La séance est ouverte à quinze heures cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Mes chers collègues, chacun d’entre vous comprendra que nous ne puissions ouvrir cette séance sans évoquer la terrible catastrophe aérienne ayant entraîné la disparition d’un Airbus A 330 de la compagnie Air France avec, à son bord, douze membres d’équipage et deux cent seize passagers de plusieurs nationalités. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Au nom du Sénat, je voudrais assurer tous les proches des victimes de notre sympathie en formant le souhait qu’elles aient le courage et la force nécessaires pour surmonter cette épreuve.
J’ai la conviction que tout est mis en œuvre pour rechercher les causes exactes de cet accident sans précédent dans l’histoire de l’aviation commerciale française.
Je vous propose d’observer un moment de recueillement.
Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence
Je vous rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national du bruit en qualité de suppléant.
La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de Mme Gisèle Printz pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat (nos 377, 428 et 427).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
On connaissait le texte de la chanson, il fallait le mettre en musique… Nous allons nous y atteler aujourd’hui en examinant la proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail de notre assemblée.
Cette proposition de résolution est le fruit d’une réflexion de plusieurs mois menée au sein d’un groupe de travail animé par le président Gérard Larcher et deux rapporteurs, Bernard Frimat, vice-président du Sénat, et Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, à qui il convient de rendre hommage pour le travail remarquable qu’ils ont accompli entre le mois d’octobre et le mois de mars.
Le consensus, s’il a été recherché, n’a cependant pu être véritablement atteint faute de l’assentiment du groupe CRC-SPG. Ce dernier, après s’être opposé à la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et à la loi organique du 15 avril 2009, s’est naturellement élevé contre la modification du règlement, qui en est l’application. Cette position logique a été défendue en commission et s’exprime de nouveau à travers le dépôt d’une vingtaine d’amendements. La commission émettra un avis défavorable sur ces derniers, d’abord parce qu’elle ne partage pas la position du groupe CRC-SPG sur cette question, ensuite parce qu’un grand nombre de ces amendements entrent en contradiction avec les textes de la Constitution ou de la loi organique.
La recherche d’un accord minimum a conduit votre rapporteur à estimer que seuls les amendements retenus par le groupe de travail et défendus par les deux rapporteurs pourront être maintenus. Ces amendements devront par ailleurs concerner exclusivement l’application de la loi organique. Dès lors, ceux qui n’ont pas de lien direct avec la révision constitutionnelle et la loi organique recevront un avis défavorable de la commission, quel que soit par ailleurs leur intérêt. Le rendez-vous fixé l’année prochaine permettra éventuellement de remettre en question d’autres dispositions de notre règlement qui seraient devenues obsolètes ou inappropriées.
La présente proposition de résolution respecte naturellement la révision constitutionnelle et la loi organique. Elle emporte également un grand nombre de conséquences pour notre assemblée.
En premier lieu, le nouveau règlement vise à ce que les droits des parlementaires et des groupes parlementaires soient mieux respectés. On peut ainsi mentionner, s’agissant du respect des droits de l’opposition et des minorités, la nouvelle composition du bureau du Sénat, prévue à l’article 1er de la proposition de résolution, le droit pour les groupes minoritaires ou d’opposition de demander chaque année la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information – c’est l’article 2 –, la prise en compte du principe de la représentation proportionnelle des groupes pour la désignation des représentants du Sénat au sein des organismes extraparlementaires – c’est l’article 5 – et des membres du bureau des commissions permanentes – c’est l’article 6 –, enfin, la place faite aux groupes parlementaires dans les débats thématiques de l’article 20, les débats sur les propositions de résolution de l’article 25, les débats d’initiative sénatoriale de l’article 29 ou les questions cribles de l’article 30.
Je n’entrerai pas dans le détail de ces différentes institutions et vous renvoie donc pour le reste à mon rapport écrit.
En deuxième lieu, cette proposition de résolution tend à un renforcement assez considérable du rôle de la conférence des présidents, notamment aux termes des articles 14, 15, 16 et 17.
Au cours des débats à venir, la commission émettra un avis favorable sur l’amendement présenté par notre collègue Hugues Portelli. L’article 17 du texte de la commission prévoit en effet que la fixation de l’ordre du jour appartient à la seule conférence des présidents, sans mentionner le Gouvernement qui maîtrise tout de même l’ordre du jour de deux semaines de débats sur quatre. Afin de nous prémunir contre une éventuelle censure du Conseil constitutionnel, nous vous proposerons donc, mes chers collègues, de voter cet amendement.
Le renforcement du rôle de la conférence des présidents passe également par le renouvellement de l’institution de la clôture des débats, qui existait déjà dans notre ancien règlement selon d’autres modalités.
Désormais, si le débat risque de s’enliser, la conférence des présidents sera immédiatement saisie et tentera de trouver une solution. Si elle n’y arrive pas, la clôture s’appliquera naturellement et, en cas de deuxième clôture, le temps de parole des uns et des autres sera limité, seul un représentant de chaque groupe pouvant s’exprimer. C’est un progrès, et cela nous évite d’opter pour un temps de parole limité ou « global ». Cette procédure nous permettra peut-être de ne pas prolonger excessivement nos débats, même si son efficacité devra être mesurée à l’épreuve du temps.
En troisième lieu, cette proposition de résolution vise à l’efficacité, à la souplesse, à l’adaptabilité et à la transparence. Cela apparaîtra naturellement dans l’organisation du travail des commissions, prévue à l’article 14.
À cet égard, signalons que nous avons été contraints, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, d’accepter la présence du Gouvernement en commission, y compris au moment des votes. Nous avons dû modifier le projet de résolution en conséquence. Cette contrainte soulève un certain nombre de problèmes, et c’est pourquoi il sera sans doute nécessaire que, en complément du règlement du Sénat, nous adoptions des règlements de commissions précisant dans quelles conditions le ministre pourra se faire assister par ses collaborateurs.
Dans le même ordre d’idées, certains présidents de groupe ont demandé que leurs collaborateurs puissent également participer au travail des commissions. À notre avis, cela relève non pas du règlement, mais des instructions générales du bureau, qui pourront effectivement prévoir les conditions dans lesquelles les commissions pourraient s’ouvrir aux collaborateurs des ministres ou des groupes, ou à d’autres personnes, …
Sourires
…voire faire l’objet d’une diffusion à la télévision.
L’article 4 de la proposition de résolution tend à modifier la dénomination de trois des six commissions permanentes ; l’article 10 prévoit les modalités par lesquelles une commission exprime son avis sur un projet de nomination ; l’article 11 définit les fonctions de contrôle et d’évaluation des commissions permanentes ; l’article 12 modernise la procédure d’enregistrement et de diffusion des projets et des propositions de loi déposés ou transmis au Sénat ; enfin, l’article 13 précise le délai dans lequel le Gouvernement informe le président du Sénat de sa décision d’engager la procédure accélérée.
J’en viens à la procédure d’irrecevabilité prévue aux articles 40 et 41 de la Constitution, sur laquelle nous aurons un débat tout à l’heure.
Nous avons été amenés à étendre l’irrecevabilité de l’article 40 s’agissant non seulement des projets de loi de finances, mais également des projets de loi de financement de la sécurité sociale. C’est la raison pour laquelle nous avons adopté les amendements déposés par MM. Vasselle et About tendant à compléter le règlement en ce qui concerne les projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Dorénavant, et c’est un progrès, le président de la commission saisie au fond pourra déclarer l’irrecevabilité de dispositions portant atteinte à l’article 40 de la Constitution. En cas de doute, celui-ci pourra saisir la commission des finances et lui demander de se prononcer. Certes, il pourrait arriver qu’un désaccord subsiste, en séance publique, entre la commission saisie au fond et la commission des finances. Néanmoins, cette divergence pourra être aisément résolue selon les règles en vigueur aujourd’hui.
S’agissant de l’article 41, on observe peu de changements : le président de l’assemblée ou le Gouvernement pourront décider de l’irrecevabilité, et, en cas de désaccord entre les deux, le Conseil constitutionnel sera alors saisi.
L’adaptation du calendrier et des horaires constitue un autre élément de souplesse, d’efficacité et de transparence.
La proposition de résolution prévoit un certain nombre d’horaires, mais ce sont des horaires de principe.
Il n’est pas question de poser une règle pérenne dans la mesure où les réunions des commissions et des groupes de travail ainsi que la séance plénière se chevauchent en permanence. C’est la raison pour laquelle l’article 3 consacre, en principe, le mardi matin aux réunions du bureau et des groupes. L’article 8 prévoit que les commissions se réunissent quant à elles en principe le mercredi matin. La commission des affaires européennes et, ce qui est une nouveauté par rapport au texte initial, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes se réuniront en dehors des heures de séance plénière.
L’organisation de l’ordre du jour, ainsi que l’organisation des débats, est fixée à l’article 16, …
Sourires
… tandis que l’article 17 détermine les modalités d’organisation de la discussion générale.
L’article 18 fixe les horaires de séance du Sénat au mardi matin et après-midi, au mercredi après-midi et au jeudi matin et après-midi. Il n’est pas question de siéger le lundi ou le vendredi. Comme c’est le cas actuellement, il appartiendra à la conférence des présidents d’en décider.
Cet article prévoit également que le Sénat peut décider de siéger le soir, sur proposition de la conférence des présidents, du Gouvernement ou de la commission saisie au fond. À cet égard, bien que je n’aie pas déposé d’amendement à ce sujet, je me pose une question : quand prend fin la séance du soir ? Au moment de la fermeture des grilles du jardin du Luxembourg ? À minuit ou au-delà ?.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Jusqu’au lever du jour !
Nouveaux sourires.
Je laisse cette question à votre appréciation.
Le temps de présentation des amendements est prévu à l’article 24. Désormais, et c’est une grande innovation, les sénateurs disposeront, pour présenter un amendement, non pas de cinq minutes, comme c’est le cas actuellement, mais de trois minutes. En revanche, l’intervention sur un article, sur un amendement ou une explication de vote continuera d’être autorisée durant cinq minutes.
La discussion par priorité sur le texte de la commission ne s’applique pas à certaines catégories de projets de loi, à savoir les projets de loi constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale. S’agissant de ces derniers, la discussion en séance porte sur le texte présenté par le Gouvernement.
En matière de transparence et d’efficacité, l’article 27 adapte les procédures actuelles d’autorisation prévues par le règlement du Sénat – déclaration de guerre, état de siège – et prévoit un dispositif spécifique pour la mise en œuvre de l’information et de l’autorisation du Parlement pour les interventions des forces armées à l’étranger.
L’article 28, quant à lui, permet d’intégrer les nouvelles compétences de la commission des affaires européennes et prévoit les modalités d’adoption des résolutions européennes.
Enfin, l’article 32 insère dans le règlement un chapitre consacré au budget et aux comptes du Sénat. Nous aurons à examiner un amendement important à cet égard.
Le projet de règlement que je vous soumets est d’essence très libérale. Il pourrait parfaitement satisfaire nos voisins britanniques. Néanmoins, pour être pleinement efficace, il devra être correctement appliqué. Il faudra en permanence que les responsables des différents groupes politiques et les parlementaires eux-mêmes respectent leurs adversaires et fassent preuve d’un minimum de fair play dans le déroulement et l’organisation des débats. Si nous ne voulons pas que ceux-ci s’enlisent et soient des contre-exemples, nous devrons nous autodiscipliner. Il faudra que le Gouvernement se discipline lui aussi…
… et qu’il évite de nous soumettre des projets de loi fourre-tout, trop longs, pour se limiter à des textes courts. On compte en moyenne dix amendements par article. Cela signifie que, sur un texte de cent articles, au moins mille amendements sont déposés.
Lors du rendez-vous que nous nous sommes fixé pour l’année prochaine, sous l’autorité du président du Sénat, nous devrons envisager dans quelle mesure la commission pourrait devenir davantage encore le lieu où seraient discutées en profondeur les modifications législatives, tandis que la séance publique verrait son action et son importance quelque peu réduites. À cette fin, peut-être faudra-t-il repenser la manière dont nos salles de réunion se répartissent. Il faudra aussi sans doute revoir totalement les modalités de publicité des travaux de nos commissions.
Un important travail nous attend dans les années à venir.
J’avais commencé mon intervention en déclarant qu’il nous fallait composer une musique sur les paroles d’une chanson. Vous connaissez maintenant cette musique. Tout dépendra désormais des interprètes, c'est-à-dire de nous-mêmes ! Ou bien la musique que nous aurons composée sera harmonieuse, …
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Une musique symphonique !
Sourires
M. Patrice Gélard, rapporteur. Encore faudra-t-il qu’elle soit audible par la population française, par le Gouvernement et par tous ceux qui suivent nos travaux.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La proposition de résolution que nous examinons sur votre initiative, monsieur le président, fait suite à une réflexion approfondie menée au sein d’un groupe de travail dans lequel tous les groupes politiques de notre assemblée étaient représentés. Un large consensus s’en est dégagé, même si l’opposition de certains d’entre nous à la révision constitutionnelle ne leur permettra pas d’approuver totalement notre démarche.
Notre excellent collègue Bernard Frimat, qui a participé autant que moi à l’élaboration de ce texte, et moi-même avons eu le plaisir d’être les rapporteurs de ce groupe de travail.
Sourires
Monsieur Mercier, vous avez pris vous-même une grande part à nos travaux !
Tous les groupes politiques étaient représentés au sein de ce groupe de travail, et chacun a contribué à ce consensus, même si Nicole Borvo Cohen-Seat et le groupe CRC-SPG en sont restés à l’écart.
Il s’agit aujourd’hui de mettre en œuvre la révision constitutionnelle, …
… de conforter le pluralisme sénatorial et de rénover nos méthodes de travail. À cet égard, nos pratiques actuelles étant satisfaisantes, le règlement n’a pas été modifié dans sa totalité, même si nous avons rendez-vous dans un an pour évaluer les conséquences de la révision constitutionnelle. Je pense à la loi organique et aux décisions du Conseil constitutionnel, lequel, par ses considérants, indique au législateur la manière dont il doit appliquer la Constitution. Il y aurait d’ailleurs une thèse à faire sur le Conseil constitutionnel véritable constituant…
Bien sûr, nous serons peut-être conduits à modifier d’autres dispositions que celles qui nous sont soumises aujourd’hui.
S’agissant de la mise en œuvre de la révision constitutionnelle, il faut rappeler le rôle central de la conférence des présidents dans l’organisation de nos travaux.
C’est pourquoi, comme l’indiquait M. le rapporteur, le règlement doit rester un cadre souple et adaptable. Je pense en particulier à la nouvelle procédure de clôture des débats, qui est précédé, et c’est heureux, d’un dialogue au sein de la conférence des présidents.
S’agissant du pluralisme sénatorial, la proposition de résolution entend bien affirmer les droits des groupes parlementaires ainsi que les droits spécifiques des groupes d’opposition et, monsieur Mercier, des groupes minoritaires.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est l’article 51-1 de la Constitution ! Et l’article 48 y fait aussi référence ! Le groupe CRC-SPG profite de cette disposition, mais, monsieur Mercier, c’est vous qui en avez été le promoteur !
M. Jean-Louis Carrère s’exclame.
La composition du bureau du Sénat, le respect du pluralisme dans la désignation des représentants du Sénat au sein des organismes extraparlementaires, la désignation des membres des commissions mixtes paritaires, le droit de tirage pour les commissions d’enquête et les missions d’information illustrent cette volonté de permettre à tous de participer à la vie de notre assemblée et d’affirmer les droits de l’opposition et des groupes minoritaires, à condition que leur nombre soit significatif.
Comme le dit d’ailleurs un éminent président, il n’y a ici que des groupes minoritaires !
Reste la question de l’organisation de nos débats, qu’il s’agisse de la séance publique ou des commissions.
Il était apparu – vision naïve, sans doute – que le fait de délibérer en séance sur le texte de la commission allait dans le sens de la rationalisation du travail parlementaire. Cela devait contribuer à concentrer sur l’essentiel le débat en séance publique, surtout si l’examen d’un texte était précédé d’un débat préalable d’orientation, prévu par notre règlement et vivement souhaité par M. Henri de Raincourt.
À la lumière des premières expériences, et sachant que le droit d’amendement s’exerce en séance ou en commission, peut-être n’avons-nous pas trouvé l’équilibre souhaité.
Une meilleure publicité des travaux des commissions, ce qui ne signifie pas leur caractère public systématique – publicité ne signifie pas séance publique –, et la mise à disposition plus rapide et plus complète de ces travaux sont certainement l’un des enjeux de la réforme. Monsieur le président, je suis persuadé que, avec le bureau, vous prendrez toutes les dispositions à même d’améliorer la qualité du travail des commissions.
La présence des ministres en commission, dont le principe a été établi par le Conseil constitutionnel compte tenu du fait que la discussion porte, en séance, sur le texte de la commission, nous oblige à modifier l’article 8 du règlement.
Je ne suis pas persuadé que la présence permanente des ministres lors de l’élaboration du texte de la commission – hors cette circonstance, les ministres n’ont pas à être présents, sauf si nous souhaitons les entendre – soit de nature à simplifier nos débats. Heureuse commission des finances, monsieur Arthuis, heureuse commission des affaires sociales, monsieur About, qui n’ont pas l’obligation d’accueillir un ministre lors de l’examen des projets de budget ou des projets de loi de financement de la sécurité sociale ! La commission des lois souhaiterait profiter d’une telle possibilité, mais une nouvelle révision constitutionnelle ne me semble pas pour demain !
Au-delà de la réforme de notre règlement, nous pouvons nous interroger sur la revalorisation affirmée du rôle du Parlement, que nombre d’entre nous ont soutenue, notamment en ce qui concerne l’ordre du jour partagé et, bien entendu, la volonté de mettre en œuvre des réformes sur lesquelles le Président de la République et la majorité parlementaire se sont engagés. Avouez qu’empêcher une majorité de conduire les réformes sur lesquelles elle s’est engagée relèverait d’un curieux fonctionnement de la démocratie.
Nous avions indiqué que cela risquait de conduire à une impasse, sauf engagement systématique de la procédure d’urgence, dite désormais « procédure accélérée ». Il nous reste encore à trouver une pratique plus équilibrée dans ce domaine, comme nous pouvons le constater depuis quelques semaines.
Certes, la fonction de contrôle du Parlement sur l’action gouvernementale, tradition du Sénat confortée par la révision constitutionnelle, doit continuer à se développer – le Sénat réalise d’ailleurs de nombreux travaux à cet égard sans vraiment les faire connaître –, à condition que cela ne devienne pas un rite vide de réels contenus et fasse l’objet d’une réelle préparation en amont. La force de proposition des commissions et des groupes est essentielle dans ce domaine.
L’initiative législative doit aussi, hors les droits des groupes d’opposition et des groupes minoritaires que j’ai rappelés tout à l’heure, s’inscrire dans la durée pour éviter d’être anecdotique.
Monsieur le président, mes chers collègues, la sécurité juridique, la saine application des articles 34 et 37 de la Constitution, qui devraient être le souci permanent tant du Gouvernement que du Parlement, sont quelque peu absentes de nos travaux. L’inflation législative, tant par le nombre de textes que par leur longueur, même si l’importance d’un texte ne se mesure pas toujours au nombre d’articles qu’il comporte, pèse en effet lourdement sur le fonctionnement du Parlement. Mais, en fait, ce n’est pas nouveau. Songeons à ce que disaient Montesquieu – « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » – et Portalis – « la loi permet, ordonne ou interdit ». Quant à Montaigne, il écrivait dans les Essais ce texte très beau : « Nous avons en France plus de lois que le reste du monde ensemble, et plus qu’il n’en faudrait à régler tous les mondes d’Épicure… Qu’ont gagné nos législateurs à choisir cent mille espèces et faits particuliers et y attacher cent mille lois ? […] Les plus désirables, ce sont les plus rares, simples et générales. »
Puissions-nous, à l’avenir, nous référer à ces grands auteurs !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, mes chers collègues, revaloriser le Parlement, le doter de pouvoirs nouveaux, tels étaient, selon son auteur, l’objet et l’ambition de la révision constitutionnelle.
À grands renforts de communication, ce message a été martelé pour qu’il entre bien dans la tête de nos concitoyens. Que n’a-t-on entendu de la bouche de constitutionnalistes, forcément éminents, et de commentateurs, naturellement avisés, pour condamner l’attitude de ces parlementaires qui avaient l’outrecuidance de ne pas joindre leur voix au concert de louanges organisé pour célébrer cette grande réforme institutionnelle ?
Qu’en est-il de cette supposée modernisation de nos institutions ? §Qui peut prétendre que, dans la pratique de son fonctionnement quotidien, le Parlement a été revalorisé et que les parlementaires disposent de nouveaux pouvoirs ?
Nous avions dénoncé l’avènement d’une monocratie, la poursuite du renforcement de l’exécutif, le caractère trompeur et illusoire des pouvoirs donnés au Parlement. Les faits nous donnent indiscutablement raison.
Les lois organiques, révélatrices des intentions réelles du Gouvernement, simple porte-voix de la volonté présidentielle, sont venues confirmer le caractère fondé de nos craintes.
Avant toute chose, il fallait – ce fut l’objet de la première loi organique votée conforme par le Sénat – mettre en œuvre les facilités dont le Gouvernement avait besoin.
D’abord, il fallait, en cas de cessation de fonctions d’un ministre ancien parlementaire, organiser le retour de ce dernier dans son assemblée d’origine. La nomination au secrétariat général de l’UMP de Xavier Bertrand exigeait que s’appliquât rapidement cette grande avancée démocratique ; ce fut fait !
Ensuite, il fallait arrêter la composition de la commission chargée d’émettre un avis public sur le découpage des circonscriptions pour l’élection des députés. Aucune garantie de pluralisme n’a été mise en place à cette occasion. Au contraire, la nomination de son président par le Président de la République renforce les doutes sur la réalité de son indépendance.
Enfin, il fallait rapidement autoriser le Gouvernement à procéder par voie d’ordonnance à ce découpage afin de permettre à M. Marleix de montrer l’étendue de ses talents.
Mes chers collègues, il faut beaucoup d’optimisme pour qualifier le recours aux ordonnances d’extension des pouvoirs du Parlement. Il faut beaucoup de naïveté pour voir la manifestation d’une démocratie irréprochable dans un découpage dont le caractère injuste et partisan, de plus en plus patent, semble au demeurant faire peu de cas des réserves émises par le Conseil constitutionnel, lequel insistait sur la priorité à donner à l’équilibre démographique.
Rien, dans cette première loi organique, n’est venu revaloriser le Parlement.
Lors de la révision constitutionnelle, les zélateurs du projet avaient beaucoup disserté sur la limitation volontaire que le Président de la République avait souhaité s’imposer quant à son pouvoir de nomination. Ils glorifiaient la capacité de contestation ainsi donnée au Parlement.
Comme nous l’avions dit à l’époque, ce pouvoir est factice : c’est un faux-semblant, un trompe-l’œil, puisqu’il faut réunir la majorité des trois cinquièmes pour refuser le choix du Président de la République et, par voie de conséquence, pour que la majorité parlementaire entre en conflit avec le Président, ce qui est une vue de l’esprit.
En revanche, ce qui n’est pas factice, c’est la volonté du Président de la République d’augmenter le champ de son pouvoir de nomination. La loi sur l’audiovisuel est là pour en témoigner. Dans le processus des nominations de Jean-Luc Hees et d’Yves Guéna, le Parlement a pu vérifier que son supposé pouvoir était inexistant.
La loi organique relative au fonctionnement même du Parlement et la pratique du Gouvernement depuis le début de la session ordinaire ont enlevé leurs dernières illusions aux parlementaires qui s’étaient, de bonne foi, laissés convaincre ou séduire par le discours présidentiel sur les droits nouveaux du Parlement.
Là où l’on nous avait annoncé un progrès significatif, force est de constater un recul démocratique important.
Dans les faits, la navette parlementaire a été supprimée, et le dialogue entre les deux assemblées est voué à une quasi-disparition, puisqu’il se limite aux seuls membres des commissions mixtes paritaires. Le recours systématique à la procédure d’urgence d’hier a été remplacé par un recours tout aussi systématique à la procédure accélérée.
Pourtant, lors des débats sur la révision constitutionnelle, le constat avait été fait sur toutes les travées que le recours trop fréquent à la déclaration d’urgence nuisait au bon fonctionnement du Parlement et à l’élaboration de textes de loi de qualité.
Nous avions d’ailleurs proposé une limitation quantitative de la procédure d’urgence ; mais la majorité avait préféré privilégier un changement sémantique qui supprimait la procédure d’urgence et la remplaçait par la procédure accélérée.
La nouveauté consistait dans la possibilité donnée aux deux conférences des présidents de s’opposer, par décision identique, à la mise en œuvre de cette procédure. Je crains que, là encore, il ne s’agisse d’une liberté formelle, car la concrétisation de cette dernière traduirait un conflit entre la majorité parlementaire et le Président de la République qui, de fait, définit les projets de loi.
Prenons date, mais armons-nous alors d’une infinie patience pour attendre la première mise en échec de la procédure accélérée.
