Séance en hémicycle du 3 décembre 2010 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • francophonie
  • l’agriculture
  • l’aide
  • pêche

La séance

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La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

J’informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Comité stratégique pour l’élaboration et le suivi de la stratégie nationale de la recherche énergétique, en application de l’article 2 de l’arrêté du 10 septembre 2010.

Conformément à l’article 9 du règlement, j’invite la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l’article 9 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président du Sénat a reçu, en application de l’article 11 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, de M. Alex Türk, président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, le rapport pour 2009 de cette commission.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des lois et sera disponible au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2011, adopté par l’Assemblée nationale.

Nous poursuivons l’examen de la mission « Aide publique au développement », ainsi que des comptes spéciaux « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des États étrangers ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est M. André Vantomme, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaiterais prolonger les propos de mon collègue Christian Cambon, avec lequel j’ai le plaisir de « corapporter » ce budget, en vous faisant part des interrogations de la commission des affaires étrangères.

Malgré la préservation des crédits de la mission, l’effort français en faveur du développement ne permettra pas à la France d’atteindre, conformément aux engagements qu’elle a pris depuis 2005, un taux d’effort de 0, 7 % du revenu national brut en 2015.

Les projections jusqu’en 2013, quand le taux d’effort devrait se situer entre 0, 41 % et 0, 49 %, montrent clairement que nous n’atteindrons pas 0, 7 % en 2015.

On peut jouer à ceux qui ne savent pas, on peut dire aussi que, à la vérité, nul n’ignore que l’aide publique au développement française ne passera pas de 10 milliards d’euros en 2013 à 17 milliards d’euros en 2015. La fin d’une vague d’annulation de dettes et le début des remboursements des très nombreux prêts consentis ces dernières années risquent au contraire bien plus de diminuer notre aide publique au développement que de l’augmenter.

À un moment où la France préside le G20 et souhaite miser sur une diplomatie d’influence en jouant un rôle moteur dans la lutte contre le sous-développement, cette situation n’est pas satisfaisante.

Comme l’a souligné la revue à mi-parcours de la France par le Comité d’aide au développement, en septembre, nous aurions dû établir, dès 2007, une feuille de route budgétaire qui nous aurait permis de définir une stratégie crédible pour arriver à notre objectif. C’est ce qu’a fait la Grande-Bretagne, qui ne manque pas d’ailleurs de le faire savoir.

Cet engagement n’est pas le seul que la France a pris ces dernières années, toutes majorités confondues. Je pourrais évoquer le doublement de notre aide à l’Afrique de 2005 à 2010, 1 milliard d’euros pour l’agriculture africaine de 2008 à 2013, 1, 5 milliard d’euros pour la sécurité alimentaire de 2009 à 2011, et j’en passe.

Nous retraçons dans le rapport écrit l’ensemble des engagements pris par la France. Le bilan, pour être pudique, est très inégal, ce qui risque de nuire à notre crédibilité.

Vous le verrez lors de vos voyages en Afrique, on vous demandera des comptes, comme on nous en a demandé à nous, rapporteurs, sur les engagements pris : la crédibilité de vos propos sera jugée à l’aune de ces engagements.

Cette année encore, la France, par la voix du Président de la République, s’est engagée à augmenter de 420 millions d’euros les dépenses au titre de la lutte contre le réchauffement climatique – c’était à Copenhague, en décembre dernier –, à consacrer 100 millions d’euros additionnels à la lutte contre la mortalité infantile et maternelle – c’était à Muskoka, en juin –, à augmenter de 60 millions d’euros notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida – c’était à New York, en septembre.

La commission des affaires étrangères aimerait, sur ces trois engagements, que vous nous disiez, monsieur le ministre, où sont imputées ces sommes et à quel niveau.

S’agissant des dépenses pour la lutte contre le réchauffement climatique, nous avions compris que la France s’était engagée à ce que ces crédits soient des dépenses nouvelles et additionnelles par rapport aux engagements de notre pays en faveur du développement.

Nous constatons aujourd’hui que les quelque 250 millions d’euros de la mission « Aide publique au développement » recensés par le document de politique transversale consacré au réchauffement climatique seront intégralement déclarés au titre de l’aide au développement.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, où sont les crédits qui permettraient d’atteindre les 420 millions d’euros et ce qu’il faut comprendre par « dépenses additionnelles » ?

S’agissant de l’augmentation de notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, nous constatons qu’elle ne figure pas dans le projet de budget, qui évoque la possibilité de recourir à la taxe sur les billets d’avion. Nous comprenons que le Gouvernement a la possibilité, soit de prélever des crédits initialement destinés à UNITAID, soit d’augmenter la taxe sur les billets d’avion. Pouvez-vous nous dire comment vous comptez financer cet engagement présidentiel ?

En ce qui concerne les 100 millions d’euros additionnels consacrés à la lutte contre la mortalité infantile et maternelle, nous nous en félicitons. En effet, au-delà du sida, il faut considérer toutes les maladies qui expliquent le taux de mortalité scandaleusement élevé dans certains pays d’Afrique. Nous pensons, en particulier, aux diarrhées et à la pneumonie, dont l’incidence est très supérieure à celle du sida. Nous souhaiterions néanmoins savoir sur quelle ligne budgétaire sont imputées ces sommes.

Voilà quelques questions que les travaux de la commission ont soulevées. Vos réponses devraient éclairer notre débat sur ce budget au sujet duquel la majorité de la commission, majorité à laquelle je n’appartiens pas, a émis un avis favorable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

Monsieur ministre, qu’il me soit tout d’abord permis de m’associer personnellement aux compliments qui vous ont été adressés par mon collègue Christian Cambon, à la suite de votre nomination à la tête d’un ministère aussi important que celui de la coopération.

La semaine dernière, Jacques Legendre, président de la commission de la culture, et moi-même sommes intervenus devant la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, pour nous féliciter de la refonte du programme 185, qui tend à regrouper désormais, sous un intitulé plus pertinent, l’ensemble des crédits de notre diplomatie culturelle et d’influence.

Toutefois, nous avions regretté que cet effort de mise en cohérence n’ait pas également porté sur les crédits de la francophonie multilatérale, qui continuent d’être inscrits sur le programme 209 de la mission « Aide publique au développement ».

En effet, notre commission de la culture a plaidé à l’unanimité pour le rattachement des crédits de la francophonie à la mission « Action extérieure de l’État », précisément au programme 105 relatif à l’action de la France dans le monde et en Europe, qui regroupe les contributions de notre pays à un grand nombre d’organisations internationales.

Je rappelle une nouvelle fois que les programmes mis en œuvre par l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, ne s’adressent plus uniquement aux pays en développement, mais soutiennent également la promotion du français dans les pays d’Europe de l’Est et dans les grandes organisations internationales.

Le rattachement au programme 105 de la mission « Action extérieure de l’État » aurait, selon moi, plusieurs mérites.

D’une part, on évoquerait, enfin, la francophonie multilatérale en même temps que la diplomatie d’influence lors de l’examen de la mission « Action extérieure de l’État », ce qui me semble plus cohérent, compte tenu du statut de vecteur d’influence dont jouit notre langue.

D’autre part, on distinguerait enfin notre politique francophone de notre politique traditionnelle d’aide publique au développement, dans un souci de plus grande sincérité budgétaire et, surtout, de modernité.

La ministre d’État nous a alors confirmé qu’elle assumerait directement la pleine responsabilité de notre politique francophone. Nous avons pris acte de ces déclarations et nous en sommes satisfaits. Néanmoins, nous attendons encore que la francophonie, dont l’appellation a disparu de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, soit rétablie dans la nomenclature des débats budgétaires.

En conséquence, je vous demande, monsieur le ministre, de nous confirmer que les crédits de la francophonie multilatérale figureront bien dorénavant, dans le prochain budget, au sein de la mission « Action extérieure de l’État » relevant du ministère des affaires étrangères et européennes.

Aux problèmes de forme, s’ajoutent les problèmes de fond, et ils sont aujourd’hui encore plus préoccupants.

Comme pour l’ensemble des administrations de l’État, l’horizon budgétaire des trois prochaines années n’est pas forcément réjouissant.

Les contributions de la France à l’Organisation internationale de la francophonie et à ses opérateurs font logiquement les frais des normes de réductions budgétaires. Elles diminuent de 5, 7 % sur le programme 209, pour s’établir à 61, 2 millions d’euros. La diminution est encore plus prononcée, de près de 8 %, si l’on ne tient pas compte, dans le calcul, du loyer de la Maison de la francophonie, qui constitue une dépense incompressible résultant d’un engagement international.

Ce sont nos contributions volontaires à l’OIF et à l’Agence universitaire de la francophonie, l’AUF, qui pâtissent le plus de cette rigueur. C’est d’autant plus surprenant que ces deux organismes ont consenti des efforts considérables et exemplaires pour rationaliser leur fonctionnement.

L’AUF est un exemple de gestion rigoureuse et affiche des charges administratives inférieures à 18 %. Il me semble qu’on l’encourage de la plus mauvaise des manières dans la poursuite de ses efforts en diminuant notre contribution à son budget de 11, 5 %.

Choquée par le peu de considération accordée aux opérateurs de la francophonie, notre commission a adopté, en conséquence, un amendement tendant à ramener, autant que faire se peut, les crédits de la francophonie multilatérale à leur niveau de 2010. C’est la crédibilité même de notre engagement en faveur de la francophonie qui est en jeu afin de satisfaire une offre que nous ne sommes plus en mesure de proposer, alors que la demande pour la langue française est toujours forte dans de nombreux pays.

En conclusion, mes chers collègues, la commission de la culture a regretté à l’unanimité la baisse préoccupante des crédits de la francophonie multilatérale, le seul progrès enregistré n’étant que d’avancer dans les réductions !

La commission n’a donc pas été en mesure de donner un avis favorable à l’adoption des crédits consentis à la francophonie au sein du programme 209 et a choisi, mes chers collègues, de s’en remettre à la sagesse du Sénat.

Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.- M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais m’associer aux félicitations qui vous ont été adressées et qui sont absolument méritées.

L’article 32 du projet de loi de finances pour 2011, adopté sans modification par l’Assemblée nationale, porte création, à partir du 1er janvier 2011, d’un nouveau compte d’affectation spéciale intitulé « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».

Cette création vise expressément à « contribuer au respect des engagements pris par la France en matière de lutte contre le changement climatique dans les pays en développement ».

Ce compte constitue donc la traduction, au plan budgétaire, du choix du Gouvernement de financer, à partir du produit de la vente de quotas carbone de l’État, les pays en développement en matière de gestion durable de la forêt et de lutte contre la déforestation.

Du point de vue comptable, ce nouveau compte est organisé de façon simple. Il retrace en recettes le produit de la vente de quotas carbone de l’État, encore appelés unités de quantité attribuée, UQA, telles que définies par le protocole de Kyoto, dans la limite expresse de 150 millions d’euros.

C’est donc sur le produit de la cession de ces unités, qui est intégralement versé au compte de commerce « Gestion des actifs carbone de l’État », qu’un prélèvement et une affectation d’une partie de ce produit seront opérés au bénéfice du nouveau compte d’affectation spéciale, dans une limite de 150 millions d’euros.

Le compte retracera en dépenses, d’une part, celles qui sont faites en faveur des projets de gestion durable de la forêt et de lutte contre la déforestation dans les pays en développement, pour lesquelles le ministre chargé des affaires étrangères est l’ordonnateur principal, et, d’autre part, celles qui sont liées aux actions des fonds environnementaux intervenant dans ce même domaine de la gestion durable de la forêt et de la lutte contre la déforestation dans les pays en développement, dépenses pour lesquelles le ministre chargé de l’économie est l’ordonnateur principal.

Du point de vue budgétaire, la mission correspondant aux dépenses de ce compte est composée de deux programmes.

En premier lieu, le programme 781, Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce, placé sous la responsabilité du ministre chargé des affaires étrangères, retrace les crédits employés au financement, mis en œuvre par l’Agence française de développement sous forme de subventions et de prêts concessionnels, de projets de lutte contre la déforestation dans les pays en développement.

Pour 2011, la dotation est fixée à 30 millions d’euros et devrait permettre de financer trois grands projets : l’imagerie satellite pour les pays d’Afrique centrale, la gestion forestière durable dans la province du Kalimantan, en Indonésie, et la coopération régionale sur le plateau des Guyanes.

En second lieu, le programme 782, Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce, placé sous la responsabilité du ministre chargé de l’économie, retrace notre contribution aux fonds environnementaux finançant des actions contre la déforestation.

En pratique, pour 2011, 75 millions d’euros sont prévus, dont 60 millions d’euros pour le Fonds pour l’environnement mondial, le FEM, et 15 millions d’euros pour le Fonds français pour l’environnement mondial, le FFEM.

Au total, c’est donc une somme de 105 millions d’euros pour 2011 qui sera dégagée grâce à la cession par l’État français de quotas carbone.

Sur le fond, nous ne pouvons que nous féliciter de voir notre pays mettre en œuvre ses engagements internationaux en faveur de la lutte contre le changement climatique, en particulier l’aide promise aux pays en développement lors de la conférence de Copenhague.

En effet, je vous rappelle que notre pays, ainsi que les autres États développés mentionnés à l’annexe 1 de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques de 1992, mieux connue sous le nom de protocole de Kyoto, ont, à l’occasion de la conférence des Nations unies pour le climat qui s’est tenue à Copenhague en décembre 2009, pris l’engagement collectif de financer sur la période 2010-2012, à titre de « démarrage précoce », ou « fast start », des actions en faveur de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement.

Cet engagement a été décidé pour un montant global « approchant 30 milliards de dollars ». Il représente, pour l’Union européenne et ses États membres, sur cette période de trois ans, un effort de 7, 2 milliards d’euros, la quote-part de la France s’élevant à 1, 26 milliard d’euros.

Les financements correspondant à ces actions sont principalement portés par la présente mission « Aide publique au développement ».

Enfin, ce qui est novateur avec ce compte d’affectation spéciale, c’est qu’il traduit un engagement spécifique pour la gestion durable de la forêt.

Ainsi, sur le total de l’engagement que la France a souscrit au bénéfice de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement, une partie, soit 150 millions d’euros entre 2010 et 2012, sera consacrée à la gestion durable de la forêt et à la lutte contre la déforestation. Les actions menées en ce domaine s’inscriront dans le cadre de l’initiative dite « REDD+ » des Nations unies.

La commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, qui m’a fait l’honneur de me désigner rapporteur de ce compte d’affectation spéciale, salue ce nouveau dispositif budgétaire.

C’est donc, tout naturellement, un avis favorable qu’elle a émis quant à l’adoption de ces crédits.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.

M. Yvon Collin applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le débat qui s’ouvre sur cette mission de l’aide publique au développement est autant philosophique que financier, le second aspect étant la conséquence du premier.

L’une des questions de fond est véritablement de savoir ce que les pays entendent par « aide au développement ». Car, sous des formes diverses, plus guerrières, plus pacifistes ou plus humanistes, toutes les époques et tous les lieux ont connu des aides au développement spécifiques : des grandes invasions aux guerres du Péloponnèse, jusqu’à la colonisation, les formules d’aide véritable ou intéressée ont pris des visages divers.

Peut-être puis-je seulement rappeler que l’aide internationale au développement que nous évoquons aujourd’hui est née dans le contexte de la guerre froide, dissimulant quelque peu, derrière des intentions charitables louables, la volonté de lutter contre l’influence d’un communisme aujourd’hui dépassé.

Soixante-dix ans plus tard, l’aide au développement a pris un autre visage, pas forcément moins intéressé, mais véhiculant d’autres objectifs, d’autres motivations. Au cœur de la démarche, néanmoins, toujours la même raison : celle de la solidarité entre les peuples qui justifie que ceux qui ont un peu plus et vivent un peu mieux donnent à ceux qui ont un peu moins et vivent moins bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Solidarité et générosité ne sont cependant pas sans retour et les pays donneurs savent bien que leur propre comportement est pour eux-mêmes instrument de leur propre survie.

Quelques exemples suffisent à nous en convaincre.

Le terrorisme assigne un objectif politique à la lutte contre la pauvreté. Les risques de pandémies graves – rappelons-nous la grippe A H1N1 – naissent dans les pays aux systèmes de soin déficients. L’utilisation sans raison des énergies fossiles est une menace pour l’équilibre de notre environnement.

La conscience de tous ces déséquilibres majeurs n’est pas l’apanage des seules nations. Elle est partagée et chacun peut, à sa façon et à sa mesure, participer à la réflexion qui s’impose à lui. En effet, les particuliers, les entreprises, les organisations non gouvernementales et les fondations ne sont pas à l’écart d’actions de solidarité et de générosité sous les formes les plus diverses telles que le financement de projets par des dons, des prêts d’argent à taux préférentiel, l’annulation de dettes ou encore l’adoption d’enfants orphelins ou déshérités.

Les domaines d’intervention les plus courants concernent l’éducation, la santé, les infrastructures, la politique de l’eau et, plus généralement, l’appui aux politiques d’État.

Les États sont les premiers contributeurs aux différentes formes de l’aide mondiale internationale au développement. Les chiffres de leur participation propre viennent d’être rappelés par nos excellents rapporteurs spéciaux, Yvon Collin, président du groupe auquel j’ai la fierté d’appartenir, Edmond Hervé et les collègues qui se sont exprimés après eux.

Je voudrais ici souligner tout l’intérêt du document-cadre pour l’aide publique au développement français dont le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement a pris l’initiative.

Les esprits chagrins me feront observer que les intentions sans l’action n’ont pas d’intérêt.

Pour ma part, je relève l’absolue nécessité de fixer un cadre, partagé et accepté par les différents acteurs de l’aide publique au développement, définissant les enjeux et les objectifs de cette politique pour le moyen terme, à défaut de pouvoir l’envisager à plus long terme, compte tenu des aléas qui se bousculent et bousculent, dans une large globalisation, l’ensemble des pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Pour prendre tout leur sens, les aides au développement doivent être, me semble-t-il, le fruit d’un accord avec les gouvernements des pays aidés mais aussi avec les acteurs locaux eux-mêmes, qu’ils soient acteurs économiques, sociaux voire culturels, appartenant à la société civile autant qu’au monde politique.

Le véritable objectif n’est-il pas de permettre le développement essentiel, celui de la ressource humaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Aussi ne peut-on que se rendre aux raisons qui ont privilégié, dans les fameux Objectifs du millénaire pour le développement, les quatre priorités que sont la prévention des crises et des conflits, la lutte contre la pauvreté, le défi de la croissance, la préservation des biens publics et mondiaux.

Il reste à notre comité interministériel à fixer, pour notre pays, au sein de ces priorités, nos lignes de force en ciblant les populations bénéficiaires et les actions à mettre en œuvre. C’est à cette condition, face à un document clairement établi, que notre politique d’aide au développement prendra sens. Je rejoins en cela la demande qu’Yvon Collin vous a présentée, monsieur le ministre, pour que le document-cadre devienne une référence ayant autorité auprès de nos partenaires.

Il est bien clair que l’existence d’un tel outil faciliterait les choix budgétaires auxquels nous sommes chaque année confrontés. La commission des finances s’est interrogée, à ce propos, sur l’opportunité de certaines dépenses non programmables, notamment l’aide versée à Wallis-et-Futuna, qui n’est pas un État étranger, ou les frais d’écolage des étudiants en France ressortissants des pays en développement.

La clarification des programmes relevant d’administrations différentes est une absolue nécessité, qui permettra de mesurer de manière plus satisfaisante l’efficience des actions entreprises. Cette observation va, d’ailleurs, dans le sens de la demande, présentée par l’ensemble – me semble-t-il – de nos rapporteurs, de révision du document de politique transversale, joint au projet de loi de finances, qui retrace l’ensemble des financements concourant à notre aide au développement.

Je voudrais, avant de conclure, évoquer le nouveau compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ». Il est l’illustration même de ce que j’indiquais au début de mon intervention de l’intérêt réciproque des pays donateurs et des pays receveurs, chacun étant dans cette démarche gagnant-gagnant – la nature autant que les hommes.

J’ai voulu, bien modestement, placer mon intervention sur un plan philosophique, voire éthique. Je ne me désintéresse pas, cela va sans dire, des conséquences budgétaires. Les rapporteurs spéciaux nous ont montré les fragilités du dispositif, les améliorations à apporter, les concours financiers à augmenter, et même les lignes du compte spécial « Accords monétaires internationaux » à supprimer.

Je m’en remets à la pertinence de leur analyse pour voter, avec les membres du groupe RDSE, en faveur de ce budget, dont je voudrais retenir, monsieur le ministre, qu’il est là pour servir l’homme dans sa globalité, dans son développement intégral.

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord, après de nombreux collègues, saluer la nomination d’un ministre de plein exercice chargé de la coopération. J’y vois le signe d’une nouvelle impulsion donnée, je l’espère, à notre politique d’aide publique au développement.

Malheureusement, monsieur le ministre, vous héritez de crédits affectés à la mission « Aide publique au développement » qui, cette année encore, seront ceux d’annonces non suivies d’effet et de promesses non tenues.

En effet, comme l’a fort bien relevé notre rapporteur pour avis, le Président de la République, lorsqu’il dispose d’une tribune internationale, n’est pas avare d’annonces chiffrées, mais non budgétées, en matière d’aide aux grandes causes humanitaires. Je déplore vraiment, pour la crédibilité de notre pays, que ces annonces ne se retrouvent pas dans les crédits que nous examinons aujourd’hui. Cela est d’autant plus regrettable à l’orée d’une année où la France préside le G20.

De ce point de vue, l’exemple d’un engagement du Président de la République pris à Copenhague est tout à fait significatif. L’augmentation annoncée des dépenses, à hauteur de 420 millions d’euros, au titre de la lutte contre le réchauffement climatique n’est pas une aide additionnelle ; elle sera prélevée sur les crédits de votre ministère.

Le document-cadre sur la politique de coopération et de développement adopté par le Gouvernement place l’augmentation substantielle de l’aide bilatérale aux pays d’Afrique parmi les toutes premières priorités. Je regrette tout particulièrement de ne pas trouver trace de cette orientation dès cette année dans vos documents budgétaires.

D’une façon globale, vos crédits sont en légère diminution, mais les crédits de paiement des trois programmes que sont l’aide économique et financière, la solidarité et le développement proprement dit connaissent, quant à eux, une baisse sensible, de l’ordre de 176 millions d’euros.

Vous affirmez, ce qui est contesté par les organisations non gouvernementales, que l’APD, qui a atteint 0, 46 % du produit national brut en 2010, pourrait s’élever à 0, 49 % en 2011. Mais, à ce rythme-là, il est évident que vous n’atteindrez pas les 0, 7 % du PIB, soit 17 milliards d’euros, en 2015 et que notre effort restera très en deçà de celui de pays européens comparables au nôtre.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Hue

Comme les ONG, je ne cesserai de dénoncer le trompe-l’œil et le véritable « fourre-tout » que se révèlent être les crédits de votre ministère, car vous comptabilisez en aide publique au développement des éléments qui n’y ont pas leur place.

Il est, par exemple, tout à fait contestable de trouver dans vos lignes budgétaires le coût de certains étudiants étrangers, les dépenses d’hébergement et d’aide aux demandeurs d’asile, les opérations de maintien de la paix ou, plus surprenant encore, les crédits en faveur de Mayotte, qui sera dans un mois un département français…

Mais c’est l’équilibre entre ces crédits et leur affectation que je critiquerai le plus vivement.

Ainsi le programme 209, Solidarité à l’égard des pays en développement, qui devrait être le fer de lance de notre politique d’aide, enregistre une baisse de crédits de 7 %, la plus forte baisse de la mission. Là aussi, cette orientation ne correspond pas à la promesse faite il y a trois mois à New York d’augmenter de 60 millions d’euros notre contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida.

La faible dotation de 30 millions d’euros du programme 301, Développement solidaire et migrations, démontre le peu d’attention que vous portez en réalité au développement des pays d’origine des migrants. Elle révèle aussi que notre aide est souvent liée à une politique de rapatriement de leurs ressortissants que les pays d’Afrique sont contraints d’accepter pour pouvoir signer des accords de codéveloppement.

Enfin, la présentation de l’effort en faveur du développement proprement dit, avec le programme 110, Aide économique et financière au développement, est elle-même trompeuse.

La réalité de notre effort est faussée par les allégements de dettes de plus de 1 milliard d’euros, représentant de 10 % à 30 % de notre APD selon les pays, qui n’ont que peu d’impact sur le développement.

Elle est également faussée par l’explosion des prêts aux pays dits « émergents », avec 1, 3 milliard d’euros, qui sont en fait des opérations commerciales dont des entreprises privées sont les principales bénéficiaires.

Cette politique de prêts bonifiés, qui constitue l’essentiel des opérations de l’Agence française de développement pose une question de principe et de répartition géographique. Elle risque notamment de faire entrer ces pays dans un cycle infernal de désendettement pour les endetter à nouveau. C’est une façon de priver les pays les plus pauvres des ressources qui leur seraient utiles pour faire face aux besoins fondamentaux de leurs populations.

Quand on sait que le service de la dette payée par les pays économiquement peu développés à leurs riches débiteurs est quatre fois supérieur aux sommes consacrées à l’aide publique au développement, on comprend mieux à qui profite cette politique.

Lors de la discussion du document-cadre sur la coopération et le développement, je m’étais d’ailleurs interrogé, avec d’autres collègues, sur la légitimité de tels prêts à certains pays émergents, puisque l’objectif principal semble être de favoriser des entreprises dont le souci majeur est d’obtenir un retour rapide sur investissement.

Il sera donc indispensable de discuter de la nature réelle de la mission de l’AFD lorsque notre commission aura à étudier le contrat d’objectifs et de moyens de cet établissement.

Notre politique d’aide au développement stricto sensu aboutit à un paradoxe qui est scandaleux pour un pays comme le nôtre : les sommes que nous dépensons représentent deux fois moins que les envois d’argent des migrants à leurs familles !

En revanche, la part des dons ou subventions qui sont comptabilisés dans l’aide bilatérale aux pays pauvres a considérablement diminué depuis 2005. La part de l’aide bilatérale consacrée à cette région est ainsi passée de 54 % à 49 %.

L’attention prioritaire qui doit être portée à l’Afrique subsaharienne, pourtant préconisée dans le document-cadre adopté par le Gouvernement, est ainsi concrètement démentie par la réalité de votre budget, qui ne corrige pas cette tendance.

Au-delà même de l’aspect humain, j’estime que c’est une grave erreur, une erreur politique, stratégique et économique, de poursuivre dans cette voie.

Au nom d’une histoire longtemps commune et de ce que représente encore la France pour ces pays, notre intérêt commun est, au contraire, de contribuer à assurer leur stabilité et leur développement en concentrant sur eux les subventions qui leur sont nécessaires pour répondre à leurs immenses besoins.

C’est l’une des raisons pour lesquelles je voterai l’amendement de nos rapporteurs pour avis tendant à modifier le contenu du document de politique transversale qui accompagne ce budget. Cela a trait à la répartition géographique de l’aide, à l’équilibre entre le bilatéral et le multilatéral, à la répartition entre les dons et les prêts ainsi qu’à l’aide programmable et aux dépenses non programmables.

Au total, je constate malheureusement qu’une large proportion de votre budget n’est pas directement consacrée au développement et que les sommes affectées aux Objectifs du millénaire pour le développement pour réduire l’extrême pauvreté d’ici à 2015 n’en représentent qu’une part infime.

