Intervention de Anne-Marie Escoffier

Réunion du 2 juin 2009 à 21h30
Modification de l'ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires — Adoption définitive d'une proposition de loi en procédure accélérée

Photo de Anne-Marie EscoffierAnne-Marie Escoffier :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme viennent de le rappeler M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État, la proposition de loi que nous sommes amenés à discuter se bornait initialement à tirer les conséquences de la nouvelle rédaction de l’article 88-4 de la Constitution issue de la révision constitutionnelle de juillet 2008.

Sans avoir nécessairement révolutionné son économie générale, le texte voté par nos collègues députés n’en a pas moins été augmenté, voire enrichi. Ces nouvelles dispositions, de nature essentiellement techniques, s’inscrivent de plain-pied dans l’évolution du travail parlementaire qu’a introduite la révision constitutionnelle de juillet 2008.

À l’heure où près de la moitié de notre législation nationale est, peu ou prou, dérivée du droit communautaire, il était devenu indispensable d’instituer au sein de nos assemblées des instances de suivi plus efficaces pour donner au Parlement toute l’information et toute l’expertise auxquelles il a droit. La transformation des délégations pour l’Union européenne en commissions chargées des affaires européennes répond, à ce titre, à cette évolution structurelle. Je me félicite ainsi que nos collègues députés aient adopté, à l’article 1er de la proposition de loi, une rédaction permettant à ces commissions de se voir communiquer par le Gouvernement l’ensemble des projets ou propositions d’actes européens, sans qu’il soit opéré de distinction entre ceux comportant des dispositions de nature législative et les autres.

Ce dispositif permettra, à n’en pas douter, de renforcer dans chacune de nos assemblées le suivi des questions européennes, a fortiori si, d’aventure, le traité de Lisbonne venait à entrer en vigueur un jour. Dans cette dernière hypothèse, le nouvel article 88-6 de la Constitution permettrait alors à l’Assemblée nationale ou au Sénat d’émettre des avis sur la conformité au principe de subsidiarité de tout acte européen en cours d’élaboration, ainsi que d’ester, le cas échéant, devant la Cour de justice des Communautés européennes.

Parallèlement, le présent texte a pour objet de répondre à l’un des autres objectifs avancés pour justifier la révision constitutionnelle : rehausser le poids du Parlement en renforçant son pouvoir de contrôle de l’action du Gouvernement.

La suppression de certains offices ou délégations parlementaires jugés obsolètes ou inactifs devrait permettre au Parlement de mieux cibler sa mission de contrôle.

Je conviens qu’il semble rationnel de regrouper au sein de commissions permanentes ou de certains offices ou délégations des missions jusqu’ici éclatées entre diverses instances. Mais l’on aurait tout aussi bien pu renforcer la capacité d’expertise de certaines instances aujourd’hui en voie de suppression en renforçant leurs moyens de fonctionnement.

Tandis que l’inflation législative et le verbiage de certains textes votés par le Parlement appauvrissent l’autorité de la loi, il eût été tout aussi pertinent d’affermir ces instances. Je pense, par exemple, au remarquable travail de notre délégation pour la planification, comme en attestent les récents rapports d’Yvon Collin et de Joël Bourdin sur la coordination des politiques économiques en Europe. La multiplicité des organes de contrôle ne constitue pas, par nature, un obstacle à leur efficacité.

Nos collègues députés ont également retranscrit, sur l’initiative de la commission des lois, le nouveau dispositif du dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution qui permet la transmission au Conseil d’État d’une proposition de loi avant sa discussion en commission. La logique de l’article 1er A du présent texte apparaît donc justifiée : garantir une sécurité juridique accrue au texte.

Si cet objectif ne peut que convenir aux législateurs que nous sommes, je m’interroge cependant sur la portée pratique de cet article.

En premier lieu, le fait de confier au Conseil d’État, qui est constitutionnellement le conseiller du Gouvernement, un droit de regard sur le travail législatif représente déjà en soi une conception curieuse de la séparation des pouvoirs, quand bien même cette procédure a été actée par le constituant.

En second lieu, le droit ouvert à l’auteur du texte d’en refuser la transmission limite, de fait, l’étendue du contrôle. Il est de notoriété publique qu’un Gouvernement embarrassé par un projet de loi n’hésite pas à passer par l’initiative parlementaire pour échapper, précisément, à la transmission obligatoire des projets de loi. En agissant ainsi, un Gouvernement se dérobe à une procédure longue, complexe, risquée, mais indispensable.

On comprend donc que ce droit de refus de l’auteur d’une proposition de loi, couplé à la confidentialité de l’avis rendu, rend peu probable l’utilisation de cette procédure dès lors qu’est en cause une question politiquement et juridiquement sensible. On peut ainsi se demander, pour rester dans l’actualité, quelle aurait été la réaction d’un député auteur d’une proposition de loi relative à la lutte contre les violences en groupe si le président de l’Assemblée nationale lui avait demandé pareille transmission.

Dans ces conditions, je reste sceptique s’agissant de cet article 1er A.

En conclusion, je tiens à souligner que le véritable débat ne portera pas sur ce texte, dont l’adoption est presque une obligation constitutionnelle. L’enjeu concerne d’abord la réforme de notre règlement, qui organise les conditions pratiques et donc politiques de nos travaux.

Le groupe du RDSE ne s’opposera donc pas à la présente proposition de loi.

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