Le Parlement n’est plus, pour le Président de la République, le lieu d’expression, par la loi, de la souveraineté du peuple ; il est perçu comme un frein, comme un obstacle à la réalisation rapide des annonces présidentielles. Celles-ci, fussent-elles contradictoires, doivent trouver leur traduction législative le plus vite possible.
Dans plusieurs cas, la loi a d’ailleurs été mise en application avant même d’avoir été votée alors que, dans le même temps, des lois votées mais n’ayant plus l’heur de plaire ne sont pas appliquées ! Quel mépris pour les travaux des parlementaires ! Quand nos collègues députés réclament que le projet de loi portant réforme de l’hôpital fasse l’objet d’une deuxième lecture devant l’Assemblée nationale, ils ont raison ! Dans une situation analogue, nous effectuerions la même demande.
La priorité absolue pour le Gouvernement est d’avancer le plus vite possible. Ainsi, à la procédure accélérée, s’ajoutent la multiplication des séances de nuit, la programmation de plus en plus habituelle de séances le lundi et le vendredi, la systématisation des sessions extraordinaires qui n’ont plus d’extraordinaire que le nom puisqu’elles sont devenues, en juillet, notre ordinaire et que le mois de septembre semble appelé à connaître le même sort.
Siéger souvent, légiférer vite, sous le regard permanent du Gouvernement, limiter le droit d’amendement, tenter de réduire le temps du débat parlementaire en séance publique, telle est la pratique du Gouvernement. Nous sommes bien loin de la revalorisation du Parlement.
Qui peut présenter comme un progrès, comme un droit nouveau pour le Parlement, la possibilité pour le Gouvernement, s’il le souhaite, d’être présent de manière permanente en commission ? Certes, le Gouvernement doit pouvoir se faire entendre quand il le veut mais, une fois qu’il s’est exprimé, ne peut-il laisser les parlementaires travailler entre eux à l’élaboration du texte de la commission ? Doute-t-il à ce point de sa majorité qu’il ait besoin de la mettre sous surveillance constante ? Si nous voulons rendre tout son intérêt à la séance publique, ne faut-il pas admettre qu’elle doit être le lieu où se confrontent, avant décision, les positions du Gouvernement, de la commission et des groupes politiques ?
Là où la démocratie exige la séparation des pouvoirs, la pratique du Gouvernement introduit la confusion des pouvoirs.
Le Gouvernement a décidé de permettre l’instauration du temps global dans le débat parlementaire. Alors que rien ne l’y obligeait, il a choisi de rendre possible la situation où un parlementaire ne pourrait pas défendre l’amendement dont il est l’auteur et ne pourrait donc pas tenter de convaincre ses collègues du bien-fondé de sa proposition. La révision constitutionnelle censée accroître les droits du parlementaire pourra donc aboutir à priver celui-ci de la plénitude du droit d’amendement. Quel paradoxe ! Ou, plutôt, quel aveu sur la réalité de cette révision ! Même si le Sénat n’instaure pas le temps global, ce dont nous nous réjouissons, la possibilité demeure.
Monsieur le président, nous avons voté contre la révision constitutionnelle, contre les lois organiques. Nous sommes aujourd’hui saisis de votre proposition de modification du règlement du Sénat qui n’a d’autre choix que de respecter la Constitution, les lois organiques et la récente décision du Conseil constitutionnel. Elle comporte, par conséquent, des aspects que nous ne pouvons approuver.
Pour élaborer votre proposition, monsieur le président, vous avez mis en place un groupe de travail auquel les sénateurs du groupe socialiste ont participé, sans réticence, en prenant pleinement part aux débats. Le texte, dont je ne reprendrai pas le contenu, présenté par M. Patrice Gélard de manière fidèle et exhaustive, au nom de la commission des lois, comporte quelques points de divergence mais aussi de nombreux points d’accord qui ont recueilli l’assentiment unanime des participants à ce groupe de travail, que vous avez présidé.
Un désaccord important subsiste toutefois entre nous : il tient à la volonté de la majorité d’exclure l’opposition de toutes les présidences de commission.
Néanmoins, le texte que vous nous proposez, monsieur le président, constitue, compte tenu des rapports de forces politiques au sein de notre assemblée, un point d’équilibre et, par rapport au règlement actuel, un indiscutable progrès. Le groupe socialiste a voulu le signifier en ne déposant pas d’amendements.
La commission des lois a amélioré la rédaction de certaines dispositions et levé quelques incertitudes, mais elle a respecté le point d’équilibre qui avait été trouvé.
En appliquant à la répartition des postes la représentation proportionnelle au plus fort reste, la proposition de résolution reconnaît des droits à chaque groupe politique. Elle rompt ainsi avec la pratique antérieure qui subordonnait la place des groupes d’opposition au bon vouloir de la majorité. C’est une avancée dans le fonctionnement démocratique de notre assemblée.
Enfin, et c’est fondamental, le temps globalisé ne sera pas instauré au Sénat. C’est un acquis essentiel pour le groupe socialiste. Chaque sénateur, qu’il soit de la majorité ou de l’opposition, doit pouvoir bénéficier en séance publique de la plénitude de sa capacité d’intervention.
Pour ces différentes raisons, et en me réjouissant du climat de dialogue qui a présidé aux travaux sur le règlement du Sénat, je conclurai, monsieur le président, en réaffirmant que les sénateurs socialistes ne s’opposeront pas à votre proposition et choisiront, si le scrutin est public, de déposer un bulletin rouge.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, nous sommes donc amenés à débattre aujourd’hui de votre proposition visant à réformer le règlement du Sénat pour y introduire les conséquences de la dernière révision constitutionnelle, ainsi que celles des différentes lois organiques adoptées depuis lors. Un certain nombre de lois organiques doivent d’ailleurs encore être examinées. Il conviendra de le faire dans les plus brefs délais pour que la révision de la Constitution prenne tout son sens ; je pense notamment à la loi organique relative au contrôle de constitutionnalité, qui ouvrira à nos concitoyens un champ nouveau de droits, dont l’exercice ne sera plus réservé aux parlementaires.
Je voudrais simplement faire part de quelques observations.
Les apports globaux de la proposition de résolution en vue de favoriser le pluralisme au Sénat – M. le rapporteur les a parfaitement rappelés – vont dans le bon sens. Il s’agit de la répartition à la représentation proportionnelle des responsabilités au sein du bureau du Sénat, d’un mode de votation en conférence des présidents reflétant exactement la composition du Sénat, changement capital qui me paraît devoir modifier profondément les habitudes de cette maison et faire petit à petit de la conférence des présidents l’organe politique préparant les débats de notre assemblée.
Les droits des groupes minoritaires et des groupes de l’opposition – pour ma part, je connais plutôt le cas des groupes minoritaires – sont surtout inscrits, pour l’instant, dans les textes, et il faut maintenant les faire entrer dans les faits et les habitudes. J’espère que nous y parviendrons au fil du temps et de la pratique parlementaire.
Il reste un certain nombre de points sur lesquels je voudrais revenir, qui ont trait plus largement à l’organisation des travaux législatifs. Les propositions qui nous sont faites peuvent être évaluées à l’aune de l’expérience que nous vivons actuellement avec le projet de loi relatif à l’hôpital ou d’autres textes.
Non sans remercier M. le rapporteur d’avoir rappelé le cadre dans lequel il a travaillé, je voudrais tout d’abord noter que tout ce qui concerne l’organisation des travaux législatifs résulte d’un accord entre les deux rapporteurs du groupe de travail. §M. Gélard a en effet dit n’avoir retenu que les amendements qui pouvaient s’inscrire dans les conclusions des deux rapporteurs. Mais il pourra me corriger si je le cite de manière erronée.
La parole est à M. le président de la commission, avec l’autorisation de l’orateur.
Les deux rapporteurs ne sont que les porte-parole du groupe de travail.
Monsieur Mercier, vous le savez fort bien, les rapporteurs se sont exprimés en se fondant sur le consensus dont certains sujets ont été l’objet et auquel vous avez parfois participé ! Ils n’ont pas mis leur propre grain de sel dans cette proposition de résolution !
M. Michel Mercier. À mon sens, le texte de la proposition de résolution est, s’agissant du travail législatif et de la séance, le résultat d’un accord entre les deux principaux groupes du Sénat.
M Jean-Pierre Bel proteste.
Je constate donc que notre groupe n’a pas été associé aux travaux sur un certain nombre de points, notamment sur l’organisation de l’agenda parlementaire. Ce sujet a été traité entre les deux principaux groupes, mais il faudra peut-être revenir sur ce point au cours des prochains mois, ou des prochaines années.
Considérez la manière dont se déroulent aujourd’hui les travaux parlementaires. On essaie d’établir un agenda, les commissions siégeant tel jour à telle heure, la séance publique ayant lieu tel jour à telle heure. Il suffit de regarder ce qui se passe pour voir que tout fonctionne comme auparavant ; nous n’avons pas pu changer, et il nous faut faire face à la réalité du travail législatif tel qu’elle est. Le consensus recherché – et je suis favorable, par principe, au consensus – a abouti à un résultat dont on doit bien reconnaître l’inachèvement. Nous aurons donc encore à travailler pour parvenir au bon équilibre dans le fonctionnement du Sénat. Les sénateurs doivent conserver toutes leurs libertés et tous leurs droits ; dans le même temps, les discussions doivent pouvoir progresser.
Monsieur le président du Sénat, vous nous avez offert la possibilité, la grande chance de travailler ensemble de façon pluraliste, même si, personnellement – et c’est un vœu personnel que je réitère ici –, j’aurais souhaité un peu plus de pluralisme.
Mais le souci de travailler ensemble doit également être accompagné de la recherche d’une certaine efficacité. Le travail de chacun doit, en outre, être facilité dans toute la mesure possible.
Il est vrai que nous n’avons pas su répondre à toutes les questions d’emploi du temps. Il nous faudra donc, à mon avis – nous devons en avoir pleinement conscience –, travailler à nouveau sur ce règlement. La proposition qui nous est faite aujourd’hui ne nous permet pas moins d’aller de l’avant comme il convient dans une assemblée parlementaire, c’est-à-dire en se fondant sur le plus large consensus possible.
C’est la raison pour laquelle, même si notre groupe ne se reconnaît pas dans certaines des dispositions proposées aujourd’hui, il les assumera toutes, en votant la proposition de résolution.
Monsieur le président, le groupe de travail sénatorial que vous avez mis en place en octobre dernier pour préparer la réforme du règlement dont nous débattons aujourd’hui a travaillé sérieusement. Cela ne fait aucun doute, et je peux, à cet égard, confirmer les propos de ceux qui m’ont précédée à la tribune ; cependant, je le précise, cela ne vaut pas consensus sur le résultat.
Le règlement procède de la révision constitutionnelle et de la loi organique du 15 avril 2009, contre lesquelles nous avons voté parce que nous contestons l’idée que leur contenu renforce le rôle du Parlement.
Le débat sur la loi organique a été tout à fait significatif. La majorité UMP a fait le choix d’inscrire dans la loi organique la possible limitation a priori du débat public au Parlement, avec le « crédit-temps », et ce alors même que le groupe de travail du Sénat ne retenait pas cette disposition pour son propre règlement !
L’Assemblée nationale, quant à elle, a bien inscrit cette disposition dans son règlement. D’ailleurs, le débat à l’Assemblée nationale a pris une bien curieuse tournure, si l’on en croit les échanges dont le règlement de l’Assemblée nationale a été l’objet à l’intérieur même de la majorité. Le président de l’Assemblée nationale en est venu à défendre un équilibre. S’agit-il d’un équilibre entre majorité et opposition, d’un équilibre entre exécutif et majorité ou d’un équilibre entre exécutif et Parlement ? Chacun peut interpréter. Dans le même temps, le président du groupe UMP lui oppose le fait majoritaire et le refus de toute inflexion du « crédit-temps ». Comme Xavier Bertrand, aujourd’hui secrétaire général de l’UMP, rappelle que la légitimité de la majorité parlementaire – surtout celle des députés, précise-t-il – procède du Président de la République, la boucle est bouclée !
Cela confirme encore une fois que la révision constitutionnelle et la pratique, qui l’a d’ailleurs précédée et inspirée, nous conduisent à une situation très préoccupante : un pouvoir exécutif concentré entre les mains du Président de la République, chef de la majorité et du parti majoritaire de la majorité, omnipotent et omniprésent ; un Parlement largement réduit aux bavardages.
En effet, le Parlement peut, en dehors de la discussion des projets de loi, débattre de sujets, créer des missions ; les parlementaires passent ainsi beaucoup de temps en commissions que le Gouvernement supervise. C’est l’inspection des travaux finis par des contrôles multiples sans véritable suite !
En même temps, il ne se passe pas une semaine sans que le Président de la République annonce de nouvelles dispositions, au rythme des faits divers, des échéances électorales et des variations de sa cote de popularité. Il crée des commissions ad hoc, missionne telle ou telle personnalité de son choix, tandis que le Parlement étudie éventuellement la question avec sa propre mission pour préparer ou « tester » – c’est le testing présidentiel – l’opinion et voir comment « faire passer » !
Le projet de loi sur la sécurité intérieure adopté vendredi dernier en conseil des ministres n’est-il pas le treizième du genre depuis 2002 ?
« Trop de loi tue la loi », chaque sénateur a dû le dire au moins une fois dans sa vie parlementaire ; M. le rapporteur ne vient-t-il pas de le proclamer à nouveau. Mais vous continuez, tel un troupeau au bord du précipice…
L’inflation législative génère l’utilisation à répétition de la procédure d’urgence, devenue « accélérée », procédure que nous critiquons, pour ce qui nous concerne, depuis 1958.
Ainsi, était-il sérieux de déclarer et maintenir l’urgence sur la loi pénitentiaire votée ici en 2009 et pas encore inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ?
Est-il sérieux de maintenir l’urgence sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital, privant l’Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct, de l’examen d’un texte réécrit de manière importante, même si le Gouvernement a repris les choses en mains, comme le dit si élégamment à l’égard du Sénat M. Accoyer ?
Il faut également rappeler que, en cas de procédure accélérée, l’une des rares avancées de la révision constitutionnelle, un délai obligatoire entre le dépôt d’un projet de loi et son examen en séance publique, n’est plus applicable.
Mêmes causes, mêmes effets sur le « fameux » partage de l’ordre du jour. Nous en voyons les premiers résultats : soit on accepte un débat étriqué sur les projets de loi d’origine gouvernementale, le Parlement ne disposant pas du temps nécessaire pour jouer son rôle de législateur, soit il cède son ordre du jour au Gouvernement, comme cela s’est produit à plusieurs reprises à l’Assemblée nationale et comme cela a lieu en ce moment même au Sénat, avec le projet de loi portant réforme de l’hôpital.
Monsieur le président, il n’était pas sérieux d’annoncer cette nouvelle répartition de l’ordre du jour sans s’affranchir de l’inflation législative du Gouvernement qui, non seulement en rend le respect peu crédible, mais « recycle » les projets de loi en propositions de la majorité.
Je note évidemment que la commission des lois a rejeté notre amendement tendant à interdire que la répartition de l’ordre du jour puisse être modifiée en cours de route. M. le rapporteur a affirmé que ce n’était pas anticonstitutionnel, sous-entendant que nos amendements, eux, présentaient forcément ce caractère.
Autre pilier de la révision constitutionnelle, l’orientation vers la commission du débat parlementaire.
Nous avons exprimé clairement et sans hésitation notre opposition à cette évolution. Le travail en commission, présenté comme la quintessence du travail parlementaire, revêt à nos yeux deux défauts majeurs : l’absence de transparence et la minoration du pluralisme.
Ces défauts mettent en valeur deux qualités, tout aussi importantes, de la séance publique : la transparence et un cadre adapté à l’expression du pluralisme.
Les premières semaines d’application de la révision constitutionnelle, depuis le 1er mars, débouchent sur un premier constat : pour faire fonctionner le nouveau système, il faut, soit appliquer la réduction du droit d’amendement et du débat public, voie choisie par l’Assemblée nationale, soit accepter une certaine confusion entre le travail en commission et les débats en séance publique.
La présence des ministres au cours des délibérations et du vote en commission – vous l’avez acceptée, bien que vous y soyez opposés – ne fait qu’aggraver une véritable confusion des pouvoirs. Cela mériterait un plus ample débat sur le respect de la séparation des pouvoirs.
Je note que la commission des lois a refusé notre amendement tendant à limiter cette co-élaboration entre ministres et parlementaires au sein des commissions, qui ne serait donc pas, selon elle, anticonstitutionnelle.
Monsieur le président, nous ne méconnaissons pas le parti pris, au Sénat, de tempérer le « fait majoritaire ». L’existence aujourd’hui, dans cette assemblée, d’une majorité relative de l’UMP n’y est sans doute pas pour rien ! Mais qui peut croire un instant que le Sénat, qui va décider de ne pas appliquer le « crédit-temps », ce qui est en soi une bonne chose, pourra continuer longtemps à débattre de manière plus démocratique et approfondie, alors que l’Assemblée nationale sera en permanence sous le coup du « 49-3 parlementaire » – selon les termes que j’ai employés au moment de la révision constitutionnelle –, c'est-à-dire la limitation du temps de parole global par la conférence des présidents.
J’espère me tromper en discernant un prétexte, dans l’attitude de la majorité sénatoriale, pour mieux valider la fin du débat démocratique dans l’assemblée qui a le dernier mot.
Monsieur le président, nous avons approuvé des modifications du règlement, discutées au sein du comité sénatorial, qui donnaient légalité au pluralisme en officialisant l’application de la proportionnelle dans les bureaux des commissions, les organismes extraparlementaires ou la conférence des présidents et en donnant quelque reconnaissance aux groupes en application de l’article 51-1 de la Constitution que nous avions défendu.
Mais ces avancées sont très modestes et, en quelque sorte, habilement contraintes.
Ainsi, la commission des lois a refusé qu’une demande de discussion immédiate puisse être remise par un groupe, au lieu d’un nombre de sénateurs fixé à trente, comme la majorité avait refusé que le Conseil constitutionnel puisse être saisi par un groupe.
La commission a aussi refusé notre amendement tendant à inscrire le principe d’un vice-président ou questeur par groupe, ce qui conforterait la reconnaissance de chaque groupe, en nous opposant qu’il pourrait y avoir douze groupes.
D’un point de vue arithmétique, ce refus peut se comprendre. C’est plus difficile sur le plan politique !
Par ailleurs, en refusant notre amendement tendant à rendre impossible le cumul « d’avantages » de la majorité – la présidence des commissions – et de l’opposition – par exemple l’initiative mensuelle – aux groupes minoritaires qui ne se déclarent ni de l’une ni de l’autre, la commission entretient une confusion regrettable.
J’observe aussi que la commission a rejeté deux amendements de mon groupe sur des points qui semblaient faire accord dans le groupe de travail préliminaire.
Le premier visait à prévoir que les débats de procédure – motions tendant à opposer la question préalable ou l’exception d’irrecevabilité, et motions tendant au renvoi à la commission – aient lieu avant la discussion générale, comme c’est le cas à l’Assemblée nationale. Tout le monde ici semblait considérer comme absurde que les motions de procédure interviennent après la clôture de la discussion générale. Notre amendement n’a pourtant pas été retenu.
Le second amendement visait à modifier la vérification du quorum en permettant que cette demande de quorum soit possible pour un groupe – cela aurait été logique avec la reconnaissance des groupes –, et, surtout, en la rendant plus effective qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Pour conclure, je dirai que le Sénat, où l’alternance n’a jusqu’ici jamais existé, a une longue expérience du fait majoritaire et de la rationalisation des débats par la majorité elle-même.
Le règlement était déjà bien organisé pour assurer à la majorité une parfaite maîtrise du débat, les demandes de suspension de séance et de quorum étant beaucoup plus difficiles à obtenir qu’à l’Assemblée nationale. Le temps de parole sur les motions de procédure était également beaucoup plus court.
Ceux qui ont déjà passé quelques années dans cet hémicycle savent que les irrecevabilités étaient facilement utilisées pour supprimer de nombreux amendements en cas de discussion tendue. À ce sujet, nombre d’entre vous se rappelleront, comme moi, des débats sur les retraites qui eurent lieu ²en 2003.
Dans le contexte actuel des rapports de force au Sénat, la réforme qui nous est proposée aujourd’hui se veut moins contraignante pour le débat qu’à l’Assemblée nationale.
Elle ne s’inscrit pas moins dans cette logique de rationalisation du travail parlementaire typiquement sénatoriale depuis plus de vingt ans et que la révision de 2008 a maintenant constitutionnalisée.
L’extension du domaine des irrecevabilités parlementaires, en matière financière ou constitutionnelle, la réduction du temps de parole répondent à l’objectif du Président de la République – et sans doute de sa majorité – de réduire le débat démocratique, le débat pluraliste, et à une tendance bipartiste des institutions, alors que le bipartisme est loin d’être une réalité politique.
Nous voterons donc contre cette réforme du règlement, car elle s’inscrit pleinement dans une révision constitutionnelle que nous réfutons. J’ajoute que nous n’acceptons pas non plus l’éventuelle répartition des rôles entre l’Assemblée nationale et le Sénat, où seuls les « Sages » pourraient débattre à volonté, la chambre émanant du suffrage universel étant bâillonnée.
Nous espérons, monsieur le président, qu’un constat du danger que fait courir la loi constitutionnelle de juillet dernier à l’équilibre républicain sera rapidement établi. Il faudra y remédier sans tarder.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, mes chers collègues, modifier le règlement de notre assemblée est à l’évidence un acte politique.
C’est une nouvelle étape du chemin que nous avons commencé à tracer en juillet 2008, en adoptant la plus importante réforme constitutionnelle depuis 1958, dont l’objectif était d’accorder une place plus grande au Parlement dans l’élaboration de la loi et dans sa capacité à contrôler et évaluer l’action gouvernementale.
Ce n’est pas si sûr !
Ces premiers changements sont entrés en vigueur le 1er mars dernier, avec le partage de l’ordre du jour ou la discussion en séance du texte adopté par la commission.
L’étape d’aujourd’hui est une occasion de moderniser notre loi intérieure. Il ne faut pas la manquer sans pour autant la figer.
Le règlement du Sénat est la référence indispensable pour l’organisation pratique de nos travaux, sur laquelle chacun d’entre nous doit pouvoir s’appuyer. De sa teneur dépend, en partie, la qualité de notre travail.
Le règlement, c’est l’instrument d’équilibre des pouvoirs, c’est le premier outil politique donné au législateur pour lui permettre de s’exprimer dans le cadre du mandat qu’il a reçu du peuple.
Réviser ce règlement constitue, pour le Sénat, une chance de consolider sa spécificité, sa légitimité et l’exigence qui est la sienne dans l’exercice de ses missions constitutionnelles.
C’est dire l’importance de cette proposition de résolution pour la vie du Sénat : son contenu conditionnera, pour les années à venir, nos méthodes de travail au service de la démocratie et de l’intérêt général.
Modifier notre règlement nécessitait, conformément à notre tradition, de rechercher un accord global des différents groupes sur les grandes orientations qu’il convenait de prendre.
C’était d’autant plus nécessaire – cela a été dit, mais je le répète – qu’aucun groupe, depuis 1958, n’a détenu à lui seul la majorité absolue au sein de notre assemblée, à l’exception de l’UMP entre 2002 et 2008.
Dans ce domaine, il aurait été déraisonnable, et sans doute irréalisable, de vouloir passer en force. La modernisation du Sénat est, en effet, l’affaire de tous.
Ainsi, la décision que vous avez prise, monsieur le président, de constituer, dès le mois d’octobre, un groupe de travail très large et pluraliste s’est avérée judicieuse et déterminante. Pendant six mois, sous votre autorité, une réflexion approfondie et ouverte a été menée, dans un climat où la confrontation des idées s’est toujours révélée constructive et respectueuse des opinions d’autrui. Je veux vous rendre hommage, monsieur le président, pour cette initiative qui a rendu ce travail possible.
Je veux également féliciter les deux rapporteurs de ce groupe de réflexion, Bernard Frimat et Jean-Jacques Hyest, qui ont su écouter les préoccupations exprimées par l’ensemble des participants et les traduire dans les mesures proposées. C’est du moins ce que j’ai ressenti.
La démarche poursuivie a été fructueuse, puisque les orientations de cette proposition de résolution recueillaient, me semblait-il, lors des réunions de ce groupe de travail, l’assentiment global des groupes constituant notre assemblée.
Elle s’articule autour de quatre axes : l’approfondissement du pluralisme sénatorial ; la recherche d’une organisation plus efficace de notre travail ; la modernisation des procédures de contrôle en séance publique ; enfin, le renforcement de l’action du Sénat en matière européenne.
Il s’agit, comme le soulignait très justement notre rapporteur, Patrice Gélard, d’un texte à la fois consensuel et équilibré, même si j’ai entendu, depuis le début de l’après-midi, des variations sur ce thème que je n’avais pas pressenties auparavant.
Notre groupe souscrit aux grandes orientations de cette réforme.
La nouvelle organisation de l’agenda du Sénat va transformer nos habitudes de travail.
Avec un temps clairement défini pour les groupes politiques, pour les commissions et pour la séance publique, chaque sénateur pourra s’investir dans les différents travaux de notre assemblée.