Le groupe CRC-SPG ne votera pas les crédits de la mission « Aide publique au développement » en raison de leur insuffisance significative sur ces deux points fondamentaux.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le ministre, cher Henri de Raincourt, permettez-moi tout d’abord de saluer, au nom du groupe UMP, votre nomination à la tête d’un ministère de la coopération de plein exercice, que nous étions très nombreux à appeler de nos vœux. Ces responsabilités vous incombent à un moment où notre politique de coopération et d’aide au développement connaît de nouvelles inflexions.

En effet, ces derniers mois, nos commissions des finances et des affaires étrangères ont travaillé conjointement pour contribuer à l’élaboration du document-cadre qui définira la stratégie de la France en matière d’aide au développement pour les dix années à venir. À ce titre, je tiens à rendre hommage au travail remarquable accompli par les rapporteurs de notre commission des affaires étrangères, Christian Cambon et André Vantomme, dont les recommandations ont été en grande partie reprises.

Nous avons pu d’ailleurs en débattre non seulement en commission, mais aussi dans cet hémicycle, le 4 novembre dernier.

Il nous revient cet après-midi d’examiner les crédits de l’aide au développement, et ce dans un contexte très particulier.

Nous devons, en effet, résoudre une double équation, budgétaire, tout d’abord – plus que jamais, l’époque et l’environnement financier international nous enjoignent de faire des économies –, diplomatique, ensuite – au moment où la France assure la présidence du G20 et mise sur une diplomatie d’influence, elle est à l’initiative de nombreuses politiques mondiales en matière de santé publique et de climat.

La France s’est également énormément investie, je peux en témoigner, dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement à l’ONU.

Concernant le budget sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer, je voudrais, tout d’abord, souligner qu’en dépit d’un contexte budgétaire extrêmement difficile les crédits ont été relativement préservés. Entre 2007 et 2009, notre aide publique a connu, en valeur, une progression de 25 %, passant de 7, 2 milliards d’euros à 9 milliards d’euros.

Certes, les crédits de paiement pour 2011 diminuent de 4, 3 % par rapport à la loi de finances pour 2010, mais cette baisse s’accompagne d’une réduction du périmètre de certains programmes.

Cette réduction participe d’un effort de sincérité que je souhaite saluer. En effet, un certain nombre de projets qui relevaient davantage de la diplomatie culturelle que de l’aide au développement étaient jusqu’à présent considérés comme relevant du programme 209, donc de l’APD, au simple motif qu’ils se déroulaient dans des pays dits « en développement ».

Désormais, ces projets seront inscrits au programme 185 et leurs crédits ne viendront plus gonfler artificiellement le volume de notre aide publique. Des efforts restent à faire pour clarifier la maquette budgétaire afin qu’elle reflète la réalité de notre engagement en matière d’aide au développement, mais nous sommes sur la bonne voie.

Nous devons garder ces éléments en tête avant de nous lancer dans une comparaison budgétaire. Ainsi, hors mesures de périmètre, les crédits consacrés au développement restent globalement stables, passant de 3, 341 milliards d’euros à 3, 336 milliards d’euros, soit, in fine, une baisse de 0, 16 %.

Bien sûr, il serait plus que souhaitable de voir ces crédits abondés, pour tenter d’atteindre l’objectif de 0, 7 % de notre richesse nationale consacré au développement à l’horizon 2015. Il y va de notre rayonnement et de notre crédibilité, vis-à-vis non seulement des pays auprès desquels nous sommes engagés, mais aussi de la communauté internationale dans son ensemble.

Néanmoins, le contexte actuel de restrictions budgétaires doit être l’occasion de faire mieux avec moins. En tant qu’élus, nous devons veiller à la fois à ne pas investir l’argent des contribuables dans des projets de développement dont les effets ne seraient pas probants et à encourager les initiatives ne pesant pas sur le budget de l’État.

De surcroît, le respect envers nos partenaires bénéficiaires de l’APD doit nous pousser à financer des aides qui viendraient en substitut à l’action gouvernementale locale et à favoriser celles qui sont de véritables leviers de croissance.

Pour ce faire, il importe d’améliorer notre capacité d’évaluation et de contrôle. Il s’agit d’apprendre à tirer des enseignements des expériences passées afin de mieux orienter nos investissements financiers à venir. Nous avons donc besoin d’affiner nos indicateurs de performance.

Notre nouvelle politique de développement est marquée par un recentrage du ciblage géographique sur l’Afrique et par l’affirmation de priorités thématiques, ce dont je me félicite. Toutefois, la volonté d’éviter tout gaspillage et tout saupoudrage ne doit pas nous empêcher de financer des projets de moindre envergure, si ceux-ci démontrent leur capacité à produire des effets d’entraînement.

Soutenir des programmes de microcrédit ou des projets de développement du tourisme local, par exemple, peut avoir un effet de levier non négligeable dont nous aurions bien tort de nous priver.

Concernant les priorités thématiques, alors que nous allons consacrer 60 % de notre aide bilatérale à l’Afrique subsaharienne, il me semble primordial de privilégier le secteur de l’éducation et d’apporter une attention toute particulière à l’apprentissage du français et à l’éducation des femmes, qui sont les premiers relais des changements de comportement. Leur rôle central dans les familles peut leur faire jouer un grand rôle, non seulement sur le plan de l’amélioration de la santé publique et de l’élévation du niveau global d’instruction, mais aussi en matière d’éducation à la paix et de respect de l’environnement.

Concernant les canaux de l’aide au développement, il me semblerait important d’effectuer un rééquilibrage entre nos contributions à l’aide bilatérale et à l’aide multilatérale.

Certes, notre engagement dans les programmes multilatéraux a permis à la France de peser sur les programmes de grandes institutions, tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida ou la Banque africaine de développement. Cependant, dans un certain nombre de cas, les efforts consacrés à l’aide multilatérale ont été contre-productifs au seul bénéfice de politiques d’affichage. N’étant pas chef de file sur les projets, nous n’avons quasiment aucune lisibilité sur les résultats, ce qui s’apparente parfois à signer des chèques en blanc. Et, face à nos partenaires, ces efforts sont tout simplement dilués, donc peu visibles, donc peu reconnus.

Paradoxalement, nous demeurons la cible de critiques dans les instances internationales, alors que la France est le deuxième bailleur de fonds de l’aide au monde et le premier contributeur européen d’aide publique au développement en volume.

Gardons à l’esprit que la politique d’aide au développement est un instrument essentiel de notre diplomatie d’influence. À cet égard, il faut éviter que les engagements multilatéraux ne continuent à réduire les moyens des agences de l’AFD et de nos ambassades. Au moment même où nous procédons à la réforme de notre action extérieure et où nous souhaitons renforcer l’autorité de nos ambassadeurs, plus que jamais, nous devons donner les moyens aux représentants de la France dans le monde, avec le soutien de nos élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, de prendre appui sur leur expertise des acteurs locaux pour orienter notre stratégie d’aide au développement et améliorer son évaluation.

C’est pour cela, monsieur le ministre, que je me félicite de voir que les crédits consacrés à l’aide bilatérale devraient passer de 56 % en 2009 à 64 % en 2012 et que cela s’accompagne d’un cadrage budgétaire. C’est là le témoignage d’une politique volontaire dont nous avions besoin.

Monsieur le ministre, le projet de budget que vous présentez est sincère et cohérent avec les réformes engagées. C’est pour cela que le groupe UMP votera les crédits de cette mission.

En conclusion, je voudrais rappeler que les engagements financiers en faveur du développement ne font pas tout. Notre responsabilité est aussi et surtout de contribuer à renforcer la responsabilité de tous les États – et non pas seulement de ceux qui sont en développement – en matière de développement durable.

À l’heure où, en tant qu’État industrialisé, nous participons aux négociations sur le réchauffement climatique, il nous appartient de favoriser l’émergence d’un nouveau modèle de croissance, solidaire, mais aussi responsable.

Il est aussi essentiel, alors que nous prenons la présidence du G20, de permettre l’émergence d’une meilleure gouvernance mondiale et d’une vraie transparence, sans lesquelles les millions investis dans des programmes de nutrition ou d’aide alimentaire contre la famine n’auront que peu d’effets.

L’appauvrissement des ressources naturelles et la raréfaction des terres cultivables nous imposent la mise en place d’une coopération fondée, d’une part, sur l’échange des savoirs, en priorité dans les domaines agricoles, et, d’autre part, sur la vigilance quant aux marchés des matières premières : de l’emballement des cours des céréales à Chicago découlent des émeutes de la faim, comme nous l’avons vu au Mozambique, au Cameroun, au Sénégal.

N’oublions pas, mes chers collègues, que la faim et l’ignorance sont le terreau des crises humanitaires et des guerres.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Monsieur le ministre, permettez-moi, à mon tour, de vous féliciter de tout cœur pour votre nomination.

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec 9, 5 milliards d’euros en 2011, l’effort budgétaire de la France en faveur de l’aide au développement reste considérable. Toutefois, comme l’a souligné l’un de nos rapporteurs pour avis, il est encore très loin de l’engagement qui avait été pris devant la communauté internationale.

En 2008, la France confirmait sa volonté de consacrer 0, 7 % du revenu national brut à l’aide publique au développement. En 2011, elle y consacrera 0, 47 % de la richesse nationale. Si l’on est négatif, on dira que c’est moins que l’objectif fixé pour 2015, moins que l’objectif fixé pour 2011 et moins que l’objectif fixé pour 2010. C’est également moins que l’effort effectivement réalisé en 2010.

Reste que nous sommes tous conscients des contraintes budgétaires qui pèsent sur nos comptes publics. Dans le contexte actuel, le fait que les crédits alloués à l’aide publique au développement demeurent quasi stables témoigne de l’attachement de notre pays à cet effort de solidarité. C’est pour cette raison que les membres du groupe de l’Union centriste voteront les crédits de cette mission.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Je souhaite donc appeler votre attention, mes chers collègues, non sur le montant des crédits, mais sur trois préoccupations d’un autre ordre.

Premièrement, je m’interroge sur la sincérité, non seulement politique, mais aussi budgétaire de notre engagement en faveur de l’aide publique au développement.

Politiquement, je m’inquiète du fait que, au lieu de nous en rapprocher, nous nous éloignions de l’objectif de 0, 7 % fixé pour 2015. Cette tendance risque de se confirmer dans les années à venir. De toute évidence, l’engagement de la France ne sera pas respecté. Dans ces conditions, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer la position du Gouvernement quant au respect de cet objectif ?

Dans le même sens, l’engagement de la France d’augmenter de 20 % sa participation au Fonds mondial de lutte contre le sida n’est pas budgété. Une incertitude à ce sujet pourrait également être utilement levée. Pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement entend financer cette hausse grâce à la contribution de solidarité sur les billets d’avion ? À cet égard, UNITAID fonctionne plutôt bien, me semble-t-il.

Pour ce qui est de la sincérité budgétaire, des efforts notables ont été accomplis ces dernières années. Je salue avec d’autres le fait que, par exemple, l’aide à Mayotte ne soit plus comptabilisée en aide au développement. C’est un geste de sincérité.

L’aide au développement vise les États étrangers. Il est donc urgent que l’aide à Wallis-et-Futuna en soit également exclue.

Par ailleurs, je m’interroge sur la comptabilisation des frais d’écolage des ressortissants de pays en développement qui font leurs études en France et des aides accordées aux réfugiés originaires de ces pays.

Inversement, je regrette que cette mission ne représente que 35 % du total de l’aide publique au développement estimée pour 2011.

Si l’on déduit les remises de dettes, l’écolage, l’accueil des réfugiés et les dépenses vers les territoires d’outre-mer, l’APD française se trouve à peu près réduite de moitié. Selon le périmètre considéré, on passe du simple au double !

En outre, je partage totalement l’avis unanime de la commission de la culture exprimé par son rapporteur pour avis : les crédits alloués à la francophonie gagneraient à être rattachés à la mission « Action extérieure de l’État ». Les dépenses engagées pour promouvoir la francophonie relèvent de notre diplomatie d’influence, y compris lorsqu’elles participent au développement des pays bénéficiaires.

Améliorer la sincérité budgétaire et le périmètre de cette mission me semble donc nécessaire.

La révision du document de politique transversale permettrait d’avancer vers plus de clarté. Je m’associe donc à la demande de mes collègues membres de la commission de la culture.

Deuxièmement, je m’interroge, avec d’autres également, sur le ciblage de certains crédits. Par exemple, on peut légitimement être surpris que, en 2009, la Chine ait été le deuxième bénéficiaire de l’aide française. Aider la Chine à se développer, notamment dans ses territoires ruraux, est une démarche louable et nécessaire et qui honore la France. Toute la planète a intérêt à ce que la Chine avance sur la voie d’un développement social, durable et responsable. Cela doit faire partie d’un partenariat équilibré et mutuellement bénéfique avec cette nouvelle puissance qu’il faut cesser de qualifier d’« émergente ».

Je m’interroge sur le calibrage et la nature de l’aide en faveur de la Chine. J’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous éclairer sur ce point. Peut-être s’agit-il de favoriser l’implantation de nos entreprises dans ce pays, comme l’affirme le directeur de l’AFD…

Troisièmement, au-delà de la sincérité de notre engagement, du ciblage et du calibrage de notre aide, ce débat doit nous inviter à une réflexion plus approfondie sur le sens de notre aide au développement. Personnellement, je pense que celle-ci représente un effort indispensable, non seulement pour les bénéficiaires, mais aussi pour la communauté internationale dans son ensemble.

En soixante ans, les relations internationales ont connu des changements considérables. Logiquement, l’aide au développement accompagne et reflète ces changements.

Aujourd’hui, la France, comme la plupart des pays donateurs, assume le fait que, si son aide est avant tout destinée au développement des pays bénéficiaires, celle-ci, à travers ce développement, sert ses intérêts et son influence dans le monde.

Grâce au document-cadre et aux discussions qui ont précédé son élaboration, notamment au Sénat, notre position sur le sujet est bien établie. En revanche, une réflexion pourrait utilement être menée sur la place de l’aide publique au développement dans l’ensemble des flux financiers mondiaux, notamment dans le cadre européen.

En 1990, l’aide publique au développement représentait 56 % de l’ensemble des flux financiers vers les pays en développement.

En 1998, seulement huit ans après, la part de l’aide publique était passée de 56 % à 18 % des flux financiers vers ces pays.

Aujourd’hui, cette part est encore bien inférieure. Ainsi, les flux financiers de migrants partant de France vers le Mali, le Maroc et le Sénégal sont trois à quatre fois supérieurs aux montants de l’aide française vers ces pays. Reste que les financements des migrants ne sont que très peu dirigés vers des investissements dont on pourrait attendre des retours. Quand ils financent des investissements, il s’agit surtout d’investissements immobiliers, et pas d’investissements productifs. C’est donc comme un levier que notre aide doit être utilisée.

J’espère, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’un débat nous permettra d’examiner prochainement ces questions de façon plus approfondie.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’adresse à vous, cette fois-ci, en qualité de membre du groupe socialiste, avec tout autant de sincérité que la première fois, mais peut-être avec plus de franchise et de précision encore.

Franchise, sincérité des chiffres, transparence, voilà des notions essentielles à la bonne gestion des crédits de la coopération. Il vous faudra les garder à l’esprit, monsieur le ministre, car vous prenez en main les rênes d’un secteur où l’on multiplie volontiers les annonces et les chiffres dans un rapport assez distendu avec la réalité.

On vous dira, par exemple, que l’effort français en faveur du développement s’élève à 10 milliards d’euros. Ne le croyez pas ! Au bout du compte, selon une étude de l’OCDE, il n’y aura environ que 1 milliard d’euros véritablement disponible sur le terrain pour financer des projets de développement. Sur ce milliard, votre marge de manœuvre sera comprise entre 100 millions d’euros et 200 millions d’euros, sur lesquels vous pourrez effectuer des arbitrages, géographiques ou sectoriels, pas plus.

Où sont passés les autres millions ? C’est une longue histoire, trop longue pour les quatre minutes dont je dispose.

Je note que 272 millions d’euros sont destinés à l’accueil des réfugiés déclarés par la France à l’OCDE. Quand on accueille un réfugié somalien qui fuit la progression des tribunaux islamistes, c’est une dépense pour l’aide au développement. Cela vous laissera peut-être sceptiques, mes chers collègues. Moi aussi ! Mais il paraît que nous respectons les règles de l’OCDE…

Il en va de même pour l’accueil des étudiants étrangers : si vous arrivez en France à l’âge de six ans et que vous poursuivez vos études jusqu’à l’université sans prendre la nationalité française, vos études supérieures seront comptabilisées au titre de l’aide au développement, que vous ayez ou non le souvenir de votre pays d’origine. C’est étonnant !

La Grande-Bretagne ne déclare aucune dépense d’écolage. Nous, nous continuons, et à hauteur de 669 millions d’euros.

Je ne vous parlerai pas longuement du département de Mayotte, au titre duquel nous déclarons 390 millions d’euros. Pour l’avenir, j’ai pris note que cela changera ; mais, pour l’instant, ce sont toujours 390 millions d’euros !

Notre politique de coopération, c’est aussi cela, des chiffres, des annonces, sans qu’il y ait toujours un rapport : avec la lutte réelle contre le sous-développement.

La réalité de notre coopération, c’est aussi une politique qui donne de moins en moins et qui prête toujours plus.

Monsieur le ministre, vous prenez en cours une programmation triennale qui prévoit une multiplication par trois du montant des prêts, là où les crédits budgétaires sont stabilisés. À ce rythme-là, il n’est pas étonnant de voir l’aide française au développement intervenir à hauteur de 87 % sous forme de prêts. Il y a des prêts concessionnels ; il y a aussi des prêts à des taux très proches du marché. La revue à mi-parcours de la politique de coopération française par le Comité d’aide au développement l’a noté. À ces taux, on peut se demander si on est encore dans de l’aide au développement.

M. Charles Revet s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Mais, tout le monde le sait, l’AFD est partie avec talent à la conquête de nouvelles géographies, de nouveaux secteurs, j’allais dire de nouveaux marchés.

Son directeur général, d’ailleurs, ne s’en cache pas : il souhaiterait une plus grande liaison avec les entreprises françaises. On n’est plus tout à fait dans l’aide au développement, mais plutôt dans le soutien au commerce extérieur. Je n’ai rien contre nos entreprises – nous en avons bien besoin ! – mais alors, il faut le dire et ne plus le déclarer au titre de l’APD.

Du point de vue de l’aide au développement, non seulement nous avons signé des engagements internationaux de dé-liaison, mais je ne vois pas comment nous pourrions promouvoir des programmations conjointes avec des partenaires européens ou des acteurs multilatéraux tout en réservant nos financements à nos entreprises.

C’est aux pays que nous aidons de choisir leurs fournisseurs. Il est difficile de combattre la corruption et de vouloir que notre aide finisse dans les caisses de nos entreprises. Dans les années soixante, c’est en faisant cela que nous avons construit des « éléphants blancs dans le désert ».

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur

Caricature !

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Vous l’aurez compris, il y a dans ce budget des éléments de satisfaction et, en même temps, une dérive qui me paraît en contradiction avec les priorités que nous avons approuvées dans le document-cadre, à savoir la poursuite des Objectifs du millénaire pour le développement et le soutien à la croissance en Afrique subsaharienne.

Mais il y a surtout le déni – hélas, plus évident de jour en jour – sur le fait que les moyens que vous consacrez à la coopération et à l’aide au développement sont de plus en plus en inadéquation avec vos discours, vos promesses et vos engagements.

Parce que cette situation est grave pour l’image de la France et la réputation de notre pays, elle justifiera, avec regret, un vote négatif du groupe socialiste sur les crédits de l’aide publique au développement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, lors du débat que nous avons eu le 4 novembre dernier, à l’initiative du président Josselin de Rohan, et au cours duquel nous avons écouté l’excellent rapport…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

… de nos deux collègues Christian Cambon et André Vantomme, M. Bernard Kouchner, alors ministre des affaires étrangères chargé de la coopération, répondait à plusieurs orateurs qui avaient mis en avant les pertes en ligne importantes que l’on pouvait constater dans l’utilisation des crédits consacrés par la France au développement.

Ainsi M. Kouchner indiquait-il : « J’ai aussi bien noté cette observation selon laquelle mieux valait travailler avec les Africains eux-mêmes qu’avec leurs gouvernements. Il faut faire les deux ! Les chiffres nous indiquent que beaucoup d’argent s’évapore. » Et, alors que je m’exclamais que beaucoup trop d’argent s’évaporait, le ministre me répondit : « Que doit-on faire ? Dites-le moi, monsieur Revet ! »

Je n’ai bien sûr pas la prétention d’apporter la réponse à cette situation. Bien entendu, il nous faut travailler avec les gouvernements de chacun des États où nous intervenons, et nous ne devons pas nous substituer à eux, ce qui serait ressenti comme de l’ingérence et de la méfiance.

Mais peut-être y a-t-il possibilité d’un meilleur suivi en demandant à quels projets les sommes versées sont consacrées. Un très gros travail est fait par des associations, bien sûr pour des projets d’une autre dimension. Beaucoup de collectivités, dans le cadre de la coopération déconcentrée, financent des projets importants, dans les domaines de l’éducation ou du sanitaire et social. Les partenaires des pays concernés acceptent sans problème un suivi des dossiers.

Il me souvient, alors que j’étais président du conseil général de la Seine-Maritime et répondant à une demande du préfet de la province de Kongoussi, au Burkina Faso, avoir financé la construction d’une Maison de la mère et de l’enfant, et l’avoir réalisée en faisant appel, pour l’élaboration et le suivi de l’opération, à l’Institut d’ingénieurs des travaux publics de Ouagadougou, dirigé par un français.

Les financements n’étaient débloqués qu’au vu des situations qui nous étaient présentées, au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Cette démarche n’a posé aucun problème et a été acceptée par nos partenaires. Après tout, c’est ce que nous faisons chez nous !

Je veux illustrer mon propos d’une autre manière, monsieur le ministre. Il y a deux ans ou presque, nous recevions au Sénat des collègues sénateurs sénégalais. Ce pays venait de créer une deuxième chambre. C’était au moment – cela a été évoqué tout à l’heure – où les prix des matières premières alimentaires avaient flambé, créant des problèmes majeurs dans nombre de pays en voie de développement.

Nos visiteurs soulignaient qu’ils craignaient des manifestations importantes – il y en a eu –, aux conséquences imprévisibles, du fait des problèmes d’alimentation auxquels la population était confrontée.

« Nous n’avons pas les moyens financiers d’acheter sur le marché mondial le riz nécessaire pour l’alimentation », nous disaient-ils, cette céréale étant ce que consomme la population en priorité. Et d’ajouter : « Ce n’est pas de l’argent que nous sollicitons mais votre aide technique. Nous avons les sols propices pour le développement de cette culture, tout comme le climat, mais nous n’avons pas le savoir-faire. Nous pourrions produire beaucoup plus que nos propres besoins, mais nous avons besoin que vous veniez nous conseiller ».

Peu de temps après, c’était une délégation togolaise qui tenait le même propos, pour d’autres types de productions.

La France bénéficie d’une grande confiance de la part de nombre des pays africains, francophones ou non, qui sont très demandeurs. Président délégué du groupe d’amitié France-Nigéria, j’ai entendu le même discours de la part de responsables nigérians.

Nous avons tout à gagner en nous engageant dans une telle démarche. Bien sûr, cela ne pourrait se faire que si les responsables des pays concernés en étaient d’accord.

Nous avons aujourd’hui dans notre pays des personnes en fin de carrière qui, j’en suis convaincu, seraient prêtes à s’engager dans une telle démarche. Bien évidemment, il serait nécessaire de les y préparer. Nous aurions tout à y gagner.

D’abord, il y aurait une logique. En engageant une démarche sanitaire, notamment à travers les vaccinations des enfants, nous faisons en sorte que la population de chacun des pays augmente plus rapidement. Il est simplement normal et logique de les aider à pouvoir se nourrir.

Ensuite, beaucoup de ces populations qui frappent à notre porte resteraient, probablement, dans leur pays, dès lors qu’elles pourraient trouver chez elles ce qu’elles espèrent trouver chez nous. Par-delà l’action humanitaire, nous aurions tout naturellement une augmentation des échanges économiques et ce sont, de fait, l’image et le rayonnement de la France qui seraient confortés.

Je suis tout à fait convaincu qu’avec les mêmes crédits consacrés par la France à la coopération et au développement – et ils sont importants –, nous pouvons faire beaucoup plus. C’est ce que je suggère.

Monsieur le ministre de la coopération, je vous félicite, et je me félicite que cette importante mission liée au développement et à la coopération vous ait été confiée. Bien sûr, nous sommes prêts à vous accompagner !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Le Comité d’aide au développement de l’OCDE définit précisément l’aide publique au développement : les ressources comptabilisées doivent avoir « pour but essentiel de favoriser le développement économique et l’amélioration du niveau de vie des pays bénéficiaires de l’aide ».

Notre pays se flatte d’être, en volume, le plus important contributeur européen à l’aide publique. La réalité est pourtant beaucoup plus nuancée. En effet, 18 % de l’APD française a un rapport pour le moins ténu avec l’aide au développement.

Comment considérer que des dépenses telles que les écolages, c’est-à-dire le coût imputé aux étudiants étrangers en France – qui ont d’ailleurs dû être revus à la baisse, à la suite des recommandations émises par les pairs du Comité d’aide au développement – soient comptabilisées au titre de l’aide au développement ?

De la même façon, comment considérer que l’accueil et l’hébergement des demandeurs d’asile, qui, assurément, relèvent bien davantage de la gestion propre à la France des réfugiés sur son territoire, se rapportent à l’aide au développement ?

Et il n’est même pas la peine, je pense, d’insister sur l’aide à Mayotte et aux territoires d’outre-mer…

Par ailleurs, que dire des allégements de dettes, qui viennent aussi gonfler artificiellement notre contribution ?

Je ne dispose malheureusement que de deux minutes. Je souhaite cependant conclure en disant que, même si la France ne fait, hélas, pas figure d’exception en Europe, même si sa part d’APD réelle au sein de son APD officielle tend à augmenter, ces simulations génèrent un budget insincère à l’égard tant des pays bénéficiaires que de nos partenaires.

Tout cela revient, une fois de plus, à jeter de la poudre aux yeux de nos concitoyens !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le ministre, le Président de la République vous a confié la mission passionnante de conduire la politique d’aide au développement de la France, et je tiens à vous en féliciter à mon tour.

Ce fut longtemps l’honneur de la France que d’agir pour l’égalité d’accès aux droits fondamentaux, à la vie, à la santé, à l’éducation, que l’on soit né à Paris, à Ziguinchor ou à N’Djamena.

C’est également l’intérêt des Français que de contribuer à un monde plus sûr. Tout montre aujourd’hui que le sous-développement constitue un terreau favorable à des menaces qui touchent aussi bien les pays du Sud que les pays du Nord, et dont nul ne sera à l’abri.

Pourtant, les ambitions de la France en matière d’aide au développement ont significativement faibli. Depuis plusieurs années, on observe en effet un changement dans notre politique de coopération : ses orientations stratégiques sont aujourd’hui sérieusement remises en cause.

Notre coopération s’est « bancarisée », « financiarisée » ; elle s’est écartée de son cœur de métier, de l’Afrique subsaharienne, des secteurs traditionnels de l’éducation et de la santé. Elle l’a fait contrainte par la RGPP et par la diminution de notre aide bilatérale.

Ce budget 2011 marque un nouveau renoncement du Gouvernement à atteindre l’objectif de contribuer à l’aide publique au développement à hauteur de 0, 7 % du revenu national brut en 2015.

Je prendrai l’exemple de l’éducation.

Alors que la France a joué un rôle moteur dans la mise en place des fonds internationaux « fast track », destinés à la scolarisation primaire universelle, la diminution des crédits consacrés à l’éducation ne permettra pas de tenir les engagements pris pour la scolarisation de huit millions d’enfants d’Afrique subsaharienne.

