Ce n’est pas si sûr !
Ces premiers changements sont entrés en vigueur le 1er mars dernier, avec le partage de l’ordre du jour ou la discussion en séance du texte adopté par la commission.
L’étape d’aujourd’hui est une occasion de moderniser notre loi intérieure. Il ne faut pas la manquer sans pour autant la figer.
Le règlement du Sénat est la référence indispensable pour l’organisation pratique de nos travaux, sur laquelle chacun d’entre nous doit pouvoir s’appuyer. De sa teneur dépend, en partie, la qualité de notre travail.
Le règlement, c’est l’instrument d’équilibre des pouvoirs, c’est le premier outil politique donné au législateur pour lui permettre de s’exprimer dans le cadre du mandat qu’il a reçu du peuple.
Réviser ce règlement constitue, pour le Sénat, une chance de consolider sa spécificité, sa légitimité et l’exigence qui est la sienne dans l’exercice de ses missions constitutionnelles.
C’est dire l’importance de cette proposition de résolution pour la vie du Sénat : son contenu conditionnera, pour les années à venir, nos méthodes de travail au service de la démocratie et de l’intérêt général.
Modifier notre règlement nécessitait, conformément à notre tradition, de rechercher un accord global des différents groupes sur les grandes orientations qu’il convenait de prendre.
C’était d’autant plus nécessaire – cela a été dit, mais je le répète – qu’aucun groupe, depuis 1958, n’a détenu à lui seul la majorité absolue au sein de notre assemblée, à l’exception de l’UMP entre 2002 et 2008.
Dans ce domaine, il aurait été déraisonnable, et sans doute irréalisable, de vouloir passer en force. La modernisation du Sénat est, en effet, l’affaire de tous.
Ainsi, la décision que vous avez prise, monsieur le président, de constituer, dès le mois d’octobre, un groupe de travail très large et pluraliste s’est avérée judicieuse et déterminante. Pendant six mois, sous votre autorité, une réflexion approfondie et ouverte a été menée, dans un climat où la confrontation des idées s’est toujours révélée constructive et respectueuse des opinions d’autrui. Je veux vous rendre hommage, monsieur le président, pour cette initiative qui a rendu ce travail possible.
Je veux également féliciter les deux rapporteurs de ce groupe de réflexion, Bernard Frimat et Jean-Jacques Hyest, qui ont su écouter les préoccupations exprimées par l’ensemble des participants et les traduire dans les mesures proposées. C’est du moins ce que j’ai ressenti.
La démarche poursuivie a été fructueuse, puisque les orientations de cette proposition de résolution recueillaient, me semblait-il, lors des réunions de ce groupe de travail, l’assentiment global des groupes constituant notre assemblée.
Elle s’articule autour de quatre axes : l’approfondissement du pluralisme sénatorial ; la recherche d’une organisation plus efficace de notre travail ; la modernisation des procédures de contrôle en séance publique ; enfin, le renforcement de l’action du Sénat en matière européenne.
Il s’agit, comme le soulignait très justement notre rapporteur, Patrice Gélard, d’un texte à la fois consensuel et équilibré, même si j’ai entendu, depuis le début de l’après-midi, des variations sur ce thème que je n’avais pas pressenties auparavant.
Notre groupe souscrit aux grandes orientations de cette réforme.
La nouvelle organisation de l’agenda du Sénat va transformer nos habitudes de travail.
Avec un temps clairement défini pour les groupes politiques, pour les commissions et pour la séance publique, chaque sénateur pourra s’investir dans les différents travaux de notre assemblée.
Conformément à l’esprit général qui a animé les débats du groupe de travail, la proposition de résolution conforte et approfondit le pluralisme sénatorial.
Il faut le reconnaître, les groupes politiques sont les moteurs essentiels de la vie parlementaire. C’est d’eux que tout procède. Il était important de garantir une meilleure représentation de chacun d’entre eux au bureau du Sénat ou aux bureaux des commissions et de leur accorder de nouveaux droits, comme le droit de tirage pour la création d’une commission d’enquête et d’une mission commune d’information. Nous n’avons pas à éprouver de réticence pour améliorer la situation.
Les groupes de l’opposition et les groupes minoritaires bénéficient désormais de droits spécifiques, notamment dans le cadre de la journée mensuelle réservée. Ce sont là des avancées majeures et concrètes qui méritent d’être soulignées et constituent assurément un véritable tournant dans la Ve République.
La conférence des présidents va devenir le lieu d’arbitrage et d’organisation de la séance. Elle sera appelée à jouer un rôle essentiel dans le déroulement de nos débats. Nous nous félicitons que les groupes politiques en deviennent les acteurs centraux, puisqu’il sera désormais attribué à chaque président de groupe un nombre de voix égal au nombre des membres de son groupe, déduction faite, bien sûr, de ceux qui participent à la conférence des présidents.
Nous considérons également comme un progrès la possibilité pour la conférence des présidents de décider d’organiser un débat préalable d’orientation en séance plénière, peu de temps après le dépôt d’un projet de loi. Le président de la commission des lois le rappelait tout à l’heure, le groupe UMP du Sénat appelait de ses vœux un tel débat, car il permettra aux porte-parole des groupes, du moins est-ce là mon souhait, d’exprimer leur position en amont des travaux de la commission saisie au fond.
Les questions cribles, enfin, favoriseront la spontanéité de nos échanges avec les membres du Gouvernement, dans un esprit de réactivité par rapport à l’actualité. Cette nouvelle catégorie de questions donnera aux sénateurs la possibilité de s’exprimer sur un mode plus direct. C’est là une excellente manière de moderniser notre travail.
L’ensemble de ces dispositions donnera une nouvelle dynamique à notre vie parlementaire.
Permettez-moi cependant, à ce stade de mon propos, de formuler une crainte, un regret et un souhait qui rejoignent les positions que j’ai défendues avec constance, même si la plupart n’ont pas été retenues, lors des réunions de notre groupe de travail.
Une crainte tout d’abord : le risque de la répétition des débats en commission, puis en séance publique.