Conformément à l’esprit général qui a animé les débats du groupe de travail, la proposition de résolution conforte et approfondit le pluralisme sénatorial.
Il faut le reconnaître, les groupes politiques sont les moteurs essentiels de la vie parlementaire. C’est d’eux que tout procède. Il était important de garantir une meilleure représentation de chacun d’entre eux au bureau du Sénat ou aux bureaux des commissions et de leur accorder de nouveaux droits, comme le droit de tirage pour la création d’une commission d’enquête et d’une mission commune d’information. Nous n’avons pas à éprouver de réticence pour améliorer la situation.
Les groupes de l’opposition et les groupes minoritaires bénéficient désormais de droits spécifiques, notamment dans le cadre de la journée mensuelle réservée. Ce sont là des avancées majeures et concrètes qui méritent d’être soulignées et constituent assurément un véritable tournant dans la Ve République.
La conférence des présidents va devenir le lieu d’arbitrage et d’organisation de la séance. Elle sera appelée à jouer un rôle essentiel dans le déroulement de nos débats. Nous nous félicitons que les groupes politiques en deviennent les acteurs centraux, puisqu’il sera désormais attribué à chaque président de groupe un nombre de voix égal au nombre des membres de son groupe, déduction faite, bien sûr, de ceux qui participent à la conférence des présidents.
Nous considérons également comme un progrès la possibilité pour la conférence des présidents de décider d’organiser un débat préalable d’orientation en séance plénière, peu de temps après le dépôt d’un projet de loi. Le président de la commission des lois le rappelait tout à l’heure, le groupe UMP du Sénat appelait de ses vœux un tel débat, car il permettra aux porte-parole des groupes, du moins est-ce là mon souhait, d’exprimer leur position en amont des travaux de la commission saisie au fond.
Les questions cribles, enfin, favoriseront la spontanéité de nos échanges avec les membres du Gouvernement, dans un esprit de réactivité par rapport à l’actualité. Cette nouvelle catégorie de questions donnera aux sénateurs la possibilité de s’exprimer sur un mode plus direct. C’est là une excellente manière de moderniser notre travail.
L’ensemble de ces dispositions donnera une nouvelle dynamique à notre vie parlementaire.
Permettez-moi cependant, à ce stade de mon propos, de formuler une crainte, un regret et un souhait qui rejoignent les positions que j’ai défendues avec constance, même si la plupart n’ont pas été retenues, lors des réunions de notre groupe de travail.
Une crainte tout d’abord : le risque de la répétition des débats en commission, puis en séance publique.
Absolument !
La question reste entière : comment mieux articuler les travaux de la commission et l’examen des textes en séance publique ?
Est-il souhaitable qu’un même amendement puisse être examiné trois fois : lorsque la commission établit son rapport, lorsqu’elle délibère sur les amendements extérieurs, enfin lorsque le texte est examiné en séance publique ?
Cette situation, si elle n’est pas maîtrisée, risque de provoquer la paralysie de l’ordre du jour.
L’examen du projet de loi dit « hôpital, patients, santé, territoires », même s’il se déroule dans un climat sérieux et serein qu’il faut saluer, n’a pas véritablement apaisé ma crainte. Il met en évidence un certain nombre de difficultés qui s’expliquent par ce que nous sommes dans une période d’adaptation, mais auxquelles il nous faudra apporter des réponses.
Ces considérations, de bon sens me semble-t-il, m’incitent à formuler un regret que j’ai souvent exprimé lors des réunions de notre groupe de travail.
Le groupe UMP aurait en effet souhaité que nous tirions mieux les conclusions de cette nouvelle donne dans l’organisation de la séance publique, même si la tradition sénatoriale ne justifiait pas le recours au « temps législatif programmé ».
Nous pensons que cette question, pour des raisons pratiques, devra être revue à la lumière de l’expérience partagée.
L’article 24 de la proposition de résolution réduit le temps de présentation des amendements, qui sera désormais de trois minutes. Cela permettra-t-il réellement de raccourcir nos débats ? Nous avions, pour notre part, suggéré que les modalités de prise de parole sur les articles et les explications de vote soient réexaminées.
Les amendements de suppression d’un article seront désormais systématiquement disjoints de la discussion commune. C’est un progrès. Nous sommes nombreux à reconnaître que les « tunnels » d’amendements rendent nos débats confus et démobilisent les parlementaires. Cette question, à l’évidence, méritera aussi d’être à nouveau posée.
L’article 19 a permis de dégager un accord sur l’organisation de la clôture du débat. Ce mécanisme est bon dans son principe. Il fait partie des efforts que j’ai consentis pour obtenir un accord global.
Absolument ! Car, pour rallonger les débats, il n’y a pas mieux !
Conçu pour sortir nos débats de l’enlisement, ce mécanisme risque de se retourner toujours contre son utilisateur, qui se verra instantanément accusé – on connaît la chanson ! – de vouloir empêcher le débat et bâillonner la représentation nationale.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
À cet égard, monsieur le président, il serait utile, à un moment ou à un autre du déroulement d’un débat, de publier les statistiques qui feraient le point sur les prises de parole et sur la part qui en revient au Gouvernement, à la commission, aux sénateurs s’exprimant à titre individuel ou aux représentants des groupes.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
On sera certainement surpris de connaître ces chiffres : ils montreront que ceux qui accusent le plus souvent leurs collègues de vouloir bâillonner la discussion en séance publique ou de sacrifier les droits de l’opposition sont aussi ceux qui utilisent le plus largement toutes les possibilités dont ils disposent. Je crois que, sur ce sujet, nous faire un procès d’intention serait véritablement malvenu.
Vous ne voulez pas déplaire au Gouvernement ! Il faut voter les textes conformes !
M. Henri de Raincourt. Je vous donnerai les chiffres sur le projet de loi sur l’hôpital, mon cher ami, et vous verrez que vous êtes en la matière le champion toutes catégories – ce pour quoi je suis très admiratif !
Sourires
Mes chers collègues, nous sommes tous pleinement attachés à la séance publique et au respect du droit d’expression de chacun. Mais conduire une nouvelle réflexion sur des solutions plus audacieuses pour le déroulement de nos débats est un exercice auquel nous serons un jour contraints de nous livrer, et ce pour deux raisons pratiques.
En premier lieu, l’ordre du jour est désormais partagé entre le Parlement et le Gouvernement. Cela nous conduit, en règle générale, à devoir examiner en deux semaines ce que nous examinions auparavant en quatre semaines. Je fais partie de ceux qui militaient pour que cette répartition ne se fasse pas en deux parts égales, mais que trois semaines soient réservées à l’initiative gouvernementale et une semaine à l’initiative parlementaire, sénatoriale en l’occurrence.
Dans la pratique, nous le constaterons, c’est vers cette réalité que nous tendrons.
Oui, on le voit déjà, mais ce n’est pas au détriment de vos groupes, mes chers collègues : c’est au détriment du groupe UMP ! Pour autant, nous faisons ce sacrifice de bon cœur.
Non seulement c’est normal, madame, mais nous le faisons de bon cœur, je viens de le dire, parce que nous voulons absolument favoriser la réussite de la politique gouvernementale !
En second lieu, la discussion en séance publique porte sur le texte de la commission : lorsqu’elle intervient, un débat important s’est donc déjà tenu au sein de la commission, et en présence, s’il le décide, du Gouvernement. La volonté du constituant était de permettre que la séance soit le lieu où nous nous concentrions en priorité sur les points les plus sensibles et les dispositions les plus politiques. Or, en réalité, nous constatons que nous entrons de plus ne plus avant dans le détail des mesures.
Il nous faudra donc étudier comment mieux coordonner le moment de la commission et celui de la séance, une grande partie du travail parlementaire se jouant dorénavant en commission.
Je me permettrai simplement de rappeler, sous votre regard bienveillant, monsieur le président, que voilà vingt ans, en 1989, nous étions trois – vous-même, notre collègue Guy Allouche et moi-même – à déjà appeler à l’évolution de l’organisation de nos travaux en séance publique, parce que nous souhaitions que celle-ci soit véritablement le lieu du débat politique.
Une des raisons de la désaffection des parlementaires à son égard, c’est justement que nous entrons beaucoup trop dans le détail. Nous devons profiter du renforcement du travail en commission pour repenser ce nouvel équilibre, sans, naturellement, nuire à la liberté d’expression de chacune et de chacun d’entre nous.
C’est pour les mêmes raisons que deux de mes collègues présidents de groupe et moi-même sommes très attachés à ce que la présence d’un de nos collaborateurs pendant les réunions des commissions devienne le plus rapidement possible une réalité ; nous aurons l’occasion d’y revenir.
Enfin, mes chers collègues, permettez-moi de formuler un souhait.
Cette proposition de résolution, que nous soutenons, constitue à l’évidence une première étape. Cependant, la modification de notre règlement ne sera pas à elle seule suffisante pour parachever la réforme amorcée par la révision constitutionnelle de juillet dernier. Notre pratique sera à cet égard décisive.
Un certain nombre d’évolutions proviendront de notre propre comportement comme de celui du Gouvernement.
La conviction de notre groupe est qu’il appartient à chacun d’entre nous de participer à cette nécessaire modernisation de nos méthodes de travail, la crainte du changement ne devant pas l’emporter sur la perspective d’un Sénat plus moderne et plus efficace. Car c’est bien l’objectif de votre proposition de résolution, monsieur le président : contribuer, par notre règlement, à la modernisation de notre institution tout entière.
Une phase d’expérimentation va maintenant s’ouvrir. Nous verrons au plus tard dans un an – mais rien ne nous interdit d’y procéder auparavant ! – si des ajustements ou des modifications sont nécessaires.
Les sénateurs de mon groupe, je le répète, ont fait beaucoup d’efforts et de concessions pour rechercher un accord global. Nous regretterions si, au moment de décider, l’ensemble des groupes politiques, comme j’ai cru en percevoir tout à l’heure la possibilité, ne manifestaient pas cet accord par leur vote et ne ratifiaient pas les conclusions auxquelles nous sommes parvenus dans un accord quasi global. Il serait sympathique que celui-ci puisse se traduire dans le résultat du scrutin qui interviendra sous peu !
Le groupe UMP votera votre proposition de résolution, monsieur le président, et je souhaite que l’application de ce nouveau règlement apporte un nouveau souffle à l’institution parlementaire, dans un esprit de fidélité à la Ve République, à laquelle nous sommes profondément attachés.
Bravo ! Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.
Monsieur le président, mes chers collègues, la réforme du règlement de la Haute Assemblée que nous nous apprêtons à examiner doit constituer l’ultime étape du processus de transformation du travail parlementaire engagé au printemps 2008 et mettre un terme, définitif peut-être, à la subordination permanente du Parlement à l’exécutif, subordination voulue par le constituant de 1958. Elle s’inscrit également dans la suite du projet de loi organique relatif à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 avril dernier.
« Chambre d’enregistrement », « Parlement croupion » : les qualificatifs désobligeants à l’égard de la représentation nationale ont malheureusement traduit dans l’esprit commun l’essence de la Ve République et, surtout, de sa pratique, qu’il s’agisse de la limitation du domaine de la loi, de l’impuissance du Parlement dans la maîtrise de la procédure législative ou de son ordre du jour, ou encore de l’interdiction qui lui est faite de proposer des dépenses nouvelles. Autant de critiques que les Radicaux, viscéralement attachés aux droits du Parlement, ne cessent de dénoncer depuis 1958, et plus encore depuis qu’ils militent pour la VIe République sous la forme d’un régime présidentiel, le seul à leurs yeux qui permette d’avoir un Parlement fort et puissant faisant jeu égal avec l’exécutif. Car c’est bien cela qui doit être l’objectif de toute réforme du travail parlementaire !
En fait de rationalisation du parlementarisme comme réponse au régime d’assemblée de la IVe République, la Ve République a institutionnalisé un déséquilibre entre les pouvoirs dont nous mesurons encore les conséquences désastreuses : inflation des textes, instabilité juridique, verbiage législatif, mélange du domaine législatif et du domaine réglementaire, quasi-immunité du Gouvernement, trop grande soumission de la majorité parlementaire au Gouvernement…
La dernière révision constitutionnelle fut certes le théâtre de vifs débats et de clivages parfois majeurs. Mais quelles que furent alors les positions de chacun, positions toujours responsables et donc respectables, le sens républicain nous impose aujourd’hui de prendre acte de l’applicabilité de ce texte et d’aller au bout de sa logique en mettant notre règlement en conformité avec ses dispositions.
Toutefois, cette réforme du règlement du Sénat doit être bien davantage qu’une simple mise en œuvre de la révision constitutionnelle. Il nous faut aller bien au-delà et utiliser toutes les possibilités que nous confère la nouvelle Constitution et elles sont nombreuses, il faut le reconnaître. Il ne faut pas, mes chers collègues, nous contenter d’une réforme a minima de notre règlement. Il nous faut être ambitieux pour le Parlement, pour le Sénat et pour nous-mêmes. Notre règlement est non pas un simple « règlement intérieur », mais bien un texte qui peut nous amener à rénover en profondeur notre démocratie parlementaire. Encore faut-il s’en donner les moyens et aller au bout de la logique de revalorisation du Parlement !
Nous sommes aujourd’hui engagés dans un processus irréversible de transformation de nos méthodes de travail. De profondes modifications voulues par la révision constitutionnelle sont déjà à l’œuvre, elles doivent s’accompagner de nouveaux changements. Par exemple, l’examen en séance publique du texte issu des travaux de la commission est une exigence de la réforme, mais en l’état, force est de constater qu’elle ne donne pas entière satisfaction et pose, on le voit bien avec le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires ou encore avec le projet de loi portant engagement national pour l’environnement dit « Grenelle II », une série de problèmes aussi bien pour les commissions, pour les groupes que pour les sénateurs eux-mêmes.
Nous ne pourrons pas encore longtemps faire du neuf avec du vieux ! Il nous faut, mes chers collègues, dépoussiérer nos outils parlementaires, changer nos habitudes de travail et revoir nos modes de fonctionnement et nos équilibres internes – parfois un peu déséquilibrés, il faut bien le dire – entre groupes politiques, d’une part, et entre groupes politiques et commissions, d’autre part. Nous ne pourrons en faire l’économie encore longtemps ! Le train de la réforme du travail parlementaire – fût-il un train de sénateurs ! – est en marche, il s’accélère et la réforme finira par aboutir pleinement.
Mes chers collègues, la révision constitutionnelle a enfin acté l’existence du pluralisme parlementaire en reconnaissant, à travers l’article 51-1 de la Constitution, qu’à côté des groupes de la majorité existent des groupes de l’opposition et des groupes minoritaires qui disposent de « droits spécifiques ». Cette reconnaissance est un progrès ! Encore faut-il que les règlements des assemblées parlementaires donnent corps à ces « droits spécifiques » pour qu’ils deviennent réalité.
Sur ce point, mon groupe, le RDSE, groupe minoritaire au sens constitutionnel, c’est-à-dire n’appartenant ni à la majorité ni à l’opposition ou plutôt appartenant aux deux car ayant un pied dans l’une et un pied dans l’autre, reste sur sa faim.
Une assemblée parlementaire, a fortiori le Sénat, ne peut pas fonctionner de façon binaire, bipolaire et duale dans un dialogue manichéen et artificiel entre une majorité et une opposition.
La vie parlementaire n’est certainement pas la vie politique et les groupes ne doivent plus se comporter comme le prolongement exclusif des partis politiques.
Faut-il rappeler ici que l’article 5 du règlement du Sénat, article qui restera inchangé, dispose que « les sénateurs peuvent s’organiser en groupes par affinités politiques » et non pas par appartenance partisane ?
C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse de mon groupe puisqu’il est constitué de sénateurs appartenant à différentes familles politiques et à différents partis politiques, mais qui tous se rassemblent sur l’essentiel : des affinités politiques communes et des valeurs partagées. Voilà l’essence même de la vie parlementaire et du Parlement ! Loin d’être un groupe anachronique, nous sommes au contraire – je le crois vraiment – un groupe précurseur et plein d’avenir, surtout dans la période actuelle !
Dès lors, je donne acte à notre président, Gérard Larcher, à la lecture de l’intitulé de sa proposition de résolution, d’avoir voulu « conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat ».
Je tiens également à saluer le travail du groupe de travail sur la révision constitutionnelle et la réforme du règlement, dont nos collègues Bernard Frimat et Jean-Jacques Hyest étaient les rapporteurs. Je regrette néanmoins l’absence à leurs côtés d’un sénateur issu d’un groupe plus petit, voire minoritaire.
Mes collègues du groupe du RDSE et moi-même ne pouvons nous satisfaire de la rédaction de cette proposition de résolution telle qu’elle nous est présentée aujourd’hui. Comme je l’indiquais tout à l’heure, nous souhaitons aller encore plus loin pour donner corps à l’expression d’un pluralisme réel dans cet hémicycle et dans le Sénat plus largement.
Le groupe que j’ai l’honneur de présider, bien que modeste en nombre, entend bien prendre toute sa place dans le débat démocratique et peser politiquement plus que son poids réel. Et il le fera au travers de sa force de proposition et des principes intangibles qu’il défend !
Il incarne même à lui seul – si j’ose dire – le pluralisme qui doit être inhérent à l’expression des opinions dans notre assemblée. Notre tradition d’ouverture, de tolérance et de liberté, ainsi que notre composition plurielle, nous autorisent à considérer avec une acuité certaine l’impératif de garantir l’expression de la multiplicité des opinions parlementaires qu’impose désormais la Constitution.
Cependant, au-delà des dispositions accordées par la Constitution et plus encore par le règlement, il est un point qui joue en notre faveur dans le Sénat d’aujourd’hui : l’importance cruciale de l’avis des groupes minoritaires et des groupes charnières. Nombre de décisions majeures ne pourront désormais plus être prises sans tenir compte de l’opinion et des propositions d’un groupe comme le mien, au grand dam sans doute des partisans d’un bipartisme réducteur !
Nous nous en félicitons et entendons en faire le meilleur usage !
C’est pour nous comme une renaissance, d’autres diraient une « reconquête » !
C’est donc, vous l’aurez compris, avec un esprit de grande responsabilité que nous accueillons les prérogatives nouvellement accordées à des groupes minoritaires par l’article 51-1 de la Constitution. Il est donc regrettable, au titre du respect du pluralisme et de la transparence, que la présente proposition de résolution n’aille pas au bout de la logique sous-tendue par la révision constitutionnelle, la loi organique et la décision du Conseil constitutionnel.
C’est pourquoi nous proposerons, par nos amendements, que le règlement du Sénat prenne totalement la mesure de la place qui doit être accordée au pluralisme sénatorial. Nous proposerons d’augmenter les prérogatives des groupes minoritaires, pour l’heure trop peu nombreuses. Bref, pour nous, le compte n’y est pas !
Il convient ainsi d’atténuer les effets créés par l’application de la proportionnelle pour la répartition des postes au sein de notre Haute Assemblée, qui aboutit paradoxalement à une sous-représentation de certains groupes. Au contraire, il me paraît plus pertinent et surtout plus juste d’appliquer ce que je nommerai « la théorie du socle » et que j’ai si souvent défendue ces derniers mois devant vous, monsieur le président. Pourquoi ne pas la généraliser davantage dans le nouveau règlement ? Elle consiste à procéder dans un premier temps à une répartition égale entre l’ensemble des groupes d’une partie des postes et des temps de parole de manière à ce que nul ne soit lésé. Puis, dans un second temps, on peut alors procéder à une attribution proportionnelle des postes et des minutes restants. Ce mode de répartition a le mérite de combiner la représentation de l’ensemble des groupes avec la prise en compte de leur importance respective. Cette règle, qui sera bientôt applicable aux postes de vice-présidents de commissions, pourrait aisément être étendue à bien d’autres postes.
Le pluralisme sénatorial et l’esprit de la révision de juillet 2008 commandent également que la composition des commissions mixtes paritaires, dont on sait qu’elles jouent un rôle très important, comprenne au moins un membre de chaque groupe politique. Cette proposition correspond en tout point à la théorie du socle que je viens de développer. En outre, nous proposerons que chaque groupe dispose d’au moins deux questions s’agissant de la procédure dite des « questions cribles ». C’est, me semble-t-il, un minimum.
Par ailleurs, nous avons été interpellés par la rédaction de l’article 7, qui prévoit, avant la constitution de la commission, la consultation des présidents de groupes intéressés. Cette rédaction me semble un peu maladroite. Peut-on raisonnablement penser qu’un président de groupe ne soit pas intéressé par la composition d’une CMP ? Ce serait sous-entendre qu’une partie importante du travail législatif ne concernerait que quelques groupes, …
… ce que je ne peux évidemment accepter, en ma qualité de président d’un groupe qui est de nouveau présent sur tous les fronts et intervient dans tous nos débats.
Donner la pleine mesure à la transformation radicale du travail parlementaire résultant de la révision constitutionnelle, c’est aussi tirer les conséquences pratiques du rôle central désormais dévolu aux commissions.
Dans ces nouvelles conditions, la sérénité et le sérieux du travail parlementaire rendent nécessaires une transparence maximale des travaux des commissions. La nature même des réunions des commissions a changé et nous ne pourrons plus très longtemps nous dérober à une pleine et entière publicité de ces travaux, car ces réunions sont appelées à devenir de véritables séances publiques en miniature, drapées des mêmes attributs que nos séances publiques : comptes rendus intégraux des débats, présence de certains de nos collaborateurs pour faciliter le travail des groupes, retransmission en direct et présence de la presse.
Qu’on le veuille ou non, cette évolution est inéluctable et s’inscrit pleinement dans l’avènement d’une démocratie parlementaire de plein exercice. Je le crois vraiment. On ne saurait tempérer ce processus de fond par des considérations purement logistiques. Je dois vous avouer, monsieur le rapporteur, que le seul argument que vous m’avez donné lors de mon audition, à savoir l’absence d’une salle suffisamment grande, ne m’a pas convaincu. C’est pourquoi, avec certains collègues présidents de groupe et dans le prolongement d’un courrier que nous avions adressé à M. le président du Sénat le 18 février dernier, nous proposerons à la Haute Assemblée d’amorcer l’accompagnement de cette évolution, en présentant notre amendement n° 40 rectifié.
Monsieur le président, mes chers collègues, le règlement de notre Haute Assemblée n’est pas un « règlement intérieur » qui n’aurait vocation qu’à définir les droits et devoirs des parlementaires. Il est au contraire le bien commun de l’ensemble du Sénat et l’indispensable support de la libre expression des sensibilités de notre pays et de ses territoires. Le fait majoritaire est la règle de base de toute vie démocratique, mais il ne peut conduire à rendre invisibles ou inaudibles les minorités, a fortiori lorsqu’il n’y a pas, comme c’est le cas aujourd’hui au sein de notre assemblée, de majorité absolue, cela a été rappelé. Les majorités sont à construire en permanence et au coup par coup sur chaque texte et sur chaque amendement : c’est le débat qui en sort grandi !
Monsieur le président, mes chers collègues, il est temps que notre règlement prenne acte de toutes ces évolutions et de ce besoin de renforcer la diversité et les minorités au sein des assemblées parlementaires. C’est d’ailleurs le sens de nos amendements.
Aussi, pour toutes ces raisons, les membres de mon groupe et moi-même ne pourrons voter en faveur de la proposition de résolution dans sa rédaction actuelle.
En revanche, notre vote dépendra du sort qui sera réservé à nos propositions et à nos amendements.
Un Parlement plus fort et une démocratie parlementaire rénovée, c’est d’abord un règlement qui assure des droits substantiels à l’opposition, …
M. Yvon Collin. … confère des prérogatives réelles aux minorités et permet la transparence de tous les débats. C’est à ce prix que nous entrerons alors peut-être dans l’ère, trop vite annoncée sans doute, de « l’hyper-Parlement ».
Applaudissements sur certaines travées du RDSE et certaines travées socialistes. – M. Nicolas About applaudit également.
Monsieur le président, mes chers collègues, il m’est difficile en trois minutes d’exposer la totalité des positions des Verts sur cette proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat, je m’en tiendrai donc à l’essentiel et je demande par avance l’indulgence de la présidence.
Selon nous, ce règlement est avant tout la codification fidèle d’une réforme constitutionnelle, réforme que nous avions refusée, mais qui est certes adoptée aujourd’hui.
Le Sénat a donc une compétence liée dans l’élaboration de ce règlement, il ne faut pas l’oublier, et cela se ressent à la lecture du texte qui nous est présenté aujourd'hui.
Je ne reviendrai pas sur les acquis de cette réforme, le partage de l’ordre du jour, le développement du contrôle de l’action du Gouvernement, ni même sur les droits – partiels – acquis par les groupes parlementaires.
C’est là le fruit du consensus qui a émergé des travaux du groupe de travail sur la révision constitutionnelle et la réforme du règlement, d’autres intervenants l’ont dit.
Mes premières remarques concernent la prétendue amélioration des droits du Parlement et la qualité du processus législatif.