Nous sommes en train d’abandonner notre soutien aux systèmes éducatifs de ces pays, qui sont pourtant l’espoir de la francophonie. Ces systèmes éducatifs sont exsangues, sous le poids d’une jeunesse qui représente, au sud du Sahara, les deux tiers de la population.

L’Afrique n’a pas besoin de belles paroles. Si nous voulons réinventer notre relation avec les pays africains, il nous faut commencer par clarifier nos engagements, à l’aune de nos moyens, et tenir parole.

Il est un domaine où nous ne sommes pas au rendez-vous de nos engagements : le codéveloppement. Nous avons proposé à de nombreux pays africains de contractualiser nos relations en matière d’immigration. La tentative d’articuler les politiques de l’immigration et du développement constituait en soi une piste prometteuse. Mais, là encore, l’étroitesse des crédits destinés à conforter les initiatives prises par les migrants pour le développement de leur pays d’origine ne permet pas à cette politique d’être autre chose qu’une série d’expérimentations ponctuelles.

Ainsi, les crédits du programme 301 diminuent de 5, 4 millions d’euros, soit une baisse de 15, 3 %. Ces crédits trouveraient bien mieux leur place au ministère des affaires étrangères plutôt qu’au ministère de l’intérieur. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Monsieur le ministre, il y a une Afrique dynamique, au taux de croissance de 5 %, courtisée par les pays émergents. Elle côtoie une Afrique de la misère, sans eau courante ni électricité, des économies de subsistance plus que jamais soumises aux aléas des saisons, des cours des matières premières et du réchauffement climatique, des territoires immenses qui, à l’image du Sahel, ont été désertés par des administrations impuissantes à en assurer le développement.

Cette Afrique-là, dont nous disons faire notre priorité, nous la délaissons progressivement. Les subventions aux quatorze pays prioritaires sont passées, de 2005 à 2009, de 219 millions d’euros à 158 millions, soit une baisse de près de 30 %.

Monsieur le ministre, il y a urgence à redresser le cap. Certes, l’aide au développement ne peut pas tout, mais elle peut faire pencher la balance des risques et des opportunités.

Aux indépendances, l’intégration régionale était un objectif, hélas rapidement abandonné. Aujourd’hui, cela serait sans doute un atout considérable pour le développement du continent. Je crois que nous devrions faire de cette intégration régionale un axe fort de notre coopération. Dans quelle mesure estimez-vous que nos relations avec les organisations régionales peuvent y contribuer ?

Dans un monde dont le centre stratégique est en train de se déplacer vers l’Asie, l’Europe a autant besoin du développement de l’Afrique que l’Afrique de notre aide au développement. Quelle place la France compte-t-elle y tenir ?

Le budget pour 2011, en contraction, donne malheureusement une première réponse de net recul des ambitions de la politique française en matière d’aide au développement ; nous ne pouvons, dès lors, le soutenir.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai beaucoup d’interrogations quant à la ligne directrice de l’action française en matière d’aide publique au développement.

Certains se félicitent de sa médiocrité relative – nous ne sommes pas les pires au niveau international –, d’autres s’attristent, et c’est mon cas, des promesses non tenues dans le projet de budget qui nous est proposé.

Ainsi, l’objectif répété par le Président de la République de consacrer 0, 7 % du revenu national brut à l’APD est irréaliste : le projet de loi de finances pour 2011 consacre une baisse de 2, 2 % de l’APD, ce qui la ramène à 0, 47 % du revenu national brut.

Je vais simplement rappeler deux dates afin d’éclairer notre jugement.

En 1968, la commission d’étude du développement international insistait sur la nécessité d’accroître l’effort d’aide au développement. Suivie en cela par l’Assemblée générale des Nations unies, elle propose que l’APD des pays donneurs présente 0, 7 % de leur RNB en 1975…

Trente-cinq ans plus tard, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2011 rend quelque peu songeur sur la place qu’occupe en France le partage des richesses.

Ce constat effectué, il reste que la stratégie me paraît peu lisible.

Tout d’abord, je m’interroge sur l’analyse qui est faite de la variation de la part bilatérale et de la part multilatérale de l’aide. J’entends que la première est nettement préférable, car elle est plus visible, plus facile à contrôler et assure mieux le rayonnement de la France, alors que la participation aux programmes d’aides internationaux, moins valorisante, échappe à notre contrôle.

La réaction courante est de se réjouir de l’augmentation de l’APD bilatérale : l’aide et l’image de la France ne sont pas diluées dans une organisation européenne ou onusienne. Très clairement, l’APD n’a donc vocation ni à réparer les inégalités, ni à encourager le développement des pays émergents, ni même à éradiquer la pauvreté, car c’est bien davantage dans notre propre intérêt que nous participons à l’aide internationale. Prenons-en acte.

Ensuite, l’aide publique au développement bilatérale est principalement destinée aux pays en développement du continent africain. Les pays subsahariens se voient attribuer 60 % de l’aide bilatérale. L’image de la France – puisque c’est l’objectif de l’APD – en sera d’autant plus visible dans ces pays avec lesquels nous entretenons une histoire ancienne et complexe. Il en va de même pour Haïti, qui traverse des situations de crise exceptionnelles, mais aussi pour l’Afghanistan ou le Pakistan.

Je note également que certains pays émergents bénéficieront de l’APD française, non parce qu’ils ont un besoin évident de prêts, mais parce que notre investissement constitue un ticket d’entrée pour les entreprises nationales sur ces marchés émergents. Ainsi, la Chine et l’Indonésie, aux taux de progression du PIB rapides, sont respectivement les second et quatrième bénéficiaires de l’aide bilatérale française.

Ce qui me paraît moins clair, c’est l’absence de politique d’aide au développement au profit des pays voisins de l’Amérique latine et des Caraïbes. Moins de 3 % de l’APD bilatérale au profit de cette région, c’est bien une absence de volonté réelle d’investir dans ces territoires.

En revanche, j’ai lu avec attention le projet d’instaurer un compte spécial intitulé « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », destiné à financer la participation de la France à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation et à la dégradation des forêts.

S’il s’agit de mutualiser les méthodes et les équipements nécessaires au suivi de l’état des forêts et de la lutte contre la déforestation, la place de la Guyane devrait être primordiale : ce sont nos connaissances et nos techniques qui sont au cœur du projet. C’est de Paris que sont pilotées les dépenses de la coopération régionale sur le plateau des Guyanes !

Le plus étrange, pour finir, c’est l’incohérence de la stratégie mise en œuvre. Comment peut-on imaginer lutter contre la déforestation sans stratégie globale ? Il ne suffit pas de partager les moyens techniques pour lutter contre la déforestation ; cela nécessite une réelle aide au développement.

Finalement, qu’en est-il de la stratégie de l’APD française ? L’intérêt économique, technologique, stratégique, symbolique que la France peut retirer de son aide est-il au cœur de la mise en œuvre de ce programme ? J’ai davantage l’impression que l’argent de l’APD est dispersé dans les zones d’influence traditionnelles de la France ou dépensé pour que notre pays figure le moins mal possible dans le classement des États donateurs.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis rouge de confusion, en montant à cette tribune, après avoir entendu les propos que vous avez bien voulu tenir sur la nomination d’un ministre de plein exercice pour s’occuper de cette grande et belle cause qu’est la politique de la France en matière de coopération et de développement.

J’ai senti dans les interventions des uns et des autres des accents d’amitié et de chaleur…

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

… dont l’origine est sans doute à rechercher dans notre passé commun, ici, au Sénat, et je vous en suis très reconnaissant, mesdames, messieurs les sénateurs.

Lorsque j’ai été nommé ministre chargé de la coopération, j’ai été comme saisi d’effroi face à l’ampleur de la tâche qui m’incombait, mais je savais que je pourrais compter sur le Parlement, et tout particulièrement sur le Sénat, où tant d’entre vous s’intéressent aux politiques de coopération et de développement dans le monde entier, singulièrement en Afrique.

Je veux donc vous rendre hommage pour l’intérêt que vous n’avez cessé de manifester à l’égard de cette grande et belle politique. Sachez que j’y puiserai beaucoup d’enseignement et d’inspiration. J’essaierai, grâce à vous, de ne pas être le ministre de la poudre aux yeux ou des effets d’annonces, mais celui de l’idéal républicain, de cet idéal français que vous évoquiez, madame Escoffier, au service d’une si noble cause.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Je voudrais remercier les rapporteurs de la qualité de leur travail et de la précision des remarques qu’ils ont bien voulu formuler sur ce projet de loi de finances pour 2011.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous m’avez posé de nombreuses questions auxquelles je vais tenter de répondre, même si je sais, monsieur le président, que le temps de la discussion budgétaire est très contraint.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. Très contraint, en effet, monsieur le ministre !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Au préalable, je voudrais vous faire part de ma vision et de celle du Gouvernement en matière de coopération et d’aide au développement, parce que c’est là que se joue, pour partie, notre place dans le monde, alors que nous échoit la responsabilité d’une double présidence, celle du G 20 et, très prochainement, celle du G 8.

Je le ferai devant vous en développant trois constats.

Premier constat, nous disposons maintenant d’un cadre prévisionnel et stratégique. C’est une nouveauté qui me paraît importante. Elle répond à un souci de prévisibilité et de transparence, notamment à l’égard de la représentation nationale, comme le souhaitait M. André Vantomme tout à l’heure.

La stratégie française est désormais formalisée dans un « document-cadre ». Vous en savez quelque chose, monsieur Cambon, monsieur Vantomme, vous qui avez très largement contribué à l’élaboration de ce document et l’avez sensiblement enrichi. Il est maintenant approuvé par le Premier ministre. Son objet est d’anticiper autant que possible et de suivre une orientation de long terme.

C’est notre feuille de route. Elle a vocation à donner plus de cohérence à notre politique de coopération.

Quand nous intervenons en Afrique, en Afghanistan ou en Haïti, au travers de notre dispositif bilatéral, du canal européen, d’une agence multilatérale ou de l’action de la coopération décentralisée, quels sont nos objectifs, quels sont les instruments les plus efficaces ? C’est à ces interrogations que ce document doit nous permettre de répondre clairement, et avec constance.

En effet, cet instrument trace une perspective pour les dix ans à venir. Certains regrettent que ce document ne contienne pas d’implications budgétaires, mais son horizon dépasse le cadre triennal du budget. En revanche, je crois que notre stratégie et la prévisibilité qu’offre le cadre triennal permettront d’éclairer le Parlement pour les choix auxquels il aura à procéder dans ce domaine.

J’ajoute que la stratégie française propose une approche globale de la coopération et du développement. Elle s’appuie sur l’ensemble des ressources disponibles ou potentielles.

L’aide publique au développement reste essentielle, mais toutes les autres sources de financement doivent être mises à contribution, sans s’y substituer : les instruments de marché, les investissements privés et, bien sûr, les financements innovants, dont le Président de la République a rappelé l’importance lors du sommet sur les Objectifs du millénaire pour le développement, les OMD, le 21 septembre dernier à New York.

Il est aussi proposé, dans le document-cadre, que, tous les deux ans, un rapport d’ensemble sur la mise en œuvre de la politique française de coopération au développement soit présenté au Parlement. Cela correspond tout à fait à ma vision personnelle du travail parlementaire moderne : faire la loi, certes, mais aussi contrôler, évaluer les politiques publiques.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

C’est précisément ce que permettra ce document-cadre. La concertation que vous avez appelée de vos vœux, mesdames, messieurs les sénateurs, s’en trouvera sensiblement renforcée.

De façon complémentaire, un bilan portant sur les dix dernières années sera dressé. Le ministère des affaires étrangères et européennes y procédera en 2012 pour la part qui lui revient. Cet exercice permettra de porter une appréciation sur les instruments, la réforme des structures et les résultats de l’aide au développement. Il est évidemment hautement souhaitable que le Parlement soit représenté dans le comité de pilotage de cette étude.

En tout état de cause, la « redevabilité », à laquelle s’est référé M. Cambon, est un élément important.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Mes prédécesseurs s’étaient engagés à procéder à une évaluation des résultats de cette politique publique. Sous des angles différents, la révision générale des politiques publiques, l’OCDE et – bientôt – la Cour des comptes en offrent déjà une appréciation. Je vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous ayons ce dialogue, une fois le rapport de la Cour des comptes publié.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Deuxième constat, notre politique est marquée par le volontarisme et une définition claire des priorités.

Ce volontarisme porte d’abord sur les moyens. Contrairement à ce qui a pu être dit par certains intervenants, l’aide publique au développement est la seule politique publique, avec la culture et la recherche, qui, en ces temps de contrainte budgétaire, voie ses crédits maintenus. Il faut s’en réjouir : c’est là une preuve tangible de l’importance que notre pays accorde à ce domaine.

Je confirme, monsieur Vantomme, que, globalement, notre aide publique au développement s’élèvera à près de 10 milliards d’euros en 2010, malgré un contexte budgétaire difficile. Cet effort nous place au rang de deuxième donateur au monde, derrière les États-Unis, et de deuxième pays du G 8 pour la part du revenu national brut consacrée à l’aide au développement. Il s’inscrira dans une fourchette allant de 0, 48 % à 0, 50 % de notre revenu national brut en 2010, alors que l’aide au développement représentait 0, 30 % de celui-ci en 2000.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Monsieur Hue, jusqu’à présent, jamais notre pays n’avait consacré 10 milliards d’euros à l’aide publique au développement.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Je tenais à le souligner, et personne ne pourra me contredire sur ce point !

Dans cet ensemble de 10 milliards d’euros, les crédits budgétaires de l’aide publique au développement, qui s’élèvent à 3, 3 milliards d’euros, représentent environ le tiers de notre aide. Ils seront maintenus à ce niveau jusqu’en 2013. Le Président de la République l’a annoncé sans ambiguïté.

Il y a dans l’aide, c’est vrai, des éléments que nous maîtrisons moins ; je pense en particulier aux annulations de dettes. À ce propos, permettez-moi de vous dire que l’OCDE, qui évalue les politiques d’aide publique de ses membres, vient de donner un satisfecit à la France. Le dernier examen par les pairs a souligné que notre pays avait tenu l’essentiel de ses engagements dans ce domaine. Cette appréciation, venant d’un observateur rigoureux et neutre, mérite d’être relevée. Je rappelle à la Haute Assemblée que, en 2008, l’OCDE avait, à l’inverse, pointé un certain nombre d’insuffisances dans notre politique d’aide au développement. Cela veut dire que nous progressons.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Le volontarisme s’exerce dans la répartition géographique de l’aide, avec une priorité donnée à l’Afrique et aux pays les moins avancés. Nous consacrons près de 60 % de notre aide globale –bilatérale, européenne et multilatérale – à ces pays. M. Vantomme et Mme Garriaud-Maylam, notamment, l’ont souligné.

Nous répondons à deux exigences, madame Escoffier : atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement – c’est un impératif de solidarité –, mais aussi stimuler la croissance d’un continent dont la population en âge de travailler – j’attire l’attention du Sénat sur ce fait capital – augmentera de 400 millions de personnes dans les vingt prochaines années…

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

… et qui comptera 1, 8 milliard d’habitants en 2050, soit 20 % de la population mondiale. L’Afrique sera alors plus peuplée que la Chine ou l’Inde ! Je vous invite à réfléchir sur ces chiffres, mesdames, messieurs les sénateurs.

À cet égard, l’insertion de l’Afrique subsaharienne dans les échanges commerciaux et un meilleur accueil des produits africains constituent des leviers de développement majeurs. La France, comme l’Union européenne, défend l’option d’une admission à 100 % des produits des pays moins avancés sans droits de douane ni quotas. Une meilleure cohérence entre la coopération et les autres politiques de l’Union européenne est absolument indispensable ; elle fait partie des orientations de notre stratégie française pour la politique européenne de développement.

En Afrique, nous mobiliserons tous nos instruments : les prêts de l’Agence française de développement, ses instruments de marché et bien sûr les subventions. Je souligne que 50 % des subventions de la mission « Aide publique au développement » seront concentrées sur quatorze pays prioritaires, tous africains. Ces pays pauvres ont bénéficié de 60 % des dons bilatéraux programmables en 2009, contre 28 % en 2004.

Le volontarisme, enfin, porte sur les secteurs que nous entendons privilégier. Ainsi, dans le domaine de la santé, des engagements forts ont été pris. La France va augmenter de 60 millions d’euros sa participation au Fonds mondial SIDA, dont elle est aujourd’hui le deuxième bailleur, avec un versement annuel de 300 millions d’euros. Cette contribution additionnelle sera abondée sur une base extrabudgétaire, comme cela a déjà été indiqué. La parole de la France sera tenue ! Messieurs Vantomme et Hue, nous sommes en train de finaliser les modalités permettant d’abonder ce versement additionnel.

Par ailleurs, nous allons contribuer, à hauteur de 100 millions d’euros additionnels, à améliorer la santé maternelle et infantile. Cette aide se déclinera par des financements prévus au titre de la lutte contre le SIDA qui concernent la santé maternelle et infantile, à hauteur de 27 millions d’euros, et pour le solde, soit 73 millions d’euros, par des projets de l’AFD dans ce domaine spécifique et par de nouveaux programmes auquel le ministère des affaires étrangères et européennes participera en sollicitant son enveloppe de dons.

Il en va de même pour l’éducation. Nous contribuons largement à l’initiative « Éducation pour tous » : avec 50 millions d’euros pour les trois ans à venir, l’AFD consacre plus du tiers de ses dons à l’éducation de base et à la formation professionnelle. Cette année, la décision a été prise de mobiliser 50 millions d’euros sur cinq ans au profit du développement des tableaux numériques dans l’enseignement scolaire en Afrique.

Enfin, pour ce qui concerne la francophonie, son plein rattachement au ministère des affaires étrangères et européennes va dans le sens souhaité par M. Duvernois.

À cet instant, je souhaiterais revenir sur la remarque faite par Mme Tasca au sujet des élites culturelles. Il s’agit, vous l’avez très justement dit, madame le sénateur, d’un défi majeur pour les pays en développement. Nous tâchons d’y répondre par une coopération universitaire et scientifique importante. Nous essayons aussi de mettre en place des règles qui permettent de lutter contre le « pillage des cerveaux ». Je pense au code de conduite adopté pour les professionnels africains de la santé. Mais désormais, ce phénomène s’apparente davantage à une « circulation des cerveaux », des étudiants sénégalais ou marocains venant étudier en France avant d’exercer un métier qualifié chez nous ou ailleurs en Europe, voire aux États-Unis, pour enfin – parfois – revenir contribuer au développement de leur pays d’origine. Je conviens que cette évolution est encore trop timide, et qu’elle doit prendre de l’ampleur.

Bien sûr, l’accueil d’étudiants étrangers en France constitue une contribution très importante au développement. Elle est un gage durable de coopération entre notre pays et nos partenaires du monde en développement.

Pour répondre à la perplexité que je note parfois concernant le lien entre migration et politique de développement, j’indiquerai que le ministère de l’intérieur a repris les attributions et les crédits de l’ancien ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Il participe donc, dans une proportion certes plus restreinte, à notre aide publique au développement. Sur le fond, le soutien à la croissance des pays en développement est le moyen le plus sûr de les aider à maîtriser les flux migratoires, comme ils le souhaitent eux-mêmes. C’est une politique que nous partageons avec nos partenaires de l’Union européenne.

Troisième et dernier constat, nous entendons mettre l’accent sur le volet bilatéral de notre aide. La France a fait le choix de la complémentarité entre l’action bilatérale, l’action multilatérale et l’action européenne. Il n’existe à nos yeux aucune antinomie entre ces trois dimensions.

L’aide multilatérale et européenne est importante, et constitue un facteur d’efficacité. Notre aide multilatérale représente 4 milliards d’euros, et elle s’est accrue ces dernières années. En dépit de cette évolution, l’aide bilatérale reste prépondérante, puisqu’elle atteignait 55 % du total en 2009. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous voulons retrouver des marges de manœuvre et augmenter les crédits consacrés aux dons.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Notre objectif est de porter la part de l’aide bilatérale aux alentours de 65 % en 2012. Il nous faut pour cela nous appuyer sur notre appareil de coopération autonome, doté de l’ensemble des grands instruments d’intervention.

Évoquant ces instruments, je voudrais dire à MM. Hervé et Revet mon attachement à la coopération décentralisée.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Il s’agit d’une politique de proximité qui a fait la preuve de son efficacité.

Debut de section - Permalien
Henri de Raincourt, ministre

Elle permet des interventions utiles dans des secteurs très variés. Nous maintenons les moyens mis en place. Comme vous le savez, ce soutien de l’État permet un puissant effet de levier, puisqu’au total ce sont plus de 70 millions d’euros qui sont mobilisés tous les ans, grâce à l’implication de très nombreuses collectivités territoriales. M. Hervé a raison de dire que cet effort consenti par les collectivités territoriales devrait sans doute être mieux pris en compte.

L’aide bilatérale reste essentielle pour défendre nos objectifs spécifiques et appuyer notre présence sur le terrain. Pour la renforcer, nous allons procéder de plusieurs façons : en renforçant le pilotage et l’évaluation des contributions multilatérales ; en améliorant la prévisibilité de l’effort budgétaire de l’État en matière de coopération au développement, et c’est tout le sens de la présentation d’un budget triennal ; en programmant en amont la répartition entre canaux bilatéral, européen et multilatéral.

C’est cette ambition qui nous a amenés à négocier avec nos partenaires le niveau de notre contribution au Fonds européen de développement. Celle-ci est ramenée de 24, 3 % à 19, 55 %, ce qui devrait entraîner une économie de 67 millions d’euros.

Dans ce contexte, il importe que nos opérateurs travaillent en étroite liaison avec l’État ; je pense en premier lieu, évidemment, à l’Agence française de développement. L’État s’apprête à signer avec elle un contrat d’objectif et de moyens, à la fin de cette année ou au début de 2011. Le Parlement est représenté au conseil d’administration de cette agence. La concertation avec l’AFD est étroite, elle doit être permanente, elle est nécessaire.

C’est dans ce cadre que nous évoquons les interventions de l’AFD dans les pays émergents ou à forte croissance. Ces opérations suscitent parfois des interrogations. Pourtant, leur coût budgétaire est limité et elles nous permettent de dialoguer avec de grandes puissances de demain, de favoriser la mise en œuvre de stratégies de croissance plus coopératives ou plus soucieuses des conditions environnementales. Notre aide doit par conséquent nous permettre d’accompagner ces évolutions, de marquer notre présence dans des pays appelés à jouer un rôle majeur à l’avenir, mais aussi d’être actifs sur les grands enjeux globaux.

Je prendrai un exemple : l’AFD intervient en Indonésie, qui est le quatrième émetteur de gaz à effet de serre dans le monde. Cette action est fondamentale pour notre avenir. En effet, en participant à l’élaboration et au financement d’un plan de lutte contre le changement climatique, nous aidons ce grand pays à s’engager à réduire de 26 % ses émissions d’ici à 2020.

De manière plus générale, comme l’a très bien dit M. Sido, le financement par la France de la lutte contre le réchauffement climatique correspondra, monsieur Hue, à un effort de 1, 2 milliard d’euros sur la période 2010-2012. Il relève pour un tiers, soit 400 millions d’euros, du programme 110 de la mission. Pour mémoire, il porte sur la reconstitution de fonds multilatéraux, tels le Fonds pour l’environnement mondial ou le Fonds pour les technologies propres. Le solde, soit 800 millions d’euros, sert au financement d’actions bilatérales via l’AFD ou le Fonds français pour l’environnement mondial.

Pour terminer, je crois nécessaire de préciser que notre action vise au financement du développement dans un monde de plus en plus complexe, où l’efficacité de ce que nous faisons ne s’apprécie pas seulement à l’aune de nos moyens budgétaires.

En effet, notre contribution au développement repose sur deux pieds : l’aide entendue au sens strict du terme, mais surtout le financement du développement, qu’il réponde ou non aux critères de l’aide publique au développement.

C’est dans cet esprit que le Président de la République a annoncé en 2008, dans son discours du Cap, la mobilisation par la France de 10 milliards d’euros sur les cinq prochaines années en faveur de la croissance en Afrique, en combinant le soutien au secteur privé, l’accès des PME au crédit bancaire, le doublement de l’activité de l’AFD et le très net accroissement de l’activité de Promotion et participation pour la coopération économique, PROPARCO, principal outil de financement des infrastructures, grâce au triplement de son capital.

Il est erroné d’opposer, comme l’ont fait certains intervenants, les effets des projets financés sur subventions à ceux des projets financés grâce à des prêts. Ainsi, quand l’AFD et PROPARCO financent la production d’énergie hydraulique via des acteurs privés dans un pays comme l’Ouganda, où 90 % de la population n’a pas accès à l’énergie, ce qui permet de doubler la production énergétique du pays sans solliciter le contribuable français, jouent-ils un rôle utile ?

En revanche, comme l’a souligné M. Pozzo di Borgo, l’aide publique ne peut à elle seule financer tous les besoins et représente une faible part des flux financiers internationaux.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit de dégager l’aide du registre de la compassion, pour l’engager dans la voie de la modernisation, en particulier par le développement endogène, et d’inscrire résolument notre effort de coopération dans l’agenda économique mondial, d’où notre détermination à faire du développement une priorité de la présidence française du G 20.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur

Je ne voudrais pas lasser la patience de la Haute Assemblée : M. le ministre de la coopération s’étant exprimé au nom du Gouvernement, je ne vous infligerai pas un autre discours, mesdames, messieurs les sénateurs, d’autant que mon propos se serait borné à des considérations financières…

(Sourires.) J’aurais pu vous parler de l’AFD, de l’aide bilatérale, d’aide liée et non liée, mais tous ces sujets ont déjà été évoqués, sur le plan des principes, par mon collègue. Je me contenterai donc de donner tout à l’heure l’avis du Gouvernement sur l’amendement de M. Duvernois.

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce extérieur

L’essentiel ayant été dit par M. de Raincourt, et avec quel talent ! souligner que la France consacrera 10 milliards d’euros en 2011 à l’aide publique au développement, soit 1 euro par personne et par jour, ne présente aucun intérêt… §

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.

en euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Aide publique au développement

Aide économique et financière au développement

Solidarité à l’égard des pays en développement

Dont titre 2

221 377 202

221 377 202

Développement solidaire et migrations

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° II-55, présenté par M. Duvernois, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

en euros

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Aide économique et financière au développementDont Titre 2

Solidarité à l’égard des pays en développementDont Titre 2

Développement solidaire et migrationsDont Titre 2

TOTAL

SOLDE

La parole est à M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

On ne peut rester de marbre devant une diminution de plus de 5 % des crédits de la francophonie multilatérale, voire de 8 %, si l’on ne tient pas compte du loyer de la Maison de la francophonie, qui est incompressible. Je l’ai souligné dans mon rapport pour avis.

Cette diminution est encore plus sensible – elle dépasse 11 % – s’agissant de nos contributions volontaires à l’Organisation internationale de la francophonie et à l’Agence universitaire de la francophonie. Avec de telles réductions de crédits, on adresse un message négatif à ces deux opérateurs qui ont consenti des efforts considérables de rationalisation de leur gestion ! Je rappelle que les charges administratives de l’Agence universitaire de la francophonie ont été ramenées à moins de 18 % ; pourquoi alors la sanctionner ainsi et réduire autant ses marges de manœuvre, alors qu’elle va bientôt fêter son cinquantenaire, ce qui ne peut que la renforcer dans sa mission ?

Mes chers collègues, au final, c’est notre crédibilité qui est en jeu, la crédibilité de notre engagement francophone.

