D’un point de vue arithmétique, ce refus peut se comprendre. C’est plus difficile sur le plan politique !
Par ailleurs, en refusant notre amendement tendant à rendre impossible le cumul « d’avantages » de la majorité – la présidence des commissions – et de l’opposition – par exemple l’initiative mensuelle – aux groupes minoritaires qui ne se déclarent ni de l’une ni de l’autre, la commission entretient une confusion regrettable.
J’observe aussi que la commission a rejeté deux amendements de mon groupe sur des points qui semblaient faire accord dans le groupe de travail préliminaire.
Le premier visait à prévoir que les débats de procédure – motions tendant à opposer la question préalable ou l’exception d’irrecevabilité, et motions tendant au renvoi à la commission – aient lieu avant la discussion générale, comme c’est le cas à l’Assemblée nationale. Tout le monde ici semblait considérer comme absurde que les motions de procédure interviennent après la clôture de la discussion générale. Notre amendement n’a pourtant pas été retenu.
Le second amendement visait à modifier la vérification du quorum en permettant que cette demande de quorum soit possible pour un groupe – cela aurait été logique avec la reconnaissance des groupes –, et, surtout, en la rendant plus effective qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Pour conclure, je dirai que le Sénat, où l’alternance n’a jusqu’ici jamais existé, a une longue expérience du fait majoritaire et de la rationalisation des débats par la majorité elle-même.
Le règlement était déjà bien organisé pour assurer à la majorité une parfaite maîtrise du débat, les demandes de suspension de séance et de quorum étant beaucoup plus difficiles à obtenir qu’à l’Assemblée nationale. Le temps de parole sur les motions de procédure était également beaucoup plus court.
Ceux qui ont déjà passé quelques années dans cet hémicycle savent que les irrecevabilités étaient facilement utilisées pour supprimer de nombreux amendements en cas de discussion tendue. À ce sujet, nombre d’entre vous se rappelleront, comme moi, des débats sur les retraites qui eurent lieu ²en 2003.
Dans le contexte actuel des rapports de force au Sénat, la réforme qui nous est proposée aujourd’hui se veut moins contraignante pour le débat qu’à l’Assemblée nationale.
Elle ne s’inscrit pas moins dans cette logique de rationalisation du travail parlementaire typiquement sénatoriale depuis plus de vingt ans et que la révision de 2008 a maintenant constitutionnalisée.
L’extension du domaine des irrecevabilités parlementaires, en matière financière ou constitutionnelle, la réduction du temps de parole répondent à l’objectif du Président de la République – et sans doute de sa majorité – de réduire le débat démocratique, le débat pluraliste, et à une tendance bipartiste des institutions, alors que le bipartisme est loin d’être une réalité politique.
Nous voterons donc contre cette réforme du règlement, car elle s’inscrit pleinement dans une révision constitutionnelle que nous réfutons. J’ajoute que nous n’acceptons pas non plus l’éventuelle répartition des rôles entre l’Assemblée nationale et le Sénat, où seuls les « Sages » pourraient débattre à volonté, la chambre émanant du suffrage universel étant bâillonnée.
Nous espérons, monsieur le président, qu’un constat du danger que fait courir la loi constitutionnelle de juillet dernier à l’équilibre républicain sera rapidement établi. Il faudra y remédier sans tarder.