À l’évidence, la nouvelle procédure a permis, en particulier au Sénat, de mieux affirmer ses positions et ainsi de mieux défendre son point de vue sur plusieurs textes d’une importance capitale, comme le projet de loi pénitentiaire.
Nous avons souhaité bénéficier de plus de temps pour élaborer nos lois. Néanmoins, depuis le mois de mars, le temps s’est accéléré, les travaux des commissions n’ont jamais été aussi intenses !
Sur un travail accru en commission, s’est greffée une pratique abusive de la procédure accélérée, devenue le mode opératoire classique d’un gouvernement plus soucieux du nombre de textes que de leur qualité.
Il est vrai que le chef de l’État a une obsession : faire du chiffre, partout faire du chiffre !
Comment expliquer que l’amélioration de la procédure législative se traduise par un recours accru à la procédure accélérée ? N’est-ce pas là un paradoxe, qui vide de tout son sens l’objectif premier de cette réforme : donner au Parlement un pouvoir de maîtrise du processus législatif ?
Notre sentiment est justement que le premier perdant est le Parlement : l’urgence est aujourd’hui le maître mot de toute réforme. L’émotion est toujours, si ce n’est plus, la motivation première du Gouvernement pour légiférer et la qualité des lois s’en ressent de manière encore plus forte.
Nous n’avons pas plus qu’hier le temps de légiférer, ni plus de liberté : le Gouvernement reste, par l’entremise d’une majorité faisant allégeance, le véritable architecte de la procédure législative.
L’autre point important concerne le fonctionnement démocratique de la Haute Assemblée.
On ne trouve aucune trace, dans ce règlement, de toute référence à l’absentéisme, ni même au mode de votation. C’est pourtant là le cœur même de la démocratie parlementaire : nous sommes élus pour siéger, c’est-à-dire pour exercer notre mandat de manière effective.
Pas un mot sur l’absentéisme, qui est, à mon sens, l’une des raisons majeures de la défiance du public à l’égard de nos travaux en particulier, et des politiques en général.
M. Nicolas About applaudit.
Aucune référence à toute sanction financière, pourtant, et malheureusement, seul outil propre à assurer la présence effective des parlementaires, et donc à rompre avec les pratiques abusives du cumul des mandats.
Pas un mot non plus sur les abus du recours au scrutin public, qui permet, aujourd’hui, à un parlementaire de voter pour l’ensemble de ses collègues, ou au Gouvernement d’étouffer les dissidences au sein de sa majorité, ou encore de faire croire aux citoyens qu’une large majorité a adopté une loi, alors que ce ne sont que des fauteuils qui ont voté...
Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste. – M. le président de la commission des lois s’exclame.
Tel est là, me semble-t-il, le défaut majeur de cette proposition de résolution : elle évite soigneusement d’ouvrir la boîte de Pandore ! Et pour cause, nous le savons tous, le Conseil constitutionnel veille au respect du principe constitutionnel du caractère personnel du vote. Selon ce principe, le vote ne peut être délégué qu’à une seule personne, nommément désignée.
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’Assemblée nationale, sous la présidence de Philippe Séguin, avait choisi de se conformer à ce principe en modifiant son règlement intérieur.
Il lui a fallu du courage pour imposer ce principe, aujourd’hui largement respecté.
Au Sénat, on nous propose de maintenir le mode de scrutin public en l’état.
Pire encore, on évite soigneusement d’en parler dans le règlement, pour une raison simple : la peur du Conseil constitutionnel, qui examinera ce règlement, et aurait pu relever l’inconstitutionnalité d’une telle pratique.
On nous propose donc de nous en tenir aux principes non écrits et d’avaliser ce qui n’est rien d’autre qu’une pratique contraire à la Constitution !
Si l’objet de cette réforme est d’améliorer le fonctionnement démocratique de notre assemblée, la moindre des choses aurait été de respecter la Constitution, ce qui n’est pas le cas avec le système de votation actuel. Nous verrons qui, au sein de la Haute Assemblée, aura le courage de rompre avec ces pratiques et votera en faveur de l’amendement que nous présenterons sur ce sujet.
Pour toutes ces raisons, nous avons déposé des amendements visant à remédier à ces carences, et ce dans le strict respect de la Constitution.
C’est pourquoi je vous encourage, mes chers collègues, à être plus ambitieux pour notre assemblée et pour notre démocratie.
Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.
Personne ne demande plus la parole ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles du texte élaboré par la commission des lois.
I. - L'article 3 du Règlement est ainsi modifié :
1° Au 1, les mots : « respectivement élus pour trois ans, » sont supprimés et le mot : « nommés » est remplacé par le mot : « désignés » ;
1° bis (nouveau) Au début du 5, les mots : « Des scrutateurs tirés au sort » sont remplacés par les mots : « Les secrétaires d'âges » ;
2° Les alinéas 7 à 13 sont remplacés par cinq alinéas ainsi rédigés :
« 7. - Après l'élection du Président, les présidents des groupes se réunissent pour établir les listes des candidats aux fonctions de vice-président, de questeur et de secrétaire selon la représentation proportionnelle des groupes au plus fort reste. La représentation proportionnelle est calculée d'abord pour les postes de vice-président et de questeur, compte tenu de l'élection du Président, puis pour l'ensemble du Bureau. Ces listes sont remises au Président qui les fait afficher.
« 8. - Pendant un délai d'une heure, il peut être fait opposition à ces listes pour inapplication de la représentation proportionnelle. L'opposition, pour être recevable, doit être rédigée par écrit, signée par trente sénateurs au moins ou le président d'un groupe, et remise au Président.
« 9. - À l'expiration du délai d'opposition, s'il n'en a pas été formulé, les listes des candidats sont ratifiées par le Sénat et le Président procède à la proclamation des vice-présidents, des questeurs et des secrétaires.
« 10. - Si, à l'inverse, le Président a été saisi d'une opposition, il la porte à la connaissance du Sénat qui statue sur sa prise en considération, après un débat où peuvent seuls être entendus un orateur pour et un orateur contre, disposant chacun d'un temps de parole ne pouvant excéder cinq minutes.
« 11. - Le rejet de la prise en considération équivaut à la ratification de la liste présentée, dont les candidats sont sur-le-champ proclamés par le Président. La prise en considération entraîne l'annulation de la liste litigieuse. Dans ce cas, les présidents des groupes se réunissent immédiatement pour établir une nouvelle liste sur laquelle il est statué dans les mêmes conditions que pour la première. »
II
L'amendement n° 41, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après la deuxième phrase du deuxième alinéa (7) du 2° du I de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
Chaque groupe a droit à au moins un poste de vice-président ou de questeur.
La parole est à M. Guy Fischer.
Notre amendement, qui n’est pas le fruit de la seule réflexion de mon groupe, reprend la proposition formulée par le groupe de travail présidé par M. Larcher, laquelle était retranscrite noir sur blanc dans le document de synthèse dudit groupe.
La reconnaissance, dans le règlement même, du principe selon lequel chaque groupe politique du Sénat détiendrait un poste de vice-président ou de questeur constituait, selon nous, une application claire et précise de la reconnaissance, par la Constitution, du rôle des groupes politiques.
On me dira de faire les comptes : le système proposé par le texte de la proposition de résolution nous donne satisfaction.
Certes, toutefois, nous légiférons non pas pour le seul instant présent, mais également pour un avenir plus ou moins lointain. Surtout, il s’agit d’inscrire dans le règlement un principe qui devrait être incontestable et incontesté.
En effet, il ne serait pas acceptable de demander plus encore aux groupes de participer à une activité croissante, que nous estimons parfois inefficace, sans les associer à l’organisation des travaux et à la vie du Sénat.
Le groupe de travail sur la réforme du règlement a relevé que le nombre de groupes n’était pas fixé par le règlement du Sénat et que quinze sénateurs suffisaient pour former un groupe.
Par conséquent, une règle permettant à chaque groupe d’avoir droit à au moins un poste de vice-président ou de questeur pourrait, en cas de multiplication des groupes, aboutir à un nombre particulièrement important de vice-présidents et de questeurs, à savoir vingt-deux selon la composition actuelle.
Sourires
Il semble préférable d’en rester à l’équilibre fixé par la résolution du 29 octobre 2008, qui a porté de six à huit le nombre de vice-présidents, pour assurer une meilleure représentation des groupes au sein du bureau.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 17 rectifié, présenté par MM. Charasse, Chevènement et Vall, est ainsi libellé :
I. - Compléter le 2° du I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« 12. - Si, pour l'élection des vice-présidents et des questeurs, le nombre des candidats, en sus de ceux figurant sur la liste visée au 7, est supérieur au nombre de sièges à pourvoir, le Sénat statue au scrutin secret par bulletins plurinominaux. »
II. - En conséquence, dans le premier alinéa du même 2°, remplacer le mot :
cinq
par le mot :
six
La parole est à M. Michel Charasse.
Cette disposition, qui concerne l’élection du bureau du Sénat, prévoit que, désormais, la liste des candidats sera établie par les présidents de groupe, et qu’il ne sera pratiquement plus possible de s’y opposer.
Si n’importe quel sénateur conserve le droit d’être candidat à la présidence du Sénat, il lui sera désormais interdit d’être candidat à un autre poste au bureau du Sénat, puisque toute candidature sera subordonnée à l’accord des présidents de groupe.
Pour ma part, je considère que cette disposition est inconstitutionnelle en tant qu’elle introduit un mandat impératif, fait se substituer les groupes au droit individuel des sénateurs, et donne une interprétation extensive de l’article 4 de la Constitution selon lequel « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage », mais ils ne font qu’y concourir ! Si, comme l’a dit tout à l'heure Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, la révision constitutionnelle a conforté le rôle des groupes, elle ne leur a pas donné le monopole, et ceux-ci ne sauraient se substituer au droit individuel des sénateurs.
Mes chers collègues, à l’heure actuelle, le système de l’accord des présidents de groupe existe. Toutefois, si un sénateur n’est pas d’accord, il peut toujours se porter candidat, ce qui donne lieu à un scrutin. Dans le système futur, outre le fait de pouvoir librement être candidat à la présidence du Sénat, il sera impossible à un sénateur qui n’est pas d’accord d’être ensuite candidat à un poste de vice-président ou de questeur, étant entendu que ce système existe déjà pour les secrétaires.
Je considère que cette disposition n’est pas conforme à la Constitution, car elle introduit au plus profond de la Constitution de 1958 ce que celle-ci avait voulu rejeter, à savoir le régime des partis.
Par conséquent, je propose de donner la possibilité à un sénateur qui ne figure pas sur la liste retenue par les présidents de groupe, mais souhaite être candidat au poste de vice-président ou de questeur de déposer sa candidature, afin d’obtenir un vote du Sénat. Qu’il soit élu ou pas, c’est une autre paire de manches…
La proposition de résolution, conformément aux dispositions de l’article 51-1 de la Constitution, issu de la révision du 23 juillet 2008, renforce le rôle des groupes.
Ainsi, la désignation des membres du bureau, à l’exception du président, procéderait de listes établies par les groupes, afin d’assurer le respect de la représentation proportionnelle. Ce dispositif, qui est déjà appliqué pour les secrétaires du Sénat, ne paraît en rien contraire à la Constitution, laquelle reconnaît désormais le rôle des groupes.
De plus, les listes présentées peuvent faire l’objet d’opposition. Il s’agit en fait d’un régime de désignation par consensus et d’un domaine qui relève de la libre organisation des assemblées parlementaires.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Je veux répondre à notre estimable rapporteur que, si une formule d’opposition est effectivement prévue, les présidents des groupes se réunissent pour établir les listes des candidats aux fonctions de vice-président, de questeur et de secrétaire et, s’ils confirment leur liste, cela vaut ratification. Jusqu’à nouvel ordre, je sais lire, et j’ai le texte sous les yeux !
Par conséquent, je le répète, il s’agit là de l’introduction dans la Constitution de 1958 du régime des partis, ce qui est contraire aux principes républicains selon lesquels tout sénateur, ou tout député, a parfaitement le droit d’être candidat à n’importe quelle fonction au sein de son assemblée.
Cet amendement est incompatible avec la reconnaissance des groupes introduite dans la Constitution et, surtout, avec l’application de la proportionnelle pour la désignation des membres du bureau du Sénat.
L’amendement de notre collègue aurait pu être acceptable dans l’ancien règlement, mais on ne voit pas comment l’actuelle représentation proportionnelle des groupes pourrait ne pas conduire de facto à la représentation de l’importance des groupes.
Certes, mais il faudrait qu’elle soit présentée au niveau du groupe. Pour que le texte constitutionnel trouve une application pratique dans notre règlement, il ne saurait y avoir de candidatures individuelles qui s’opposeraient à la liste des membres désignés par les présidents de groupe, car cela reviendrait à nier la représentation des groupes.
Si cette disposition est inconstitutionnelle, le règlement de l'Assemblée nationale est inconstitutionnel depuis très longtemps ! En effet, la désignation des candidats au poste de vice-président a toujours été faite à la proportionnelle, et ce sur proposition des groupes. Il est bien évident que chacun fait ce qu’il veut au sein des groupes !
Le fait de n’appartenir à aucun groupe ne vous donne pas tous les droits !
Monsieur Charasse, comment fonctionnerait un Parlement sans groupes parlementaires ? Voilà une bien curieuse conception !
Quoi qu’il en soit, cette disposition n’est pas anticonstitutionnelle dans la mesure où, je le répète, le règlement de l'Assemblée nationale la prévoit, et personne n’a jamais trouvé à y redire !
J’interviens en faveur de cet amendement.
La question est non pas de savoir si cet amendement est constitutionnel, mais de faire la part entre, d’une part, le groupe politique, qui est reconnu dans la Constitution, et, d’autre part, chaque sénateur, qui est l’expression de la souveraineté nationale.
Le groupe n’a pas un poids tel que chaque sénateur disparaît derrière lui !
Il faut trouver un certain équilibre. Si un sénateur se porte candidat, le Sénat décidera, car c’est lui qui aura, en définitive, le dernier mot !
Mes chers collègues, cet amendement me paraît être frappé du sceau de l’esprit républicain. On ne peut empêcher un sénateur d’être candidat à un poste quelconque, même s’il est bien entendu souhaitable qu’un consensus se dégage autour des candidatures.
Si l’on va jusqu’au bout du raisonnement, on doit dire que le président du Sénat ne peut être issu que du groupe le plus important, …
Rires
Mais ce n’est pas pour autant que l’esprit républicain est pleinement respecté !
En conséquence, cet amendement me paraît parfaitement équilibré.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1 er est adopté.
L'amendement n° 42 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2 de l'article 5 du Règlement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 2 bis. - Chaque groupe dispose d'une salle de réunion où il peut se réunir à chaque instant. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Je vais sans doute retirer cet amendement, mais je le présente néanmoins, car j’attends une réponse du bureau du Sénat.
Nous demandons qu’il soit explicitement prévu que chaque groupe dispose d’une salle de réunion pour pouvoir se réunir à tout instant.
Rires
Ne riez pas, monsieur About ! Vous savez, nous pouvons éventuellement nous asseoir par terre ; nous sommes habitués !
Nous souhaitons d’autant plus que ce droit soit reconnu que mon groupe, par exemple, ne dispose pas de salle de réunion.
Je suggère à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat de retirer cet amendement, car les modalités matérielles de réunion des groupes relèvent non pas du Règlement, mais de la gestion du Sénat par le Bureau et les questeurs.
Vous retirez l’amendement, mais non votre supplique !
L'amendement n° 42 rectifié est retiré.
L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. À la fin de la première phrase du 4 de l'article 5 du Règlement, le mot : « quinze » est remplacé par le mot : « dix ».
II. En conséquence, procéder au même remplacement au 1 de l'article 6.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
L’Assemblée nationale a récemment modifié le seuil de constitution d’un groupe politique, qu’elle a porté de vingt à quinze membres.
Pour cinq cent soixante-dix-sept députés, cela correspond à un ratio qui, appliqué au Sénat, équivaudrait à un groupe politique par tranche de neuf sénateurs. Or le seuil de quinze membres est aujourd’hui le même dans les deux chambres, sans considération arithmétique.
Il y a là un problème assez grave de représentativité. Ici, comme à l’Assemblée, il existe des groupes très minoritaires ; ceux-ci doivent pouvoir jouir également d’une certaine autonomie administrative et de moyens matériels pour exister dans cet hémicycle.
Par conséquent, nous vous proposons d’appliquer au Sénat le ratio qui existe à l’Assemblée nationale et de fixer le seuil de constitution d’un groupe politique à dix membres. Je sais, car nous en avions parlé en commission, que nous sommes quelques-uns dans cet hémicycle à le souhaiter. Certains membres du groupe RDSE ont d’ailleurs déposé un amendement identique.
Ce serait, je pense, œuvrer dans le sens d’une ouverture plus approfondie à l’égard de certaines formations politiques qui ne peuvent exister au Sénat de manière complètement autonome.
La commission des lois n’a pas voulu modifier d’autres dispositions du règlement qui ne relèvent pas de la révision constitutionnelle et de la loi organique. Mais donnons-nous rendez-vous dans un an !
Il ne semble pas opportun de remettre en cause les actuelles règles relatives à la constitution des groupes. Ce point n’a d’ailleurs pas été retenu dans les conclusions du groupe de travail sur la réforme du règlement.
Il n’a effectivement même pas été évoqué !
Par conséquent, je suis obligé d’émettre un avis défavorable. Je le regrette, madame Boumediene-Thiery, car ce problème est intéressant. Toutefois, il pourra être examiné ultérieurement.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je peux retirer cet amendement si j’ai la certitude que nous réexaminerons cette question dans un an, car il y a là un véritable problème de ratio si l’on compare avec la situation à l’Assemblée nationale.
I. - Après l'article 5 du Règlement, il est inséré un article 5 bis ainsi rédigé :
« Art. 5 bis. - Dans les sept jours suivant sa création, ainsi qu'au début de chaque session ordinaire, un groupe se déclare à la Présidence du Sénat comme groupe d'opposition ou comme groupe minoritaire au sens de l'article 51-1 de la Constitution. Il peut reprendre ou modifier cette déclaration à tout moment. »
II. - Après l'article 6 du Règlement, il est inséré un article 6 bis ainsi rédigé :
« Art. 6 bis. - 1. - Chaque groupe a droit à la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information par année parlementaire.
« 2. - Dans le cas de création d'une commission d'enquête, les dispositions de l'article 11 sont applicables, sous réserve de l'alinéa suivant.
« 3. - La demande de création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information doit être formulée au plus tard une semaine avant la réunion de la Conférence des présidents qui doit prendre acte de cette demande.
« 4. - Les fonctions de président et de rapporteur d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information sont partagées entre la majorité et l'opposition. »
L'amendement n° 43, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après l'article 5 du Règlement, il est inséré un article 5 ter ainsi rédigé :
« Art. 5 ter. - Ne peut être considéré comme groupe minoritaire un groupe participant effectivement à la majorité de l'assemblée. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Chacun se souvient des débats relatifs au projet de loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République.
Alors que, pour imposer une remise en cause sans précédent du droit d’amendement, le Gouvernement affichait la promotion d’un statut de l’opposition, un concept a fait irruption dans le débat : celui de groupe minoritaire. De toute évidence, il s’agissait d’une concession faite aux groupes centristes de l’Assemblée nationale et du Sénat pour s’assurer de leur soutien à un projet constitutionnel de plus en plus contesté.
Ce qui pourrait paraître intellectuellement intéressant permet surtout, dans la pratique, à un groupe appartenant de facto à la majorité de participer à la journée mensuelle à l’initiative des groupes minoritaires qui, à l’origine, était réservée à l’opposition.
Notre raisonnement est simple : on peut très bien imaginer que des groupes ne se reconnaissent ni dans la majorité, ni dans l’opposition, selon les circonstances politiques. Mais en aucun cas un groupe participant dans les faits à la majorité ne doit pouvoir s’affubler du statut de groupe minoritaire. En langage courant, disons qu’il n’est pas possible de « vouloir le beurre et l’argent du beurre ».
M. Jean-Louis Carrère applaudit.
Alors sur quel critère définir l’appartenance à la majorité ? Le nouveau Règlement simplifiera le jugement. Une seule élection interne demeurera au scrutin majoritaire : les présidences de commission. En effet, les postes de vice-présidents et de questeurs seront répartis à la proportionnelle ; seules les commissions demeurent sujettes aux regroupements majorité contre opposition.
Cette question fut même l’objet de longs débats au sein du groupe de travail.
En toute logique, on peut estimer qu’un groupe qui obtient, par l’élection, un président de commission participe de facto à la majorité.
Or, dans notre assemblée, le groupe de l’Union centriste préside deux commissions, …
Sourires
… et pas les moindres : la commission des finances et la commission des affaires sociales. Il fait donc partie de la majorité.
Dans cette configuration, la notion de groupe minoritaire n’a plus de sens puisque, pour obtenir le soutien du groupe le plus important de la majorité, groupe également minoritaire arithmétiquement d’ailleurs, il a fallu faire acte d’allégeance.
Nous avons dénoncé à plusieurs reprises l’absurdité de ce concept et la confusion qu’il suscite dans le débat politique. De plus, il consacre de facto, nous semble-t-il, le bipartisme.
Pour nous, tout groupe politique est égal. Les distingue leur option politique fondamentale : être dans la majorité ou dans l’opposition. Les mêmes droits doivent être accordés à tous, et de nouveaux droits doivent être accordés à l’opposition. Le reste n’est que « petit arrangement entre amis » !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur quelques travées du groupe socialiste.
Il est assez étonnant que la définition proposée par le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche soit exactement contraire à celle qui a été adoptée par l’Assemblée nationale. La différence est évidente !
Qu’est-ce qu’un groupe minoritaire ? Il y a deux façons d’aborder la question.
La première est purement numérique et renvoie à l’effectif du groupe.
Au Sénat, il n’y a effectivement que des groupes minoritaires.
Bien entendu, rien n’interdirait au président Henri de Raincourt de demander le statut de groupe minoritaire !
Sourires
Après tout, il aurait les mêmes droits que les autres groupes minoritaires !
L’autre façon d’aborder la question est de considérer, comme le proposent Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres de son groupe, que les groupes minoritaires font partie de la majorité.
Le problème, c’est qu’un groupe minoritaire pourra voter avec la majorité le mardi, mais pas le mercredi, et devenir ainsi majoritaire un jour, minoritaire le lendemain.
Dès lors, l’avantage d’un groupe minoritaire est de prendre le positionnement politique qu’il désire ! La Constitution ne permet pas de réserver les droits spécifiques à certains groupes minoritaires. C’est pourquoi la proposition de résolution retient un régime déclaratif.
Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.
M. Pierre-Yves Collombat. Je voudrais proposer un critère de définition, car un groupe minoritaire qui vote avec la majorité, c’est un peu étonnant !
Protestations sur les travées de l ’ UMP.
Un critère me semble simple : appartiennent à la majorité les groupes dont un membre est président de commission. Cela règle le problème des votes alternatifs.
L’explication de M. le rapporteur est assez subtile, mais on tourne en rond !
Nous prenons seulement acte d’une réalité : contrairement à l’Assemblée nationale, où une commission est présidée par un membre de l’opposition au Sénat, la majorité sénatoriale n’a attribué aucune présidence de commission à l’opposition. Notre groupe ne réclame absolument rien ; nous pensons en effet que la majorité doit présider les commissions.
J’en conclus qu’un président de commission qui n’appartient pas au groupe UMP fait partie de la majorité !
Par conséquent, selon nous, les groupes ne peuvent pas se prévaloir de l’avantage d’appartenir à la majorité, si un de leur membre est président de commission, et des petits avantages des groupes de l’opposition, comme la journée mensuelle réservée à l’initiative de ces derniers !
C’est l’un ou l’autre ! Sinon, il fallait parler des groupes minoritaires, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition. Alors, un groupe comme celui que nous ne nommerons pas, car il peut y en avoir plusieurs, pourrait participer à cette journée mensuelle d’initiative parlementaire sur le compte de la majorité !
Mon raisonnement est tout à fait logique et vous aurez bien du mal à me prouver le contraire.
La parole est à M. le président de la commission.
Je crois entendre un débat qui a déjà eu lieu...
Monsieur le président, nous n’allons pas rouvrir un débat qui a effectivement eu lieu lors de la révision constitutionnelle !
Il s’agit bien des groupes d’opposition ou des groupes minoritaires. Cela peut être l’un et l’autre, mais ce n’est pas la même chose.
Mon groupe est dans l’opposition et minoritaire. Qu’avons-nous comme avantage ?
Vous participez à la journée mensuelle réservée à l’initiative des groupes parlementaires d’opposition ou minoritaires.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 18, présenté par MM. Charasse, Chevènement et Vall, est ainsi libellé :
I. - Dans le 1 du texte proposé par le II de cet article pour l'article 6 bis du Règlement, remplacer les mots :
a droit
par les mots :
peut obtenir
II. - Rédiger comme suit le 3 du même texte :
« 3. - La création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information est de droit si, dans le délai d'une heure après l'affichage de la demande aucune opposition n'a été formulée par un ou plusieurs sénateurs. Si une opposition est formulée, le Sénat statue sur sa prise en considération. »
La parole est à M. Michel Charasse.
