Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 2 juin 2009 à 15h00
Modification du règlement du sénat — Discussion d'une proposition de résolution

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

En effet, le Parlement peut, en dehors de la discussion des projets de loi, débattre de sujets, créer des missions ; les parlementaires passent ainsi beaucoup de temps en commissions que le Gouvernement supervise. C’est l’inspection des travaux finis par des contrôles multiples sans véritable suite !

En même temps, il ne se passe pas une semaine sans que le Président de la République annonce de nouvelles dispositions, au rythme des faits divers, des échéances électorales et des variations de sa cote de popularité. Il crée des commissions ad hoc, missionne telle ou telle personnalité de son choix, tandis que le Parlement étudie éventuellement la question avec sa propre mission pour préparer ou « tester » – c’est le testing présidentiel – l’opinion et voir comment « faire passer » !

Le projet de loi sur la sécurité intérieure adopté vendredi dernier en conseil des ministres n’est-il pas le treizième du genre depuis 2002 ?

« Trop de loi tue la loi », chaque sénateur a dû le dire au moins une fois dans sa vie parlementaire ; M. le rapporteur ne vient-t-il pas de le proclamer à nouveau. Mais vous continuez, tel un troupeau au bord du précipice…

L’inflation législative génère l’utilisation à répétition de la procédure d’urgence, devenue « accélérée », procédure que nous critiquons, pour ce qui nous concerne, depuis 1958.

Ainsi, était-il sérieux de déclarer et maintenir l’urgence sur la loi pénitentiaire votée ici en 2009 et pas encore inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ?

Est-il sérieux de maintenir l’urgence sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital, privant l’Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct, de l’examen d’un texte réécrit de manière importante, même si le Gouvernement a repris les choses en mains, comme le dit si élégamment à l’égard du Sénat M. Accoyer ?

Il faut également rappeler que, en cas de procédure accélérée, l’une des rares avancées de la révision constitutionnelle, un délai obligatoire entre le dépôt d’un projet de loi et son examen en séance publique, n’est plus applicable.

Mêmes causes, mêmes effets sur le « fameux » partage de l’ordre du jour. Nous en voyons les premiers résultats : soit on accepte un débat étriqué sur les projets de loi d’origine gouvernementale, le Parlement ne disposant pas du temps nécessaire pour jouer son rôle de législateur, soit il cède son ordre du jour au Gouvernement, comme cela s’est produit à plusieurs reprises à l’Assemblée nationale et comme cela a lieu en ce moment même au Sénat, avec le projet de loi portant réforme de l’hôpital.

Monsieur le président, il n’était pas sérieux d’annoncer cette nouvelle répartition de l’ordre du jour sans s’affranchir de l’inflation législative du Gouvernement qui, non seulement en rend le respect peu crédible, mais « recycle » les projets de loi en propositions de la majorité.

Je note évidemment que la commission des lois a rejeté notre amendement tendant à interdire que la répartition de l’ordre du jour puisse être modifiée en cours de route. M. le rapporteur a affirmé que ce n’était pas anticonstitutionnel, sous-entendant que nos amendements, eux, présentaient forcément ce caractère.

Autre pilier de la révision constitutionnelle, l’orientation vers la commission du débat parlementaire.

Nous avons exprimé clairement et sans hésitation notre opposition à cette évolution. Le travail en commission, présenté comme la quintessence du travail parlementaire, revêt à nos yeux deux défauts majeurs : l’absence de transparence et la minoration du pluralisme.

Ces défauts mettent en valeur deux qualités, tout aussi importantes, de la séance publique : la transparence et un cadre adapté à l’expression du pluralisme.

Les premières semaines d’application de la révision constitutionnelle, depuis le 1er mars, débouchent sur un premier constat : pour faire fonctionner le nouveau système, il faut, soit appliquer la réduction du droit d’amendement et du débat public, voie choisie par l’Assemblée nationale, soit accepter une certaine confusion entre le travail en commission et les débats en séance publique.

La présence des ministres au cours des délibérations et du vote en commission – vous l’avez acceptée, bien que vous y soyez opposés – ne fait qu’aggraver une véritable confusion des pouvoirs. Cela mériterait un plus ample débat sur le respect de la séparation des pouvoirs.

Je note que la commission des lois a refusé notre amendement tendant à limiter cette co-élaboration entre ministres et parlementaires au sein des commissions, qui ne serait donc pas, selon elle, anticonstitutionnelle.

Monsieur le président, nous ne méconnaissons pas le parti pris, au Sénat, de tempérer le « fait majoritaire ». L’existence aujourd’hui, dans cette assemblée, d’une majorité relative de l’UMP n’y est sans doute pas pour rien ! Mais qui peut croire un instant que le Sénat, qui va décider de ne pas appliquer le « crédit-temps », ce qui est en soi une bonne chose, pourra continuer longtemps à débattre de manière plus démocratique et approfondie, alors que l’Assemblée nationale sera en permanence sous le coup du « 49-3 parlementaire » – selon les termes que j’ai employés au moment de la révision constitutionnelle –, c'est-à-dire la limitation du temps de parole global par la conférence des présidents.

J’espère me tromper en discernant un prétexte, dans l’attitude de la majorité sénatoriale, pour mieux valider la fin du débat démocratique dans l’assemblée qui a le dernier mot.

Monsieur le président, nous avons approuvé des modifications du règlement, discutées au sein du comité sénatorial, qui donnaient légalité au pluralisme en officialisant l’application de la proportionnelle dans les bureaux des commissions, les organismes extraparlementaires ou la conférence des présidents et en donnant quelque reconnaissance aux groupes en application de l’article 51-1 de la Constitution que nous avions défendu.

Mais ces avancées sont très modestes et, en quelque sorte, habilement contraintes.

Ainsi, la commission des lois a refusé qu’une demande de discussion immédiate puisse être remise par un groupe, au lieu d’un nombre de sénateurs fixé à trente, comme la majorité avait refusé que le Conseil constitutionnel puisse être saisi par un groupe.

La commission a aussi refusé notre amendement tendant à inscrire le principe d’un vice-président ou questeur par groupe, ce qui conforterait la reconnaissance de chaque groupe, en nous opposant qu’il pourrait y avoir douze groupes.

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