Nous proposons de prélever, par cet amendement, 3 millions d’euros sur les bonifications d’intérêts versées par l’État à l’AFD pour les prêts aux États étrangers. Il s’agit de 3 millions d’euros sur 225 millions d’euros en autorisations d’engagement et 167 millions d’euros en crédits de paiement. L’aide de l’État aux prêts de l’AFD va même encore plus loin, puisque des crédits à cette fin sont également inscrits au compte spécial « Prêts à des États étrangers ».

Soyons honnêtes, cet amendement, adopté à l’unanimité par la commission de la culture, se veut raisonnable tout en visant à rapprocher, autant que faire se peut, les crédits de la francophonie multilatérale de leur niveau de 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Cet amendement vise donc à majorer de 3 millions d'euros les crédits de la mission « Aide publique au développement » en faveur de la francophonie, inscrits sous le programme 209, que pilote le ministère des affaires étrangères et européennes.

On ne peut que souscrire, sur le principe, à cette proposition de renforcer l’effort consenti en faveur de la francophonie.

Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que la situation budgétaire de l’État est contrainte pour l’ensemble des postes. En outre, le « gage » ici proposé ne paraît pas acceptable. Les crédits prévus pour la bonification d’intérêts des prêts de l’AFD, en effet, tendent à abaisser le taux d’intérêt de la ressource financière proposée par l’Agence dans les pays en développement bénéficiaires de ses concours.

Cela étant, la commission des finances souhaite entendre le Gouvernement sur le niveau des crédits alloués pour 2011 à la francophonie.

Debut de section - Permalien
Pierre Lellouche, secrétaire d'État

Monsieur Duvernois, vous proposez de transférer du programme 110 au programme 209 un montant de 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour financer les contributions de la France aux institutions et aux opérateurs de la francophonie. Cette dotation permettrait de maintenir les crédits alloués à la francophonie multilatérale à leur niveau de 2010.

Je relève que vous proposez d’imputer cette dépense sur les crédits ouverts pour les bonifications d’intérêts versées par l’État à l’AFD pour des prêts consentis par celle-ci aux États étrangers.

Or les crédits de paiement affectés à la bonification des prêts de l’AFD aux États étrangers pour 2011 correspondent presque intégralement, à plus de 99, 9 %, à des prêts octroyés les années antérieures et pour lesquels l’AFD, qui a signé des conventions de prêt avec les pays bénéficiaires, est juridiquement engagée.

En outre, étant donné le très fort effet de levier de ces crédits, l’incidence sur l’aide au développement de l’adoption de cet amendement dépasserait très largement les 3 millions d’euros en question.

Enfin, s’il est vrai que nos contributions à la francophonie subissent une érosion entre 2010 et 2011, en passant de 60 millions d’euros de crédits de paiement à 56 millions d’euros, il est toutefois à noter que nous relevons pour 2011 à 5, 2 millions d’euros le montant de notre contribution à la Maison de la francophonie.

Au total, ce sont donc plus de 61 millions d’euros de crédits de paiement qui sont prévus pour la francophonie dans le projet de loi de finances pour 2011, sous le programme 209.

De façon plus générale, il importe que les opérateurs de la francophonie rationalisent leur modèle économique pour davantage tenir compte du contexte budgétaire extrêmement contraint dans lequel nous nous trouvons.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je ne voterai pas cet amendement.

Les opérateurs de la francophonie doivent commencer à s’organiser, et le fait d’avoir un peu moins d’argent devrait les y amener… Ce matin, le président Arthuis nous a expliqué, avec des trémolos dans la voix, qu’il convenait de mieux contrôler les dépenses de certaines agences, notamment les salaires qu’elles versent. Francophonie rime parfois avec cacophonie.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Renée Nicoux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Les crédits de la francophonie sont maltraités par le Gouvernement. Ce n’est pas nouveau : chaque année, les commissions compétentes signalent cette anomalie. C’est une regrettable erreur de politique extérieure.

La solution proposée par M. le rapporteur pour avis n’est qu’une rustine, nécessaire peut-être, mais insuffisante. En effet, sans correction de la stratégie politique, les contributions de la France aux institutions et opérateurs de la francophonie resteront toujours une variable d’ajustement budgétaire.

Voter cet amendement ne sera pas suffisant, c’est pourquoi notre groupe s’abstiendra.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la commission de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

On l’aura compris, cet amendement n’est pas essentiellement de caractère financier ; il est motivé par la très forte préoccupation de la commission de la culture devant la disparition du concept de francophonie dans les manifestations de l’État.

Ainsi, quelle n’a pas été notre inquiétude en constatant que le vocable même de francophonie n’apparaissait plus dans la titulature d’aucun membre du nouveau gouvernement. Ce n’est pas la première fois, au demeurant, puisque M. Jospin avait lui aussi, en son temps, fait disparaître ce mot en constituant son gouvernement, avant de rattacher quinze jours plus tard la francophonie au secrétariat d’État à la coopération.

Il nous paraît tout de même préoccupant que, trois semaines après le sommet des chefs d’État et de gouvernement francophones qui s’est tenu à Montreux, la francophonie n’apparaisse pas dans le titre dévolu à un ministre ou à un secrétaire d’État.

Il est vrai que nous avons eu la satisfaction d’apprendre que Mme le ministre des affaires étrangères prendrait directement en charge les questions de francophonie. Cependant, nous serions encore plus rassurés si cette attribution figurait expressément dans son titre. Nos très nombreux partenaires de la francophonie, qui ont tous un ministre chargé de la francophonie, pourraient ainsi aisément identifier un interlocuteur au sein du Gouvernement français.

À côté de cette préoccupation, la constitution de la nouvelle équipe gouvernementale nous a pourtant aussi apporté des motifs de satisfaction. Nous apprécions la nomination de Mme Alliot-Marie au Quai d’Orsay, ainsi que la présence au sein du Gouvernement de MM. de Raincourt et Lellouche. J’ai pu apprécier le soin que vous mettiez à défendre la francophonie, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous étiez chargé des affaires européennes. Ainsi rassurés sur les personnes, nous souhaiterions l’être également sur les symboles et sur l’affirmation du message de l’État.

Je voudrais dire aussi, à la suite de mon collègue Louis Duvernois, combien nous sommes malheureux que la LOLF ait fait disparaître la francophonie en l’intégrant à la mission « Aide publique au développement ». L’aide publique au développement est certes une préoccupation éminemment noble et importante, mais la francophonie, c’est autre chose ; il ne faut pas mélanger ces deux concepts.

Voilà pourquoi nous voudrions obtenir l’assurance que, à l’avenir, nous pourrons débattre de la francophonie lors de l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de la France ». Cela nous semble relever de la cohérence la plus élémentaire.

Cet amendement est donc avant tout l’occasion d’adresser un message. À travers lui, nous avons voulu très clairement affirmer que la francophonie restait un élément important de l’action extérieure de la France.

Cela étant, je suis également inquiet de la diminution des crédits de l’Agence universitaire de la francophonie. Cette agence fonctionne bien, elle rencontre le succès, et de plus en plus d’universités de par le monde veulent en être membres. Dans ces conditions, est-ce bien le moment de réduire ses moyens, alors que la mondialisation est en train de jouer contre la présence de la langue française dans de très nombreuses universités ?

Voilà trois semaines, je participais à Kyoto à un colloque sur la place à donner aux différentes langues et littératures étrangères dans les universités japonaises à l’ère de la mondialisation. Au Japon aussi se manifeste une tendance à se concentrer sur l’étude de l’anglo-américain, pour des raisons d’économies, et à réduire la place des autres langues. Nous devons lutter contre cette tendance et, à cet égard, l’AUF constitue un moyen d’action essentiel.

Même si cet amendement devait finalement être retiré, je souhaiterais au moins que son message de fond soit bien retenu. Promouvoir la francophonie, c’est affirmer nos valeurs et notre engagement en faveur de la diversité culturelle. Il y faut aussi des moyens !

Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP, de l ’ Union centriste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-55 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

L’éloquent plaidoyer de M. le président de la commission de la culture, auquel bien entendu je souscris pleinement, prouve que francophonie ne rime pas avec cacophonie ! C’est non sans regret que la commission de la culture retire cet amendement, en espérant toutefois que le Gouvernement sera sensible à la nécessité d’apporter en 2011 une aide à l’Agence universitaire de la francophonie pour consolider, en l’année de son cinquantenaire, la croissance régulière d’une institution universitaire à nulle autre pareille, qui promeut efficacement l’enseignement supérieur francophone sur tous les continents et qui, contrairement à ce que l’on a voulu laisser croire, est très bien gérée.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° II-55 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », figurant à l’état D.

en euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique

Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce

Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits du compte spécial.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Accords monétaires internationaux », figurant à l’état D.

en euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Accords monétaires internationaux

Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine

Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale

Relations avec l’Union des Comores

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits du compte spécial.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Prêts à des États étrangers », figurant à l’état D.

en euros

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Prêts à des États étrangers

Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure

Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France

Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers

Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits du compte spécial.

Ces crédits sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que des comptes spéciaux « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des États étrangers ».

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte spécial « Développement agricole et rural ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant donné les contraintes horaires qui s’imposent à nous, je serai aussi synthétique que possible.

Je commencerai par le calibrage global de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Il nous est proposé de doter cette mission de 3, 59 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3, 67 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2011. Il s’agit d’un budget d’après-crise, taillé pour un monde agricole encore convalescent. Cette dotation se caractérise par une certaine stabilité par rapport aux crédits votés pour 2010 : les autorisations d’engagement baissent de 1, 8 %, tandis que les crédits de paiement progressent de 1, 8 %. Hors crédits de personnel, les variations sont plus significatives, puisque les dotations sont marquées, par rapport à 2010, par une baisse des crédits de 0, 5 % en autorisations d'engagement et une hausse de 4, 3 % en crédits de paiement.

J’indique toutefois une limite à cet exercice de rapprochement des crédits entre lois de finances initiales d’une année sur l’autre. Il est en effet probable que, comme à l’accoutumée, la mission sera abondée en gestion par des ouvertures de crédits supplémentaires importantes. Au gré des crises subies par le monde agricole, climatiques, économiques ou sanitaires, nous assistons au retour de cette pratique année après année. Or le suivi de ces redéploiements par les parlementaires est toujours difficile. Cette situation témoigne, monsieur le ministre, d’une budgétisation au plus juste des crédits et nous montre que la question des aléas doit faire l’objet d’une prise en charge plus satisfaisante par les politiques agricoles.

Je souligne que l’exécution budgétaire en 2009 et en 2010 présente un profil très perturbé. L’année dernière, 935 millions d’euros en autorisations d’engagement et 838 millions d’euros en crédits de paiement ont ainsi été ouverts en cours d’année pour la mission, ce qui représente une augmentation de 29 % et de 24, 1 % respectivement par rapport aux dotations prévues par la loi de finances initiale pour 2009. Aucun autre département ministériel ne connaît, me semble-t-il, de telles variations.

La crise grave traversée par l’ensemble des filières agricoles ne suffit pas à expliquer un tel écart. Ce phénomène résulte aussi de la budgétisation clairement insuffisante de certains postes en loi de finances initiale. Monsieur le ministre, il conviendrait que votre collègue du budget en tienne compte dorénavant.

Avant de formuler quelques remarques sur chacun des programmes de la mission, je voudrais, monsieur le ministre, vous parler des dépenses fiscales en matière agricole, ainsi que des réformes portées par votre ministère, qui emportent, sur le plan budgétaire, des conséquences que je souhaite voir préciser.

J’observe ainsi que les dépenses fiscales de la mission, concentrées sur le programme 154, ne font pas l’objet d’une évaluation suffisante. Je demande, monsieur le ministre, qu’un effort important soit accompli à cet égard pour les prochains exercices.

En ce qui concerne les réformes, le ministère de l’agriculture est entré ces dernières années dans un processus profond de modernisation du point de vue tant de l’organisation de ses services et de ses opérateurs que de ses dispositifs d’intervention.

L’Agence unique de paiement et le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles ont été fusionnés en 2009 au sein de l’Agence de services et de paiement, l’ASP.

Les principaux offices agricoles ont été regroupés au sein d’un établissement unique, FranceAgriMer. Je précise à cet égard que la commission des finances a demandé pour 2011 à la Cour des comptes, en application du 2° de l’article 58 de la LOLF, une enquête sur cette fusion des offices agricoles et la création de l’ASP. Ce travail sera l’occasion de faire le point sur les enjeux et la cohérence de cette réforme.

L’effort de modernisation des opérateurs concerne aussi la politique forestière, avec la fusion du Centre national de la propriété forestière et des dix-huit centres régionaux de la propriété forestière. La situation difficile de l’Office national des forêts, l’ONF, sur laquelle j’ai eu l’occasion d’attirer l’attention du Sénat il y a un an, s’améliore. Cela devra permettre de renouer avec la trajectoire définie par la révision générale des politiques publiques, la RGPP. L’arrivée d’une nouvelle équipe de direction devrait y aider, avec la désignation de notre collègue député Hervé Gaymard à la présidence du conseil d’administration et de M. Pascal Viné, votre ancien directeur de cabinet, monsieur le ministre, au poste de directeur général.

Autre sujet qui nous est cher, le regroupement des Haras nationaux et de l’École nationale d’équitation au sein de l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE, le 1er février dernier, mérite également d’être mentionné : conformément à ce que j’ai pu préconiser voilà quelques années en tant que rapporteur spécial, il a été choisi de recentrer l’IFCE sur des missions de service public, les activités des Haras nationaux dans le secteur concurrentiel étant désormais confiées au GIP France Haras.

Au total, je regrette que l’incidence budgétaire à moyen terme de ces réformes, qu’elles soient liées à la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ou au bilan de santé de la politique agricole commune, ne soit pas encore évaluée avec précision ; je ne doute pas que cela viendra.

Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir confier à vos services le plus rapidement possible une mission d’évaluation des coûts et, surtout, des gains de toutes ces réformes, en explicitant les hypothèses de travail et la cohérence des résultats au regard de la programmation pluriannuelle des crédits de la mission.

Je formulerai maintenant quelques observations rapides sur chacun des programmes de la mission.

Le programme 154, doté de plus de la moitié des crédits de la mission, est le support privilégié de la politique d’intervention du ministère. J’ai observé en son sein une réduction drastique en un an, de 9 millions d’euros à 4, 7 millions d’euros, des subventions allouées aux filières cheval de sport et cheval de trait. Une telle baisse n’est pas acceptable, monsieur le ministre, et je présenterai, au nom de la commission des finances, un amendement visant à amortir ce choc. Je sais que notre collègue Ambroise Dupont, président de la section cheval du groupe d’études de l’élevage, a également déposé un amendement analogue.

Pour le programme 149 « Forêt », je retiens que le principal opérateur concerné, l’ONF, doit poursuivre ses efforts de rationalisation et mettre en place une véritable politique commerciale. Il doit y être aidé par une clarification de ses relations financières avec l’État, les collectivités territoriales et les forestiers privés.

Au sujet du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », je précise que la réduction des crédits n’est qu’apparente, la plupart des actions bénéficiant en fait de moyens renforcés en 2011. Cette baisse optique résulte principalement de mesures de transfert, de la résorption du stock des farines animales à détruire et du transfert du financement de l’équarrissage aux filières professionnelles, l’État ne restant payeur que du seul service public résiduel. Je salue en outre le fait que vous ayez souhaité donner la priorité à l’alimentation, monsieur le ministre ; cela se traduit par une hausse de 80 % des autorisations d’engagement de cette action par rapport à 2010.

En ce qui concerne le programme 215, programme support de la mission, je souligne l’effort consenti par le ministère pour respecter en 2011 la règle d’économie de 5 % sur les dépenses de fonctionnement. La démarche de suppression d’emplois est poursuivie. J’observe de nouveau que la concentration des dépenses de personnel de la mission au sein d’un unique programme ne se justifie pas et qu’elles devraient, dans le prochain projet de loi de finances, être ventilées entre les programmes.

Avant de conclure par les articles rattachés et le statut des coopératives agricoles, je dirai quelques mots sur la mission « Développement agricole et rural », qui correspond au compte d’affectation spéciale dit « CAS-DAR ».

Je formulerai deux remarques : premièrement, la justification des crédits doit être améliorée pour s’assurer que ceux-ci ne sont pas distribués en vertu d’une logique d’abonnement des organisations par lesquelles ils transitent ; deuxièmement, de nouvelles missions au coût durable, autour de la génétique animale, ont été confiées au CAS-DAR, alors que ses recettes fluctuent chaque année. Je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur ce point : confier ce type de missions au CAS-DAR est-il bien raisonnable ?

Je dirai maintenant quelques mots des deux articles rattachés à la mission, qui seront examinés samedi soir ou dimanche matin.

Il s’agit, d’une part, de supprimer une exonération de cotisations sociales salariales pour les saisonniers agricoles de moins de 26 ans, car c’est un dispositif qui n’a pas fait ses preuves.

Il s’agit, d’autre part, de fixer à 1, 5 % pour 2011 le taux d’augmentation de la taxe pour frais de chambres d’agriculture. Cette hausse mesurée fait suite à un gel des recettes fiscales de ces organismes en 2010 et doit permettre d’accompagner le processus de mutualisation de leurs moyens, ainsi que le surcoût résultant du transfert des associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

En conclusion, je souhaite évoquer rapidement le bilan du statut des coopératives agricoles que j’ai établi. Ce travail m’a conduit à découvrir, monsieur le ministre, un secteur en bonne santé, comprenant, d’une part, 3 000 entreprises – coopératives, unions de coopératives et sociétés d’intérêt collectif agricole –, qui pilotent plus de 1 700 filiales soumises au droit commun, et, d’autre part, 12 500 coopératives d’utilisation de matériel agricole, ou CUMA. L’ensemble du secteur aurait réalisé un chiffre d’affaires de plus de 82 milliards d’euros en 2009 et emploierait en direct plus de 150 000 salariés. Le poids des grands groupes coopératifs est croissant, avec un recours presque généralisé à la filialisation, notamment sous la forme de « holding ».

En contrepartie de nombreuses contraintes juridiques sur lesquelles je ne reviens pas, mais qui sont bien réelles, les coopératives agricoles bénéficient de nombreux avantages fiscaux, notamment en matière d’impôt sur les sociétés, de taxe foncière sur les propriétés bâties ou de contribution économique territoriale.

Le coût total de ces mesures est estimé à 110 millions d’euros, et ces régimes dérogatoires font l’objet de remises en question, y compris sur un plan contentieux. Plusieurs dossiers ayant trait à des dispositifs en faveur de coopératives sont aujourd’hui en cours d’examen à l’échelon communautaire et mettent en cause, notamment, la France. Toutefois, la Commission européenne n’a, à ce jour, pas ouvert de procédure formelle d’examen à l’encontre des autorités françaises ; elle s’est « contentée » de nous adresser trois demandes d’informations suite à la plainte déposée en 2004 par la Confédération française du commerce de gros et du commerce international, sous l’impulsion de la Fédération du négoce agricole.

Pour ma part, monsieur le ministre, je juge nécessaire d’attendre le résultat des procédures pendantes au niveau de l’Union européenne avant de prendre une initiative, quelle qu’elle soit, en matière de réforme des avantages fiscaux accordés aux coopératives agricoles.

C’est sous le bénéfice de ces observations que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

M. Gérard César, rapporteur pour avisde la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le ministre, je veux vous féliciter de votre reconduction. Vous avez amplement donné la preuve de votre capacité à gérer cet important ministère.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Mes chers collègues, après la présentation de notre excellent collègue Joël Bourdin, de la commission des finances, je voudrais, au nom de la commission de l’économie, apporter quelques compléments sur la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Tout d’abord, si la situation des agriculteurs semble s’améliorer depuis la mi-2010, la crise très forte de 2008-2009 n’est pas encore totalement digérée. Il faut, en effet, du temps pour absorber des baisses de revenu de 20 %, puis de 34 % ! Dans ce contexte, je salue le choix de maintenir les crédits de la mission à hauteur de 3, 6 milliards d’euros, comme en 2010. Ce soutien à l’agriculture ne s’est pas démenti durant toute la crise, comme en témoigne le plan de soutien exceptionnel à l’agriculture mis en œuvre l’année dernière.

Après le plan de soutien, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dont l’élaboration nous a occupés au cours du premier semestre de 2010, a introduit de nombreuses mesures structurelles pour répondre à la crise et surtout préparer l’avenir : la contractualisation, la suppression des « 3 R » – remises, rabais et ristournes – pour les fruits et légumes, l’amélioration des assurances agricoles, le renforcement du rôle des interprofessions, la mise en place de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, la taxation du déclassement des terres agricoles, au profit de l’installation des jeunes agriculteurs. La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a aussi promu une meilleure exploitation des ressources forestières ou encore le développement de l’aquaculture, cher à notre collègue Charles Revet.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Notons également que la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a jeté les bases d’une politique de l’alimentation, qui trouve sa traduction dans le projet de budget pour 2011 par une augmentation des crédits consacrés au programme national pour l’alimentation.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a peu d’implications budgétaires directes, mais elle donne des outils pour l’avenir. Toutefois, cet avenir se dessine surtout à l’échelon européen. En effet, 2011 sera une grande année de négociations sur l’avenir de la PAC.

Nous sommes partie prenante à cette démarche : la commission de l’économie a constitué avec la commission des affaires européennes un groupe de travail qui vient de rendre un premier rapport. Espérons que nous parviendrons à faire partager notre vision d’une PAC certes rénovée, mais demeurant forte et ne renonçant pas à son ambition régulatrice. Nous avons au demeurant plaidé pour que la politique agricole reste orientée vers la production de biens alimentaires et ne soit pas transformée au point d’être essentiellement une politique environnementale. Enfin, nous souhaitons le maintien du budget de la PAC à la même hauteur qu’avant 2014.

Pour en revenir au projet de budget pour 2011 proprement dit, il se caractérise par d’importantes réductions de crédits de fonctionnement. C’est là une politique transversale qui ne touche pas spécifiquement l’agriculture, mais se traduit par des efforts de gestion demandés au ministère, en particulier aux services déconcentrés, mais aussi aux opérateurs, par exemple FranceAgriMer, dont les crédits stagnent, voire baissent.

Seuls les crédits de l’Agence de services et de paiement connaissent cette année un « rebasage », pour éponger un déficit structurel. Les crédits de personnel des programmes 206 et 215 sont donc réduits, et les plafonds d’emploi sont, pour la première fois, inférieurs à 10 000 emplois pour le second de ces programmes. À périmètre constant, ce sont presque 500 emplois qui seront supprimés en 2011, notamment du fait des restructurations des administrations déconcentrées.

L’extinction de plusieurs dispositifs, tels que le stockage des farines animales, la prise en charge du service public de l’équarrissage au titre du programme 206 ou encore l’aide rotationnelle nationale en faveur de l’assolement inscrite au programme 154, donne également des marges de manœuvre en matière de crédits d’intervention.

Ces efforts permettent d’augmenter significativement –de plus de 20 % – l’enveloppe du programme 154, qui porte la plupart des dispositifs d’intervention en faveur des agriculteurs : elle dépasse, pour la première fois, les 2 milliards d’euros. Un quart de ces crédits sont consacrés à l’exonération de charges patronales pour les travailleurs saisonniers, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, mercredi dernier à Bordeaux, lors du Congrès national des producteurs de légumes de France.

En ce qui concerne l’aide à l’installation, je salue la décision du Président de la République de sanctuariser cette politique en lui consacrant un budget de 350 millions d’euros. La dotation jeunes agriculteurs et les prêts à l’installation sont maintenus, de même que l’avantage fiscal accordé aux jeunes agriculteurs. Le maintien d’une enveloppe communautaire de plus de 90 millions d’euros complète le financement de l’aide à l’installation, indispensable à l’avenir de notre agriculture.

En outre, comme nous l’avions souhaité lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, les recettes issues de la nouvelle taxe sur les plus-values réalisées à l’occasion de la vente d’un terrain agricole devenu constructible doivent être affectées prioritairement aux nouvelles installations agricoles.

Quant au programme 149 « Forêt », il est marqué, cette année encore, par les conséquences de la tempête Klaus, qui a surtout ravagé le sud-ouest de la France les 24 et 25 janvier 2009.

La mise en œuvre du plan d’aide a, fort logiquement, pour conséquence une hausse des crédits de paiement, qui passent de 343 millions d’euros à 371 millions d’euros, tandis que les autorisations d’engagement diminuent de 371 millions d’euros à 360 millions d’euros.

Or les propriétaires forestiers sont soumis à une double peine. En effet, après avoir vu leurs arbres abattus par la tempête, c’est un insecte, le scolyte, qui ravage depuis quelques mois les forêts les plus fragilisées : 5 millions de mètres cubes de bois sont d’ores et déjà perdus ! Monsieur le ministre, dans quelles conditions les fonds du plan Klaus pourront-ils être utilisés pour les forêts touchées par cet insecte ?

Je souhaiterais également évoquer la mise en œuvre de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui comporte, ce dont je me réjouis, un volet important consacré à la mobilisation du bois, comme l’a fort opportunément souligné notre collègue Philippe Leroy lors de la présentation du projet de budget en commission, mardi dernier.

Néanmoins, dans le cadre de cette loi, nous n’avons pas pu aller aussi loin que nous le souhaitions pour ce qui concerne le compte épargne d’assurance pour la forêt. Je le redis avec l’entier soutien du président de la commission de l’économie : il faudra avancer sur la question de l’assurance forestière, qui reste fondamentale pour la sauvegarde des forêts.

Je m’interroge également sur la baisse des crédits attribués au Centre national professionnel de la propriété forestière, alors que la mise en œuvre de la LMAP aura pour effet la réalisation et la validation de 16 000 nouveaux plans simples de gestion.

Enfin, l’Office national des forêts a maintenant un nouveau directeur général en la personne de M. Pascal Viné, qui aura désormais à définir, avec l’État, un nouveau modèle économique. Je voudrais insister sur le rôle crucial que l’ONF joue auprès des collectivités : si cet office doit se moderniser pour améliorer son efficacité économique, il est indispensable qu’il conserve le réseau de terrain, au contact des collectivités, qui seul permettra de préserver un élément essentiel du patrimoine national.

Comme l’année dernière, je conclurai en formulant deux interrogations sur la filière vitivinicole. Si je n’en parle pas, qui le fera ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Concernant la gouvernance, le rapport Despey, rendu au mois d’avril dernier, propose un scénario de rapprochement des organisations interprofessionnelles viticoles qui permettrait d’améliorer la structuration de la filière. Monsieur le ministre, où en est-on en la matière ?

Ensuite, s’agissant des droits de plantation, notre collègue députée Catherine Vautrin vient de rendre au Gouvernement un excellent rapport, qui préconise le maintien des droits de plantation, indispensable à la préservation de la qualité de nos productions et à la maîtrise des quantités mises sur le marché.

Quelle logique y a-t-il à subventionner l’arrachage des plantations dans certaines régions françaises, si, dans d’autres, notamment européennes, on favorise au contraire un accroissement des surfaces plantées, sur des terres moins appropriées qualitativement que celles déjà couvertes de vignobles ? Quel espoir pouvons-nous avoir, monsieur le ministre, de nouer une alliance solide avec nos partenaires, notamment allemands, pour le maintien par Bruxelles de ces droits de plantation dans la future PAC ?

Nous examinerons ultérieurement la proposition de la commission des finances d’augmenter la taxe pour frais de chambres d’agriculture, évoquée tout à l'heure par notre collègue Joël Bourdin. Pour l’heure, je préconise l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Raymond Vall, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il s’agit certes d’un budget d’après-crise, il est, sous certains aspects, un peu faible, d’autant que la crise est loin d’être terminée, en particulier pour les filières d’élevage.