Selon les meilleurs auteurs – je pense, en particulier, à Eugène Pierre et à toute la doctrine que nous avons eu l’occasion de connaître depuis son époque – la création d’une commission temporaire est une mesure d’ordre intérieur qui relève de la souveraineté de chaque assemblée.
La formulation de l’article 2 qui nous est proposée dans la proposition de résolution comporte des dispositions selon lesquelles « Chaque groupe a droit à la création d'une commission d'enquête ou d'une mission d'information par année parlementaire ». Jusque-là, pas de problème.
Mais le texte précise ensuite que la Conférence des présidents « doit prendre acte de cette demande ». C’est là que cela ne va plus !
D’ailleurs, monsieur le président, je m’adresse à vous qui êtes l’auteur de la proposition de résolution, je ne sais pas si on a droit à une commission d’enquête ou une mission, ou bien à une commission d’enquête plus une mission.
Sourires.
M. le président. Cela me semble être la deuxième proposition à tarif réduit !
Nouveaux sourires.
Cela peut, en effet, donner lieu à quelques difficultés. Mais passons...
Ce qui me choque, dans cette affaire, c’est que le Sénat va être obligé de travailler dans le cadre d’une commission qu’il n’aura pas créée de sa propre initiative et sur un sujet ou des sujets qui n’auront pas été soumis à un examen préalable de recevabilité, hormis le cas où la commission d’enquête porte sur des faits donnant lieu à une procédure judicaire.
On peut très bien imaginer que la commission d’enquête mette en cause les intérêts supérieurs de la France, le Président de la République à titre personnel, la séparation des pouvoirs – au-delà de ce que je viens de préciser pour les enquêtes en cours –, un État étranger, une catégorie sociale de la population – je pense aux immigrés – ou une entreprise.
Par conséquent, je considère que, s’il n’y a pas d’inconvénient à écrire dans le règlement que chaque groupe a droit à une commission d’enquête ou à une mission, ou aux deux, encore faut-il veiller à ce que le Sénat ne s’oppose pas à la demande qui est présentée. Sinon, on est, là encore, dans le régime du mandat impératif et on ne sait pas jusqu’où cela peut nous conduire. Que faire si, un jour, une demande de commission d’enquête est absolument scélérate et porte atteinte aux fondements de la République ? Naturellement, je ne parle pas de contrôle d’opportunité !
L’article 2 de la proposition de résolution concerne les droits des groupes d’opposition et des groupes minoritaires, qui sont renforcés.
Il s’agit notamment d’attribuer à chaque groupe un droit de tirage annuel pour la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information. Ce droit ne fera alors l’objet que d’un contrôle de recevabilité minimal, notamment dans le cadre du respect de l’article 11 de la Constitution.
Prévoir la possibilité de s’y opposer reviendrait à remettre en cause le droit de tirage des groupes.
Les autres demandes seront soumises aux règles actuelles, notamment à un vote du Sénat pour ce qui concerne les commissions d’enquête.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, car il n’est pas possible de s’opposer à cet accroissement des droits des groupes parlementaires.
Y compris sur les sujets qui mettent en cause les intérêts supérieurs de la nation ?
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 10, présenté par M. Collin et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Compléter le 4 du texte proposé par le II de cet article pour l'article 6 bis du Règlement par les mots et une phrase ainsi rédigée :
lorsque la demande de création émane d'un groupe de l'opposition ou d'un groupe de la majorité. Lorsque cette demande émane d'un groupe minoritaire, l'une de ces deux fonctions revient à ce groupe minoritaire et l'autre à un groupe de la majorité ou à un groupe de l'opposition.
La parole est à M. Yvon Collin.
Cet amendement a pour objet d’apporter une plus grande cohérence au droit de tirage annuel accordé à chaque groupe s’agissant de la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information.
Si le nouveau règlement vise tout à fait pertinemment à permettre que les postes-clefs de président et de rapporteur de ces instances ne soient plus automatiquement occupés par les seuls membres de la majorité sénatoriale, il ne va pas au bout de la logique, puisque la répartition qu’il prévoit ne concerne que les membres de la majorité et de l’opposition.
Le pluralisme sénatorial et la nécessité d’ouvrir au maximum à l’ensemble des groupes les postes à responsabilité commandent donc que soient également pris en compte les groupes minoritaires. En outre, la révision constitutionnelle de juillet 2008 a introduit un nouvel article 51-1 au sein de la Constitution, lequel confère des droits spécifiques aux groupes minoritaires.
Or, dans la rédaction actuelle de la proposition de résolution, seule l’opposition se voit reconnaître un droit de représentation automatique et systématique aux postes-clefs des commissions d’enquête ou des missions d’information.
Il devient dès lors logique que, si l’un des groupes minoritaires est à l’origine de la création d’une commission d’enquête ou d’une mission d’information, l’un de ses membres en occupe les fonctions de président ou de rapporteur, sauf à vouloir déposséder ce groupe de son initiative.
Les dispositions de l’article 2 du texte de la commission permettront, le cas échéant, à un groupe minoritaire de se voir attribuer les fonctions de président ou de rapporteur d’une mission d’information ou d’une commission d’enquête, cette attribution devant être décidée avec le groupe majoritaire.
Il ne s’agit pas de donner automatiquement un poste-clef aux groupes minoritaires ; des accords devront être trouvés entre les groupes. Il faut s’habituer aux nouvelles règles, qui confient aux groupes un rôle nouveau. Les groupes minoritaires, qu’ils soient dans l’opposition ou dans la majorité, pourront obtenir le poste de président ou celui de rapporteur.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, parlez-vous des groupes minoritaires ou des groupes d’opposition ? C’est toute la question !
Le problème posé par Mme Borvo Cohen-Seat est intéressant. En effet, le groupe minoritaire est comme la chauve-souris de la fable, tantôt dans l’opposition, tantôt dans la majorité !
Quand le groupe minoritaire est dans l’opposition, il s’accorde avec celle-ci pour avoir le poste de rapporteur ou de président qui revient à l’opposition. Quand il est dans la majorité, c’est la même chose, il compose avec elle.
J’entends bien vos propos, monsieur le rapporteur. Mais la rédaction proposée par cet amendement me paraît répondre plus précisément à notre souhait. Je le maintiens donc.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Après l'article 6 du Règlement, il est inséré un article 6 ter ainsi rédigé :
« Art. 6 ter. - Les groupes se réunissent en principe le mardi matin, à partir de 10 heures 30. »
L'amendement n° 19 rectifié, présenté par MM. Charasse et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. de Montesquiou, Plancade, Chevènement, Vall et Mézard, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 6 ter du Règlement :
« Art. 6 ter. - Les groupes politiques et la formation des sénateurs non-inscrits à un groupe se réunissent librement sur convocation de leur président. Toutefois, la matinée du mardi, à partir de 10 heures 30, leur est réservée et aucune réunion de commission permanente ou spéciale ne peut être simultanément convoquée, sauf accord des présidents de groupe. »
La parole est à M. Michel Charasse.
Monsieur le président, c’est un souci louable de votre part, en tant qu’auteur de la proposition de résolution, d’avoir souhaité cadrer très clairement les heures réservées aux réunions de commission.
Mais la formule employée par le texte qui nous est soumis, selon laquelle « les groupes se réunissent en principe le mardi matin, à partir de 10 heures 30 », me paraît de nature à être contournée de toutes les manières possibles et imaginables.
J’ai donc essayé de proposer une rédaction qui réponde à votre souci, en étant, selon moi, plus précise, plus claire et plus nette. Il est également bien précisé que les groupes se réunissent en dehors de ces horaires quand ils le veulent, sur convocation de leur président.
Le nouvel article 6 ter du règlement vise à sanctuariser le mardi matin, à partir de 10 heures 30, pour permettre aux groupes de se réunir.
Néanmoins, le Sénat peut siéger à ce moment-là, notamment pour une séance consacrée aux réponses à des questions orales. Celle-ci commence à 9 heures 30, au lieu de 10 heures 30, afin de ne pas trop empiéter sur les réunions des groupes.
Cette disposition paraît suffisante pour assurer aux groupes la possibilité de se réunir. La commission est donc défavorable à cet amendement.
Tout cela reste théorique. Ce sont des coups de bâtons dans l’eau ! En pratique, cela ne marchera pas, sauf si vous avez vraiment la volonté d’interdire les abus, monsieur le président !
Quoi qu’il en soit, je retire cet amendement.
J’ai bien entendu votre message, monsieur Charasse.
L’amendement n° 19 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l'article 3.
L'article 3 est adopté.
I. - L'article 7 du Règlement est ainsi rédigé :
« Art. 7. - 1. - Après chaque renouvellement partiel, le Sénat nomme, en séance publique, les six commissions permanentes suivantes :
« 1° la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui comprend 57 membres ;
« 2° la commission des affaires sociales, qui comprend 57 membres ;
« 3° la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, qui comprend 57 membres ;
« 4° la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui comprend 78 membres ;
« 5° la commission des finances, qui comprend 49 membres ;
« 6° la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, qui comprend 49 membres.
« 2 §(nouveau). - À titre transitoire, jusqu'au 31 septembre 2011, les commissions mentionnées aux 1°, 2° et 3° comprennent 56 membres et les commissions mentionnées aux 5° et 6° comprennent 48 membres. »
II. - En conséquence, dans le 3 bis de l'article 16, les 4 et 5 de l'article 18 et le 2 de l'article 22, les mots : « commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation » sont remplacés par les mots : « commission des finances ».
L'amendement n° 44, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Dans le quatrième alinéa (3°) du 1 du texte proposé par cet article pour l'article 7 du Règlement, après le mot :
éducation
insérer les mots :
, de la recherche
La parole est à Mme Éliane Assassi.
L’article 4 traite du nombre et de la dénomination des commissions permanentes.
Les changements de nom des commissions permanentes, sur lesquels je souhaite intervenir, ne me semblent pas anodins.
Nous aurions également pu déposer un amendement concernant le nouvel intitulé de la commission des finances, pour lequel, vous avez pu le constater, mes chers collègues, toute référence à la nation disparaît. Cette commission devient la commission de toutes les finances, qu’elles soient publiques ou privées. J’émettrai le vœu qu’elle élargisse son champ d’investigation et de contrôle au vaste univers des actionnaires et autres boursicoteurs, en relâchant sa chasse aux deniers publics et son obsessionnelle et excessive volonté de réduire la dépense publique.
En l’occurrence, l’amendement n° 44 concerne l’intitulé de la commission des affaires culturelles, pour lequel toute référence à la recherche est abandonnée. Dans le contexte de crise que connaît le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche, cette malheureuse initiative relève, selon moi, du symbole.
Considère-t-on, alors qu’un ministère de l’industrie et de la recherche serait en préparation, que le privé devient le seul cadre des chercheurs ? Cela signifie-t-il que la commission des affaires économiques prend le plein contrôle de ce secteur fondamental pour l’avenir de notre pays ? L’enseignement et la recherche fondamentale ne méritent-ils plus d’être un sujet phare de la commission des affaires culturelles ? Mes chers collègues, allez-vous, un jour, retirer la culture de l’intitulé de cette commission, sous prétexte de l’existence du mécénat ?
Décidément, le dogmatisme libéral est toujours bien présent, jusqu’au choix des intitulés des commissions.
Monsieur le président, je souhaite que nous ayons un vrai débat sur ce sujet. Le service public de la recherche doit trouver sa place au sein de nos commissions, et ce sans ambiguïté.
Je tiens à rappeler que, dans le cadre du groupe de travail, il a été demandé à chaque président de commission s’il souhaitait modifier l’intitulé de la commission dont il a la charge.
Après consultation des membres de sa commission, le président de la commission des affaires culturelles n’a pas estimé nécessaire d’ajouter le mot « recherche ».
Par ailleurs, la recherche, vous l’avez indiqué vous-même, ma chère collègue, peut relever, bien sûr, de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, …
… mais aussi de la commission des affaires sociales ou de la commission des affaires économiques.
Aussi ne paraît-il pas souhaitable de remettre en cause cet accord en modifiant cet intitulé. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Si la commission des affaires culturelles n’a pas jugé bon d’insérer le mot « recherche » dans son intitulé, le groupe CRC-SPG ne partage pas son point de vue.
Je souhaite simplement rappeler, pour que le débat soit clair, que le budget de la recherche publique relève de la compétence de la commission des affaires culturelles.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 4 est adopté.
Au début de l'article 9 du Règlement, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les désignations effectuées en application du présent article, il est tenu compte du principe de la représentation proportionnelle des groupes. » –
Adopté.
L'article 13 du Règlement est ainsi modifié :
1° Le 2 est ainsi rédigé :
« 2. - Le bureau des commissions permanentes comprend, outre le président et huit vice-présidents, un secrétaire par fraction de dix membres de leur effectif. » ;
2° Le 2 quater est ainsi rédigé :
« 2 quater. - Pour la désignation des vice-présidents, les groupes établissent une liste de candidats selon le principe de la représentation proportionnelle, en tenant compte de la représentation déjà acquise à un groupe pour le poste de président. Le nombre des vice-présidents est, le cas échéant, augmenté pour assurer l'attribution d'au moins un poste de président ou de vice-président à chaque groupe. » ;
3° Le 3 est ainsi rédigé :
« 3. - Après la désignation des vice-présidents, les groupes établissent la liste des candidats aux fonctions de secrétaire selon le principe de la représentation proportionnelle et compte tenu de leur représentation déjà acquise pour les autres postes du Bureau. » ;
4° Le 4 est supprimé ;
5° Le 5 est ainsi rédigé :
« 5. - Les dispositions du présent article sont applicables au bureau d'une commission spéciale. » ;
6° Le 6 est ainsi rédigé :
« 6. - Les commissions des finances et des affaires sociales nomment chacune un rapporteur général qui fait, de droit, partie du bureau de la commission. »
L'amendement n° 20 rectifié, présenté par MM. Charasse, Chevènement, Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Compléter le 2° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, s'il y a plus de candidats que de postes à pourvoir, il est procédé selon les modalités prévues au 12 de l'article 3. »
La parole est à M. Michel Charasse.
Il s’agit de la transposition, pour le bureau des commissions permanentes, du système que j’avais proposé précédemment pour l’élection du bureau du Sénat.
Puisque ce système n’a pas été adopté par la Haute Assemblée, je retire cet amendement.
L’amendement n° 20 rectifié est retiré.
L'amendement n° 11, présenté par M. Collin et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du 3° de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Le nombre des secrétaires est, le cas échéant, augmenté pour assurer l'attribution d'au moins un poste de secrétaire à chaque groupe.
La parole est à M. Yvon Collin.
Cet amendement a pour objet d’aller jusqu’au bout de la logique de représentation de l’ensemble des groupes politiques dans les instances dirigeantes des commissions permanentes.
La proposition de résolution vise, à bon droit, à permettre que chaque groupe dispose d’au moins un poste de vice-président dans chaque commission. Pour ce faire, elle va même jusqu’à prévoir une entorse à la représentation proportionnelle pure, afin de permettre une telle répartition des postes.
Or, à partir du moment où l’on veut acter dans notre règlement la représentation réelle du pluralisme sénatorial, il devient nécessaire d’atténuer les effets de la proportionnelle pure en prévoyant que chaque groupe se voie garantir un accès minimum aux honneurs.
C’est dans cet esprit que je vous propose, à l’instar de ce qui est prévu pour les postes de vice-présidents, d’augmenter si besoin le nombre de postes de secrétaires, afin que chaque groupe s’en voie attribuer au moins un.
Le groupe de travail sur la réforme du Sénat a préféré assurer à chaque groupe un vice-président dans le bureau de chaque commission plutôt que de prévoir une augmentation du nombre des secrétaires, ce qui n’offre guère d’intérêt ni pour la commission ni pour les groupes.
De surcroît, nous serions sans doute obligés d’accroître considérablement le nombre de postes de secrétaire pour garantir une proportionnalité des groupes.
Je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L'article 6 est adopté.
Après le septième alinéa (3 bis) de l'article 16 du Règlement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 3 ter. - Les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont renvoyés de droit à la commission des affaires sociales. »
Je fais observer en passant que la règle dans la Constitution, c’est d’abord une commission spéciale, et ensuite une commission permanente.
Écrire dans le règlement que « Les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont renvoyés de droit à la commission des affaires sociales. » ne me paraît pas respecter la Constitution, laquelle dispose que les projets et les propositions de loi sont renvoyés à une commission spéciale, et que, s’il n’y a pas de commission spéciale, ils sont renvoyés à l’une des commissions permanentes.
Je rappelle que, aux termes de la Constitution, les commissions permanentes sont la règle et la commission spéciale l’exception.
L'article 6 bis est adopté.
La première phrase du 3 de l'article 12 du Règlement est complétée par les mots : « après consultation des présidents des groupes politiques intéressés ».
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13, présenté par M. Collin et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer les mots :
des présidents des groupes politiques intéressés
par les mots :
et en suivant les propositions éventuelles des présidents des groupes politiques qui lui font connaître lesquels de leurs collègues, à la fois membres de leurs groupes et de la commission compétente, figureront sur cette liste
L'amendement n° 14, présenté par M. Collin et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
À la fin de cet article, supprimer le mot :
intéressés
La parole est à M. Yvon Collin.
Il doit, en toute hypothèse, appartenir aux groupes politiques, qui sont au cœur de la démocratie parlementaire, de déterminer la composition des commissions mixtes paritaires dont je viens d’évoquer le rôle charnière.
Dans cet esprit, l’amendement n° 13 tend à proposer que la liste des membres titulaires et suppléants soit arrêtée au terme d’une concertation étroite avec les présidents de groupe, et non par la seule commission compétente.
La commission est favorable à l’amendement n° 14, qui tend à supprimer une précision qui ne paraît pas indispensable.
En revanche, l’avis de la commission ne sera pas le même sur les amendements n° 13 et 12.
L’amendement n° 13 vise à prévoir la consultation des présidents de groupe sur la désignation des membres des commissions mixtes paritaires.
Si la consultation des groupes politiques intéressés sur les candidats aux fonctions de membres des commissions mixtes paritaires paraît de nature à conforter le rôle des groupes, il ne semble pas de bonne organisation de renvoyer aux groupes l’ensemble du processus de désignation, qui doit être rapide et relève de la responsabilité de la seule commission compétente.
S’agissant de l’amendement n° 12, je dirai que les équilibres entre la majorité, l’opposition et les groupes minoritaires au sein des commissions mixtes paritaires sont définis par la conférence des présidents et le bureau du Sénat. Les commissions mixtes paritaires comprennent, en règle générale, parmi leurs titulaires et leurs suppléants au moins un membre de chaque groupe.
Cet amendement est donc satisfait dans la pratique. La commission en demande le retrait.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 12, présenté par M. Collin et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - Après la même phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Elle comprend au moins un membre de chaque groupe politique. »
Cet amendement a été défendu et la commission a donné son avis.
Monsieur Collin, l'amendement n° 12 est-il maintenu ?
L'article 7 est adopté.
I. - L'article 14 du Règlement est ainsi rédigé :
« Art. 14. - Le Sénat consacre, en principe, aux travaux des commissions le mercredi matin, éventuellement le mardi matin avant les réunions de groupe et, le cas échéant, une autre demi-journée fixée en fonction de l'ordre du jour des travaux en séance publique. »
II. - Après l'article 23 du Règlement, il est inséré une division ainsi rédigée :
« CHAPITRE III bis
« Offices parlementaires, délégations et autres instances
« Art. 23 bis. - Les instances autres que les commissions permanentes et spéciales, la commission des affaires européennes et la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes se réunissent en principe en dehors des heures où le Sénat tient séance. »
L'amendement n° 21 rectifié, présenté par MM. Charasse, Chevènement et Vall, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 14 du Règlement :
« Art. 14. - Sous réserve du premier alinéa de l'article 48 de la Constitution, le Sénat consacre, par priorité, le mercredi matin aux travaux des commissions ainsi que, éventuellement, le mardi matin avant 10 heures 30 et s'il y a lieu une autre demi-journée fixée en fonction de l'ordre du jour des travaux en séance publique. En outre, et sous réserve de l'article 6 ter, les commissions peuvent être réunies à tout moment en cas de nécessité et avec l'accord de la Conférence des Présidents. »
La parole est à M. Michel Charasse.
Mon souci de sanctuariser les horaires des réunions de groupe s’est manifesté également à l’occasion de cet article.
Comme le Sénat n’y a pas été favorable tout à l’heure, je retire l’amendement n° 21 rectifié et, par voie de conséquence, l’amendement n° 22 rectifié.
L'amendement n° 21 rectifié est retiré.
L'amendement n° 22 rectifié, présenté par MM. Charasse, Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour l'article 23 bis du Règlement, remplacer les mots :
en principe
par les mots :
sauf urgence admise par la Conférence des Présidents
Cet amendement a été retiré par son auteur.
Je mets aux voix l'article 8.
L'article 8 est adopté.
L'amendement n° 40 rectifié, présenté par MM. Collin, de Raincourt et Mercier, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 18 du Règlement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... - Un membre du secrétariat de chaque groupe politique peut assister aux réunions des commissions. Il ne participe à aucune discussion, ne peut s'exprimer en lieu et place d'un commissaire et ne prend part à aucun vote. Il est tenu à observer publiquement le même devoir de réserve et de discrétion que celui qui s'impose aux fonctionnaires du Sénat. »
La parole est à M. Yvon Collin.
Cet amendement se situe au cœur de ce que doit être une réforme équilibrée de notre règlement, notamment pour permettre une réelle prise en compte du rôle décisif des groupes politiques.
Cet amendement soulève un problème crucial qui nous interpelle tous à quelque groupe que nous appartenions. Le 18 février dernier, les cinq présidents des cinq groupes politiques de la Haute Assemblée ont adressé un courrier au président du Sénat demandant qu’un collaborateur de chaque groupe politique puisse assister aux travaux des commissions.
Cet amendement s’inscrit donc dans le prolongement logique de cette demande. S’il n’a pas reçu la signature de tous les présidents de groupe pour des questions politiques et tactiques – tous les choix sont respectables –, il dispose néanmoins du soutien des cinq présidents.
La montée en puissance de la nouvelle organisation du travail parlementaire implique que chaque groupe doive être en mesure de suivre en temps réel le travail des commissions, a fortiori dès lors que le texte discuté en séance publique est celui de la commission.
Même si les comptes rendus de réunion sont appelés à être publiés plus rapidement, il est désormais indispensable que les collaborateurs de groupe puissent connaître le plus rapidement possible les travaux et les conclusions de la commission, notamment le texte qu’elle aura adopté.
Cette disposition n’a pas pour objet de suppléer les sénateurs, puisque les collaborateurs n’auront pas vocation à s’exprimer en leur nom ni même à prendre la parole.
Elle ne favorise donc en rien l’absentéisme des sénateurs en commission.
Il s’agit simplement d’adapter les conditions de travail des groupes politiques aux nouvelles modalités issues de la révision constitutionnelle de juillet 2008.
D’ailleurs, les récents travaux du Sénat sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients à la santé et aux territoires ont mis en évidence le besoin et l’urgence d’une telle disposition, qui participe très clairement d’une amélioration réelle des conditions de travail des groupes politiques.
De surcroît, les collaborateurs des groupes seront astreints aux mêmes obligations publiques de réserve et de discrétion que celles qui s’imposent aux fonctionnaires du Sénat.
Après « aux réunions des commissions », il faudrait préciser « permanentes ou spéciales ».
Les secrétaires de groupe ne doivent pas participer aux réunions secrètes d’une commission d’enquête.
Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 74, présenté par M. Charasse, et ainsi libellé :
Compléter la première phrase du dernier alinéa de l'amendement n° 40 rectifié par les mots :
permanentes ou spéciales
Je souhaite également déposer un sous-amendement, monsieur le président !
Je me permets d’insister de nouveau sur un point qui a déjà fait l’objet de discussions.
Après « Un membre du secrétariat de chaque groupe politique », je souhaite insérer les mots «, si au moins un sénateur de son groupe est présent, ».
Il n’est pas question que les membres administratifs des groupes siègent lorsque leurs sénateurs sont absents. C’est une question de respect.
Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 75, présenté par M. About, et ainsi libellé :
Dans la première phrase du second alinéa de l'amendement n° 40 rectifié, après les mots :
groupe politique
insérer les mots :
, si au moins un sénateur de son groupe est présent,
Quel est l’avis de la commission ?
L’amendement n° 40 rectifié vise à prévoir la présence d’un membre du secrétariat de chaque groupe politique aux réunions de la commission.
Cette présence peut trouver sa justification lorsque la commission est appelée à élaborer le texte soumis à l’examen de la séance plénière, mais pas autrement. Or le texte est trop général dans sa rédaction actuelle.
Toutefois cette mesure paraît davantage relever du bureau de notre assemblée que du règlement.
Tout à fait !
C'est la raison pour laquelle je demande le retrait de cet amendement, étant entendu que la précision sera intégrée dans le cadre de l’instruction générale du bureau, ce qui me paraît plus logique.
Nous réglerons de la même façon les problèmes soulevés par M. About et par M. Charasse.
Nous pourrons également envisager la présence, au sein de la commission, des collaborateurs du ministre, ce qui n’a pas été évoqué jusqu’à maintenant, et celle de la presse ou de la télévision.
