Comme les ONG, je ne cesserai de dénoncer le trompe-l’œil et le véritable « fourre-tout » que se révèlent être les crédits de votre ministère, car vous comptabilisez en aide publique au développement des éléments qui n’y ont pas leur place.
Il est, par exemple, tout à fait contestable de trouver dans vos lignes budgétaires le coût de certains étudiants étrangers, les dépenses d’hébergement et d’aide aux demandeurs d’asile, les opérations de maintien de la paix ou, plus surprenant encore, les crédits en faveur de Mayotte, qui sera dans un mois un département français…
Mais c’est l’équilibre entre ces crédits et leur affectation que je critiquerai le plus vivement.
Ainsi le programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, qui devrait être le fer de lance de notre politique d’aide, enregistre une baisse de crédits de 7 %, la plus forte baisse de la mission. Là aussi, cette orientation ne correspond pas à la promesse faite il y a trois mois à New York d’augmenter de 60 millions d’euros notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida.
La faible dotation de 30 millions d’euros du programme 301, Développement solidaire et migrations, démontre le peu d’attention que vous portez en réalité au développement des pays d’origine des migrants. Elle révèle aussi que notre aide est souvent liée à une politique de rapatriement de leurs ressortissants que les pays d’Afrique sont contraints d’accepter pour pouvoir signer des accords de codéveloppement.
Enfin, la présentation de l’effort en faveur du développement proprement dit, avec le programme 110, Aide économique et financière au développement, est elle-même trompeuse.
La réalité de notre effort est faussée par les allégements de dettes de plus de 1 milliard d’euros, représentant de 10 % à 30 % de notre APD selon les pays, qui n’ont que peu d’impact sur le développement.
Elle est également faussée par l’explosion des prêts aux pays dits « émergents », avec 1, 3 milliard d’euros, qui sont en fait des opérations commerciales dont des entreprises privées sont les principales bénéficiaires.
Cette politique de prêts bonifiés, qui constitue l’essentiel des opérations de l’Agence française de développement pose une question de principe et de répartition géographique. Elle risque notamment de faire entrer ces pays dans un cycle infernal de désendettement pour les endetter à nouveau. C’est une façon de priver les pays les plus pauvres des ressources qui leur seraient utiles pour faire face aux besoins fondamentaux de leurs populations.
Quand on sait que le service de la dette payée par les pays économiquement peu développés à leurs riches débiteurs est quatre fois supérieur aux sommes consacrées à l’aide publique au développement, on comprend mieux à qui profite cette politique.
Lors de la discussion du document-cadre sur la coopération et le développement, je m’étais d’ailleurs interrogé, avec d’autres collègues, sur la légitimité de tels prêts à certains pays émergents, puisque l’objectif principal semble être de favoriser des entreprises dont le souci majeur est d’obtenir un retour rapide sur investissement.
Il sera donc indispensable de discuter de la nature réelle de la mission de l’AFD lorsque notre commission aura à étudier le contrat d’objectifs et de moyens de cet établissement.
Notre politique d’aide au développement stricto sensu aboutit à un paradoxe qui est scandaleux pour un pays comme le nôtre : les sommes que nous dépensons représentent deux fois moins que les envois d’argent des migrants à leurs familles !
En revanche, la part des dons ou subventions qui sont comptabilisés dans l’aide bilatérale aux pays pauvres a considérablement diminué depuis 2005. La part de l’aide bilatérale consacrée à cette région est ainsi passée de 54 % à 49 %.
L’attention prioritaire qui doit être portée à l’Afrique subsaharienne, pourtant préconisée dans le document-cadre adopté par le Gouvernement, est ainsi concrètement démentie par la réalité de votre budget, qui ne corrige pas cette tendance.
Au-delà même de l’aspect humain, j’estime que c’est une grave erreur, une erreur politique, stratégique et économique, de poursuivre dans cette voie.
Au nom d’une histoire longtemps commune et de ce que représente encore la France pour ces pays, notre intérêt commun est, au contraire, de contribuer à assurer leur stabilité et leur développement en concentrant sur eux les subventions qui leur sont nécessaires pour répondre à leurs immenses besoins.
C’est l’une des raisons pour lesquelles je voterai l’amendement de nos rapporteurs pour avis tendant à modifier le contenu du document de politique transversale qui accompagne ce budget. Cela a trait à la répartition géographique de l’aide, à l’équilibre entre le bilatéral et le multilatéral, à la répartition entre les dons et les prêts ainsi qu’à l’aide programmable et aux dépenses non programmables.
Au total, je constate malheureusement qu’une large proportion de votre budget n’est pas directement consacrée au développement et que les sommes affectées aux Objectifs du millénaire pour le développement pour réduire l’extrême pauvreté d’ici à 2015 n’en représentent qu’une part infime.
Le groupe CRC-SPG ne votera pas les crédits de la mission « Aide publique au développement » en raison de leur insuffisance significative sur ces deux points fondamentaux.