Globalement, la situation de l’élevage laitier s’est peut-être améliorée, grâce à une remontée significative des prix, mais tous les producteurs de lait ne sont pas pour autant sauvés, d’où la reconduction de crédits importants : 45 millions d’euros en autorisations d’engagement et 18, 5 millions d’euros en crédits de paiement au sein des crédits d’orientation de FranceAgriMer pour l’aide à la cessation d’activité laitière.

Les élevages bovins et porcins sont également en situation particulièrement difficile. La remontée des prix des céréales dans le courant de l’année 2010 a renchéri le coût des aliments pour animaux. Or, dans le même temps, les prix du kilogramme de viande bovine ou porcine ont stagné, du fait de la faiblesse du pouvoir de marché des éleveurs.

Un accord a été passé, le 10 novembre dernier, au sein de la filière bovine entre producteurs et industriels pour assurer une remontée raisonnable des prix et un meilleur partage de la valeur ajoutée sur l’ensemble de la chaîne, mais la partie est loin d’être gagnée. L’observation attentive des prix et des marges est fondamentale et doit être encouragée.

Pour répondre aux difficultés structurelles de ces secteurs, le projet de budget pour 2011 comprend des crédits devant participer au financement des plans de développement des filières. Au total, ce sont 300 millions d’euros qui doivent être mobilisés pour moderniser les filières bovine, porcine et laitière, dont 180 millions d’euros de crédits budgétaires et 120 millions d’euros apportés par la taxe sur les plus-values de cessions de terres agricoles devenues constructibles.

Notons, à cet égard, que ces derniers moyens doivent tout à la fois être consacrés aux plans de développement des filières et servir, dans ce cadre, à l’installation de nouveaux agriculteurs, conformément au souhait exprimé par les sénateurs lors de la discussion de la LMAP, qui a institué cette nouvelle taxe.

Les plans de développement constituent une approche plus intéressante que les traditionnels plans de soutien aux filières fragiles, car ils visent à améliorer structurellement la compétitivité des exploitations. L’enjeu consiste à conserver sur le territoire une activité agricole diversifiée et à ne pas laisser se désertifier des pans entiers de nos campagnes.

À cet égard, je tiens à insister sur le rôle fondamental que la politique agricole doit jouer au regard de l’enjeu de l’aménagement du territoire rural. Permettez-moi de vous féliciter à mon tour de votre reconduction, monsieur le ministre, et de saluer une innovation qui va dans le bon sens : à l’occasion du remaniement ministériel du mois dernier, l’aménagement du territoire a été rattaché, pour la première fois, au ministère de l’agriculture. Nous nous réjouissons de cette décision.

En effet, ces enjeux sont fortement liés. Le développement rural fait l’objet du deuxième pilier de la PAC au travers du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, qui apporte à la France environ 900 millions d’euros de subventions par an. Mais de nombreux autres outils doivent être mobilisés pour favoriser le développement de notre agriculture, véritable poumon de notre tissu rural.

Je pense notamment à la politique des transports. Le mauvais état du réseau ferroviaire secondaire constitue un handicap majeur pour les petites et moyennes coopératives situées loin des grands ports et centres de transformation.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Ces installations ont vocation soit à être moins compétitives, ce qui paraît difficile dans un contexte où les prix sont fixés par le marché, soit à disparaître au profit d’une concentration accrue des grands équipements de stockage autour des ports. J’insiste sur ce problème, car, dans les deux ans à venir, on risque d’assister à des phénomènes de délocalisation des équipements de stockage des coopératives.

Le monde rural souffre donc grandement de son enclavement ferroviaire et compte sur le ministre de l’agriculture, désormais également chargé de l’aménagement du territoire, pour remédier à ce handicap. Les circuits courts constituent une réponse pour notre agriculture, mais ce n’est évidemment pas la seule : nos producteurs doivent pouvoir être connectés aux marchés mondiaux. Durant l’élaboration de la LMAP, nous avions insisté sur le développement des circuits courts : en particulier, les cantines scolaires doivent pouvoir se fournir localement. Le code des marchés publics devait être adapté sur ce point. Où en est-on, monsieur le ministre, et peut-on aller plus loin dans les cahiers des charges des appels d’offres des collectivités territoriales ?

Enfin, je souhaite saluer le maintien, dans ce projet de budget, des grands instruments budgétaires de soutien aux territoires ruraux, telle l’indemnité compensatoire de handicaps naturels. Il est cependant regrettable de constater, année après année, la baisse des crédits contribuant à la restructuration des exploitations dans les territoires ruraux, par exemple de ceux qui sont consacrés à l’hydraulique agricole : avec à peine 1, 5 million d’euros, leur montant est presque symbolique.

De même, les crédits permettant d’aider les SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, à couvrir des pertes sur des opérations délicates menées dans des territoires enclavés sont en forte baisse et s’établiront à moins de 5 millions d’euros en 2011.

Je terminerai mon intervention en évoquant les maladies de la vigne, notamment l’esca, qui fait des ravages considérables, touchant chaque année de 5 % à 10 % du vignoble. Depuis l’interdiction, en 2001, de l’arsénite de sodium, seul moyen de lutte chimique efficace, nous sommes dans une impasse. Votre prédécesseur avait pris un certain nombre d’engagements pour promouvoir une recherche efficace. Pourriez-vous nous dire où en est la recherche sur ce point ?

Pour conclure, je préconise, comme les autres rapporteurs pour avis, l’adoption du projet de budget pour 2011 de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la commission de l'économie, en remplacement de M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Daniel Soulage étant souffrant, il m’a demandé de vous faire part à sa place des réflexions que lui inspirent, en tant que rapporteur pour avis, les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2011 sur deux points : la gestion des risques et la situation de la filière fruits et légumes.

Concernant la gestion des risques en agriculture, le projet de budget pour 2011 confirme les objectifs ambitieux fixés dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Les exploitants agricoles connaissent de grandes variations de leurs revenus, du fait des aléas climatiques ou économiques, difficilement prévisibles et d’ampleur de plus en plus forte.

Il existe des dispositifs fiscaux d’encouragement à l’épargne de précaution, comme la déduction pour aléas, qui a été élargie, l’année dernière, à l’aléa économique. Ils permettent de faire face à des situations imprévues. Notons, au demeurant, que, à côté de cette épargne individuelle, la collectivité a mis en œuvre un plan de soutien exceptionnel à l’agriculture en 2009 et en 2010, pour soutenir massivement la trésorerie des exploitations en difficulté.

Mais la prudence n’est pas seulement individuelle, elle est aussi collective. L’objectif fixé au travers du projet de budget pour 2011 est de couvrir les aléas climatiques par un système d’assurance généralisé. Les normes de couverture sont établies pour 2011 à 49 % pour les grandes cultures, contre 26 % en 2009 ; à 29 % pour les vignes, contre 14 %, à 27 % pour le maraîchage, contre 11 %, et à 15 % pour les cultures fruitières, contre 2 %.

Les trois quarts des crédits de l’action n° 12 du programme 154 concernent les assurances, 33 millions d’euros devant venir compléter les 100 millions d’euros de crédits communautaires prévus dans le cadre du bilan de santé de la PAC pour subventionner la souscription d’un contrat d’assurance récolte.

Le développement de l’assurance est un bon principe, mais il se heurte à trois difficultés.

Tout d’abord, la diffusion de l’assurance doit être plus rapide. Or, dans une période où la situation de trésorerie des exploitations est tendue, le pari sur un passage « entre les gouttes » peut l’emporter sur la raison, qui impose de s’assurer pour être sauvé en cas de sinistre important. Nous ne sommes pas allés vers l’assurance obligatoire, mais il ne faudra pas échouer sur l’assurance volontaire.

Ensuite, le montant des soutiens au financement des primes d’assurance récolte est-il suffisant ? L’enveloppe nationale et européenne s’élèvera à 133 millions d’euros en 2011, soit un montant un peu plus faible qu’en 2010. Or l’objectif de couverture reste bien de doubler les surfaces assurées en deux ans. À moyens constants, la prime versée pour souscrire une assurance récolte a donc vocation à être fortement réduite. L’incitation à l’assurance sera-t-elle alors suffisante ?

Enfin, le développement de l’assurance à de nouveaux secteurs, comme l’élevage avec un dispositif d’assurance fourrage, est-il encore possible ? Lors de l’élaboration de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous avions estimé qu’il fallait développer un système de réassurance pour permettre une offre nouvelle de produits d’assurance.

Monsieur le ministre, où en sont les réflexions communes à votre ministère et au ministère du budget sur ce sujet, en particulier sur la perspective d’une réassurance publique ?

Pour faire face aux risques, j’insiste sur la nécessité de développer davantage les fonds de mutualisation dans les filières animales. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer où en est notre pays dans la mise en œuvre de tels fonds, pour lesquels le bilan de santé de la PAC a dégagé 40 millions d’euros par an ? Ces sommes viendront-elles compléter les financements nationaux pour indemniser les éleveurs ou les remplaceront-elles ? Quelle part restera à la charge des éleveurs au travers de leurs cotisations professionnelles ? Enfin, monsieur le ministre, à quel organisme support avez-vous choisi de confier la gestion de ce fonds ? Personnellement, je vous avais suggéré de désigner la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire du bétail, puisque celle-ci représente l’ensemble des éleveurs.

Je serai plus bref sur la situation de la filière fruits et légumes.

La campagne 2009-2010 s’est bien mieux déroulée que la précédente. Je salue à cet égard votre action énergique, monsieur le ministre, qui a apporté aux producteurs une grande bouffée d’air, grâce au dispositif d’exonération de charges patronales pour les travailleurs saisonniers, dont le coût est de près de 500 millions d’euros par an et qui absorbe près d’un quart des crédits du programme 154.

La compétitivité passe par la maîtrise des coûts, mais aussi par un meilleur rapport de force entre producteurs et acheteurs.

La LMAP permet de jouer sur deux leviers : la contractualisation et la transparence, par le biais de l’Observatoire de la formation des prix et des marges, aujourd’hui en place.

En revanche, la portée de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a été plus modeste en termes de massification de l’offre au travers des organisations de producteurs, ne mettant pas fin à ces dernières sans transfert de propriété. Quelles sont les perspectives vraiment ouvertes s’agissant des regroupements de producteurs ? L’instrument des associations d’organisations de producteurs, les AOP, a été mis en place, car permis par l’organisation commune des marchés « fruits et légumes », mais quelle est l’efficacité réelle des AOP ?

Enfin, quelles aides, tant nationales, au travers des crédits de FranceAgriMer, qu’européennes, pourrons-nous mobiliser pour favoriser l’organisation des producteurs et promouvoir une organisation plus efficace des filières ? L’effort prévu à ce titre dans le projet de budget pour 2011 me semble assez modeste.

Telles sont, monsieur le ministre, les réflexions que notre collègue Daniel Soulage m’a chargé de vous livrer sur les crédits de la mission pour 2011, dont il recommande l’adoption.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cinq minutes, il n’est pas possible de faire une analyse minutieuse, détaillée, des crédits de l’agriculture : c’est là la fonction du rapport écrit ! Je souhaite plutôt, au travers de mon propos, mettre ce projet de budget en perspective, en analysant la politique agricole qu’il est censé servir.

Cette approche repose sur trois points.

L’objectif majeur de notre politique agricole, pour maintenir la présence d’agriculteurs sur notre territoire, est bien la garantie des revenus agricoles, qui passe par des prix décents. Cette problématique relève largement, nous le savons, de la politique agricole commune, au titre de laquelle la France reçoit 10 milliards d’euros par an.

Malheureusement, à l’échelon européen, l’ambition régulatrice s’est évanouie au profit d’une orientation par le marché, seul déterminant du prix payé au producteur. On a vu, ces dernières années, les effets dévastateurs sur notre agriculture de la grande volatilité des prix agricoles.

Au moment de construire la PAC du futur, ne faudrait-il pas réhabiliter le concept de régulation, en instaurant des outils consistants, et non de simples filets de sécurité, comme l’a écrit la Commission européenne ?

Cependant, si la politique agricole est d’abord européenne, les États n’ont pas complètement abandonné la partie. La connaissance des prix et des marges, grâce à l’Observatoire de la formation des prix et des marges créé par la LMAP, constitue à cet égard un élément prometteur de transparence, en vue de mettre fin à l’aberration que représente l’écart considérable subsistant entre le prix payé au producteur et le prix payé par le consommateur.

Viande, lait, fruits et légumes : dans ces secteurs, les coûts de transformation des produits n’expliquent pas de tels écarts. On peut, au demeurant, se demander si les cinq emplois prévus au sein de FranceAgriMer pour assurer les missions de l’Observatoire de la formation des prix et des marges seront suffisants, compte tenu de l’énormité de la tâche confiée à celui-ci.

Ma deuxième préoccupation est l’amélioration des conditions de travail des agriculteurs.

Je salue à cet égard l’initiative de l’Assemblée nationale, qui a voté un amendement tendant à prolonger le crédit d’impôt pour recours à un service de remplacement pour congés.

Je regrette au passage que le projet de budget pour 2011 ne soit pas plus ambitieux s’agissant du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, dont la dotation baissera de 30 millions à 29 millions d’euros. Ce recul porte atteinte à la fois à la sécurité et aux conditions de travail.

Pourquoi ne pas promouvoir, dans le même esprit que celui qui a présidé, voilà maintenant plus de trente ans, à la création des groupements agricoles d'exploitation en commun – les GAEC –, la mise en commun de nouveaux moyens pour les exploitations ? Si le regroupement est nécessaire en matière de commercialisation des produits, pour peser face à l’amont de la filière, il devient également indispensable en matière de production, pour améliorer son organisation. Des ateliers d’élevage communs à deux ou trois exploitations, avec une identité juridique spécifique, apparaissent dans certains départements. Une telle évolution, qu’il convient me semble-t-il d’accompagner, nécessite une mutation des mentalités, en particulier dans l’élevage, mais elle reste une voie très féconde tant pour gagner en compétitivité que pour améliorer les conditions de travail. En fait, il s’agit d’élargir la panoplie des possibilités déjà existantes.

Rappelons que l’État consent un effort de 500 millions d’euros pour alléger les charges patronales pour l’emploi saisonnier. Cet effort est nécessaire pour améliorer la compétitivité des entreprises, mais quid des conditions de travail de ces salariés ?

Je souhaiterais insister, pour finir, sur le modèle agricole « à la française » – une agriculture à taille humaine reposant sur des propriétaires exploitants – promu par les politiques que nous menons, ainsi que sur la nécessité de parler d’une seule voix au niveau européen au moment de la préparation de la nouvelle PAC.

Il ne faudrait pas que la réforme de la PAC vienne menacer ce modèle. Des dispositifs tels que l’indemnité compensatoire de handicap naturel – dotée de 248 millions d’euros –, la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante – dotée de 165 millions d’euros, sur un total de 550 millions d’euros avec l’apport européen –, la prime herbagère agro-environnementale – dotée de 66 millions d’euros –, qui permet d’encourager l’élevage bovin en prairie, doivent être maintenus. Tous les contrats qui devaient prochainement arriver à échéance sont reconduits jusqu’à la fin de 2013 ; c’est une bonne chose, mais que se passera-t-il après l’entrée en vigueur de la nouvelle PAC ? Il est nécessaire que celle-ci maintienne ces outils. Nous ne devons avoir de cesse de défendre cette position. Gardons-nous d’un schéma où les bénéficiaires des aides européennes seraient les propriétaires des fermes, et non plus ceux qui exploitent effectivement les terres.

J’évoquerai brièvement le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », ou CAS-DAR. Il finance des opérations de recherche, de développement et de transfert menées au bénéfice des exploitants agricoles. Les crédits baissent, les compétences augmentent, notamment en matière de génétique animale et végétale. Certes, monsieur le ministre, vous m’opposerez que, en 2011, on pourra utiliser les réserves de 2010 ; mais ensuite ?

J’aimerais enfin exprimer un regret : la LOLF ne permet pas de bien apprécier l’incidence des mesures votées un ou deux ans après leur adoption. Monsieur le ministre, quel correctif nous proposez-vous sur ce point ?

Un trop grand décalage existant entre le présent projet de budget et mes propos, je ne voterai pas, à titre personnel, les crédits présentés ; en revanche, la majorité de la commission de l’économie préconise leur adoption.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La commission, bien sûr !

J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de vingt-cinq minutes aux groupes UMP et socialiste, de dix minutes aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Le Gouvernement répondra aux commissions et aux orateurs.

Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement. La durée de la discussion de chaque question est limitée à six minutes réparties de la manière suivante : question, 2 minutes 30 ; réponse, 2 minutes 30 ; réplique éventuelle, 1 minute.

La conférence des présidents a décidé d’attribuer cinq questions aux groupes UMP et socialiste, deux questions aux groupes UC, CRC-SPG et RDSE et une question à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, c’est encore dans un contexte de crise – certes un peu moins généralisée qu’en 2009 –, de baisse des revenus agricoles et de budget contraint que s’inscrit aujourd’hui l’examen du projet de budget pour 2011 de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », quelques mois après le vote de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dont on ne sait pour l’heure si elle apportera ou non des résultats, notamment en matière d’amélioration des revenus agricoles.

Le monde agricole a les yeux rivés sur la réforme de la PAC projetée par la Commission européenne ; au lendemain de la publication de la communication qui devra être débattue d’ici à 2012, il est partagé entre l’espoir et l’inquiétude.

La conjoncture n’est toujours pas réjouissante pour la « ferme France » : après une baisse des revenus de 23, 4 % en 2008, puis de 34 % en 2009, les productions bovine et porcine sont en très grande difficulté ; quant au prix du lait, s’il est en hausse de 10 % par rapport à 2009, rappelons qu’il est au même niveau qu’au début des années 2000.

La hausse des cours des céréales, et donc du prix des aliments pour animaux, illustre de façon éloquente le rôle néfaste joué par les spéculateurs des marchés financiers ainsi que les opérateurs de la filière, qui spéculent eux aussi. Alors que les stocks et la production de 2010 suffisent amplement à satisfaire la consommation mondiale, les pays assistent, impuissants, à une flambée artificielle des prix, au profit des spéculateurs et au détriment des producteurs ainsi que des pays pauvres, où la famine s’amplifie. Oui, monsieur le ministre, la spéculation sur les denrées agricoles est un délit contre les États, et un crime contre les pays pauvres. Il est urgent d’y mettre un terme au plus haut niveau !

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ne semble pas, pour l’instant, susciter l’enthousiasme ; en matière de contractualisation équilibrée, pour beaucoup d’acteurs de la transformation et de la grande distribution, le plus tard semble être le mieux ! À ce titre, le cas de la filière laitière relève surtout d’un rapport de force établi par les industriels, qui ont court-circuité l’interprofession par le biais d’un alignement sur la faible hausse des prix constatée en Allemagne. Ils contiennent la production française en important à bas prix du lait allemand. Les premiers travaux pratiques consécutifs à l’adoption de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche n’auront pas été concluants…

La suppression des rabais, remises et ristournes, les « 3 R », va dans le bon sens, au moins sur le plan théorique, mais les pratiques de déréférencement se poursuivent, de même que l’exigence de livraisons supérieures aux quantités facturées. Pour être en mesure de mettre de l’ordre, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, aurait besoin d’une « RGPP inversée », c’est-à-dire de la création de deux emplois pour chaque départ à la retraite.

L’Observatoire de la formation des prix et des marges suscite beaucoup d’espoir en matière de transparence dans la constitution des prix et la répartition des marges. Cependant, si les éléments sont assez aisés à établir pour les produits bruts ou peu transformés, cela risque d’être beaucoup plus compliqué pour les produits élaborés. Formons le vœu que le jeu de cache-cache pratiqué entre transformateurs et grande distribution ne serve pas de prétexte pour refuser de délivrer des éléments chiffrés précis, au motif qu’ils relèveraient du secret commercial. Si la transparence s’établit, le plus difficile restera néanmoins à faire, à savoir fixer les règles de répartition des marges, pour que les producteurs ne soient plus la variable d’ajustement du marché.

Si ce lourd dossier trouvait une issue convenable, avec l’instauration de prix rémunérateurs pour toutes les productions et filières, le monde agricole aurait beaucoup moins à craindre des évolutions en cours de la politique agricole commune. Quelques jours après la diffusion des premières informations sur ce que pourrait être la PAC d’après 2013, notre sentiment est mitigé ; cela est normal, direz-vous, pour des eurosceptiques !

Nous voulons être constructifs, mais pas naïfs : jusqu’à présent, tous les textes ont été dotés d’un habillage suffisamment flatteur pour les rendre présentables.

Pour autant, nous partageons la préoccupation de la Commission européenne en matière de sécurité alimentaire, de revenus agricoles, de valorisation des territoires ruraux et de préservation des ressources naturelles. Le plafonnement des aides et la notion d’ « agriculteur actif » devraient théoriquement contribuer à instaurer davantage de justice et d’équité dans la répartition des aides.

Les petites exploitations semblent trouver leur place dans le processus en cours. Il est vrai que 70 % des exploitations européennes ont une superficie inférieure à cinq hectares.

En outre, les défis environnementaux de demain, en matière d’émissions de gaz à effet de serre, d’érosion des sols, de qualité de l’eau et de l’air ou de biodiversité, sont pris en compte.

Passons maintenant aux aspects négatifs et aux lacunes.

Aucune précision n’est donnée sur l’évolution du budget européen qui sera consacré à l’agriculture – ainsi qu’à l’environnement et aux hommes, devrait-on ajouter. Aujourd’hui, cette politique représente 41 % du budget européen et 0, 5 % du PIB de l’Union européenne.

De même, nous n’avons aucune indication sur la convergence des aides. Seront-elles identiques dans tous les pays ou adaptées en fonction des efforts consentis en matière de protection de l’environnement ou de production, ainsi que du niveau social de chaque pays ?

Dans le rapport sénatorial consacré à la politique agricole commune, je suggérais de concevoir ces aides comme un levier pour une harmonisation sociale progressive par le haut à l’échelle européenne. À défaut, nous risquons d’assister à une accentuation des distorsions de concurrence entre pays.

On ne trouve pas davantage d’informations en matière de développement de la production de protéines végétales, alors que les besoins de l’Union européenne sont couverts à 75 % par les importations. Une dépendance aussi importante se paie très cher au sein de l’Organisation mondiale du commerce, où le « Monopoly » des échanges risque d’aggraver encore la situation.

Enfin, et ce n’est pas le moindre des reproches qu’on peut lui faire, la future PAC s’inscrit, dans le cadre du traité de Lisbonne, au sein d’un marché très ouvert, sans réelle préférence communautaire. Par conséquent, la dure loi des marchés et de la mondialisation risque de vaincre les meilleures volontés d’assurer un revenu décent aux agriculteurs, de lutter contre la délocalisation des productions et la désertification des territoires, qui risquent de jeter des milliers de familles dans la pauvreté…

Monsieur le ministre, permettez-moi à présent d’appeler votre attention sur quelques sujets qui nous tiennent à cœur.

La question du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, le PMBE, a été évoquée par de nombreux membres de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire. Le retard pris est préjudiciable non seulement à notre compétitivité, mais également aux conditions de travail des éleveurs et au bien-être animal. Il n’est toutefois pas surprenant que les crises à répétition n’incitent pas à l’investissement. Qu’allez-vous proposer sur ce point, monsieur le ministre ?

En ce qui concerne le cheval de trait breton, la situation est alarmante, au lendemain de la réforme des Haras nationaux, qui conduit à leur liquidation progressive au profit du GIP France Haras et de l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE, qui ne remplissent pas les missions assignées.

Dans les Côtes-d’Armor, sept foires chevalines rassemblent chaque année 1 500 chevaux et des dizaines de milliers de participants. En outre, des concours et des spectacles sont organisés au haras de Lamballe. Le nombre de chevaux a baissé de 10 % en 2010, ce qui est particulièrement inquiétant pour l’avenir. L’abandon de l’étalonnage à la ferme et la location d’étalons découragent des éleveurs pourtant passionnés. Par ailleurs, les cours de la viande chevaline oscillent entre 1, 40 et 1, 70 euro le kilo, ce qui n’est pas rémunérateur.

Monsieur le ministre, quelles mesures entendez-vous prendre pour que, demain, les grandes races de chevaux de trait ne disparaissent pas au profit des chevaux de course et des chevaux légers de loisir ? Les moyens existent pour prévenir une telle évolution : plus de 607 millions d’euros ont été prélevés sur les recettes du PMU en 2010, mais cette ressource est désormais diluée dans le budget général.

Monsieur le ministre, nous nous interrogeons également sur les circuits courts, qui ne concernent d’ailleurs pas que l’agriculture biologique, et sur les difficultés souvent rencontrées par les collectivités territoriales eu égard au code des marchés publics, auquel vous vous étiez engagé, au cours du débat sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, à apporter les modifications nécessaires.

Un autre sujet d’inquiétude est la mainmise progressive de la grande distribution sur les produits bio, dont elle assure aujourd’hui la commercialisation à hauteur de 45 %. La grande distribution recourt au label européen, qui est moins contraignant et moins éthique. Des produits de provenance souvent lointaine, issus de l’exploitation des hommes et des territoires, obtiennent beaucoup trop facilement une certification en France. Cette question est à relier à celle des circuits courts, qui sont plus propres que les autres à garantir l’origine des produits, le revenu des producteurs et des prix abordables pour tous les consommateurs.

Par ailleurs, monsieur le ministre, au fil des crises agricoles, et plus particulièrement au sein de la filière porcine, de nombreux agriculteurs croulant sous les dettes sont contraints de tout arrêter ou de devenir les salariés-exploitants de leur coopérative. Ce phénomène, peu souvent évoqué, prend de l’ampleur. L’outil agricole échappe progressivement aux agriculteurs. Aussi, monsieur le ministre, serais-je très heureux qu’un travail prospectif précis soit réalisé sur ce sujet sensible.

Enfin, on ne saurait débattre des crédits de l’agriculture sans évoquer le sujet lancinant des retraites agricoles. Au lendemain de la réforme des retraites, les agriculteurs restent les grands oubliés, aucune perspective réelle et durable de financement de leurs retraites n’étant ouverte. À quand un grand débat et une loi sur ce sujet essentiel ?

Monsieur le ministre, votre projet de budget s’inscrit dans une démarche générale de réduction des politiques publiques que nous ne partageons pas. Comme le souligne l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, la hausse des crédits est un effet d’optique. Dans ces conditions, nous ne les voterons pas.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC -SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le ministre, « nous avons avec notre agriculture de l’or entre les mains », avez-vous dit. C’est de l’or encore trop souvent potentiel ; ne le laissons pas se changer en plomb !

Tous les prévisionnistes reconnaissent que la demande alimentaire mondiale va croître à moyen terme. La France doit donc valoriser ses atouts dans le domaine agricole et votre responsabilité est engagée.

Votre projet de budget pour 2011 traduit des priorités correspondant à des situations difficiles. Par exemple, il maintient à un niveau satisfaisant l’indemnité compensatoire de handicap naturel, il sanctuarise les aides à l’installation des jeunes agriculteurs et il reconduit le crédit d’impôt pour recours à un service de remplacement, qui permet aux agriculteurs de prendre des congés. Il engage également des actions plus structurelles par le biais du plan de développement des filières, en plaçant au cœur de la réflexion les pêcheurs et les agriculteurs, afin de stabiliser leurs revenus, qui ont dramatiquement chuté.

On peut néanmoins s’étonner que la mise en œuvre de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, votée en juillet dernier et porteuse d’ambitions, se fasse à budget constant, pour ne pas dire en baisse, car la hausse affichée de 1, 8 % n’est que la conséquence de la budgétisation de mesures jusqu’alors financées par des taxes affectées.