C’est à l’instruction générale du bureau qu’il faut renvoyer toutes ces questions, et non au règlement.
Je demande donc le retrait de cet amendement.
Le sujet est important, mais il ne mérite pas forcément qu’on y passe du temps.
Il y a bien longtemps que les présidents de commission auraient dû inviter les secrétaires des groupes à participer à leurs travaux. Que les choses soient claires : il ne s’agit pas du tout d’empiéter sur l’autorité des présidents de commission.
Il s’agit simplement de rendre plus efficace les liaisons entre les groupes et les commissions.
À l’heure actuelle, il y a très peu de délai, ce qui est normal, entre le moment où la commission élabore son texte, le moment où elle a terminé et le moment où on doit redéposer les amendements. Il en va du bon fonctionnement du Sénat que nous puissions savoir quels sont les amendements qui ont été rejetés et quels sont les arguments que la commission a utilisés.
Cela éviterait parfois que soient présentés des amendements qui ne seront pas acceptés. Monsieur Hyest, il faut croire en l’avenir et en la bonification de tous, y compris des présidents de commission !
Sourires
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Et des présidents de groupe, surtout minoritaire !
Nouveaux sourires.
Vous commencez à comprendre à quoi servent les présidents de groupe minoritaire : d’aiguillon aux groupes majoritaires, et c’est très bien !
S’il faut retirer cet amendement, nous le ferons, car ce n’est pas un problème d’amendement, mais c’est un problème de bonne gouvernance.
Nous acceptons que cette faculté soit soumise à la présence d’un sénateur du groupe ou qu’il soit précisé que le silence est de rigueur.
En tout état de cause, nous nous dirigeons pour l’avenir vers la publicité intégrale des séances. Pour l’instant, il serait tout de même dommage que seuls les groupes ne soient pas au courant de ce qui s’est passé !
J’ai bien entendu les excellentes remarques de M. le rapporteur.
Malgré tout, je me rallie aux arguments développés par Michel Mercier. Cette proposition va dans le sens de l’histoire et est tout à fait opportune.
Je souhaite donc que cet amendement soit mis aux voix, assorti des sous-amendements qui ont été déposés.
Je suivrai naturellement le président de mon groupe, même si, a priori, je ne suis pas choqué par la proposition de renvoyer ce point à l’instruction générale du bureau plutôt qu’au règlement lui-même.
Si cet amendement est adopté, je souhaite qu’il soit sous-amendé afin qu’il soit bien entendu que personne de l’extérieur ne sera invité lors des réunions de commissions d’enquête délibérant secrètement. La précision de M. About doit également être intégrée.
Quoi qu’il en soit, il faut expliciter clairement la formule « Un membre de chaque groupe politique peut assister ». Ce « peut » peut signifier « a le droit d’assister » ou « peut être autorisé à assister ». J’appelle votre attention sur ce point.
Tout à l’heure, sur l’initiative de nos collègues du groupe CRC-SPG, nous avons abordé un problème de locaux des groupes.
Je parle sous le contrôle de mes collègues de la commission des finances. En commission, au moment du budget, sur des articles importants, lorsque sont présents le ministre, les commissaires du Gouvernement et les collaborateurs de la commission, qui sont intéressés par toutes les dispositions qui seront examinées, il n’y a plus une chaise pour s’asseoir !
M. Michel Charasse. Par conséquent, si on laisse entrer six, sept ou huit personnes supplémentaires – j’ai commencé ma carrière politique comme secrétaire de groupe, vous imaginez bien que je n’ai rien contre les personnels des groupes, au contraire ; c’est un souvenir que j’évoque volontiers puisqu’il s’agit d’une très bonne époque, notamment parce que j’étais beaucoup plus jeune
Sourires
Il faut donc laisser le soin au président de chaque commission, au titre de la mission d’ordre public qui est la sienne, de décider s’il accepte ou non qu’un membre du secrétariat des groupes assiste à telle réunion.
Ce « peut » doit être entendu comme une faculté laissée à l’appréciation de la commission. Tel doit clairement être le sens de cet amendement.
Yvon Collin a pris l’initiative de déposer cet amendement et je l’ai cosigné d’autant plus volontiers qu’il est le prolongement, ainsi que notre collègue l’a rappelé tout à l’heure, d’une lettre que tous les présidents de groupe vous avaient adressée, monsieur le président, au mois de février.
En ce qui me concerne, l’argumentaire de M. le rapporteur me convient. L’essentiel est que nous adoptions de nouvelles habitudes de travail, ne serait-ce que pour accélérer la circulation de l’information.
Prenons encore l’exemple de l’examen du projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires », actuellement en cours : les conditions dans lesquelles la commission des affaires sociales a dû travailler ont fait qu’un délai très long s’est écoulé entre le moment où la commission examinait un article et le moment où les collaborateurs des groupes obtenaient l’information. Il faut donc que nous arrivions à améliorer cette transmission.
Quoi qu'il en soit, pour l’heure, je souhaite personnellement le retrait de notre amendement.
Cela étant, je reprends à mon compte la réflexion de notre collègue Michel Charasse : de toute évidence, la disposition pratique de chacune de nos salles de commission n’est plus adaptée à notre nouvelle manière de travailler. Il faudra donc prendre les dispositions – j’espère que le bureau du Sénat voudra bien me pardonner cette ingérence – qui permettront de débattre conformément aux modifications de notre règlement que nous apprêtons à voter.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, après consultation de mes collègues cosignataires, je retire cet amendement.
M. Yvon Collin acquiesce.
L’amendement n° 40 rectifié est retiré.
En conséquence, les sous-amendements n° 74 et 75 n’ont plus d’objet.
Mes chers collègues, dès demain, lors de la réunion du bureau, nous aurons l’occasion d’évoquer ce dossier.
La parole est à M. le président de la commission.
Monsieur le président, j’ai toujours la désagréable impression que les commissions sont taxées d’hostilité à l’égard des groupes politiques.
Jusqu’à preuve du contraire, les commissions sont composées de membres des groupes politiques ! Ce débat me paraît donc vraiment étrange. C’est plutôt le Gouvernement qui a tendance à se méfier des groupes politiques ; et il faut même que, pour mieux contrôler le groupe majoritaire, les ministres assistent à toutes les réunions des commissions !
Il serait tout de même paradoxal que, si les ministres sont présents, les collaborateurs des groupes soient les seuls à être exclus ! J’ai été résolument hostile, dès le départ, à la présence permanente des ministres, mais elle est maintenant acquise. Nous verrons les dégâts qui en résulteront ; ils commencent déjà à se faire sentir !
Je me permets également de faire observer que le règlement ne prévoit pas explicitement la présence des administrateurs des commissions aux réunions de commission.
Il faudrait peut-être aussi mentionner leur présence…
L’intention de nos collègues était bonne, mais leur proposition devrait être améliorée quant à la forme et il convient en outre de prendre en compte les conditions matérielles de réunion des commissions, comme l’a fort justement relevé Michel Charasse.
Nous n’avons pas cosigné cet amendement car cette révision de notre règlement nous est imposée par une révision constitutionnelle que nous désapprouvons. J’ai cependant annoncé honnêtement que mon groupe voterait cet amendement, mais ses auteurs l’ont retiré ! Où est la logique dans tout cela ?
En revanche, je suis tout à fait opposée à ce que chaque président de commission puisse décider de la participation ou non d’un collaborateur des groupes aux réunions de sa commission. Il serait tout de même extraordinaire que les collaborateurs des ministres puissent aller et venir dans les commissions, voire dans les couloirs et que la présence des collaborateurs des groupes dépende du bon vouloir du président de la commission !
I. - La dernière phrase du 1 de l’article 18 du Règlement est ainsi rédigée :
« Les membres du gouvernement peuvent assister aux votes destinés à arrêter le texte des projets et propositions de loi sur lequel portera la discussion en séance. »
II. - Dans le 2 du même article, les mots : « Conseil économique et social » sont remplacés par les mots : « Conseil économique, social et environnemental ».
III. - En conséquence, il est procédé (cinq fois) à la même substitution dans le 4 de l’article 42 du Règlement.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 46, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer le I de cet article.
L’amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le I de cet article :
I. - Le 1 de l’article 18 du Règlement est ainsi rédigé :
« 1. - Les ministres peuvent être auditionnés par les commissions. »
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat pour présenter ces deux amendements.
Dans sa rédaction actuelle, notre règlement prévoit déjà que les ministres ont accès aux commissions : ils peuvent y être entendus, mais doivent se retirer au moment du vote. La révision constitutionnelle n’imposait pas la modification de ces dispositions, pour permettre aux ministres d’être présents au moment du vote. Leur présence en commission était déjà possible, il n’a d’ailleurs jamais été dans nos intentions de remettre ce point en cause.
La modification introduite par l’article 9 de la résolution ne fait que tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en date du 9 avril 2009 sur la loi organique relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution : cette décision légitime la présence des membres du Gouvernement en commission au moment du vote par le fait que ceux-ci ont accès aux deux assemblées pour être entendus quand ils le demandent, que le débat en séance porte sur le texte adopté en commission et, enfin, que le Gouvernement doit pouvoir invoquer les irrecevabilités des articles 40 et 41 de la Constitution.
Nous considérons que cette interprétation, même après la révision constitutionnelle, est bien trop large : les ministres peuvent déjà être entendus par la commission, la recevabilité financière est déjà vérifiée au moment de l’examen du texte en commission – nombreux sont d’ailleurs nos amendements qui en subissent les conséquences –, enfin, le Gouvernement peut toujours soulever l’irrecevabilité des amendements en séance, lieu naturel du débat entre les parlementaires et les ministres. La commission réalise un travail préparatoire ; ses réunions ne sont pas un lieu de débat public et de confrontation, à l’inverse de la séance publique. Prévoir que le Gouvernement assiste à l’intégralité des débats en commission revient à déplacer le débat de la séance publique vers la commission !
Je rappelle que le président de notre commission des lois était opposé à cette mesure et il me paraît de bon aloi de rejeter ce véritable contrôle du Gouvernement. Certes, ce contrôle s’exerce beaucoup plus étroitement sur les membres de la majorité, mais je n’exclus pas l’hypothèse d’appartenir un jour à la majorité et je refuse donc, par avance, que le Parlement délibère sous le contrôle du Gouvernement.
Permettez-moi d’observer que, dans l’hémicycle, chacun occupe une place précise et les ministres parlent face aux parlementaires : de ce point de vue, la séparation des pouvoirs est respectée. Tel n’est pas le cas en commission : cette co-élaboration est contraire à la séparation des pouvoirs. Les ministres ne peuvent donc qu’être entendus par la commission.
Le Conseil constitutionnel ne fait pas la loi…
Vous savez bien que je suis en désaccord total avec cette interprétation et vous ne me prouverez pas que j’ai tort !
La discussion du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif à la santé, aux patients et aux territoires nous montre ce que donne la co-élaboration entre le Gouvernement et la commission : le Gouvernement revient sur le texte de la commission en déposant de nouveaux amendements…
Et je ne parle pas des collaborateurs des ministres qui laissent traîner leurs oreilles dans les couloirs, jusqu’à la porte de la commission.
Le Conseil constitutionnel devrait tenir compte de ces événements pour revoir sa position. Il serait de bon ton que les parlementaires refusent que les ministres siègent avec eux en commission et participent à la décision.
Le président Hyest et moi-même nous sommes battus, dans un premier temps, dans le même sens que Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, et le Sénat, dans son ensemble, nous avait suivis.
L’Assemblée nationale était en parfait désaccord avec nous et voulait appliquer, notamment, l’article 31 de la Constitution. Elle a fini par se rallier à notre position, après concessions.
Le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision du 9 avril 2009 concernant la loi organique relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, que les dispositions constitutionnelles impliquaient que « le Gouvernement puisse participer aux travaux des commissions consacrés à l’examen des projets et propositions de loi ainsi que des amendements dont ceux-ci font l’objet et assister aux votes destinés à arrêter le texte sur lequel portera la discussion en séance ».
Par conséquent, en vertu de l’article 62 de la Constitution, les décisions du Conseil constitutionnel s’imposant aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles, nous sommes obligés de suivre son interprétation. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable, tant sur l’amendement n° 46 que sur l’amendement n° 45 rectifié.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article 9 est adopté.
Après l’article 19 du Règlement, il est inséré un article 19 bis ainsi rédigé :
« Art. 19 bis. - 1. - Lorsque la Constitution ou la loi prévoit la consultation d’une commission sur un projet de nomination, la commission compétente est saisie par le Président du Sénat aux fins de donner un avis sur ce projet de nomination. Elle se prononce au scrutin secret. Le président de la commission communique au Président du Sénat l’avis de la commission et le résultat du vote.
« 2. - Pour les projets de nomination par le Président de la République, le Président du Sénat transmet au Président de la République et au Premier ministre l’avis de la commission et le résultat du vote. » –
Adopté.
I. - Le 1 de l’article 22 du Règlement est ainsi rédigé :
« 1. - Outre les autres dispositions les concernant, les commissions permanentes assurent l’information du Sénat et mettent en œuvre, dans leur domaine de compétence, le contrôle de l’action du Gouvernement, l’évaluation des politiques publiques et le suivi de l’application des lois. »
II §(nouveau). - Le même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 3. - La commission des affaires sociales suit et contrôle l’application des lois de financement de la sécurité sociale et procède à l’évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale. » –
Adopté.
I. - Le 1 de l’article 24 du Règlement est ainsi rédigé :
« 1. - Le dépôt des projets de loi, des propositions de loi transmises par l’Assemblée nationale ainsi que des propositions de loi ou de résolution présentées par les sénateurs est enregistré à la Présidence. Il fait l’objet d’une insertion au Journal officiel et d’une annonce en séance publique lors de la plus prochaine séance. Les projets et propositions sont envoyés à la commission compétente sous réserve de la constitution d’une commission spéciale. Ils sont publiés. Leur distribution fait l’objet d’une insertion au Journal officiel. »
II. - Dans l’ensemble du Règlement, les mots : « imprimés et distribués » sont remplacés par le mot : « publiés » et au 2 bis de l’article 16, le mot : « distribution » est remplacé par le mot : « publication ».
L’amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Charasse et Collin, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, de Montesquiou, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Compléter l’avant-dernière phrase du second alinéa du I de cet article par les mots :
et imprimés
La parole est à M. Michel Charasse.
En inscrivant dans le texte de la proposition de résolution que les documents parlementaires sont « publiés », sans préciser qu’ils sont également « imprimés et distribués », nous nous exposons très clairement au risque de ne plus recevoir, à l’avenir, de documents parlementaires imprimés.
J’ai donc déposé cet amendement pour ajouter la précision que ces documents sont « imprimés », étant entendu que la doctrine de la présidence du Sénat, en ce domaine, revient à considérer que, du moment qu’un document est consultable sur internet, il est publié, ce qui est vrai.
La commission des lois a examiné cet amendement et, dans son rapport, notre éminent collègue Patrice Gélard considère que la référence à la publication implique l’impression. Mes chers collègues, cela ne va pas de soi : un beau jour, nous serons obligés de courir dans les couloirs, pendant que nous siégeons dans cet hémicycle, pour demander à nos assistants d’imprimer à partir d’internet les documents dont nous avons besoin pour la discussion ! Monsieur le président, je veux bien que l’on cherche à faire des économies par tous les moyens, mais ce type d’économie n’est pas de nature à favoriser le travail parlementaire !
J’aimerais donc entendre, non seulement de la bouche du président de la commission des lois et du rapporteur, mais aussi de celle de l’auteur de la proposition de résolution, qui est le patron de cette maison, que « publié » signifie également « imprimé et distribué ». Si tel était le cas, je n’insisterais pas ; dans le cas contraire, je pense que le Sénat devrait voter mon amendement. Je ne suis pas aux ordres des fabricants d’internet !
Je rappelle à M. Charasse que les travaux préparatoires, qui incluent nos débats, jouent un rôle considérable dans l’interprétation des textes.
L’emploi du mot « publié » implique bien, dans l’esprit de ceux qui ont rédigé le projet de résolution, la diffusion des documents parlementaires, leur impression sur papier et leur mise à disposition par le service de la distribution. Par conséquent, l’amendement déposé par M. Charasse est satisfait et j’en demande le retrait.
Cela dit, je pense que notre collègue craint, pour l’avenir, que la diffusion de nos travaux n’intervienne plus que par mail ou sur internet, mais rien ne nous empêche de publier sur papier tout document disponible sur internet. Donc, dans toutes les hypothèses, cet amendement est satisfait.
Si le moindre doute survenait, le recours aux travaux préparatoires et, notamment, la lecture du débat d’aujourd’hui permettraient d’établir que tout document « publié » est également « imprimé ».
M. le président. Je confirme, monsieur Charasse, que la présidence – tout comme l’auteur de la proposition de résolution
Sourires
– entend bien que les documents continuent d’être imprimés et distribués, d’autant que, même si elles sont en progrès, mes connaissances en informatique restent limitées. Cela devrait vous rassurer ! Nous progresserons ensemble !
Nouveaux sourires.
Monsieur le président, je remercie le rapporteur et vous-même de ces précisions. Toutefois, je dirai amicalement à Patrice Gélard que, selon ce qui est écrit la page 105 de son rapport, lorsque l’amendement que je viens de présenter a été examiné en commission, il a fait observer que mon exigence quant à la publication et à l’impression des documents relatifs aux textes débattus par le Sénat « était déjà satisfaite par la pratique ».
Or, là, il ne s’agit pas de la pratique, il s’agit du principe.
Monsieur le président, sous le bénéfice de ces échanges, je retire mon amendement, mais j’aime autant vous dire qu’il y aura un drame si, un jour, on nous oblige à passer par Internet, qui est un outil que je n’utiliserai jamais !
Rires
L'article 12 est adopté.
I. - Après l'article 24 du Règlement, il est inséré un article 24 bis ainsi rédigé :
« Art. 24 bis. - Lorsque le Gouvernement engage la procédure accélérée prévue au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution, il en informe le Président du Sénat, en principe, lors du dépôt du projet de loi. Dans le cas d'une proposition de loi, le Gouvernement fait part de sa décision d'engager la procédure accélérée au plus tard lors de l'inscription de la proposition à l'ordre du jour. »
II. - Dans la deuxième phrase du 2 bis de l'article 16 du Règlement, les mots : « de déclaration d'urgence formulée » sont remplacés par les mots : « d'engagement de la procédure accélérée ».
L'amendement n° 48, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après les mots :
au plus tard lors
rédiger comme suit la fin de la seconde phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 24 bis du règlement :
du dépôt de la proposition de loi sur le Bureau du Sénat.
La parole est à M. Guy Fischer.
Nous considérons comme un élément positif le fait que la procédure accélérée soit annoncée dès le dépôt du projet de loi concerné sur le bureau du Sénat. Cela apparaît comme une garantie minimale lorsqu’on connaît la pratique du Gouvernement, qui mise sur la précipitation pour prendre de court le Parlement et l’opposition ; nous en avons largement débattu, notamment à propos du projet de loi HPST ; en commission des affaires sociales, le président About peut en témoigner.
J’ai eu l’occasion de m’élever contre cette inflation législative qui asphyxie le Parlement et permet au pouvoir exécutif de le réduire à un simple rôle d’enregistrement.
Vous me direz que ce n’est pas vrai en prenant pour exemple, précisément, le débat sur le projet de loi HPST, qui donne lieu à un examen attentif au Sénat. Mais ce serait oublier la procédure accélérée dont il fait l’objet ; en l’occurrence, il s’agit encore de l’ancienne déclaration d’urgence, formule qui prive l’Assemblée nationale de la possibilité de débattre d’un texte profondément modifié. C’est pourquoi nous serons très attentifs à la suite du parcours de ce projet de loi.
La proposition de résolution apporte donc une garantie minimale, qui empêche le Gouvernement d’annoncer la mise en œuvre de la procédure accélérée à vingt-quatre heures de l’engagement de la discussion ; pour cette raison, j’y suis très attaché. Mais cette protection est, à nos yeux, vraiment le moins que l’on puisse faire puisque la procédure accélérée lève le délai minimum de six semaines entre le dépôt d’un projet de loi et son examen en séance publique. Ainsi, le délai d’examen du projet de loi sur l’hôpital entre les deux assemblées n’a été que de quatre semaines. Ce ne sera donc pas une grande contrainte pour le Gouvernement d’annoncer la procédure accélérée au moment du dépôt du projet de loi si son intention est, de toute manière, de le faire discuter la semaine suivante.
Nous estimons qu’il faut établir un parallèle avec les propositions de loi, qui, trop souvent, servent de « cheval de Troie » au Gouvernement. Le Gouvernement doit annoncer la mise en œuvre de la procédure accélérée au moment du dépôt de la proposition de loi.
De plus, nous souhaiterions savoir si l’engagement de la procédure accélérée sur une proposition de loi lève l’obligation de dépôt au moins six semaines avant l’inscription à l’ordre du jour. Si tel était le cas, une inégalité de traitement difficilement acceptable serait créée entre les groupes appartenant à la majorité gouvernementale et ceux de l’opposition.
Cet amendement prévoit d’avancer au dépôt de la proposition de loi, et non à son inscription à l’ordre du jour, le moment où le Gouvernement peut déclarer la procédure accélérée.
Or il peut s’écouler un long délai entre le dépôt d’une proposition de loi et son inscription à l’ordre du jour, parfois plusieurs mois, voire une année complète. Il ne serait donc pas réaliste d’exiger du Gouvernement qu’il se prononce sur la procédure accélérée si tôt dans la procédure, sauf à l’encourager à déclarer systématiquement la procédure accélérée.
En outre, même s’agissant des projets de loi, pour lesquels la procédure accélérée, selon la proposition de résolution, devrait être décidée dès leur dépôt, il est apparu plus prudent de prévoir que ce délai s’appliquerait en principe.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté.
I. - Après l'article 28 du Règlement, il est inséré une division ainsi rédigée :
« CHAPITRE IV bis
« Examen des projets et propositions de loi
« Art. 28 bis. - La Conférence des présidents peut décider de l'organisation d'un débat d'orientation en séance publique sur un projet ou une proposition de loi.
« Art. 28 ter. - 1. - Deux semaines au moins avant la discussion par le Sénat d'un projet ou d'une proposition de loi, sauf dérogation accordée par la Conférence des présidents, la commission saisie au fond se réunit pour examiner les amendements du rapporteur ainsi que les amendements déposés au plus tard l'avant-veille de cette réunion. Ces amendements sont mis en distribution auprès des membres de la commission et transmis, le cas échéant, à la commission des finances ou à la commission des affaires sociales qui rendent un avis écrit. Le président de la commission se prononce sur leur recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution ou de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. La commission est compétente pour statuer sur les autres irrecevabilités, à l'exception de celle prévue à l'article 41 de la Constitution.
« 2. - Le rapport de la commission présente le texte qu'elle propose au Sénat et les opinions des groupes. Le texte adopté par la commission fait l'objet d'une publication séparée.
« 3. - La commission détermine son avis sur les amendements déposés sur le texte qu'elle a proposé avant le début de leur discussion par le Sénat. La commission saisie au fond est compétente pour se prononcer sur leur recevabilité, sans préjudice de l'application des articles 40 et 41 de la Constitution, ainsi que de l'article 45 du présent Règlement.
« Art. 28 quater §(nouveau). - Le présent chapitre ne s'applique pas aux projets de révision constitutionnelle, aux projets de loi de finances et aux projets de loi de financement de la sécurité sociale. »
II. - En conséquence, le 1 bis de l'article 20 est supprimé.
III. - L'article 42 du Règlement est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du 2 est ainsi rédigée :
« Pour la première lecture d'une proposition déposée au Sénat, la discussion est ouverte par l'auteur dans la limite de vingt minutes et se poursuit, le cas échéant, par la présentation du rapport de la commission. » ;
2° Le 6 est ainsi rédigé :
« 6. - La discussion des articles des projets ou propositions porte sur le texte adopté par la commission.
« Si la commission ne présente aucun texte ou si elle oppose une question préalable, une exception d'irrecevabilité ou une motion de renvoi en commission et que le Sénat la rejette, la discussion porte sur le texte du projet ou de la proposition, tel qu'il a été déposé ou transmis, ou, en cas de rejet par l'Assemblée nationale après transmission du Sénat, sur le texte précédemment adopté par le Sénat. Il en est de même des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale.
« Si le Sénat est saisi des conclusions d'une commission mixte paritaire, la discussion porte sur le texte élaboré par la commission mixte paritaire. »
IV. - L'article 50 du Règlement est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Ce délai limite n'est pas applicable aux amendements de la commission saisie au fond ou du Gouvernement, ni aux sous-amendements. Il est reporté au début de la discussion générale lorsque le rapport de la commission saisie au fond n'a pas été publié la veille du début de la discussion en séance publique. »
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 32, présenté par M. About, est ainsi libellé :
Après les mots :
Conférence des Présidents,
rédiger comme suit la fin de la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement :
la commission saisie au fond se réunit pour examiner, successivement ou simultanément, les amendements du rapporteur et les amendements déposés dans le délai fixé par la Conférence des Présidents.
