Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à l’occasion des dernières Assises de l’industrie, le ministre de l’industrie Christian Estrosi déclarait : « Mon bilan repose sur une révolution industrielle, voulue par le Président de la République, qui met fin à vingt ans de gouvernements de gauche et de droite qui considéraient que les mots usines, techniciens ou ingénieurs étaient des gros mots, prônant davantage la finance, les services ou l’économie virtuelle. »
Si M. Estrosi était face à nous dans cet hémicycle, il ne manquerait sans doute pas de retomber dans l’angélisme, comme l’a d’ailleurs fait son successeur.
En réalité, avec ou sans remaniement, rien ne change : le capitalisme financier est toujours à l’honneur, au détriment des producteurs, des salariés et des consommateurs.
Le Gouvernement continue sa casse des entreprises publiques dans un secteur aussi sensible que celui de l’énergie. La facture énergétique des Français, mais également des entreprises et des artisans, ne cesse d’augmenter, et cela ne va pas s’améliorer.
Vous avez abandonné des territoires entiers et laissé dépérir le secteur industriel. Dans le Nord-Pas-de-Calais, tous les secteurs industriels qui ont marqué l’histoire et l’identité territoriale, comme la métallurgie, le textile ou les mines, périssent. Vous allez me dire que cela appartient au passé. Malheureusement, la désindustrialisation se poursuit.
Je ne prendrai que deux exemples issus de mon département.
À Calais, plus de 1 000 emplois industriels ont été détruits en 2009 dans des entreprises telles que Noyon, Brunet, Schaeffler, Cuno. Le secteur de la dentellerie, symbole du savoir-faire de nos travailleurs et travailleuses, a perdu à lui seul 700 emplois.
À Isbergues, ArcelorMittal vient de décider de suspendre le secteur de la tôlerie classique après avoir définitivement fermé en 2006 le secteur aciérie. C’est donc la mort lente de cet important site sidérurgique qui est programmée. À Arc International, la direction envisage la suppression de 1 000 emplois pour l’année prochaine.
Face à cette saignée de l’emploi industriel, les états généraux de l’industrie ont proposé de mobiliser 200 millions d’euros sur trois ans pour accompagner des projets de réindustrialisation, et M. Baroin rappelait à l’Assemblée nationale que le Gouvernement consacrera 6, 5 milliards d’euros au développement des filières industrielles et des PME sur les 35 milliards d’euros du grand emprunt. Chaque année, on nous lance des chiffres et, chaque année, la situation économique et sociale du pays se dégrade.
Aujourd’hui, les crédits de la mission « Économie » ne sont pas dignes d’une politique économique et industrielle responsable pour redresser la situation dans le pays.
M. André Ferrand, rapporteur spécial, résumait très justement la situation: « Ce programme a pour objet de créer un environnement favorable à la croissance et à la compétitivité des entreprises ; il permet à l’État d’afficher son volontarisme économique, mais les moyens qui lui sont dévolus paraissent bien limités. Davantage que sur l’enveloppe des crédits budgétaires, les moyens d’actions du programme reposent sur les 74 dépenses fiscales ».
En effet, les programmes « Développement des entreprises et de l’emploi » et « auto-entrepreneur » perdent respectivement 45 millions d’euros. Les aides aux entreprises représentent 65 milliards d’euros alors que le CAC 40 dispose d’une trésorerie de 146 milliards d’euros.
Voilà la politique économique qui nous a menés dans le mur, une politique faite d’exonérations fiscales et sociales à la botte du MEDEF. Une politique qui fait du salarié, des artisans et des petites entreprises les variables d’ajustement. Il est assez remarquable de voir à ce titre que les crédits budgétaires consacrés au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, passent de 64 millions d’euros, en 2010, à 43 millions d’euros en 2011, alors même que les élus locaux l’utilisent dans bien des cas pour accompagner les projets portés par leurs territoires. Quel message en faveur des activités économiques de proximité !
Depuis plusieurs années, vous laissez notre économie au jeu de la concurrence libre et non faussée ; parfois en aidant quand il s’agit des banques ou de la faible compétitivité des opérateurs privés comme dans le secteur énergétique.
Et ce faisant, partout la France s’offusque et porte de beaux discours sur le capitalisme responsable. On attend toujours les actes : à quand l’introduction de clauses de remboursement des aides en cas de délocalisation pour sanctionner les comportements opportunistes d’entreprises ? À quand l’interdiction des licenciements boursiers ? Combien de cas Molex va-t-il falloir pour vous voir réagir ? Combien de raffineries allez-vous laisser délocaliser, malgré les conséquences sur l’emploi et sur l’importance stratégique économique et politique du maintien de cette activité sur le territoire national ?
Monsieur le secrétaire d’État, la France traverse une crise économique et sociale grave, le secteur industriel est en déperdition. En ignorant les problèmes et en muselant ceux qui dénoncent les politiques délétères du Gouvernement, vous avez fait le choix du mépris.
Les sénateurs du groupe CRC-SPG disposent de six minutes pour discuter de la mission « Économie ». Voilà la réalité du débat parlementaire !
La méthode est claire : il faut faire taire les opposants !
Quand M. Coppé annonce une « réflexion » en vue d’interdire les blocages des raffineries de pétrole, des ports et des autres « fonctions vitales du pays », alors même que des réquisitions de salariés de droit privé ont tenté de briser les grèves, on est très inquiet sur l’avenir de notre pays et sur le devenir des travailleurs.
Vous l’aurez compris, les sénateurs du groupe CRC-SPG voteront contre ce budget…