Votre projet de budget répond à l’exigence d’assainissement de nos dépenses publiques, et les mesures prises dans le cadre de la révision générale des politiques publiques devraient engendrer de nouvelles économies ; on ne peut que s’en réjouir.

En revanche, concernant le développement de l’assurance récolte, je m’interroge sur certains points.

La baisse de 5 millions d’euros des crédits pour l’année 2011 peut se justifier par l’accroissement du cofinancement de l’Union européenne, porté à 75 %. S’agissant du taux de pénétration, les objectifs ont été revus à la hausse, en raison d’une meilleure prise en charge des primes. Toutefois, l’écart entre la réalisation en 2009 et la prévision pour 2011 – vingt-trois points pour les grandes cultures, treize pour l’arboriculture, quinze pour la viticulture et seize pour le maraîchage – me semble manifester un excès d’optimisme. Dispose-t-on déjà des chiffres de 2010 ?

La programmation pluriannuelle jusqu’en 2013 ne prend pas en compte le coût de la réassurance publique, dont le principe est pourtant inscrit dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, son article 10 prévoyant la remise d’un rapport d’évaluation au Parlement. Le délai n’est pas encore échu, mais avez-vous déjà une idée du coût et des modalités de cette réassurance publique ?

La promotion des filières agricoles françaises à l’étranger constitue un autre sujet de préoccupation. Pouvons-nous réduire les crédits destinés à promouvoir les produits de la « ferme France » à l’international quand nos entreprises doivent faire face à une concurrence mondiale toujours plus dure ? Il est anormal que le seul Fonds pour les investissements stratégiques des industries agroalimentaires, le FISIAA, ait perdu plus de la moitié de ses crédits en trois ans, alors que la France, premier exportateur mondial de produits agroalimentaires jusqu’en 2004, a régressé au quatrième rang, derrière les États-Unis, l’Allemagne et les Pays-Bas, et qu’elle veut remonter sur le podium. Le plan sectoriel export agroalimentaire, qui repose sur la promotion de l’image de la France, doit être mis à jour en 2011. Quels seront vos choix ? Envisagez-vous la création d’un label France fédérant les producteurs, à l’image de ce que font, avec beaucoup d’efficacité, nos voisins Italiens ?

Un chiffre m’a interloqué : seulement 8 % des crédits accordés à la France par l’Union européenne pour soutenir ses exportations sont utilisés pour la promotion vers les pays tiers, qui comprennent notamment des pays émergents à croissance forte, comme la Chine ou le Brésil, les 92 % restants étant consacrés aux pays européens. Cette situation est absurde !

Je prône depuis toujours le retrait des exportations vers les pays de l’Union européenne de la comptabilisation du commerce extérieur et la définition d’une stratégie en direction des pays émergents, qui représentent des marchés beaucoup plus prometteurs. Monsieur le ministre, vous qui êtes, je le sais, très attaché au renforcement de notre compétitivité, remédiez à cette absurdité qui handicape nos exportations !

Enfin, l’innovation est essentielle dans ce contexte international. Nous devons donner la priorité à la recherche et à l’innovation pour développer notre compétitivité et ne pas être dépassés par les recherches agronomiques audacieuses menées dans les pays émergents ; je pense, en particulier, au Brésil.

Monsieur le ministre, comme vous, j’ai confiance dans le talent et l’imagination des agriculteurs français, car ce sont eux qui donnent une valeur concrète à la richesse de notre agriculture et de nos territoires. Vous devez supprimer les quelques anomalies ou absurdités que j’ai soulignées.

Nombre des membres de mon groupe vous font également confiance pour défendre avec passion, lucidité et détermination au sein des instances internationales, notamment le G 20, le secteur stratégique qu’est notre agriculture. Avec eux, je voterai donc votre projet de budget.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l ’ Union centriste et de l ’ UMP .

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, cette année encore, nos débats budgétaires s’ouvrent dans une atmosphère morose, puisque les effets de la crise agricole de 2009 se prolongent aujourd’hui, en particulier dans le domaine de l’élevage.

Monsieur le ministre, dans ce contexte, j’ai vraiment été heureux d’apprendre que vous conserviez vos attributions dans le nouveau gouvernement. Votre compétence est en effet précieuse et vous avez la confiance des agriculteurs. Avec la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, vous avez montré votre volonté d’améliorer un peu la compétitivité agricole.

Dans l’agriculture contemporaine largement mondialisée, marquée par une concurrence grandissante de pays émergents, une grande partie des problèmes ne peuvent être réglés qu’à l’échelon international. Je me félicite de ce que la France ait placé l’agriculture au cœur des travaux du G 20 ; vous êtes l’homme de la situation !

De plus, monsieur le ministre, vous connaissez bien les arcanes européens, comme on a pu le voir lors de la crise du lait. Nous avons aussi besoin de votre expérience et de votre détermination dans la perspective des discussions sur la future politique agricole commune.

Mes collègues ont abordé ou aborderont les problèmes des secteurs du lait et de la viande. Pour ma part, je me bornerai à faire observer que le prix d’un kilo de viande de bœuf provenant d’un troupeau allaitant était de 10, 42 francs en novembre 2000, et de 1, 69 euro en novembre 2010. Cela se passe de commentaire…

J’en viens à deux problèmes spécifiquement français.

On le sait, l’un des moyens de garantir des revenus corrects aux agriculteurs consiste à valoriser les productions liées à un territoire. C’est tout le principe des produits sous signes de qualité, telles les appellations d’origine contrôlée ou les appellations d’origine protégée.

De nombreux producteurs qui font vivre nos territoires ruraux ont fait l’effort de s’engager dans la démarche AOC ou AOP. Toutefois, cet effort risque d’être vain du fait du non-respect de la réglementation, au détriment de l’information du consommateur. C’est pourtant la France qui a mis en place cette politique, reprise par l’Europe et seule capable d’attacher une production à un terroir.

À cet égard, l’exemple du camembert est emblématique.

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

Qui peut, en effet, distinguer clairement un « camembert de Normandie » d’un « camembert fabriqué en Normandie » ? La proximité sémantique de ces deux dénominations cache pourtant des réalités fort différentes sous des emballages quasiment identiques, habilement conçus par des conseillers en marketing.

Le camembert de Normandie, qui relève d’une appellation d’origine contrôlée, est fabriqué selon un cahier des charges strict, dont le respect est vérifié par un organisme de contrôle et qui vise le mode de production et l’origine.

Quant au camembert fabriqué en Normandie, l’indication du lieu de fabrication n’apporte rien, et surtout aucune garantie ! En effet, en l’absence d’obligations réglementaires, ce camembert peut être élaboré à partir d’un assemblage de laits d’origines diverses. En clair, ce type de camembert produit par une usine normande peut être fabriqué avec des ingrédients ne provenant aucunement de Normandie.

Il conviendrait à mon sens de mener une réflexion sur ce sujet, dans l’intérêt du consommateur et du producteur. Des chiffres récents montrent par exemple que, pour les appellations d’origine contrôlée « Camembert », « Pont-l’Evêque » et « Livarot », la consommation baisse. En effet, les acheteurs sont déroutés par les différences de prix existant entre des produits apparemment similaires.

Cette situation est d’autant plus difficile à admettre qu’elle est contraire aux textes nationaux et communautaires, ceux-ci n’autorisant pas la mention « fabriqué en » suivie de noms géographiques figurant dans des appellations d’origine.

Par ailleurs, il conviendrait, me semble-t-il, qu’une réflexion associant pouvoirs publics et professionnels puisse s’engager sur la valorisation du lait aujourd’hui utilisé pour élaborer les produits portant la mention « fabriqué en Normandie », afin de ne pas pénaliser les producteurs laitiers concernés par un éventuel retrait de cette mention.

J’ai bien conscience du poids de chacun ; pour autant, faut-il tout sacrifier à la globalisation ?

Ne devrait-on pas pour le moins, monsieur le ministre, assurer la traçabilité des produits fabriqués en Normandie ? La contractualisation, que vous avez voulu développer, devrait permettre de mieux prendre en compte les intérêts de chacun : producteur, transformateur et consommateur, ce dernier n’étant pas le moins intéressé par une telle démarche.

La filière équine, dont le budget subit une baisse importante, constitue un autre sujet d’inquiétude. En tant que président de la section cheval du groupe d’études de l’élevage, je suis naturellement attentif à cette activité, qui représente au total environ 75 000 emplois et contribue à l’aménagement du territoire, ainsi qu’à l’entretien des paysages.

La filière s’est fortement mobilisée depuis quelques semaines à la suite de l’annonce de la réduction drastique des dotations du programme 154. Les crédits alloués aux actions en faveur de la filière équine diminuent ainsi de près de moitié par rapport à l’année dernière, passant de 9 millions d’euros en 2010 à 4, 7 millions d’euros pour 2011.

La pérennité des neuf associations nationales de races françaises de chevaux de trait, que nous avons incitées à se rassembler, pourrait être particulièrement menacée. La fédération France Trait se trouverait quasiment en cessation de paiement. Or au cours de votre audition par la commission de l’économie, vous avez formulé le souhait, monsieur le ministre, que la réduction des soutiens à la filière équine « n’affecte pas le cheval de trait » ; …

Debut de section - PermalienPhoto de Ambroise Dupont

… c’est également mon souhait. Cela étant, l’inquiétude règne également dans les autres secteurs de la filière équine, notamment celui des chevaux de sport. Les filières trait et sport représentent un véritable secteur économique, qui emploie directement ou indirectement des dizaines de milliers de personnes et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 650 millions d’euros et avoisine même 1 milliard d’euros si l’on inclut la viande.

Pour limiter l’effet des réductions envisagées, j’ai déposé un amendement visant à augmenter de 2 millions d’euros les crédits affectés au programme 154. Mon collègue Joël Bourdin a souligné, dans son rapport, que la baisse prévue n’était « pas acceptable » et a lui-même présenté un amendement, adopté par la commission des finances, tendant à amortir le choc : c’est dire si le problème est flagrant ! Toutefois, une telle disposition ne sera pas suffisante.

Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il faudrait mettre en place, sur le modèle du fonds « Éperon », un fonds « élevage » destiné à l’élevage de tous les chevaux autres que de course ? Cela permettrait de faire vivre nos races équines de toute nature, d’animer l’ensemble de notre territoire agricole et de soutenir la biodiversité, ce qui représente, tout le monde en convient, un nouveau défi. On évoque cette question depuis plusieurs années ; le moment me semble donc venu de passer à l’action. L’ouverture des jeux en ligne renforce encore le rôle de financier de la filière du PMU.

En Irlande, à cause de la crise, on laisse les chevaux crever sur place. En effet, leur entretien coûte cher, et l’on peut s’acheter un cheval pour 5 euros. Je ne voudrais pas que la filière française en arrive à cette extrémité.

Monsieur le ministre, si l’agriculture française est confrontée à de nombreuses questions dans le monde d’aujourd’hui, nous mettons beaucoup d’espoir et de confiance dans la force de votre engagement.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » intervient dans un contexte marqué par deux paramètres importants : d’une part, la crise de certaines filières de production et d’élevage, sur lesquelles je reviendrai au détour de questions que je poserai tout à l’heure à M. le ministre ; d’autre part, la forte volatilité, sur les marchés internationaux, des prix des produits alimentaires, notamment des céréales et du sucre.

Ainsi, à la suite des intempéries survenues cet été en Russie, qui ont détruit l’équivalent de 3 % de la production mondiale, les prix du blé ont flambé, atteignant plus de 200 euros la tonne. La spéculation sur les denrées agricoles renforce encore cette volatilité.

Certes, les agriculteurs réclament de la stabilité, notamment par l’instauration de filets de sécurité. Toutefois, gardons-nous de toute défiance à l’égard du marché international, car c’est lui qui fait rentrer les deniers dans le coffre de la « ferme France », malheureusement trop tournée vers son marché intérieur et le marché européen.

D’ailleurs, la faible consommation des crédits européens pour la promotion de l’agriculture française dans les pays tiers est symptomatique ! C’est pourquoi je soutiens les crédits affectés à la promotion de nos produits agroalimentaires dans le monde. Les exportations agricoles, qui conditionnent assurément le dynamisme de notre agriculture, représentent un enjeu de taille.

Malheureusement, en termes de compétitivité, la France n’est pas bien classée et ses parts de marché dans le commerce agricole s’érodent au profit de puissances montantes, notamment les pays du Mercosur.

Même à l’échelon européen, notre compétitivité est un réel sujet de préoccupation. C’est pourquoi, monsieur le ministre, l’effort budgétaire permettant de financer la baisse des charges sociales patronales pour le travail saisonnier constitue un outil très attendu. On sait le handicap que représente le coût du travail en France par rapport à nos voisins européens. Vous demandiez des propositions constructives sur ce sujet ; je vous rétorquerai, comme vous l’avez fait à plusieurs reprises au cours du débat sur la LMAP : « C’est au niveau européen que cela doit se discuter ! »

À ce propos, je voudrais dissiper immédiatement une idée fausse : en Allemagne, c’est non pas la présence de travailleurs polonais qui tire les coûts vers le bas, mais l’absence de salaire minimum. Il faudrait profiter du fait que nos voisins réfléchissent actuellement à l’introduction d’un salaire minimum dans certains secteurs faisant fortement appel à des travailleurs étrangers, comme le BTP ou le travail agricole saisonnier, pour négocier de manière bilatérale la convergence des coûts de la main-d’œuvre agricole entre les deux pays. Sinon, il ne nous reste plus qu’à jouer sur d’autres leviers de compétitivité, bien difficiles à actionner, comme la qualité de la production ou l’augmentation de la valeur ajoutée des produits agricoles transformés.

On apprécie, monsieur le ministre, les efforts consentis pour soutenir les filières en difficulté. Malheureusement, celles-ci sont encore nombreuses ! J’y reviendrai tout à l’heure, mais, d’ores et déjà, je souhaite tirer la sonnette d’alarme s’agissant de la filière de l’élevage porcin. Il manquerait aujourd’hui 20 centimes d’euro par kilo de carcasse pour couvrir les seuls coûts de production de l’éleveur, qui ont augmenté avec l’envolée des prix des aliments pour animaux. Plusieurs syndicats s’inquiètent de ce que, dans les six prochains mois, un tiers des éleveurs porcins pourraient être endettés à plus de 100 %. Je sais bien que la dette de l’État s’approche de ce seuil, mais ce n’est pas là un exemple à suivre !

M. le ministre sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Encore une fois, la politique du Gouvernement consistant à soutenir à tout prix le pouvoir d’achat des Français, en limitant le coût du panier de la ménagère, a des effets pervers : certaines grandes surfaces proposent des portions de viande à moins de 1 euro. Dès lors, comment s’étonner que les producteurs se paupérisent !

Certes, l’Observatoire de la formation des prix et des marges, que la LMAP a fait renaître de ses cendres, permettra à votre ministère d’avoir une vision assez précise de la répartition des marges. Encore conviendra-t-il, monsieur le ministre, d’œuvrer pour en tirer les conséquences, sans administrer les prix, mais en déverrouillant des blocages structurels, liés par exemple à l’insuffisante organisation des producteurs !

Ainsi, quand vous annoncez vouloir faire du « renforcement des mesures de soutien au revenu des agriculteurs » une priorité, je vous réponds qu’il faut veiller à ne pas maintenir le monde agricole sous perfusion étatique permanente. Ces aides sont nécessaires, mais elles ne doivent pas amener à négliger les dépenses de long terme, visant à une réforme plus profonde, à un accompagnement de la logique du marché, au soutien au regroupement des agriculteurs. Sinon, ceux-ci resteront dépendants des aides de l’État et de l’Union européenne.

Vous avez par ailleurs voulu faire de la contractualisation un instrument destiné à pallier la faiblesse structurelle du monde des producteurs et des éleveurs.

C’est une excellente orientation, mais malheureusement les modalités pratiques de la contractualisation restent floues et ne semblent pas correspondre à la réalité commerciale.

En tout état de cause, il apparaît que la contractualisation n’offre pas aujourd’hui une protection suffisante aux producteurs, et conserve au contraire aux industriels leur position de supériorité dans les négociations. Espérons cependant, monsieur le ministre, que cette mesure phare de la LMAP porte les fruits que vous avez annoncés ! Il est encore un peu tôt pour en juger.

De manière générale, la LMAP témoigne d’une volonté optimiste de réformer l’agriculture, mais l’examen de ce projet de budget nous rappelle que les marges de manœuvre financières sont réduites. Le difficile équilibre du budget de FranceAgriMer est symptomatique : on confie de nouvelles missions à cet office – mise en place de l’Observatoire de la formation des prix et des marges, gestion des crises, mise en œuvre des mesures annoncées en faveur des filières animales –, mais les crédits semblent manquer. Peut-être aurait-il été sage de lui affecter ne serait-ce que 30 % des provisions destinées à feu la taxe carbone…

Je salue en tout cas la sanctuarisation des crédits affectés au soutien à l’installation de quelque 11 000 jeunes agriculteurs chaque année. C’est d’autant plus nécessaire que la crise du secteur rend difficile et peu attrayante la création ou la reprise d’activités agricoles.

Cela étant, sans un enseignement technique agricole performant, point d’installation de jeunes ! Je regrette à cet égard que le Gouvernement mesure parfois la performance au nombre de postes supprimés ! Monsieur le ministre, si le groupe de l’Union centriste est très sensible à la dérive de nos finances publiques, il est très réservé sur le fait que l’application d’une règle de non-remplacement d’un pourcentage de fonctionnaires partant à la retraite soit considérée en soi comme un objectif de politique publique, quand bien même le taux ne serait que de 25 %, au lieu de 50 %. Partons des besoins, des perspectives de développement, et affectons les moyens adéquats : la formation est tout de même un domaine important ! N’ayons pas peur de réduire les effectifs, mais seulement si cela se justifie.

J’évoquerai enfin d’un mot la filière des biocarburants. L’arrêt des aides fiscales en 2011 est un sujet de craintes, car il mettrait en péril la compétitivité des biocarburants par rapport aux énergies fossiles importées. L’objectif communautaire de porter à 10 % la part des sources d’énergie renouvelables dans la filière des carburants doit nous inciter à poursuivre le soutien à la production de biocarburants. C’est une condition indispensable, me semble-t-il, pour ne pas décourager les entreprises déjà présentes sur ce créneau ou qui envisagent de lancer une production à partir de matières premières agricoles, voire de déchets.

Tels sont, monsieur le ministre, mes doutes, mes craintes et mes vœux pour cette nouvelle année budgétaire. J’espère que la politique de votre ministère et la répartition des crédits permettront de mener des actions pragmatiques, structurelles et courageuses pour sortir l’agriculture française de son atonie. C’est à cette aune que nous mesurerons la « performance » de votre action !

Dans cette attente, le groupe de l’Union centriste votera bien entendu les crédits de la mission.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je le dis depuis maintenant de nombreuses années, ce n’est pas forcément parce qu’un budget n’augmente pas ou qu’il augmente peu qu’il est a priori mauvais. Je pense que certains apprécieront…

Toutefois, les choix effectués dans les différents programmes de la mission « Agriculture, alimentation, pêche, forêt et affaires rurales » et les comparaisons ligne à ligne définissent une politique qui ne semble pas répondre entièrement aux attentes fortes des professionnels de l’agriculture et de la pêche.

Dotée de 3, 59 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3, 67 milliards d’euros en crédits de paiement – sans omettre les 10 milliards d’euros de crédits européens sur lesquels nous n’avons que peu de visibilité –, la mission affiche sur le papier un budget certes de rigueur, mais qui peut paraître raisonnable. L’arrivée à échéance de plusieurs dispositifs de soutien exceptionnel aurait même pu dégager d’appréciables marges de manœuvre en faveur d’une agriculture et d’une pêche résolument engagées dans la voie du développement durable et de la juste rémunération du travail.

Pourtant, cette stabilité apparente intègre une niche fiscale qui représente près de 15 % du budget global de la mission. L’exonération totale de la part patronale pour l’emploi de salariés occasionnels est en effet chiffrée à 490 millions d’euros.

Comme le soulignent MM. les rapporteurs, et même si, selon moi, elle peut être positive, l’existence de cette niche fiscale peut fausser la lecture de l’évolution des dépenses réellement productives du programme 154, Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires, qui baissent toutes dans des proportions importantes, à l’exception des moyens de promotion des produits et d’orientation des filières.

Néanmoins, comme le rappelle M. le rapporteur spécial, selon la Cour des comptes, l’évaluation de toutes les mesures fiscales, quelles qu’elles soient, demeure sujette à caution.

La baisse des autorisations d’engagement de 1, 76 % par rapport à 2009 masque mal la réduction programmée, à périmètre de 2010 constant, du budget de la mission d’ici à 2013. Cette tendance lourde et inquiétante est, par ailleurs, confirmée par des autorisations d’engagement systématiquement inférieures aux crédits de paiement.

Le ministère est ainsi conduit à déléguer un certain nombre d’actions à des acteurs privés, tout en poursuivant la réorganisation de ses services et de ses opérateurs, à marche forcée et, surtout, je le regrette, indifférenciée, la révision générale des politiques publiques sacrifiant souvent la qualité des services sur l’autel d’une rationalisation aveugle.

Ainsi la programmation des finances publiques pour la période allant de 2011 à 2013 prévoit-elle, à partir de 2012, des objectifs encore plus draconiens de réduction des dépenses du ministère : la baisse envisagée sera de 1, 6 % pour 2012 et de 2, 1 % pour 2013.

L’objectif de limitation des dépenses publiques fixé par le Gouvernement correspond à une contraction de ses dépenses d’intervention de 1, 5 % et de ses dépenses de fonctionnement de 5 % dès 2011, avec un taux de 10 % prévu à l’horizon de 2013, taux ayant été appliqué, dès cette année, au programme 215, Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture.

Ces économies, monsieur le ministre, ne risquent-elles pas à court, moyen et long termes de fragiliser des secteurs économiques qui ont exprimé un fort besoin d’accompagnement et qui, en période de « vaches maigres » – si vous me permettez ce jeu de mot –, mais aussi de transformation obligatoire des pratiques, ont besoin de signes forts ?

De nombreux autres problèmes demeurent quant aux capacités réelles de certains opérateurs stratégiques à faire face à toutes leurs missions. Je prendrai l’exemple de FranceAgriMer, qui héberge maintenant l’Observatoire des prix et des marges. Malgré le recrutement de cinq personnes supplémentaires, la baisse des crédits permettra-t-elle de répondre aux attentes, tant des producteurs que des consommateurs, et, surtout, aux enjeux sur la transparence des pratiques commerciales et sur le partage équitable de la valeur ajoutée ?

Par ailleurs, en matière de maîtrise des risques sanitaires et phytosanitaires, de promotion de la qualité, de la traçabilité et de la diversité des produits alimentaires, le programme 206, Sécurité et qualité sanitaire de l’alimentation, après avoir perdu 2, 9 % de crédits de paiement en 2010 par rapport à 2009, voit à nouveau ses ressources chuter de plus de 9 %, et ce en dépit des multiples défis techniques et des exigences des citoyens.

L’année dernière, lors de l’examen du projet de budget de l’agriculture, tout le monde convenait que le monde agricole traversait la crise la plus profonde de son histoire. Toutes les activités étaient touchées par des baisses de revenu qui, dans le secteur laitier, atteignaient en moyenne 34 %.

Un an plus tard, la situation ne s’est pas réellement améliorée. Pire, de nouvelles filières voient leurs résultats plonger. Amplifiée par notre dépendance structurelle en matière d’approvisionnement en protéines, la spéculation sur les marchés des matières premières a considérablement fragilisé nos éleveurs, comme le reconnaissent d’ailleurs les rapporteurs.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé, avant-hier, le versement anticipé, dans le cadre de la politique agricole commune, de 4 milliards d’euros de fonds européens aux agriculteurs français, en particulier aux éleveurs de bétail, pour les aider à faire face à leurs difficultés de trésorerie. Mais qu’adviendra-t-il ensuite ? Cela confirme bien que la reprise économique est loin d’être consolidée.

De surcroît, les débats qui s’organisent sur le plan européen, notamment depuis la communication de la Commission sur la réforme de la politique agricole commune, proposent de nouvelles orientations aux États membres et, désormais, au Parlement européen, grâce au traité de Lisbonne. De nombreuses interrogations subsistent, notamment en ce qui concerne le rééquilibrage entre les aides au secteur végétal et celles qui sont attribuées au secteur animal.

Autre signal particulièrement inquiétant, l’action 12, Gestion des crises et des aléas de la production, du programme 154, Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires, connaît une coupe de 39 % !

En ce qui concerne l’installation des jeunes agriculteurs, malgré les explications données par M. le rapporteur Gérard César, permettez-moi de revenir sur la taxe sur la plus-value foncière réalisée lors de la vente de terrains nus devenus constructibles, prévue par la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMA. Les parlementaires avaient souhaité que cette taxe contribue à financer l’installation des jeunes agriculteurs. Or, apparemment, elle serait désormais affectée aux plans de développement par filière. En outre, les aides à l’installation ne sont pas sanctuarisées à hauteur de 350 millions d’euros, comme l’avait annoncé le Président de la République.

De la même manière, la diminution de 20 % des crédits attribués aux mesures agro-environnementales est difficilement acceptable, ces mesures ayant vocation à réorienter durablement notre appareil et nos pratiques productives.

Je laisserai mes collègues le soin d’intervenir sur la question de la baisse des crédits en matière de modernisation des bâtiments d’élevage, sur la forêt et l’Office national des forêts, l’ONF, sur l’agriculture biologique et sur la filière équine, car je ne voudrais pas terminer mon propos sans évoquer le secteur de la pêche, lui aussi durement touché depuis quelques années.

Plus des deux tiers des crédits sont ainsi utilisés en contrepartie des fonds communautaires, notamment du Fonds européen pour la pêche, le FEP. Sur ce point, je voudrais appuyer la proposition des rapporteurs de regrouper l’ensemble de ces crédits au sein d’un programme dédié.

Nous devons néanmoins noter la baisse de 34 % des crédits de paiement de l’action 16, Gestion durable des pêches et de l’aquaculture, du programme Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires, qui fait suite à la coupe de 36, 7 % intervenue l’année dernière avec l’arrivée à échéance du Plan pour une pêche durable et responsable, instauré en 2008.

Les dépenses de fonctionnement s’élèvent à 11, 623 millions d’euros en crédits de paiement et celles d’intervention à 44, 2 millions d’euros, dont plus de 10 millions d’euros sont consacrés à l’installation de journaux de bord électroniques.

Les dépenses d’intervention portent sur le cofinancement d’interventions économiques prévues dans le FEP et inscrites dans les contrats de projets État-régions, les CPER, pour 5, 85 millions d’euros – sont notamment concernés la modernisation des flottes et le soutien à l’aquaculture – et sur les interventions économiques hors CPER, pour 12, 665 millions d’euros. Je renouvelle donc ma question, monsieur le ministre : les 10 millions d’euros pour les contrats bleus ne seront-ils pas insuffisants ?

Il nous faut admettre l’évidence : la situation de la pêche et son environnement, tant européen qu’international, ont considérablement changé en quelques années. Et je serai tentée de dire, m’inspirant de l’inscription que nos pêcheurs ont inscrite sur leurs tee-shirts, « Espèce en voie de disparition », que c’est en effet l’espèce des pêcheurs qu’il faut maintenant sauver.

Sans énumérer chacun des phénomènes qui ont conduit à ces bouleversements, je rappellerai seulement les plus importants, comme la prime à la casse, ayant entraîné, en vingt ans, une diminution de 50 % du nombre de navires en Bretagne, et ses effets en chaîne : renchérissement du prix des navires d’occasion, vieillissement de la flotte et hausse des coûts d’entretien, fragilisation économique de l’ensemble de la filière, en amont et en aval, et des organisations professionnelles.