La parole est à M. Nicolas About.
Monsieur le président, mes chers collègues, l’article 14 de la proposition de résolution a une importance particulière puisqu’il décrit le déroulement de la procédure d’examen des projets et propositions de loi à l’issue de la révision constitutionnelle de juillet 2008.
La proposition de résolution prévoit que la commission saisie au fond d’un projet de loi se réunit pour examiner les amendements du rapporteur et ceux qui auront été déposés au plus tard l’avant-veille de la réunion. Cela signifie que la commission est censée examiner en même temps l’ensemble des amendements, à la seule condition qu’ils lui soient parvenus dans les délais fixés.
La commission des affaires sociales a été la première à expérimenter ce nouveau système, avec le projet de loi portant réforme de l’hôpital.
La commission a reçu environ 1 500 amendements. Elle a siégé pendant trente-neuf heures pour élaborer son texte, dans des conditions particulièrement difficiles. Dans ce système, le rapporteur, qui a travaillé pendant plusieurs semaines et même, en l’occurrence, plusieurs mois, qui a procédé à des dizaines, voire à des centaines d’auditions, n’a plus réellement l’opportunité de présenter de manière cohérente et complète les propositions qu’il fait à la commission. Ses amendements se trouvent mêlés à l’ensemble des autres amendements, ce qui rend le travail de la commission beaucoup moins lisible qu’il ne l’était auparavant.
Certes, il est possible, pour chaque article, d’appeler prioritairement les amendements du rapporteur, et c’est d’ailleurs ainsi que nous avons procédé. Cela étant, afin de respecter l’esprit de la réforme, nous avons considéré que les autres amendements, éventuellement compatibles avec la rédaction du rapporteur, n’en étaient pas pour autant « écrasés », qu’ils devaient être étudiés et, le cas échéant, introduits dans le texte de la commission.
Ce faisant, nous avons constaté que, lorsque la commission examine pendant plusieurs jours un texte long et complexe, dont les différentes parties ont des liens entre elles, le système d’examen au fil de l’eau de l’ensemble des amendements déposés rend la compréhension du débat particulièrement malaisée pour les membres de la commission.
Au cours du débat en séance publique sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital, l’un de nos collègues, membre de la commission des lois, s’est étonné de la complexité du débat et a fait observer que la procédure s’était déroulée de manière plus harmonieuse lors de l’examen du projet de loi pénitentiaire. §Cela est exact, et pour au moins une raison, simple : l’examen du projet de loi pénitentiaire, survenant en pleine période de changement de procédure, a été examiné en mêlant l’ancien et le nouveau systèmes. Le rapporteur a d’abord présenté ses propositions dans leur ensemble, avec leur logique et leur cohérence. Puis la commission a examiné les amendements déposés devant elle, qui étaient peu nombreux - une trentaine, me semble-t-il -, et a élaboré son propre texte. Enfin, ce texte a servi de base au dépôt des amendements en séance publique.
L’amendement que je présente a donc pour objet essentiel de laisser la possibilité aux commissions d’examiner d’abord la position du rapporteur et les amendements qui la matérialisent, puis les autres amendements, de prendre en quelque sorte les avantages de l’ancien système et ceux de la nouvelle procédure.
Il reviendrait à la commission, en fonction du volume et de la complexité du texte qu’elle examine, de s’organiser et de choisir entre l’examen simultané de tous les amendements ou l’examen successif des amendements du rapporteur, puis des autres amendements. Je crois que cette proposition apporte une souplesse qui sera bien utile dans certains cas.
Par ailleurs, cet amendement vise à introduire une seconde souplesse : il tend à ne pas figer à l’avant-veille de la réunion de la commission le délai dans lequel les amendements qui n’émanent pas du rapporteur pourront être examinés par celle-ci. Dans certaines circonstances – et ce fut le cas pour le texte HPST, en raison des vacances parlementaires –, ce délai pourrait être difficile à tenir. L’amendement prévoit la fixation du délai par la conférence des présidents, mais ce n’est qu’une possibilité parmi d’autres.
Enfin, en présentant cet amendement, je souhaite également attirer l’attention sur les difficultés techniques que vont rencontrer les commissions dans le fonctionnement de la nouvelle procédure. Les conditions de dépôt des amendements en commission sont, à l’heure actuelle, moins encadrées qu’en séance publique, pour laquelle le système informatique AMELI permet un premier classement par article et donne à tous les auteurs la possibilité de présenter des amendements de manière sensiblement identique. Peut-être faudra-t-il imaginer quelque chose de semblable pour le dépôt en commission, car la gestion des centaines de fichiers qui ont été adressés à notre commission pour autant d’amendements s’est avérée particulièrement complexe. Et je pense à vous, cher Jean-Paul Emorine, puisque la commission des affaires économiques est saisie du texte portant engagement national pour l’environnement !
Sourires
J’ajoute que l’examen en commission des amendements sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital a conduit à réaliser environ 120 000 photocopies pour permettre à tous les membres de la commission de disposer d’un jeu d’amendements complet. Je souhaite que nous réfléchissions à la possibilité d’équiper nos commissions d’écrans qui permettraient de suivre le déroulement de l’examen des amendements sans avoir besoin de manipuler de telles quantités de papier, à un moment où les autorités du Sénat, notamment nos questeurs, nous ont engagés dans une gestion plus respectueuse de l’environnement.
L'amendement n° 49, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. - Après les mots :
examiner les amendements
rédiger comme suit la fin de la première phrase du 1 du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement :
qui sont déposés au plus tard l'avant-veille de cette réunion.
II. - Après la première phrase du 1 du même texte, insérer une phrase ainsi rédigée :
Les amendements du Gouvernement ne sont pas recevables en commission.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. About vient, en quelque sorte, de dresser le bilan des difficultés que nous avons rencontrées à l’occasion de l’examen du projet de loi HPST, encore en cours, et je partage en grande partie l’analyse qu’il vient de faire.
En l’espèce, notre groupe n’est pas celui qui a déposé le plus d’amendements et l’on ne peut pas, au moins pour cette fois, tenter de nous culpabiliser ou de nous condamner !
L’article 14 vise à insérer un nouveau chapitre qui prend en compte dans notre règlement les nouvelles dispositions de l’article 42 de la Constitution, suivant lesquelles la discussion en séance publique porte dorénavant sur le texte élaboré par la commission saisie au fond.
Cela fait maintenant quelque temps que notre assemblée - sans attendre la réforme du règlement - a mis en place cette nouvelle procédure, qui n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes, sur la forme comme sur le fond. Cela a déjà été dit, je n’y reviens pas.
Mon amendement porte - et c’est l’un des points à propos desquels mon analyse rejoint celle de Nicolas About - sur les modalités d’examen des amendements qui sont déposés en commission pour y être débattus, voire adoptés avant la séance publique.
La première partie de mon amendement a pour objet de clarifier une phrase de l’article 28 ter dont la rédaction est, en l’état, ambiguë et qui peut, par conséquent, être source d’interprétations, ce qui n’est pas souhaitable, chacun en conviendra.
Nous souhaitons que, dans la première phrase de l’article 28 ter de notre règlement, il soit expressément écrit que « la commission saisie au fond se réunit pour examiner les amendements qui sont déposés au plus tard l’avant-veille de cette réunion ». Nous répondons là totalement à la préoccupation de Nicolas About.
La rédaction actuelle - en faisant référence aux « amendements du rapporteur » et aux « amendements déposés au plus tard l’avant-veille » - peut laisser croire que les amendements du rapporteur ne seront pas soumis au délai limite de dépôt en commission. Or nous considérons que les amendements du rapporteur doivent être soumis au même délai que les autres.
Pour de petits groupes qui ne disposent que d’un nombre restreint de collaborateurs, il peut être difficile de faire face, mais le problème se pose à tous les groupes, comme Henri de Raincourt l’a souligné tout à l’heure.
Selon nous, les amendements du rapporteur doivent être portés à la connaissance des sénateurs avant leur examen en commission afin de permettre un réel débat et une égalité de traitement entre groupes et commissions.
Il est d’autant plus important d’inscrire cela dans le règlement que le système que nous pratiquons depuis fort longtemps veut que nous découvrions les amendements du rapporteur le jour même de la réunion en commission. Dans la mesure où nous changeons de pratique, il faut énoncer clairement les modalités de la nouvelle procédure.
Certes, dans son rapport, M. Gélard a noté que « l’ensemble de ces amendements devraient être déposés au plus tard l’avant-veille de la réunion de commission » et que « ce délai devrait s’appliquer à tous les amendements, y compris aux amendements du rapporteur ». Mais cela irait mieux en l’écrivant !
M. Guy Fischer. Ah, mais je ne suis pas un spécialiste de ces questions, contrairement à vous, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, ou à mes collègues Nicole Borvo Cohen-Seat et Éliane Assassi !
Sourires
J’en viens à la seconde partie de mon amendement, qui vise à préciser clairement dans notre règlement que « les amendements du Gouvernement ne sont pas recevables en commission ».
Cette disposition rejoint celle qui est proposée par Nicolas About. Je le rappelais tout à l’heure, alors qu’il reste plus de 300 amendements à examiner sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital, Mme Bachelot-Narquin a déjà déposé 123 amendements, tous plus importants les uns que les autres puisqu’ils sont voulus par le Président de la République lui-même.
Nous sommes fermement opposés à un système qui irait à l’encontre du principe, reconnu par la Constitution, de la séparation des pouvoirs. C’est pourquoi nous estimons judicieux de faire figurer noir sur blanc dans notre règlement que les amendements du Gouvernement ne sont pas recevables en commission.
En commission, Mme Bachelot-Narquin a été omniprésente, et nous devons tirer les leçons de l’expérience très particulière que nous venons de vivre.
Même si je sais que mon amendement ne sera pas adopté, je tenais à souligner que les préoccupations de Nicolas About et les nôtres convergeaient.
Monsieur About, les modalités d’examen des amendements au sein d’une commission ne paraissent pas relever du règlement. Vous avez vécu une expérience particulière, malheureuse, avec le projet de loi portant réforme de l’hôpital, mais il ne faut pas généraliser !
Il importe, par souci de souplesse, de laisser à chaque commission le soin d’organiser, de la manière qui lui paraît la plus appropriée, ses conditions de travail.
Par ailleurs, le délai de dépôt des amendements, qui fait l’objet de la deuxième partie de votre amendement, vise à permettre aux commissaires de disposer d’une information plus complète avant la réunion de la commission. Il n’interdit évidemment pas que, au cours des débats en commission et à la lumière des échanges entre commissaires, de nouveaux amendements puissent être présentés. Il n’y a donc pas de raison de réduire au strict minimum le délai de dépôt des amendements.
Par conséquent, je demande le retrait de l'amendement n° 32, qui complique plus les choses qu’il ne les simplifie.
Quant à l'amendement n° 49, il a deux objets.
Il prévoit explicitement que tous les amendements sont déposés devant la commission au plus tard l’avant-veille de la réunion chargée d’élaborer le texte soumis à la discussion. La rédaction proposée par la proposition de résolution n’exclut cependant pas de la disposition visée les amendements déposés par le rapporteur, comme l’atteste d’ailleurs la pratique retenue par les commissions.
En outre, l’amendement prévoit d’écarter le dépôt d’amendements par le Gouvernement devant la commission, ce qui ne paraît conforme ni à la Constitution ni à la bonne information de la commission.
La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 49.
La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote sur l'amendement n° 32.
Mon amendement tend à offrir la possibilité au président de la commission d’opter pour la méthode de travail qui, en fonction des circonstances, lui paraît la plus appropriée. Le président Emorine apprécierait certainement d’avoir le choix entre l’examen préalable des amendements du rapporteur et l’examen global de tous les amendements – ce qui nécessitera beaucoup de courage ! – lorsque sa commission devra étudier les quelque 1 500 amendements auxquels va probablement donner lieu le texte portant engagement national pour l’environnement.
Je pense que mon amendement permet au président de la commission d’organiser au mieux le travail de celle-ci.
Monsieur About, vous offrez une option, mais il en existe d’autres ! Selon moi, il est préférable de laisser totalement libre l’organisation du travail en commission.
En tant que président de commission, j’ai, moi aussi, une certaine expérience et nos méthodes peuvent être différentes.
Je rappelle que l’article 28 ter du règlement, tel qu’il est proposé, est le résultat d’un équilibre auquel est parvenu le groupe de travail. Les amendements du rapporteur doivent être communiqués en même temps que ceux des membres de la commission pour que tous puissent travailler sur un pied d’égalité. Or l’amendement n° 32 va au-delà : vous modifiez ce point d’équilibre en prévoyant que la commission se réunit pour examiner « les amendements du rapporteur et les amendements déposés dans le délai fixé par la conférence des présidents », alors que le texte de la proposition de résolution évoque les « amendements du rapporteur ainsi que les amendements déposés au plus tard l’avant-veille de la réunion ». Il me semble que beaucoup de nos collègues tenaient vraiment à cette dernière formulation.
Je parle de la deuxième partie de votre amendement !
S’il s’agit d’offrir un choix, il n’est pas nécessaire de l’écrire dans le règlement : laissez-nous travailler à notre guise !
Moi, je ne voterai pas cet amendement.
Du reste, il eût été souhaitable que nous nous concertions entre présidents de commission, comme nous l’avons toujours fait.
Je ne peux pas accepter une mise en cause personnelle ! Je respecte tout le monde ici et je demande à être respecté de la même façon.
Sans doute n’ai-je aucune expérience en tant que président de commission… Cela fait si peu de temps que je préside la commission des affaires sociales ! Celle-ci n’a d’ailleurs pas grand-chose à faire, si l’on omet de préciser que c’est sans doute celle qui est saisie chaque année du plus grand nombre de textes.
En offrant la possibilité de moduler les méthodes de travail en fonction des circonstances, je ne mets personne en difficulté.
En tout cas, monsieur le président de la commission des lois, j’aimerais que vos propos soient empreints d’une certaine cordialité !
Nous avons pour l’instant peu de recul, mais nous disposons tout de même de l’exemple de la loi pénitentiaire, dont la discussion s’est bien passée, et de celui du projet de loi portant réforme de l’hôpital.
Personnellement, je serais plutôt de l’avis de M. About, même si je n’ai pas vécu « de l’intérieur » la discussion en commission du projet de loi HPST.
S’agissant de la loi pénitentiaire, le travail de la commission a été extrêmement positif parce que le rapporteur a eu la possibilité – peut-être en prenant le Gouvernement de vitesse ! – de présenter un texte cohérent, sur lequel s’est réalisé un accord qui dépassait les frontières de la majorité sénatoriale.
Aujourd'hui, nous sommes vraiment à la croisée des chemins. L’amendement de M. About me paraît être de nature à améliorer le fonctionnement de notre assemblée : il permet de présenter le travail du rapporteur et d’y apporter ensuite des modifications, en évitant que la discussion ne finisse en foire d’empoigne.
Moi, je suis pour l’entente cordiale entre les présidents de commission, et l’expérience des dernières années me paraît montrer, cher Nicolas About, que nous sommes parvenus à l’établir.
Vous vous inquiétez au sujet du projet de loi portant engagement national pour l’environnement : nous avons examiné le titre Ier, sur lequel ont été déposés 288 amendements. Je voudrais vous rassurer : nous avons aujourd'hui la possibilité d’organiser nos travaux en commission pour étudier en priorité les amendements du rapporteur, ce qui paraît tout à fait légitime. Mais cela ne nous empêche pas de débattre des autres amendements : il ne s’agit évidemment pas pour nous de faire passer les amendements du rapporteur en premier pour faire tomber les autres, afin d’éviter toute discussion.
Nous avons une grande pratique du travail en commission. Qu’on nous laisse donc un peu d’indépendance pour nous organiser. C’est ce que nous avons fait jusqu’à présent, et cela nous a plutôt bien réussi. Je le dis en toute amitié à Nicolas About, son amendement ne ferait que confirmer notre pratique.
Monsieur le président, le groupe de travail que vous avez mis en place et auquel j’ai participé est arrivé à un accord. Cet amendement me paraît inutile puisque nous avons déjà toute liberté pour organiser le travail dans nos commissions.
Il ne faut pas laisser tourner notre débat à l’aigre ou à la mise en cause, plus ou moins désagréable, de collègues.
Nous essayons tous ici de faire de notre mieux pour mettre en musique un texte constitutionnel que nous n’avons ni inventé ni demandé, et dont on se demande parfois s’il n’est pas le fruit de discussions d’arrière-salles de rédaction de journaux aussi enfumées que peu informées, voire de café du commerce.
Sourires
Même si je comprends parfaitement la position de M. About, les arguments de la commission des lois ne manquent pas de pertinence.
Je voudrais rappeler que chaque président de commission organise les travaux de sa commission comme il l’entend. Si l’ordre d’examen des amendements présente les inconvénients qui ont été signalés tout à l’heure par le président About, chaque président a toujours la possibilité de demander la réserve des votes.
Cela dit, la commission des lois nous ayant annoncé qu’une refonte partielle du règlement pourrait intervenir d’ici un ou deux ans, il faudrait que, à cette occasion, nous examinions la possibilité de ne pas autoriser le dépôt d’amendements identiques qui sont de simples photocopies d’argumentaires de groupes de pression ou de lobbies, généralement rédigés avec un sabot, qui ne veulent rien dire, qui sont d’application difficile et qui ne font souvent que défendre des préoccupations corporatistes pas nécessairement intéressantes.
S’il y a 1 500 amendements sur un texte, n’avoir qu’un seul amendement de cette nature, sur lequel les groupes pourront toujours intervenir en séance pour donner leur opinion, permettrait d’alléger considérablement le travail parlementaire. Est-il vraiment utile d’entendre quarante fois le même argumentaire ?
Monsieur About, je vous prie de m’excuser si je vous ai choqué, car telle n’était pas mon intention. Mais l’article 28 ter a fait l’objet de longs débats au sein du groupe de travail : ce qui pose problème, ce n’est pas le fait de savoir si les amendements doivent être examinés « simultanément ou successivement », c’est bien le délai fixé par la conférence des présidents.
Nous avions précisé que les amendements devaient être déposés au moins l’avant-veille de la réunion pour pouvoir être intégrés au texte de la commission. Je fais appel à la mémoire de ceux qui ont participé au groupe de travail : nous avions eu un long débat sur cette question. On a en effet considéré que les commissaires présents à la réunion devaient pouvoir connaître à la fois le point de vue du rapporteur et celui de leurs collègues. Il est vrai que, antérieurement, nous ne travaillions pas ainsi, mais cette nouvelle méthode contribue à accroître la transparence et la qualité du débat en commission.
Lorsque nous disposons de temps pour examiner les textes, par exemple si le délai de six semaines est respecté, comme cela a été le cas pour certains textes, il n’y a plus vraiment de difficultés. Il n’est pas nécessaire de prévoir que les amendements sont examinés « simultanément ou successivement » : nous pouvons nous organiser comme nous l’entendons.
Mais ce qui m’a fait surtout réagir, c’est la deuxième partie de votre amendement, monsieur About, parce qu’elle est contraire à l’accord que nous avons eu beaucoup de mal à trouver au sein du groupe de travail, auquel vous avez vous-même participé.
Il faut se souvenir que l’examen du titre IV du projet HPST a encore été décalé en conférence des présidents !
Mes chers collègues, je vous indique que ce débat fera l’objet d’un examen complémentaire en conférence des présidents.
Je mets aux voix l'amendement n° 32.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 50, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après les mots :
des membres de la commission
supprimer la fin du 1 du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 51. Ces deux amendements sont en effet les premiers à concerner le développement de la pratique des irrecevabilités élaborée – assez discrètement, il faut le dire – par la proposition de résolution dont nous discutons.
Nous l’avons noté, la majorité sénatoriale n’a pas souhaité retenir le principe du crédit-temps, qui, rappelons-le, n’avait pas de fondement constitutionnel, mais qui est apparu dans la discussion du projet de loi organique relatif à l’application de la révision de la Constitution.
Bien entendu, la fameuse phrase du nouvel article 44 de la Constitution qui dispose que le droit d’amendement s’exerce en séance publique ou en commission ouvrait la voie à ce que nous avons appelé le « 49-3 parlementaire », prôné par M. Balladur et sa commission à dominante présidentialiste.
Le Gouvernement et la majorité s’étaient engagés, lors de la révision constitutionnelle, à respecter le droit d’amendement et la présentation de ces derniers en séance publique. En la matière, sans doute M. Lang et les parlementaires du parti radical de gauche ont-ils fait confiance aux porte-parole de M. Sarkozy, de Mme Dati, de M. Karoutchi ou de M. Warsmann. Bien mal leur en a pris, car c’en est fini du débat démocratique à l’Assemblée nationale. Même M. Accoyer, tel Tartuffe
Exclamations sur les travées de l ’ UMP
Le Sénat, dans son extrême sagesse, n’applique pas la limitation des débats et permet a priori la discussion des amendements. Mais cette sagesse est-elle sincère ? Qui peut raisonnablement croire que l’assemblée élue au suffrage universel indirect pourra faire vivre le débat démocratique alors que l’assemblée élue au suffrage direct sera atone ? Personne !
Il faut donc réfléchir à des moyens de tuer le débat de manière plus discrète, plus « civilisée », oserai-je dire. La pratique des irrecevabilités est bien utile pour atteindre cet objectif. En effet, il s’agit d’une arme très efficace aux mains de la majorité sénatoriale ou du Gouvernement.
Comme l’a dit ma collègue Nicole Borvo Cohen-Seat au cours de la discussion générale, c’est une pratique que nous avons déjà constatée par le passé, notamment lors du débat sur les retraites, où le président de la commission des affaires sociales a invoqué l’article 41 de la Constitution de manière totalement arbitraire pour faire disparaître d’un seul bloc plus d’une centaine d’amendements de notre groupe.
La proposition de résolution vise à ce que ces opérations de court-circuitage du débat parlementaire aient lieu en commission. Ce sera plus discret qu’en séance publique…
Pour notre part, nous proposons que la mise en cause du droit d’amendement ait lieu en séance publique. Pour ce qui est des irrecevabilités, le service de la séance, sous la responsabilité du président du Sénat, qui ne doit pas se défausser en la matière, doit demeurer responsable de l’examen de la recevabilité.
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. de Montesquiou, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du 1 du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement, après les mots :
des affaires sociales
insérer les mots :
, sous réserve de l'accord du président de la commission des finances
La parole est à M. Michel Charasse.
Monsieur le président, je voudrais corriger mon amendement, car, tel qu’il est actuellement rédigé, il ne vient pas à la bonne place dans le texte. Les mots « sous réserve de l’accord du Président de la commission » trouveraient mieux à s’insérer au début de la troisième phrase du 1 du texte proposé par le I de l’article 14.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 24 rectifié bis, présenté par MM. Charasse, Collin et Chevènement, Mmes Escoffier et Laborde et MM. de Montesquiou, Plancade et Vall, et qui est ainsi libellé :
Au début de la troisième phrase du 1 du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement, ajouter les mots :
Sous réserve de l'accord du président de la commission des finances,
Veuillez poursuivre, monsieur Charasse.
La question soulevée par cet amendement est de savoir qui, dans notre assemblée, sera le juge de l’irrecevabilité au titre de l’article 40 ou des dispositions analogues qui peuvent figurer dans la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale.
Jusqu'à présent, mes chers collègues, il y avait une seule autorité, à savoir la commission des finances ou son bureau ou son président. Cette seule autorité, depuis 1958, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, a mis en œuvre une jurisprudence – une pratique plus exactement – qu’on peut toujours contester, mais qui n’a jamais vraiment été remise en cause par le Conseil constitutionnel. Les interprétations des deux commissions des finances ont en effet toujours été validées, ce qui a donné lieu à une grande homogénéité dans l’application de l’article 40.
Or nous allons vers un système qui risque d’introduire un énorme désordre dans la maison et beaucoup de mécontentement entre collègues. En effet, à partir du moment où le nouveau règlement nous propose de rompre avec le juge unique de l’article 40, en l’occurrence la commission des finances, pour laisser le soin aux présidents de commission – ce n’est pas désagréable à leur égard, ils s’en doutent –, dans le cadre des travaux de leur propre commission, d’être eux-mêmes juges de la recevabilité au titre de l’article 40, nous risquons d’aboutir à un parfait désordre dans l’application de l’article 40, même si les présidents de commission font l’effort de s’inspirer de la jurisprudence ancienne et traditionnelle de la commission des finances.
Monsieur le président, je vous le demande à vous qui présidez le Sénat et qui êtes l’auteur de la proposition de résolution : qu’est-ce qui se passera si on vous réveille à deux heures du matin pour trancher un différend, que le règlement ne vous donne pas le pouvoir de régler, parce qu’un président de commission aura déclaré recevable un amendement alors qu’un amendement extérieur identique aura été jugé irrecevable par le président de la commission des finances ?
Pas du tout ! Ce n’est pas le même juge !
Je le répète, lors de l’examen d’un texte, il se peut très bien qu’un président de commission déclare un amendement recevable et que le président de la commission des finances décide qu’un amendement identique, mais extérieur à la commission, est irrecevable.
