Intervention de Michel Charasse

Réunion du 2 juin 2009 à 15h00
Modification du règlement du sénat — Examen des projets et propositions de loi

Photo de Michel CharasseMichel Charasse :

En effet, à l’époque, il avait été question, sur plusieurs travées, d’assouplir l’article 40, voire de le supprimer. Or, à ce moment-là, le Parlement, en tout cas une majorité dans chacune des deux assemblées, a décidé de ne pas y toucher.

Je ne vois pas comment, après ce débat récent sur ce sujet, nous pourrions tenter d’une manière ou d’une autre de revenir là-dessus.

J’ajoute que l’article 40, contrairement à ce qu’on croit, n’est pas une invention de la Ve République. C’était un des articles du décret Guy Mollet du 19 juin 1956, qui a été la constitution financière de la IVe République jusqu’au changement de Constitution. Et si Guy Mollet a été conduit, lui qui était très favorable au régime parlementaire, à prendre une mesure de cette nature, c’est sans doute parce que les choses étaient devenues très difficiles pour l’exécutif…

Je voudrais quand même dire, pour avoir eu, comme d’autres collègues de la commission des finances, la charge de représenter la commission en séance et d’exprimer son avis, que nous avons toujours essayé de faire l’application la plus souple et la plus intelligente de l’article 40.

Sachez qu’en matière pénale, cher collègue et ami Pierre-Yves Collombat, on ne l’applique pratiquement pas. Parce que, si l’on appliquait l’article 40, on ne pourrait pas réduire ou supprimer une amende, cela entraînant nécessairement une perte de recettes pour l’État. Depuis 1958, dans les deux assemblées, on s’est mis d'accord pour dire : « En matière d’amendes, pas d’article 40 ! »

De la même façon, quand nous votons des lois d’amnistie, nous n’appliquons pas l’article 40, alors qu’il y a un maximum de pertes de recettes ! Je ne vous rappellerai pas, mes chers collègues, ce que les lois d’amnistie, quand il y en avait, coûtaient aux collectivités locales puisque c’étaient autant d’amendes de police et aux amendes de circulation qui n’étaient pas perçues…

Par ailleurs, nous avons toujours accepté que les propositions de loi créant des dépenses soient gagées, alors que c’est contraire à l’article 40, à la jurisprudence et à la doctrine qui le concernent. Si nous n’avions pas fait cela, aucune proposition de loi ne serait jamais déposée sur le bureau de l’une ou l’autre des assemblées – jamais ! – puisqu’elles sont toutes génératrices de charges, sauf en matière fiscale, où, comme le disait M. Pierre-Yves Collombat et comme le rappelait le président Jean Arthuis, il y a toujours, s’agissant de ressources, une compensation possible.

J’ajoute que, lorsque nous avons voté la loi organique sur les lois de finances, qui est une construction purement parlementaire – Migaud, Lambert –, et une construction parlementaire « transcourants », si je puis dire, puisque la majorité de l’Assemblée nationale n’était pas à l’époque la même que celle du Sénat, nous avons autorisé le Parlement à transporter des crédits d’un programme à un autre, ce qui, sous l’empire de l’ancienne loi organique sur les lois de finances, était interdit. Et le Conseil constitutionnel l’a accepté, il est vrai sur le rapport d’un de ses membres qui était un ancien secrétaire général de l’Assemblée nationale et qui avait dû éprouver, en cette qualité, les difficultés qu’il y avait à appliquer trop strictement l’article 40.

Par conséquent, je pense qu’il ne faut pas être trop injuste à l’égard des autorités chargées d’appliquer l’article 40. Sinon, c’est le Conseil constitutionnel qui l’appliquera à notre place, et je me méfie toujours de ce que ça peut donner, comme on l’a vu dans des décisions récentes sur la loi organique du printemps dernier.

Enfin, je crains qu’un jour le Conseil constitutionnel ne décide soudainement de se pencher le caractère sérieux ou non des gages, et que le gage « bidon » ne soit désormais prohibé, auquel cas un pan entier de nos initiatives financières, en matière fiscale, tomberait puisque nous n’aurions pas de gage sérieux pour compenser les amendements fiscaux.

Par conséquent, moins on remue la mélasse sur cette affaire, mieux on se porte !

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