Quoi qu’il en soit, les financements des sorties de flotte « pour ajuster la capacité de la flotte de pêche à la ressource disponible », en repli de 60 %, ne permettront pas de faire face aux plans sur les espèces profondes, sur le cabillaud et sur le thon rouge en Méditerranée.

La diminution, pour ne pas dire la disparition, des crédits des interventions, hors CPER et hors FEP, reste sans explication alors que cette décision réduit quasiment à néant les recherches sur les économies d’énergie ou l’amélioration de la sécurité des marins à bord. En outre, le montant des interventions socio-économiques est réduit de moitié.

Par ailleurs, de nombreuses questions demeurent, notamment sur la création de l’interprofession France filière pêche et de ses moyens financiers, avec le statut incertain de la « taxe poisson ». Enfin; la crise majeure que traverse l’ostréiculture mérite une mobilisation beaucoup plus large, mais j’aurai l’occasion d’évoquer ce sujet en détail lors de la séance de questions-réponses-répliques.

Malgré la dernière déclaration de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, et même si ce n’est pas forcément le lieu le plus adéquat, je veux relayer ici l’inquiétude de tous les professionnels de la mer concernant l’absence de prise en charge ministérielle spécifique, en contradiction flagrante avec l’ambition maritime défendue par le Président de la République et le souhait de pratiquement tous les participants du Grenelle de la mer.

En conclusion, monsieur le ministre, le projet de budget que vous nous proposez, au-delà de certaines orientations qui méritent d’être soutenues, ne porte qu’une ambition forcément limitée.

Votre engagement personnel et votre volonté politique – salués par tous – sur tous ces dossiers se heurtent à la réalité des choix financiers et fiscaux particulièrement hasardeux et injustes d’un gouvernement contraint d’ajuster ses dépenses, malgré les besoins et les attentes des producteurs, des éleveurs, des pêcheurs, des conchyliculteurs, bref de toutes les filières. C’est pourquoi, nous ne voterons pas les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, Gérard César ayant présenté dans son rapport l’avis de notre commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire sur la partie concernant la pêche et l’aquaculture – secteurs qui, vous le savez, me sont chers –, j’avais prévu d’intervenir seulement dans la séance des questions-réponses-répliques.

Un créneau s’étant dégagé s’étant dégagé dans la discussion, j’avais décidé d’évoquer les perspectives de la politique agricole commune après 2013. Toutefois, M. Jean-Paul Emorine m’a indiqué que cette question donnerait lieu à un débat dans le courant du mois de janvier, je réserverai donc mon intervention ciblée pour cette date.

Aussi, monsieur le ministre, je ne vous poserai que quatre questions, une sur l’agriculture, les trois autres sur la pêche et à l’aquaculture.

Nous avons tous en mémoire les crises laitière et porcine. Nos agriculteurs ont vu le prix du lait fortement baisser, du fait notamment d’importations provenant d’Allemagne. Vous vous êtes beaucoup investi dans ce dossier, monsieur le ministre, et avez largement contribué à l’élaboration de solutions progressives, qui ont permis d’atténuer les effets de cette crise.

Je me suis rendu en Allemagne cet été et que j’ai constaté que de nombreuses installations laitières ou porcines disposaient d’équipements de récupération, notamment de méthane. Manifestement, ces équipements contribuent à la baisse du prix de revient des produits qui sont ensuite exportés et viennent concurrencer nos propres produits.

Monsieur le ministre, et ce sera ma première question, existe-t-il des perspectives quant au développement en France d’installations de récupération, identiques ou similaires, qui permettraient d’abaisser les coûts de production de nos agriculteurs et, en conséquence, de les rendre plus compétitifs ? J’ai d’ailleurs déjà évoqué ce sujet en commission.

En matière de pêche et d’aquaculture, la France dispose d’un vaste espace économique maritime, éclaté en différents points du globe, presque équivalent à celui des États-Unis, qui est le plus important du monde. La possession d’un tel espace devrait nous placer dans une situation privilégiée en termes d’approvisionnement en ressources halieutiques. Or c’est un constat diamétralement opposé qu’il nous faut faire puisque 85 % de nos besoins sont couverts par les importations, ce qui nous rend largement dépendants de l’étranger, avec les conséquences graves qui en découlent en termes de déficit budgétaire.

La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche comporte des dispositions visant à développer l’aquaculture. Nous avons voté la mise en place d’un schéma recensant, sur l’ensemble du territoire de notre pays, les sites propices à l’implantation de fermes aquacoles. Ce schéma doit être finalisé dans un délai d’un an à dater de la promulgation de la loi. Monsieur le ministre, et ce sera ma deuxième question, pouvez-vous nous indiquer où en est ce dossier et à quelle date le schéma sera finalisé ?

Ma troisième question a trait aux règles de pêche dans l’espace maritime européen. J’ai récemment rencontré des pêcheurs de coquilles Saint-Jacques en Manche, et vous les connaissez bien, monsieur le ministre. Alors que les pêcheurs français ne peuvent pêcher la Saint-Jacques que pendant une période allant d’octobre à mai, et que leurs prélèvements sont contingentés, les pêcheurs anglais et hollandais peuvent, eux, pêcher cette espèce toute l’année. Et la coquille Saint-Jacques n’est pas la seule espèce concernée. Comment expliquer cette différence au détriment des pêcheurs français et peut-on envisager une harmonisation à l’échelon européen ?

Ma quatrième question porte sur l’exploitation de secteurs de pêches extérieures à la zone européenne, qui ont un grand potentiel. La pêche française y est certes présente, mais ils sont également fréquentés par grand nombre de bateaux de pêche étrangers. Quelles dispositions pourraient être envisagées afin de relancer ce type de pêche, qui permettrait de réduire considérablement notre dépendance au regard de l’étranger ?

Monsieur le ministre, le Normand que je suis évoque souvent cette question avec ses collègues de l’outre-mer, notamment ceux de Saint-Pierre-et-Miquelon et de la Réunion. Nous réfléchissons à l’exploitation de ces zones, qui offrent d’importantes possibilités de pêche, et à l’organisation d’un approvisionnement pour notre pays. Nous avons en effet des installations de transformation de la pêche en Normandie, en particulier à Fécamp. Cela nous permettrait de réduire notre déficit, qui est inacceptable et inadmissible.

Je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien m’apporter, monsieur le ministre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, depuis plusieurs années, le monde agricole est frappé par une crise sans précédent, qui a la particularité de toucher tous les secteurs de manière durable et qui menace gravement la pérennité de l’activité des exploitants agricoles.

Des centaines de milliers d’exploitations ont disparu et des pans entiers de l’économie agricole sont aujourd’hui gravement menacés. Le nombre d’exploitants agricoles se réduit comme peau de chagrin face à des contraintes économiques et concurrentielles intenables. Le revenu des agriculteurs a considérablement chuté. La tendance est à l’agrandissement des exploitations, ce qui contribue à la disparition des agriculteurs locaux, lesquels font pourtant vivre nos territoires.

Cette crise illustre bien les dérives d’un système économique qui prône le rendement, le court terme et le profit. Or l’agriculture doit s’inscrire dans la durée. Elle a besoin de stabilité pour envisager une production de qualité sur le long terme.

Cette situation, nous la vivons tous, chaque jour, dans nos territoires, au contact de nos concitoyens. Le désarroi des agriculteurs est profond et tout à fait justifié : ils ont le sentiment d’avoir été abandonnés, sacrifiés sur l’autel du libéralisme, au profit de logiques purement financières de court terme.

D’aucuns soutiennent que l’année 2009 a été le point culminant de cette crise structurelle. Nous devons néanmoins tous avoir conscience que le malaise du monde agricole n’est pas en voie de rémission et que la crise n’est pas derrière nous. Bien au contraire, elle est devenue le lot quotidien de milliers d’agriculteurs qui, au bord de la faillite, se demandent s’ils vont pouvoir poursuivre leur activité.

Est-il normal, monsieur le ministre, que des agriculteurs en soient réduits à demander le revenu de solidarité active, le RSA ? N’est-ce pas là le signe d’une crise morale et sociétale ?

Voilà des années que les agriculteurs français se mobilisent et alertent les pouvoirs publics sur l’impasse dans laquelle ils se trouvent, des années aussi qu’ils réclament une action claire et concrète de la part de l’État afin que leur soient garantis des prix rémunérateurs, à la hauteur de leur travail.

Bien que le pouvoir en place n’ait pas cessé de répéter qu’il allait agir pour sauver l’agriculture française en lui apportant des remèdes adaptés, force est de constater que les réponses ne sont pas au rendez-vous, comme en témoigne encore aujourd'hui ce projet de budget. En effet, même si les crédits de la mission affichent une apparente progression de 1, 8 %, certains montages qui démentent les annonces du Président de la république et les vôtres, monsieur le ministre, sont difficiles à cacher.

Permettez-moi de vous donner deux exemples pour illustrer mon propos.

En premier lieu, monsieur le ministre, lors de la présentation, le 15 septembre dernier, des plans stratégiques de développement des filières, que l’on attendait depuis plus d’un an, vous avez fait état d’une dotation de 300 millions d’euros sur trois ans.

Pour 2011, 60 millions d’euros sont financés sur des lignes budgétaires existantes, les 40 millions d’euros restants provenant du produit estimé de la taxe sur la plus-value foncière réalisée lors de la vente de terrains nus devenus constructibles. Le produit de cette taxe, qui se veut dissuasive, dépend du marché du foncier. Il est donc difficile à évaluer. Destinée à abonder un fonds dédié à l’installation des jeunes agriculteurs et à préserver le foncier agricole, cette taxe devrait finalement servir à financer les plans stratégiques de développement des filières. Il s’agit là d’un détournement d’objectifs, à moins que, dans ce cadre, les candidats à l’installation soient privilégiés.

En second lieu, le Président de la République a promis de sanctuariser les aides à l’installation à hauteur de 350 millions d’euros. Or nous sommes loin du compte. Nous constatons même une réduction de plus de 25 millions des prêts à l’installation, soit une baisse de 16, 5 %.

Ces mesures sont très regrettables, car elles ne vont pas dans le bon sens, d’autant que la sonnette d’alarme a déjà été tirée depuis bien longtemps déjà. Ainsi, entre le 2 janvier 2009 et le 1er janvier 2010, seuls 13 300 exploitants agricoles se sont installés, soit une baisse sans précédent de 17, 1 % par rapport à 2008.

L’effectif des nouveaux agriculteurs âgés de moins de quarante ans a lui aussi diminué de 14, 5 % entre 2008 et 2009. Or, sans renouvellement des générations, nous pouvons craindre une disparition de l’activité agricole locale au profit de la généralisation, si tel n’est pas déjà le cas, des grandes exploitations intensives à l’origine de la désertification de nos territoires.

Le décalage entre les discours et les faits est donc assez marquant. La seule voie qui semble être suivie, malgré ce que l’on nous dit, est celle de la dérégulation et du libéralisme à tout-va.

Alors que, voilà quelques semaines, le Parlement s’est prononcé sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche – intitulé très optimiste ! –, on constate que cette réforme à tiroirs n’a apporté aucune solution réelle à la crise que traverse le monde agricole.

En plaçant la compétitivité au cœur de sa réforme tout en réduisant de façon drastique – de 21 % – les fonds destinés aux plans de modernisation des exploitations, le Gouvernement risque de compromettre une fois encore la survie de milliers d’exploitations agricoles.

À l’approche de la réforme de la PAC, qui ne s’annonce pas sous les meilleurs auspices pour les agriculteurs français, le projet de budget pour 2011 aurait dû apporter des réponses au monde agricole et le rassurer. Face à une crise exceptionnelle, le Gouvernement aurait dû prendre des mesures exceptionnelles. Or tel n’est malheureusement pas le cas. Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, il nous présente un projet de budget frappé du sceau de l’austérité. Les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » en subissent les conséquences, malgré une apparente augmentation de 1, 8 %.

Ce projet de budget n’assurera pas à l’ensemble des actifs agricoles une rémunération décente, juste et proportionnelle au travail qu’ils fournissent. C’est pourtant bien là qu’est la priorité !

Je regrette profondément que les crédits consacrés au plan de performance énergétique des exploitations agricoles baissent de 46 %, tout comme ceux de la filière bois-énergie, qui diminuent de 3 % en autorisations d’engagement et de près de 6 % en crédits de paiement. Cela signe l’abandon des résolutions du Grenelle de l’environnement du début de quinquennat.

Finalement, malgré les apparences, ce projet de budget est profondément soumis aux restrictions budgétaires. Il ne permettra pas d’amorcer favorablement la sortie de crise. Enfin, il n’apporte pas de réponses structurelles aux difficultés actuelles du monde agricole.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe socialiste ne votera pas les crédits de cette mission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Monsieur le ministre, nous sommes tous unanimes à reconnaître que le contexte budgétaire ne vous laissait qu’une marge d’action réduite. Vous avez cependant réussi à obtenir une hausse de 1, 8 % des crédits de paiement de la mission et une orientation prioritaire des crédits vers les secteurs en difficulté. Votre projet de budget marque un tournant, car il est axé sur des actions structurelles par le biais des plans stratégiques de développement des filières.

Même si votre projet de budget suit tendanciellement l’évolution générale du budget de l’État, nous apprécions particulièrement le renforcement des mesures de soutien au revenu des agriculteurs, comme, bien sûr, la reconduction de la prime à la vache allaitante, le renouvellement des crédits de la prime herbagère agro-environnementale, la PHAE, et le maintien de l’indemnité compensatoire de handicap naturel, l’ICHN, si importante pour les agriculteurs de montagne.

En qualité de président du groupe sénatorial d’études de l’élevage, je centrerai mon propos sur ce secteur.

Monsieur le ministre, si, grâce à votre détermination, des réformes structurelles et des accords ont pu être mis en place sur le marché du lait – l’accord d’août 2010 a tout de même permis une amélioration du prix –, si la filière ovine va un peu mieux grâce au rééquilibrage des aides de la PAC en faveur de ce secteur, la filière porcine, en revanche, continue de subir une oscillation des prix et, surtout, une élévation sensible des coûts de production du fait de la montée des cours des céréales et de ses conséquences sur l’alimentation animale. Cette filière mérite donc une attention toute particulière.

Mais que dire de la filière bovine, secteur en détresse par excellence ? Avec des prix de la viande inférieurs d’au moins 20 % au niveau nécessaire pour dégager un revenu, on arrive à un niveau moyen qui correspond à 40 % du revenu moyen agricole, lui-même déjà bien inférieur au revenu moyen de nos concitoyens. Dans ce contexte, désespérés de ne pouvoir discuter avec les principaux acteurs de l’abattage, absents des réunions de l’interprofession, les éleveurs ont été conduits à bloquer les abattoirs.

Il est urgent que les prix remontent, sinon le risque est grand que, dans quelques années, il y ait beaucoup moins d’éleveurs de viande bovine dans des zones dans lesquelles, bien souvent, on ne peut pas faire autre chose. Nous serons alors inondés par la viande en provenance d’Amérique du Sud.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Le groupe d’études de l’élevage a récemment reçu les représentants de la Fédération nationale bovine, plutôt satisfaits d’être enfin parvenus à un accord sur une orientation des prix à la hausse et, surtout, à des accords sur les classements et la promotion. Je sais, monsieur le ministre, que votre action a été déterminante dans ce domaine. Une très grande vigilance continuera d’être nécessaire au cours des prochaines semaines.

Monsieur le ministre, pour augmenter rapidement le prix de la viande bovine, ne serait-il pas judicieux, d’arrêter les tests de dépistage de l’encéphalopathie spongiforme bovine, l’ESB, – cette pandémie est devenue quasi-inexistante dans notre cheptel –, ainsi que l’élimination des matériaux à risque sanitaire, à l’instar, me semble-t-il, de tous nos voisins européens ? Ce manque de valorisation pénalise encore plus nos éleveurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Merci, monsieur le président. La flambée des prix des céréales, cet été, a conduit à l’explosion de coûts de production, rendant la situation des éleveurs intenable.

Monsieur le ministre, vous avez vous-même déclaré en commission qu’il était incroyable que l’on ne puisse pas expliquer la formation du prix d’un steak, acheté 3 euros le kilo à l’éleveur et revendu 17 euros au consommateur ! Ne faudrait-il pas davantage aller voir ce qui se passe dans la distribution, en particulier dans les grandes et moyennes surfaces ? Nous attendons cela avec impatience.

Dans ce contexte, la mise en place de l’Observatoire des prix et des marges, dont la commission a été heureuse d’auditionner le nouveau président récemment, est cruciale. Nous attendons avec une grande impatience la fin de l’année pour disposer des premières conclusions sur les mécanismes de formation des prix et des marges de la filière de la viande bovine. Il faut absolument que la transparence soit faite. Il est en effet inadmissible que dure une telle disparité entre les prix d’achat des produits et des matières premières aux agriculteurs et aux éleveurs et les prix de revente aux consommateurs.

Dans le cadre de l’aide aux éleveurs – c’est un dossier qui me tient à cœur –, la modernisation et la mise aux normes des bâtiments d’élevage sont bien entendu indispensables. Vous nous avez déjà dit, monsieur le ministre, que le niveau des dotations était maintenu à 29 millions d’euros, mais l’enveloppe est tout de même faible par rapport aux 52 millions d’euros inscrits au budget de 2009, surtout si on songe au soutien bien plus important que l’Allemagne apporte à ses éleveurs dans ce domaine.

Le plan de modernisation des bâtiments d’élevage, le PBME, est essentiel pour garantir l’avenir de l’élevage, principalement celui de la filière laitière. Or le niveau des enveloppes est insuffisant pour répondre à la demande. Les files d’attente établies selon des critères de priorité, l’impossibilité de démarrer les travaux avant l’accord de subvention, la fixation de sous-plafonds nationaux nettement inférieurs à ce qu’autorise le cadre européen, sont autant de freins qui découragent les éleveurs.

À mon sens, il faudrait un plan plus ambitieux, afin de permettre à la France de regagner la compétitivité qu’elle a perdue face aux principaux pays producteurs laitiers de l’Union européenne, notamment l’Allemagne.

Monsieur le ministre, il serait judicieux de dresser un bilan des débuts de l’application du plan actuel et, surtout, d’évaluer les besoins à moyen terme. Cela irait dans le sens du bien-être des animaux, dont on parle beaucoup, mais aussi et surtout, du bien-être des éleveurs qui, en Bretagne comme dans votre région, subissent déjà les affres du froid, du gel et de la neige. Ce matin, lorsque j’ai quitté mon exploitation, il faisait moins 18 degrés ; tout était gelé ! Mais les températures sont sans doute descendues jusqu’à moins 24 degrés ou moins 25 degrés à Mouthe, dans le Haut-Doubs. Des bâtiments adaptés sont donc indispensables à la qualité du travail des éleveurs.

Le transfert des crédits de la génétique sur le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », le CASDAR, suscite des inquiétudes chez les professionnels. Ils craignent que cela ne remette en cause l’engagement de l’État et le modèle de la génétique française, notamment le service public de l’insémination artificielle et, surtout, l’amélioration génétique des ruminants. Comme vous le savez, la recherche génétique française est l’une des meilleures du monde. Il serait dommage de l’affaiblir. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer sur ce sujet, ainsi que sur le transfert d’un certain nombre d’actions aux organismes à vocation sanitaire, les OVS ?

Je souhaite aussi obtenir des précisions sur le financement des mesures relatives aux races en voie de disparition. Cette question relève-t-elle de votre budget, monsieur le ministre ? Ne serait-il pas plus pertinent d’utiliser les crédits du ministère de l’environnement consacrés à la biodiversité ? Je pense notamment aux crédits inutiles qui sont dépensés pour promouvoir des prédateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Nous connaissons tous le coût de la réintroduction du loup.

Monsieur le ministre, quelles sont vos intentions au sujet des services de remplacement, question qui a été soulevée par de précédents intervenants.

Que pouvez-nous nous dire sur les chambres d’agriculture, qui viennent d’obtenir des compétences nouvelles, mais qui s’inquiètent de la diminution de certains crédits.

Par ailleurs, et même si cela ne relève pas de votre budget, je souhaite rappeler une nouvelle fois la nécessité d’une hausse de la retraite des exploitants et exploitantes agricoles, qui reste toujours bien faible. Ces professionnels ont pourtant bien travaillé pour la qualité de nos produits agricoles. Si ce n’était pas le cas, croyez-vous que la table française aurait été classée au patrimoine mondial de l’humanité, ce dont je me réjouis ?

Monsieur le ministre, à mon tour de souligner le caractère stratégique de l’agriculture, en France comme dans le reste de l’Europe. Nous ne pouvons pas laisser l’organisation du marché agricole mondial voguer au gré des spéculations diverses, des crises géographiques ou sanitaires. L’Union européenne a déjà compris, en grande partie grâce à vous, la nécessité de maintenir des instruments de régulation. Mais beaucoup de chemin reste à parcourir.

Le prochain G20 sera important puisque la France a réussi à y faire inscrire la résolution du problème de la volatilité des prix des matières premières agricoles. Je sais que vous y êtes très attentif, et nous le serons avec vous.

Monsieur le ministre, je voterai naturellement les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, la discussion de cette partie du projet de loi de finances consacrée à l’agriculture intervient quelques mois après l’adoption de la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, la LMAP. Elle s’inscrit à l’évidence dans son sillage et devrait en être le prolongement.

Or le projet de budget qui nous est présenté ne répond pas aux enjeux actuels de l’agriculture, tels que nous les connaissons. La crise que nous traversons depuis plusieurs années est loin d’être achevée. Les producteurs de lait peinent à résorber leurs pertes.

Monsieur le ministre, vous avez dû, dans l’urgence, intervenir dans le conflit de la viande bovine qui opposait les éleveurs aux abattoirs. Et combien de producteurs de porcs survivront-ils à la faiblesse récurrente des cours, peut-être entretenue artificiellement, et qui dure depuis de trop nombreux mois ?

Les palliatifs budgétaires des années précédentes n’ont fait que répondre à la marge à un problème plus profond. Car ce sont les orientations mises en place pour l’agriculture qu’il faut revoir, au lieu d’apporter des corrections ponctuelles.

Les dispositions maîtresses de la LMAP, ou du moins celles qui sont présentées comme telles, tardent à se mettre en place et suscitent plus de questions et de doutes qu’elles n’apportent de confiance et de sérénité. Ainsi, le projet de décret portant sur la contractualisation laitière recueille pour l’heure le scepticisme des syndicats de tous bords et des représentants professionnels agricoles.

Dans ce contexte, la hausse du projet de budget consacré à l’agriculture pour 2011 est peu significative puisque, enseignement agricole y compris, les crédits passent de 5, 2 à 5, 3 milliards d’euros, soit une augmentation de 1, 8 %. Cette progression est conforme aux chiffres de l’inflation. Ce projet de budget est donc, au mieux, constant.

Cette hausse, somme toute très relative, s’explique principalement par une augmentation de 492 millions d’euros due à l’exonération des charges patronales de sécurité sociale pour les emplois saisonniers dans certains secteurs de production. Dont acte ! Cette décision était souhaitable. Il n’en subsiste pas moins, entre les pays européens, des disparités de situation peu compatibles avec une approche communautaire de l’agriculture.

Par ailleurs, on assiste à la suppression des exonérations de charges salariales dont bénéficiaient jusqu’à présent les travailleurs occasionnels de moins de vingt-six ans. Il s’agissait d’une mesure de soutien en faveur de travailleurs jeunes à la recherche d’un revenu d’appoint, qui rendait le travail saisonnier plus attractif.

Cette pseudo-hausse budgétaire est également aléatoire, dans la mesure où elle laisse entrevoir une réduction programmée des crédits de paiement à l’échéance de 2013. À cet horizon, les objectifs sont en effet très clairs et cohérents, avec l’affichage d’une volonté de diminution des dispositifs d’intervention.

La conviction est largement partagée que l’installation des jeunes agriculteurs est une priorité. Bien que perfectibles, des mesures avaient été mises en place pour favoriser l’installation des jeunes. La traduction budgétaire de cette volonté est désormais moins affirmée, en dépit des engagements pris par le Président de la République. La meilleure illustration en est la baisse très nette des prêts à l’installation, qui sont en recul de 25 millions d’euros.

En outre, rien n’indique clairement que l’intégralité du produit de la taxe sur la plus-value foncière sera réellement consacrée à l’installation des jeunes agriculteurs, comme vous l’aviez indiqué à la suite des interventions unanimes des sénateurs. À moins que vous n’apportiez des précisions claires sur ce point, monsieur le ministre.

Rien ne change vraiment sur le terrain, et les jeunes éprouvent toujours autant de difficultés à s’installer. Le moindre des paradoxes n’est pas que, aujourd’hui, dans certaines régions, les installations non aidées ou hors normes sont aussi et même parfois plus nombreuses que les autres. Cela démontre que les vocations existent. Il faudrait les accompagner mieux que cela n’est fait aujourd'hui.

Lors de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous avions exprimé notre choix, sur la question des assurances contre les aléas climatiques, en faveur d’un dispositif de réassurance publique, solution que vous n’aviez pas écartée. Nous devons observer, avec les rapporteurs, que rien n’est cependant envisagé dans le projet de loi de finances pour 2011. Il s’agissait pourtant d’un des dispositifs phares de la LMAP, qui devait être mis en œuvre très rapidement après son adoption. Faut-il en déduire que cette ambition est différée, monsieur le ministre ?

L’action la moins bien dotée du programme est celle qui concerne un très grand nombre d’agriculteurs. Les crises et les aléas de production sont en effet récurrents et auraient mérité un meilleur arbitrage que ce que l’on constate, avec cette baisse de 39 %, soit 28 millions d’euros de crédits de paiement de l’action 12, Gestion des crises et des aléas de la production, du programme 154, Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires. L’assurance-récolte elle-même, pourtant présentée comme une disposition essentielle, se trouve amputée de près de 5 millions d’euros. Qu’adviendra-t-il si la crise agricole s’accentue encore ?

Les moyens dédiés aux actions internationales et à la stratégie économique diminuent dans ce projet de budget de 800 000 euros, alors que la France perd des parts de marché à l’export. Ainsi, en 2009, pour la première fois depuis vingt ans, les exportations agroalimentaires ont reculé de 12 %.

Si l’avenir de l’agriculture est soumis aux marchés globalisés, le tournant en faveur d’une libéralisation accrue a de quoi inquiéter.

Certes, pour la période 2007-2013, les crédits européens sont de 330 milliards d’euros, soit 10 milliards d’euros par an pour la France. Mais c’est l’après-2014 qui devient problématique. Car les agriculteurs devront en toute hypothèse s’aligner davantage encore sur le marché mondial. Il serait intéressant de savoir quelles options seront prises à l’échelon national sur la répartition des crédits européens.

Ajoutez à cela la volatilité chronique des cours mondiaux des produits agricoles à laquelle nous sommes soumis, et chacun mesurera le risque encouru pour la sécurité alimentaire de notre pays, comme pour la survie à terme de nombreux agriculteurs et la vitalité de nos territoires. Il n’existe pas de perspectives durables sans régulation. L’absence d’engagements clairs cache en réalité la dérégulation qui se poursuit.

Perdre les outils de la régulation des marchés, c’est livrer l’agriculture aux fluctuations parfois spéculatives des cours. Pour le secteur laitier, l’objectif poursuivi est ainsi de préparer la filière à la disparition du régime des quotas pour 2015. Mais avec quelles conséquences ? Le président de la Fédération nationale des producteurs de lait, la FNPL, en a fait récemment le constat quand il a déclaré que « la régulation des relations commerciales qui sera issue des futurs contrats ne remplacera jamais la régulation des marchés organisés par l’Europe ».