L’objet de mon propos est donc extrêmement simple, et je souhaiterais que la commission des lois entende mon appel, parce qu’elle doit quand même être sensible à l’unification et à l’homogénéité de l’application pratique de l’article 40.
Il n’est pas question de nier un pouvoir d’appréciation aux présidents de commission, qui sont suffisamment qualifiés et entourés pour juger, mais, en matière d’article 40, il ne peut y avoir de décision définitive sans l’accord du président de la commission des finances. Sinon, je ne sais pas où nous allons !
Mais surtout, monsieur le président – le secrétaire général du Sénat, qui est à côté de vous, pourra vous le dire dans le creux de l’oreille –, le jour où il y aura un différend entre deux présidents de commission, qui le tranchera, puisque le règlement n’aura rien prévu ?
Sourires
M. Patrice Gélard, rapporteur. J’ai l’impression que l’article 40, pour parler comme le docteur Knock, chatouille ou gratouille un certain nombre de nos collègues.
Nouveaux sourires.
D’ailleurs, d’autres amendements vont venir en discussion sur cette question.
L’amendement n° 50 vise à supprimer l’ensemble du dispositif relatif au contrôle de la recevabilité des amendements devant la commission chargée d’élaborer le texte qui sera soumis ultérieurement à la séance publique. Pourtant, s’agissant de l’article 40, le dispositif que nous proposons est plus souple que le système actuellement en vigueur et peut-être même plus adapté puisqu’il prévoit de confier au président de la commission saisie au fond le soin d’apprécier la recevabilité financière des amendements, éventuellement après avis de la commission des finances.
Que va-t-il se passer en fait ? Dorénavant, c’est le président de la commission saisie au fond qui statuera, ce qui va simplifier les choses. Toutefois, rien n’empêchera les présidents de commission de saisir systématiquement la commission des finances, notamment quand ils auront un doute.
Monsieur Charasse, l’irrecevabilité refusée par le président de la commission pourra à nouveau être soulevée par le président de la commission des finances en séance publique. À ce moment-là, le différend sera tranché. Le problème pourra ainsi être résolu et la situation que vous craignez n’adviendra pas.
Mais non !
La solution contenue dans la proposition de résolution est simple, et c’est d’ailleurs celle que le président Hyest entend appliquer au sein de la commission des lois. Lorsque l’irrecevabilité financière est évidente, il ne sera pas nécessaire de saisir la commission des finances. Par contre, s’il y a le moindre doute, on transmettra à la commission des finances, qui répondra, grâce à l’amendement de MM. About et Arthuis, par écrit.
Vous le voyez, toutes les précautions sont prises. Le nouveau système sera beaucoup plus souple que l’ancien et permettra d’aller plus vite. En outre, nous n’aurons pas la surprise de voir brutalement tomber une déclaration d’irrecevabilité en séance publique.
Voilà les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 50.
Quant à l’amendement n° 24 rectifié bis, je demande à M. Charasse de bien vouloir le retirer, car la solution qu’il retient ne facilite pas les choses, je dirai même : au contraire ! Nous verrons ce que donnera la pratique et ferons le bilan dans un an. En attendant, il est préférable de s’en tenir au texte élaboré par le groupe de travail.
Contrairement à l’Assemblée nationale, le Sénat, jusqu’à l’été 2007, ne pratiquait pas le contrôle de recevabilité a priori. La commission des finances attendait la discussion en séance publique et l’éventuelle invocation de l’article 40, généralement par le Gouvernement ou par le président de la commission saisie au fond, pour se prononcer sur la recevabilité financière.
Cette pratique avait suscité chez certains ministres, lorsque l’arbitrage interministériel leur était défavorable, la tentation de rechercher la bienveillante compréhension de l’un d’entre nous, qui déposait un amendement. Au moment de son examen, le Gouvernement s’en remettait bien entendu à la sagesse du Sénat. Personne n’invoquant l’article 40, le ministre obtenait ici un soutien qu’il n’aurait pas pu demander à l’Assemblée nationale..)
Cette situation s’est avérée très commode jusqu’au jour où le Conseil constitutionnel a déclaré irrecevable un certain nombre de dispositions issues d’amendements d’origine sénatoriale, adoptés en particulier lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, avec des considérants d’ailleurs assez sévères.
Nous en avons donc débattu. La conférence des présidents a tranché et, à partir de l’été 2007, nous avons estimé qu’il fallait procéder à un examen systématique de la recevabilité des amendements déposés. Il a en outre été convenu que, au mois de juin 2008, je présenterais un rapport d’évaluation sur cette nouvelle pratique au Sénat.
Puis vint la révision constitutionnelle. Désormais, le Sénat se prononce en séance publique sur le texte issu des travaux de la commission saisie au fond ou de la commission spéciale. Nous devons donc procéder au contrôle systématique du texte de la commission et de tous les amendements qui sont déposés en vue de la discussion en séance publique.
Je peux vous dire que cette tâche réclame une mobilisation considérable des collaborateurs et du bureau de la commission des finances, surtout de son président. De plus, en séance publique, il faut être en état de répondre à une éventuelle invocation de l’article 40 sur des sous-amendements.
Nous nous sommes demandé s’il convenait également de mobiliser des moyens pour être en mesure de prononcer l’éventuelle irrecevabilité d’amendements déposés en commission. À l’issue d’une large concertation au sein du groupe de travail que vous avez présidé, monsieur le président du Sénat, il a été convenu que les présidents des commissions saisies au fond ou le président de la commission spéciale auraient à se prononcer sur la recevabilité au regard de l’article 40. Telle est la pratique que nous observons.
C’est une relation de confiance qui s’instaure entre les présidents des commissions saisies au fond et le président de la commission des finances. En cas de doute, comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, je fais procéder à une expertise et j’en communique par écrit l’avis à la commission saisie au fond afin d’éviter toute ambiguïté.
Bien sûr, une erreur d’appréciation peut toujours être commise. Que se passe-t-il alors ? En séance publique, monsieur Charasse, nous avons la possibilité d’invoquer l’article 40. Je tiens à vous dire que, s’il m’apparaissait avant la séance publique qu’il y a doute sur une disposition, je ne manquerais pas d’en informer le président de la commission saisie au fond ou le président de la commission spéciale.
Voilà la procédure que nous avons choisie.
Je reconnais l’existence d’une difficulté pour les propositions de loi. En dépit des précautions extrêmes des auteurs de propositions de loi
Sourires
Cependant, et Michel Charasse l’a signalé, il peut arriver que l’un d’entre nous dépose un amendement qui s’inscrive bien dans la philosophie de la proposition de loi, mais sur lequel la commission des finances, comme il s’agit d’un amendement extérieur aux travaux de la commission, soit amenée à se prononcer. C’est ainsi que la commission des finances, il n’y a pas si longtemps de cela, a prononcé l’irrecevabilité d’un amendement qui ressemblait beaucoup à la proposition de loi.
M. Pierre-Yves Collombat s’exclame.
Le Gouvernement nous rendrait service si, en cas de doute, il invoquait lui-même la recevabilité au regard de l’article 40.
C’est cette pratique fondée sur la confiance qu’il faut faire vivre maintenant. Je tiens à préciser que, pour ma part, je n’éprouve aucun agrément particulier à devoir me prononcer sur la recevabilité au regard de l’article 40 et que je me dispenserais bien volontiers de cette mission. Je ne fais qu’appliquer ce que la Constitution a prévu.
J’avais même eu l’audace de proposer au Sénat, lors de la révision constitutionnelle, un amendement portant suppression de l’article 40, au motif que nous cet article ne nous avait pas mis à l’abri de la dérive financière qui nous a conduits à accumuler près de 1 000 milliards d’euros de dette publique. Au demeurant, les gouvernements successifs ont pris toute leur part dans cet endettement collectif, et nous aussi, en votant les lois de finances.
L'amendement n'est pas adopté.
M. Michel Charasse. Si j’ai bien compris ce que nous a dit le rapporteur, il va y avoir une transmission quasi systématique des amendements douteux. Je ne parle pas des amendements évidents, du type : « La retraite du combattant est doublée à partir du 1er janvier prochain. »
Sourires
Nouveaux sourires.
Non, je parle des cas qui laissent place au doute. Le texte n’est pas très clair, mais le président About me fait remarquer que les amendements sont transmis « le cas échéant ». Si c’est ce système qui prévaut, alors, j’ai satisfaction.
Comprenez bien, monsieur le président, que mon souci est de faire en sorte que le Sénat ne se ridiculise pas auprès du Conseil constitutionnel et ne se fasse pas rappeler à l’ordre, que les présidents de commission ne s’infligent pas des humiliations en créant des situations impossibles entre collègues à propos d’une disposition dont je peux dire – comme membre de la commission des finances et comme ancien membre du Gouvernement, et je crois que Jean Arthuis peut en dire autant – qu’elle n’est facile à appliquer pour personne, que tout cela est souvent d’une extrême complexité…
… et nécessite, par conséquent, une habitude et un doigté particuliers.
Si j’étais à la place du président Arthuis, j’envierais quelquefois les autres présidents de commission de ne pas avoir à se coltiner ce travail épouvantable, notamment sur les amendements dits « extérieurs » qui arrivent la veille ou l’avant-veille de la date limite de dépôt !
S'il s’agit bien, désormais, de transmettre les amendements dès qu’il y a doute et si c’est bien l’avis de la commission des finances qui prévaut, sous réserve d’une discussion éventuelle entre les deux présidents de commission, je n’ai plus de raison de maintenir l’amendement n° 24 bis rectifié.
L’amendement n° 24 bis rectifié est retiré.
L'amendement n° 1, présenté par M. Collombat, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la troisième phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 28 ter du Règlement :
Le président de la commission saisie au fond et, le cas échéant, ceux des commissions des finances et des affaires sociales se prononcent par avis motivé sur leur recevabilité au regard de l'article 40 de la Constitution ou de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, mes chers collègues, puisque l’article 40 ne m’a pas été opposé sur cet amendement qui concerne précisément les modalités d’application de l’article 40, je vais avoir le plaisir de le défendre.
Sourires
À la suite de la décision du 14 décembre 2006 du Conseil constitutionnel, sur laquelle je préfère passer, le Sénat a mis en place, à partir du mois de juillet 2007, un nouveau système de vérification de la recevabilité financière des amendements au regard de l’article 40 de la Constitution.
Contrairement à ce qu’affirme le président de la commission des finances dans son rapport d’information n° 401, ce système constitue un renforcement de la censure déjà lourde exercée sur les sénateurs, censure a priori et aléatoire, condamnation au silence sans pouvoir se défendre ni s’expliquer, verdict sans recours.
Officiellement, c’est pour mieux assurer la « sécurité juridique » des textes que nous votons. À ce compte-là, cette sécurité sera parfaite le jour où l’on réservera l’initiative des lois et le droit d’amendement au Gouvernement, au nom, bien sûr, du renforcement des droits du Parlement…
C’est même, selon ce qui vient de nous être révélé, légèrement plus compliqué puisque c’est parce qu’il fallait faire régner la discipline chez les ministres, dont certains faisaient passer des amendements « en douce », que la procédure a été modifiée !
Quoi qu'il en soit, depuis la mise en place de la nouvelle procédure, si j’en crois le rapport, le pourcentage des rejets au titre de l’article 40 par rapport au nombre d’amendements présentés a été multiplié par 2, 5.
L’interprétation traditionnellement extensive de la notion de « charges publiques » est désormais poussée jusqu’à l’absurde, j’allais dire jusqu’au burlesque. Ainsi, pour prendre le récent exemple de la loi pénitentiaire, préciser qu’un détenu doit être informé de ses droits dans une langue qu’il comprend tombe sous le coup de l’article 40 !
Rires sur les travées du groupe socialiste.
Comme l’observait M. About, par ailleurs rapporteur pour avis de ce texte, « lorsque la commission propose simplement qu’un infirmier puisse veiller en permanence sur les détenus et servir de relais, on lui oppose l’article 40, mais lorsqu’elle demande l’installation d’un bloc opératoire, d’un service de réanimation, etc., on estime que l’article 40 n’est pas applicable ».
Les choses absurdes devant être faites selon des règles, une casuistique byzantine permet de justifier l’injustifiable. Celle-ci distingue notamment les dépenses supplémentaires, qui ne peuvent être ni gagées ni compensées, des diminutions de recettes, qui peuvent l’être. Je pense avoir bien compris, monsieur le président de la commission des finances.
La leçon a donc été retenue !
Ainsi, une proposition de déductibilité fiscale de pertes boursières peut venir en discussion si l’auteur a pris la précaution de la gager par une taxe sur les tabacs ou sur les carambars.
Rires
Même quand tout le monde est d’accord, seules des acrobaties juridiques bizarres permettent d’aboutir : financements portés par des sous-amendements gouvernementaux – le président Hyest nous a rappelé ce matin même un exemple célèbre –, gages bidon...
Pensez-vous que j’exagère, que je caricature ? Voici quelques jugements glanés sur les bancs de la majorité sénatoriale – pour que je ne sois pas taxé de parti pris – lors de l’examen de la loi pénitentiaire, précédemment évoquée.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur :…
… « Les voies de l’irrecevabilité financière, comme celles du Seigneur, sont parfois impénétrables ».
M. Roland du Luart, qui présidait la séance : « Je me permets […] d’observer, en ma qualité de plus ancien membre de la commission des finances, que l’on peut parfois s’interroger sur l’usage qui est fait de l’article 40. Les arguments que je viens d’entendre me paraissent plein de bon sens… Il y a là manifestement quelque chose d’incompréhensible ».
M. Nicolas About, rapporteur pour avis : «Je regrette que l’article 40 ait été opposé à une disposition qui paraissait raisonnable parce qu’elle pouvait être appliquée avec les moyens existants. »
M. Jean Jacques Hyest, président de la commission des lois : « Nous sommes parfois un peu surpris de l’application de l’article 40 […] Peut-être devra-t-on mener une réflexion globale, comme nous l’avons demandé, sur la mise en œuvre de l’article 40. »
M. Hugues Portelli : « L’utilisation de l’article 40 me semble excessive, en particulier sur le texte que nous examinons aujourd'hui. »
Il conviendrait donc effectivement de mener une réflexion globale sur la mise en œuvre de l’article 40 au Sénat. Je regrette que nous n’ayons pas engagé une telle réflexion à l’occasion de la révision de notre règlement.
Cet amendement est beaucoup plus modeste que la proposition du président Hyest. Il ne remet pas en cause le délicat équilibre auquel le groupe de travail est parvenu. Il a pour objet de corriger l’aspect le plus choquant de la censure exercée au nom de l’article 40, quel que soit celui qui l’exerce, à savoir le président de la commission saisie au fond, le président de la commission des finances ou le président de la commission des affaires sociales.
Avec le nouveau règlement, comme par le passé, les sénateurs continueront à être censurés, sans pouvoir se défendre. Qu’au moins leur condamnation soit motivée par autre chose qu’une formule mécanique du type: « Cette proposition équivaut à un transfert de charges publiques des communes vers l’État » ou « représente une augmentation de la charge publique » !
Qu’ils en soient informés par les bruits de couloirs – ce qui arrive aujourd’hui –, par téléphone, par écrit ou par pigeon voyageur
Sourires
Nous protestons contre les modalités d’application de l’article 40 de la Constitution : c’est le moment d’essayer de les améliorer !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
M. Patrice Gélard, rapporteur. L’article 40 ne se contente pas de chatouiller ou de gratouiller M. Collombat : c’est une véritable crise d’urticaire qu’il lui donne !
Sourires
Je ne reprendrai pas l’argumentation que nous avons développée en commission. L’irrecevabilité au titre de l’article 40 présente un caractère absolu. Aucune disposition constitutionnelle, organique, législative ou réglementaire n’exige, dans ce domaine, de motivation.
En pratique, la commission des finances fournit à l’auteur d’un amendement jugé irrecevable les explications de la décision dont celui-ci a fait l’objet. La rédaction proposée par la commission, qui prévoit un avis écrit de la commission des finances – ou des affaires sociales, s’agissant de l’irrecevabilité sociale – constitue un progrès par rapport à la version initiale de la proposition de résolution.
De plus, je rappelle que l’article 40 de la Constitution est, en lui-même, une motivation : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique. » Nous sommes bien face à une explication motivée de l’irrecevabilité.
Telles sont les raisons pour lesquelles je suis au regret, cher collègue, d’émettre un avis défavorable.
Monsieur le président, mes chers collègues, je voudrais – je pense pouvoir y parvenir – rassurer notre collègue Pierre-Yves Collombat.
Tout d’abord, mon cher collègue, je ne vous en veux pas des termes que vous avez employés pour présenter l’objet de voter amendement, disant notamment que les déclarations d’irrecevabilité avaient un caractère « aléatoire ».
Sourires
Je tiens à vous le dire, c’est en conscience, et au terme quelquefois d’une longue réflexion avec les collaborateurs de la commission des finances, que nous prononçons une irrecevabilité. Et nous mesurons chaque fois la gravité de l’avis que nous formulons. Ce n’est en aucune manière une censure : c’est l’application pure et simple d’une disposition prévue dans la Constitution, et nous n’avons pas de marge de manœuvre.
En revanche, si nous commencions à donner des interprétations, à renoncer à déclarer l’irrecevabilité sous prétexte que l’adoption de tel ou tel amendement n’aurait pas beaucoup de conséquences ou ne serait pas significative, nous nous engagerions dans une jurisprudence pour le coup totalement aléatoire et nous serions menacés par l’arbitraire.
Vous prétendez, mon cher collègue, qu’on apprend l’irrecevabilité des amendements par des « bruits de couloir ».
Cette assertion me paraît franchement abusive. En effet, nous adressons systématiquement un message par courrier électronique et je confirme par écrit la décision prise.
Certes, la motivation est, j’en conviens, quelquefois lapidaire. Mais lorsque vous avez eu ce moment d’irritation, que j’ai bien perçu, je vous ai reçu à la commission des finances. Nous sommes dans un monde où nous parlons ! Il existe une courtoisie sénatoriale à laquelle il ne faut jamais manquer.
Par conséquent, lorsque vous avez une interrogation, je suis à votre disposition pour tenter de répondre à ce qui vous apparaît arbitraire.
La rédaction de l’article 40 de la Constitution est très stricte. D’un côté, on évoque la « diminution des ressources publiques » : ce pluriel permet de compenser une réduction d’impôt par l’augmentation de tel autre impôt, comme les taxes sur le tabac ou l’alcool. La possibilité de lever le gage, que vous avez évoquée, s’applique uniquement dans ce cas de figure. De l’autre, on parle de « la création ou l’aggravation d’une charge publique » : ce singulier ôte toute possibilité de gage.
Prenons l’un des cas que vous avez soulevés, celui d’une proposition formulée par des parlementaires qui concernerait l’accueil des enfants dans des communes de moins de 3 500 habitants. Oui, l’État devra effectivement assumer une telle charge, mais ce sera dans une autre rubrique ; par conséquent, l’article 40 s’appliquera. C’est ce que je me suis efforcé de vous expliquer.
Bien sûr, vous avez entendu des collègues, sur toutes les travées de cet hémicycle, porter des appréciations étonnées et quelquefois critiques à notre encontre. J’assume pleinement la responsabilité des décisions prises, même lorsque la critique émane d’un président de séance qui innove en faisant ainsi des commentaires sur l’application de l’article 40, et qui est de surcroît membre de la commission des finances.
Sourires
Je pense que, au fil des mois, nous allons entrer les uns et les autres dans une démarche peut-être plus compréhensive des dispositions de l’article 40.
Monsieur le président, l’intervention de notre collègue Pierre-Yves Collombat, qui a d’autant plus retenu mon attention qu’elle m’a paru empreinte d’une totale sincérité, me rappelle le débat que nous avons eu au moment de la révision de 2008.
En effet, à l’époque, il avait été question, sur plusieurs travées, d’assouplir l’article 40, voire de le supprimer. Or, à ce moment-là, le Parlement, en tout cas une majorité dans chacune des deux assemblées, a décidé de ne pas y toucher.
Je ne vois pas comment, après ce débat récent sur ce sujet, nous pourrions tenter d’une manière ou d’une autre de revenir là-dessus.
J’ajoute que l’article 40, contrairement à ce qu’on croit, n’est pas une invention de la Ve République. C’était un des articles du décret Guy Mollet du 19 juin 1956, qui a été la constitution financière de la IVe République jusqu’au changement de Constitution. Et si Guy Mollet a été conduit, lui qui était très favorable au régime parlementaire, à prendre une mesure de cette nature, c’est sans doute parce que les choses étaient devenues très difficiles pour l’exécutif…
Je voudrais quand même dire, pour avoir eu, comme d’autres collègues de la commission des finances, la charge de représenter la commission en séance et d’exprimer son avis, que nous avons toujours essayé de faire l’application la plus souple et la plus intelligente de l’article 40.
Sachez qu’en matière pénale, cher collègue et ami Pierre-Yves Collombat, on ne l’applique pratiquement pas. Parce que, si l’on appliquait l’article 40, on ne pourrait pas réduire ou supprimer une amende, cela entraînant nécessairement une perte de recettes pour l’État. Depuis 1958, dans les deux assemblées, on s’est mis d'accord pour dire : « En matière d’amendes, pas d’article 40 ! »
De la même façon, quand nous votons des lois d’amnistie, nous n’appliquons pas l’article 40, alors qu’il y a un maximum de pertes de recettes ! Je ne vous rappellerai pas, mes chers collègues, ce que les lois d’amnistie, quand il y en avait, coûtaient aux collectivités locales puisque c’étaient autant d’amendes de police et aux amendes de circulation qui n’étaient pas perçues…
Par ailleurs, nous avons toujours accepté que les propositions de loi créant des dépenses soient gagées, alors que c’est contraire à l’article 40, à la jurisprudence et à la doctrine qui le concernent. Si nous n’avions pas fait cela, aucune proposition de loi ne serait jamais déposée sur le bureau de l’une ou l’autre des assemblées – jamais ! – puisqu’elles sont toutes génératrices de charges, sauf en matière fiscale, où, comme le disait M. Pierre-Yves Collombat et comme le rappelait le président Jean Arthuis, il y a toujours, s’agissant de ressources, une compensation possible.
J’ajoute que, lorsque nous avons voté la loi organique sur les lois de finances, qui est une construction purement parlementaire – Migaud, Lambert –, et une construction parlementaire « transcourants », si je puis dire, puisque la majorité de l’Assemblée nationale n’était pas à l’époque la même que celle du Sénat, nous avons autorisé le Parlement à transporter des crédits d’un programme à un autre, ce qui, sous l’empire de l’ancienne loi organique sur les lois de finances, était interdit. Et le Conseil constitutionnel l’a accepté, il est vrai sur le rapport d’un de ses membres qui était un ancien secrétaire général de l’Assemblée nationale et qui avait dû éprouver, en cette qualité, les difficultés qu’il y avait à appliquer trop strictement l’article 40.
Par conséquent, je pense qu’il ne faut pas être trop injuste à l’égard des autorités chargées d’appliquer l’article 40. Sinon, c’est le Conseil constitutionnel qui l’appliquera à notre place, et je me méfie toujours de ce que ça peut donner, comme on l’a vu dans des décisions récentes sur la loi organique du printemps dernier.
Enfin, je crains qu’un jour le Conseil constitutionnel ne décide soudainement de se pencher le caractère sérieux ou non des gages, et que le gage « bidon » ne soit désormais prohibé, auquel cas un pan entier de nos initiatives financières, en matière fiscale, tomberait puisque nous n’aurions pas de gage sérieux pour compenser les amendements fiscaux.
Par conséquent, moins on remue la mélasse sur cette affaire, mieux on se porte !
Sourires
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur Arthuis, si j’ai déposé cet amendement, ce n’était pas pour soulager une quelconque rancœur personnelle à votre égard. D’ailleurs, croyez-le, je me remets fort bien de l’incident qui nous a opposés !
Sourires
Cela étant, si je pouvais sous-amender mon amendement, je reprendrais volontiers la formulation proposée par notre collègue Michel Charasse, pour préciser dans notre règlement qu’il faut faire application de l’article 40 « de la manière la plus souple et la plus intelligente possible ».
Sourires
Pour sa part, le doyen Gélard a déclaré que l’article 40 de la Constitution s’appliquait de manière absolue. C’est vrai ! Mais je ne demande pas que nous revenions sur cet article. Je demande simplement que les déclarations d’irrecevabilité en application de l’article 40 soient accompagnées d’explications.
En d’autres termes, au lieu de nous dire : « Vous êtes condamnés, parce que vous êtes coupables », il faudrait commencer par nous expliquer en quoi nous sommes coupables, c'est-à-dire en quoi l’adoption de tel ou tel amendement aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique.
Visiblement, tout le monde est convaincu que j’ai raison, mais personne ne votera mon amendement. C’est l’un des paradoxes de notre assemblée.
Nouveaux sourires.
L'amendement n'est pas adopté.
M. le président. Monsieur Collombat, votre amendement n’a certes pas été adopté, mais il a reçu le soutien d’un nombre suffisant de nos collègues pour que vous retrouviez le moral !
Nouveaux sourires.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.