Nous avons estimé qu'il serait regrettable d'imposer un acte authentique, c'est-à-dire un acte notarié. En revanche, nous pensons que votre texte n'est pas assez protecteur lorsqu'il estime suffisante la seule présence d'un avocat ou celle de deux majeurs venant signer.

Nous pensons que des majeurs ayant le droit d'accompagner une personne devant être protégée pourraient avoir sur elle une influence négative. C'est la raison pour laquelle nous proposons soit la présence d'un avocat, soit l'établissement d'un mandat qui serait conforme à un « texte type » élaboré par décret.

Je suis heureux, monsieur le garde des sceaux, que vous ayez souligné sur ce point l'apport remarquable de la commission des lois.

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