L’agriculture n’est pas une activité économique banale. Elle permet l’alimentation des populations, l’indépendance alimentaire. C’est le premier maillon de la chaîne de l’alimentation. À ce titre, une régulation est nécessaire, sauf à réduire l’agriculture à la variable d’ajustement de la filière agroalimentaire et de la grande distribution.

L’oublier, c’est livrer les exploitations à taille humaine, les paysans en difficulté et le développement des filières à un marché d’autant plus âpre que tous n’y jouent pas avec les mêmes règles et n’y exercent pas le même pouvoir. Dans l’esprit de quelques-uns, la sélection naturelle doit, elle aussi, s’appliquer à l’agriculture, via les règles pures et dures du marché. Les exploitations les plus faibles sont-elles vouées inexorablement à disparaître ? C’est l’avenir de nos territoires ruraux qui serait alors menacé par une remise en cause de leur équilibre économique souvent fragile, car l’agriculture y représente fréquemment une des seules activités.

Monsieur le ministre, le présent projet de budget de l’agriculture s’inscrit clairement dans les options libérales que promeut le Gouvernement et dont nous mesurons les conséquences particulièrement négatives pour l’économie agricole et les agriculteurs eux-mêmes.

Aussi, avec mes collègues du groupe socialiste, je ne voterai pas les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous convie à prendre un peu l’air du grand large.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

La France a la deuxième zone économique exclusive du monde, qui s’étend sur quelque 11 millions de kilomètres carrés. Les États-Unis ont seulement 300 000 kilomètres carrés de plus que nous.

Dans les années à venir, les potentialités de la mer en termes de biodiversité, de satisfaction des besoins de la consommation humaine et de développement économique constitueront une part croissante des richesses du monde. Pourtant, mes chers collègues, sur tous les océans bordant les côtes françaises, nous constatons une incohérence dans l’approche de la connaissance et de l’exploitation de l’ensemble de ces potentialités.

Je serai bref, car une cause comme celle-là n’a pas besoin d’être plaidée tant elle est juste.

Monsieur le ministre, je souhaite que soit mis en place un groupe de travail réunissant, autour de vous-même et de Mme la ministre chargée de l'outre-mer, les grands experts français qui connaissent bien nos océans, puisqu’ils ont réussi à maîtriser et à protéger les ressources dans les Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF, tout en permettant de les exploiter.

J’aurais voulu que l’on fasse de même dans l’océan Indien, autour du canal de Mozambique et de la Réunion, en Polynésie, en Nouvelle-Calédonie, avec un triple objectif.

Premièrement, alors que nous pourrions construire des bateaux pour exploiter nos richesses, car nos eaux sont poissonneuses, on nous applique le règlement européen de l’Atlantique nord, où les ressources se raréfient.

Le poisson est là, mais nous n’avons pas la capacité de le pêcher. Pourtant, au moment où je vous parle, des navires coréens, chinois, espagnols pillent les ressources françaises, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

Tout à fait !

Or, nous restons les bras croisés. J’insiste, monsieur le ministre, sur l’importance de cette question.

Deuxièmement, usant de l’article 349 du traité de Lisbonne, il faudrait que nous expertisions les possibilités d’adaptation des règlements de pêche dans les régions ultrapériphériques, les RUP. Cet article, qui ouvre de grandes possibilités, n’a jamais été utilisé en matière de pêche.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je souhaite que s’installe un partenariat entre les armements français et ceux des îles de l’océan Indien ou des Caraïbes, à l’instar de ce qui s’est fait pour la légine. Cela permettra aux armements français de connaître un nouvel essor et nous pourrons profiter de leur expérience pour étendre nos activités.

Troisièmement, les pays de la zone devraient mettre en place des traités de coopération internationale avec les puissances voisines, notamment pour le thon, comme cela a été le cas entre les terres australes et antarctiques françaises et l’Australie.

Le Gouvernement a toute autorité sur nos mers et sur nos océans. Conjuguons nos réflexions et nos efforts pour que la pêche dans les régions ultrapériphériques et dans les collectivités d’outre-mer devienne un atout pour le développement de la pêche nationale.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre précisément aux questions qui m’ont été posées, je ferai quelques observations générales sur le contexte économique actuel, qui marque l’agriculture française comme l’agriculture européenne.

Nous sommes au croisement de trois défis, que nous devons relever ensemble.

Le premier défi est l’effondrement des revenus des agriculteurs français en 2009, qui ont baissé de 34 % en moyenne et de 50 % pour certains producteurs, en particulier dans le secteur laitier.

Le deuxième défi est la crise budgétaire que connaissent l’ensemble des pays européens, et qui oblige la France et ses voisins à engager une politique rigoureuse en matière de gestion des déficits publics pour éviter d’avoir à prendre des dispositions plus draconiennes.

Le troisième défi réside dans une concurrence accrue sur la question agricole, aussi bien en Europe, en particulier avec l’Allemagne, que dans le reste du monde, je pense notamment aux pays d’Amérique du Sud.

Il serait irresponsable de vouloir aborder ce projet de budget sans garder présents à l’esprit ces trois défis qu’il est nécessaire de relever ensemble. C’est bien le choix politique qui a été le nôtre dans ce projet de budget.

Tout d’abord, nous avons pris la décision, que j’assume, de réduire les crédits de fonctionnement afin d’éviter de nous retrouver dans une situation budgétaire encore plus difficile qui nous contraindrait à prendre des décisions douloureuses, comme ont dû le faire d’autres pays européens.

Ensuite, nous avons décidé d’assurer le maintien ou l’augmentation des soutiens directs aux agriculteurs, qui sont la priorité absolue de ce budget.

Enfin, nous avons voulu moderniser notre agriculture en mettant en place la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Je profite de l’évocation de cette loi pour rassurer Yannick Botrel : 90 % des 70 décrets d’application prévus dans cette loi seront pris avant la fin du mois de janvier 2011. §C’est l’un des meilleurs taux de mise en place des décrets sur l’ensemble des lois adoptées en 2010.

Les priorités pour 2011 sont très claires.

La première des priorités est l’augmentation du revenu de tous les agriculteurs français.

Pour répondre aux critiques qui se sont élevées et aux inquiétudes exprimées par certains d’entre vous, je pense à Renée Nicoux, je précise que les chiffres dont vous aurez connaissance dans quelques jours attestent d’un relèvement significatif du revenu des agriculteurs en 2010, toutes filières confondues. Ce relèvement n’est pas dû uniquement à la conjoncture. Il résulte également de décisions que nous avons prises à l’échelle nationale ou sur le plan européen.

La deuxième priorité, au-delà de l’augmentation et de la sécurisation du revenu des agriculteurs, réside dans les batailles que nous aurons à mener pour le budget de la politique agricole commune et pour la régulation des marchés agricoles européens. Madame Herviaux, depuis ma prise de fonction, je suis resté fidèle aux choix de soutenir la régulation contre la libéralisation des marchés, de privilégier l’encadrement des marchés à l’ouverture à outrance, à l’absence de règles et d’un minimum de réciprocité qui pourraient, je pèse mes mots, tuer l’agriculture française.

La troisième priorité consistera à nous montrer très vigilants sur les questions internationales, notamment en ce qui concerne les négociations commerciales. Il n’est en effet pas question de livrer nos agriculteurs à des accords commerciaux internationaux, aussi bien avec l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC qu’avec le MERCOSUR, car cela signifierait la disparition d’un certain nombre d’exploitations en France. J’ajoute, à l’attention de Gérard Le Cam, que nous engagerons la bataille contre la volatilité des matières premières agricoles dans le cadre du G20, à la demande du Président de la République. En effet, chacun le sait, la volatilité du prix des matières agricoles est le premier des problèmes qui se posent à l’ensemble des agriculteurs, en France comme dans les autres pays européens.

J’en viens au projet du budget de mon ministère proprement dit. Les crédits de la mission «Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », enseignement agricole y compris, s’élèvent à 5, 7 milliards d’euros en 2011 en crédits de paiement, soit une augmentation de 1, 8 % par rapport à 2010, avec une très légère baisse de 0, 1 % à la fin du triennal.

Le programme 154, Économie et développement durable de l’agriculture, de la pêche et des territoires, qui pour nous tous ici est le plus important, est doté de 2 milliards d’euros de crédits de paiement en 2011. Nous avons engagé sur ce programme un certain nombre d’économies de crédits que je tiens à rappeler.

Certaines économies résultent de l’arrivée à échéance de dispositifs antérieurs. Je pense, en particulier, au plan de soutien exceptionnel à l’agriculture, qui nous permet d’économiser 150 millions d’euros en crédits de paiement, ou encore à la non-reconduction de la mesure rotationnelle, prévue pour un an seulement, qui nous permet d’économiser 135 millions d’euros en autorisations d’engagement.

Par ailleurs, nous économisons 31 millions d’euros de crédits de paiement au titre de la compensation de la taxe carbone, qui avait été budgétée, mais qui n’a pas été mise en place, et 24 millions d’euros de crédits de paiement au titre de la fin du plan pour une pêche durable et responsable.

Au-delà des crédits budgétés et non employés, d’autres économies, dont M. le rapporteur spécial a dressé la liste, résultent des réformes engagées par mon ministère au titre de la RGPP. Je pense à la rationalisation des crédits de FranceAgriMer, qui permet de dégager 15 millions d’euros en crédits de paiement en 2011, à la réaffectation des 9, 6 millions d’euros de crédits dédiés à la génétique animale sur le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », à la réforme des associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA, qui dégagera 6 millions d’euros en 2011, ainsi qu’aux dépenses de fonctionnement de l’administration et des établissements publics, qui seront réduites de 10 % en trois ans, et de 5 % dès 2011.

C’est un effort important qui est demandé en termes de crédits de fonctionnement à mon ministère. Une fois encore, je l’assume, car je considère que, eu égard aux contraintes budgétaires que nous connaissons, nous devons en priorité soutenir les agriculteurs. Je tiens d’ailleurs à saluer le sens des responsabilités de l’ensemble des agents de mon ministère qui, conscient de cette nécessité, nous ont permis de préserver les mesures de soutien au revenu des agriculteurs.

Monsieur le rapporteur spécial, je suis favorable à la mise en place d’une mission pluriannuelle, aussi bien sur l’Agence de services et de paiement, l’ASP, que sur l’Institut français du cheval et de l’équitation. Une telle initiative pourrait se révéler très utile.

Les mesures de soutien aux revenus des agriculteurs sont, je le répète, la priorité absolue de mon ministère. Les économies que nous avons réalisées nous permettent de maintenir intégralement un certain nombre de dispositifs vitaux pour les exploitants. Il en est ainsi de la prime nationale à la vache allaitante, que M. Bailly a mentionnée, pour laquelle nous avons préservé 165 millions d’euros. J’ajoute, monsieur le sénateur, que, depuis 2007, nous avons consacré 400 millions d’euros à la modernisation des bâtiments d’élevage. L’effort est donc soutenu.

Les économies réalisées nous également permis de maintenir 248 millions d’euros pour les indemnités compensatoires de handicaps naturels. Lors d’un récent déplacement dans le Rhône, j’ai pu une nouvelle fois mesurer combien les ICHN sont un élément clé du maintien de notre modèle agricole. Si nous voulons des exploitations partout, y compris dans les zones difficiles, il est indispensable de préserver les ICHN. Le maintien de ces indemnités constitue une priorité absolue, je l’ai encore répété aujourd'hui au commissaire européen Dacian Ciolos qui déjeunait avec le Premier ministre.

J’attache une attention particulière à la filière bovine, à chère au cœur de Daniel Soulage et d’Ambroise Dupont, sur laquelle j’aurais l’occasion de revenir lors des questions-réponses-répliques. C’est, avec la filière porcine, une des productions qui connaît les plus grandes difficultés. Je suis particulièrement mobilisé sur ce sujet depuis le début du mois de septembre. J’espère que nous verrons, notamment en termes de prix, les premiers résultats de cette action dans les semaines à venir.

Tous les crédits nécessaires ont également été prévus pour couvrir les engagements pris en 2010 en matière de renouvellement des contrats au titre de la prime herbagère agro-environnementale. C’était une question très sensible pour vous tous, et Jean-Paul Emorine m’a alerté à plusieurs reprises sur ce point. Tous les engagements pris sur la PHAE seront tenus. En 2011, 47 millions d’euros ont été ouverts en décrets d’avances pour couvrir les contrats arrivant à échéance en 2010 et en 2011. En 2012, 19 millions d’euros sont prévus pour prolonger de deux ans les contrats qui arrivent à échéance, afin que tous les PHAE arrivent à terme en 2014, lorsque sera mise en œuvre la future politique agricole commune. Ainsi, aucun éleveur ne verra ses contrats de PHAE annulés ou reportés.

En ce qui concerne l’installation des jeunes agriculteurs, qui inquiètent, et c’est bien légitime, Odette Herviaux et Renée Nicoux, j’apporterai deux précisions.

En premier lieu, les 350 millions d’euros prévus seront bien intégralement maintenus. Ils se décomposent en 169 millions d’euros de crédits du ministère de l’agriculture, en 94 millions d’euros de cofinancement du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, et en 86, 9 millions d’euros d’aides fiscales et d’exonérations sociales. Faisons bien attention lorsqu’on regarde cette ligne à ne pas comptabiliser uniquement les crédits du ministère, mais à prendre également en compte les exonérations fiscales et sociales, ainsi que les financements européens du FEADER.

En second lieu, l’intégralité de la taxe pour les jeunes agriculteurs sera bien consacrée, je vous rassure, à des projets pour les jeunes agriculteurs. Ce n’est pas parce que l’aide s’inscrit dans les plans de développement qu’elle n’ira pas aux jeunes agriculteurs.

La filière cheval a fait l’objet de nombreuses questions. Comme toujours, la mobilisation du Sénat a été payante. Quelques ajustements sont certes nécessaires, mais les amendements qui ont été déposés sur ce sujet nous permettront probablement de remédier à certaines difficultés.

Monsieur Le Cam, il n’est pas question d’abandonner le cheval de trait breton. Nous continuerons à consacrer 10 millions d’euros par an à l’identification et à l’étalonnage gratuit du cheval de trait et nous maintiendrons, dans le cadre de la politique agricole commune, les soutiens financiers à ces chevaux. Il n’y a pas, en France, uniquement des chevaux légers ou de course. Il est tout à fait légitime que les races de chevaux de trait continuent à être préservées.

Au-delà de ces mesures de soutien, les crédits du programme 154 doivent permettre de renforcer la compétitivité de nos filières, car la réponse à la concurrence allemande et internationale reposera sur leurs gains de compétitivité. Sur ce point, comme nous en avons ensemble pris la décision, je ne bougerai pas d’un millimètre. Ces gains de compétitivité sont indispensables, car il n’est pas question que nous continuions à perdre des parts de marché au profit de nos voisins allemands, espagnols ou italiens, aussi sympathiques soient-ils !

Nous continuerons donc d’accompagner la modernisation de l’agriculture avec les plans de développement, qui mobiliseront 300 millions d’euros pendant trois ans, à raison de 180 millions d’euros prélevés sur le budget de l’État, soit 60 millions d’euros par an, et de 120 millions d’euros produits par la taxe sur le foncier agricole qui seront, je le répète, réservés au financement de l’installation des jeunes agriculteurs.

Toujours en matière de compétitivité, nous allons poursuivre l’allégement des charges sur le travail occasionnel, un certain nombre d’entre vous, notamment Claude Biwer, en ont parlé. Il est indispensable que nous progressions dans ce domaine, car le coût du travail, dans le secteur de l’agriculture, peut représenter jusqu’à 60 % du coût du produit.

La Parlement a adopté, au début de l’année dernière, une mesure exonérant de toute charge sociale le travail occasionnel. Cette mesure représente un coût supplémentaire de 170 millions d’euros par an, ce qui porte le total de l’ensemble des exonérations de charges sociales sur le travail occasionnel dans l’agriculture à 492 millions d’euros, soit un demi-milliard d’euros par an. La décision que nous avons prise tous ensemble sur ce sujet a largement aidé le secteur des fruits et légumes et un certain nombre d’autres secteurs agricoles, qui ont connu une année 2010 bien meilleure que l’année 2009.

Cet exemple prouve que nous devons, à mon sens, continuer dans cette direction. J’ai donc confié à un député le soin de me remettre un rapport sur ce sujet dans les six mois à venir, de façon que nous puissions aussi présenter des propositions concrètes sur le travail permanent. Je vous propose de travailler ensemble sur ce sujet et d’expérimenter un certain nombre de dispositifs qui permettront à notre agriculture d’être plus compétitive.

Au-delà de ces décisions, je plaide de longue date pour une harmonisation des règles en Europe, qui permettront à la France d’affronter ses concurrents européens à armes égales.

Ces mesures de compétitivité doivent aussi s’accompagner de modifications des règles du droit européen de la concurrence, j’ai en d’ailleurs parlé ce midi avec Dacian Cioloş qui était invité à déjeuner chez le Premier ministre. Il s’agit de permettre aux producteurs de se regrouper pour mieux défendre leurs intérêts. J’avais eu l’occasion de le souligner lors de la discussion du projet de loi sur la modernisation de l’agriculture et de la pêche : si nous voulons des contrats justes et efficaces entre producteurs et industriels transformateurs ou distributeurs, il faut autoriser les producteurs à se regrouper. M. Jean-Paul Emorine a, à juste titre, soulevé cette question.

Je ne vous cache pas que la discussion est difficile. La Commission européenne n’est pas uniquement composée du commissaire à l’agriculture, malheureusement, en l’occurrence ! Nous devons tenir compte de la position d’autres commissaires. Nous devons notamment convaincre le commissaire à la concurrence, Joaquín Almunia, que, à partir du moment où l’on a autorisé la constitution de cartels dans l’industrie laitière, regroupant de très grandes entreprises telles que Danone, Lactalis ou Sodial, dont nous pouvons à bon droit être fiers, il n’est pas illégitime de permettre aux producteurs de s’organiser aussi pour négocier en position de force, ou du moins sur un pied d’égalité avec les industriels. C’est une question de justice, mais aussi d’efficacité économique. Pour établir un bon contrat, il faut des parties de force comparable, mille ou deux mille producteurs, d’un côté, et la grande industrie laitière, de l’autre, et non pas des parties déséquilibrées, un petit producteur normand face à un industriel comme Danone.

S’agissant de la pêche et de l’aquaculture, questions abordées par Charles Revet et Odette Herviaux, les 31 millions d’euros de baisse des crédits de paiement correspondent à la fin de la mise en œuvre du plan pour une pêche durable et responsable. En revanche, plusieurs actions innovantes essentielles seront poursuivies : ainsi, les contrats bleus, qui constituent une action prioritaire à nos yeux, continueront à s’inscrire dans la durée, pour un montant de 10 millions d’euros par an.

Le vieillissement de la flotte, évoquée par Odette Herviaux et Charles Revet, est une question absolument majeure : nos bateaux ont en moyenne 25 ans, ils consomment trop de carburant et le coût final du poisson est grevé par le prix du carburant, qui peut représenter jusqu’à la moitié du coût de revient du poisson ! Il est donc indispensable de moderniser ces bateaux. Dans les jours prochains, je confierai au député Daniel Fasquelle, la mission d’élaborer un rapport sur le renouvellement de la flotte, et je lui demanderai de présenter des propositions concrètes assorties des financements adéquats.

Nous consacrerons 5 millions d’euros en 2011 au renforcement de la connaissance des ressources halieutiques et au développement d’un partenariat encore plus étroit entre scientifiques et pêcheurs.

J’ai été heureux d’entendre les remarques de Charles Revet et Odette Herviaux sur ces sujets. Je saisis cette occasion pour répéter, devant la représentation nationale, ce que j’ai déjà dit publiquement : je souhaite que l’on témoigne une plus grande considération aux pêcheurs.

M. Charles Revet approuve.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Je suis toujours surpris, dans le débat public, de constater la considération que l’on a pour les poissons, qui certes le méritent, et le peu d’égards que l’on accorde aux pêcheurs et aux emplois de pêche, comme si l’on pouvait les rayer d’un trait de plume sans que personne ne s’en émeuve.

Signes d’assentiment sur de nombreuses travées.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Je vous avoue être plus ému par la disparition d’un emploi de pêche ou d’un pêcheur, sur le littoral atlantique ou méditerranéen, que par la disparition d’un poisson au fond de la mer !

Mme Nathalie Goulet et M. Jean-Paul Virapoullé applaudissent.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

En ce qui concerne l’ostréiculture, je ne vous cache pas ma préoccupation pour cette filière, pour laquelle je me suis beaucoup engagé depuis le début de mon action à la tête de ce ministère. Nous avons déjà pris de nombreuses dispositions, notamment le remplacement du test de la souris par le test physicochimique, au prix d’une bataille difficile qui a beaucoup aidé les ostréiculteurs. Le Premier ministre a également accepté de classer l’année 2010 en calamité agricole et nous avons adopté un certain nombre de dispositions fiscales pour soutenir les ostréiculteurs. Reste à relever le défi du remplacement des huîtres aujourd’hui affectées par une surmortalité des juvéniles due à des souches infectieuses plus résistantes. Le défi est compliqué à relever et nous aurons besoin d’une entière mobilisation pour aboutir dans les meilleurs délais possibles.

Monsieur Revet, les schémas régionaux d’aquaculture seront mis en place dans les douze mois à venir, car ces dispositifs sont longs à installer.

L’allongement des périodes de pêche à la coquille Saint-Jacques, notamment pour Dieppe et Fécamp qui sont directement concernés, fait toujours l’objet de discussion, car il n’est pas certain que les avantages l’emportent sur les coûts. Il faut que les pêcheurs s’entendent sur ce sujet, ce qui n’est pas encore le cas.

Enfin, monsieur Virapoullé, en ce qui concerne la zone économique exclusive française outre-mer, je suis tout à fait ouvert à la mise en place d’un groupe de travail conjoint entre le Parlement, mon ministère et celui de Mme Penchard. Je suis prêt à ce que nous travaillions de concert sur ce sujet et je partage votre appréciation sur les problèmes que vous avez soulevés.

Les crédits du programme 206, Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation, vont évoluer avec la mise en place de la première politique publique de l’alimentation. Les raisons de la forte baisse des crédits de ce programme ont été expliquées par Joël Bourdin. Cette diminution résulte à la fois du transfert du financement de la gestion de l’équarrissage aux filières professionnelles, de la fin de l’élimination des farines animales, qui entraînent une réduction de 27, 2 millions d’euros des crédits de paiement en 2011, ainsi que du transfert aux services du Premier ministre des crédits mutualisés des directions départementales interministérielles.

Malgré ces baisses conjoncturelles, qui s’expliquent facilement, nous accordons une priorité absolue à la sécurité sanitaire, à laquelle nous consacrons des crédits en forte augmentation. La sécurité sanitaire de l’alimentation est un de nos atouts, nous avons tout intérêt à le valoriser.

À propos des récentes controverses soulevées par les traces de pesticide retrouvées dans un certain nombre d’aliments produits en France, notamment les fruits et légumes, je rappellerai que nous respectons les règles et les normes les plus strictes en Europe. Nous avons réalisé des progrès considérables en la matière : toutes les quantités relevées sont très inférieures aux seuils de tolérance fixés par l’Union européenne. Nous continuerons d’avancer dans cette direction, mais n’alarmons pas inutilement nos concitoyens alors que les risques ne sont pas avérés !

En ce qui concerne la forêt : nos deux priorités budgétaires sont la lutte contre les conséquences de la tempête Klaus et le redressement de la situation budgétaire de l’Office national des forêts, l’ONF.

Dans le prolongement des décisions annoncées par le Président de la République à Urmatt, 371 millions d’euros seront consacrés au développement des forêts, ce qui représente une hausse de près de 10 % en crédits de paiement.

Le budget de l’ONF souffre, vous le savez, de déséquilibres structurels. Nous étudierons dans les mois à venir, avec Pascal Viné et Hervé Gaymard, les moyens de renouer avec l’équilibre financier. Plusieurs pistes sont avancées, mais aucune décision n’a encore été prise. Il faudra vraisemblablement choisir entre la possibilité d’aménager le taux de contribution au compte d’affectation spéciale « Pensions », solution défendue par l’ONF, ou l’augmentation de la subvention de l’État, qui n’est pas prévue dans le triennal. Seules certitudes : le budget de l’ONF devra être équilibré en 2011 et la subvention versée par le ministère de l’agriculture augmentera de 5 millions d’euros par rapport à 2010.

Enfin, nous suivons de très près la propagation des scolytes, dans la forêt des Landes. Monsieur César, nous avons eu l’occasion de nous en entretenir à Bordeaux, hier : nous réserverons 7 millions d’euros, prélevés sur l’enveloppe du plan de reconstitution de la forêt, au plan de lutte contre les scolytes. Et si le froid nous aide, peut-être verrons-nous les scolytes disparaître plus rapidement et pour un coût bien moindre qu’un traitement.

Les crédits du programme relatif à l’enseignement agricole ayant déjà été examiné, je rappellerai simplement que cet enseignement reste une priorité pour mon ministère.

J’en viens enfin aux questions diverses soulevées par différents orateurs.

En ce qui concerne les chambres d’agriculture, je laisse à François Baroin le soin de vous répondre lors d’une prochaine discussion. Pour l’heure, je rappellerai simplement trois points.

Tout d’abord, nous faisons tous des efforts, y compris le ministère de l’agriculture, notamment sur ses crédits de fonctionnement. Il n’est donc pas illégitime que cet effort soit partagé, même si, je le sais, de nouvelles missions sont confiées aux chambres d’agriculture.

Ensuite, n’oublions jamais que l’augmentation de la taxe pèse non pas sur le budget de l’État, mais directement sur les agriculteurs. Or ma préoccupation est d’améliorer le revenu des agriculteurs, donc d’éviter de leur imposer de nouvelles charges.

Enfin, le Gouvernement a proposé la création d’un taux pivot de 1, 5 %, avec la possibilité de monter jusqu’à 3%. Le Sénat reviendra sur ce sujet demain soir, et je ne doute pas que Joël Bourdin et Jean-Paul Emorine sauront mobiliser leurs collègues sur ce sujet.

Monsieur César, sachez que je refuse catégoriquement la suppression des droits de plantation. Voilà quelques années, l’agriculture européenne s’est engagée dans la voie d’une libéralisation totale, qui a été un échec total. Ne reproduisons pas les erreurs du passé !

Au moment où, sur d’autres continents, certains pays, les États-Unis notamment, optaient pour une régulation accrue, accordaient une aide plus importante à leur agriculture, notamment en prenant des mesures de soutien du marché lorsque les prix s’effondraient, nous, Européens, avons voulu être plus libéraux que les ultralibéraux !

M. Jean-Marc Pastor approuve.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire

Si nous supprimons les droits de plantation en Europe, vous verrez surgir de nombreuses exploitations viticoles et l’on produira du champagne en Espagne, en Italie ou dans le sud de la France, du bordeaux en Allemagne et du beaujolais en Grande-Bretagne. §

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Ce n’est pas ce que je souhaite pour l’agriculture européenne !

Je pense toutefois que nous devrions l’emporter dans ce domaine, car nous disposons du soutien de l’Allemagne et d’autres pays européens. Il n’y a pas de raison de désorganiser toute l’économie de ce secteur !

En ce qui concerne les circuits courts, question qui m’a été posée par Raymond Vall, le décret en Conseil d’État modifiant le code des marchés publics sera étudié début janvier. Cette modification est indispensable. Il faut favoriser le rapprochement du producteur et du consommateur afin que les circuits courts deviennent une réalité sur l’ensemble du territoire français !

En matière de réassurance publique, sujet auquel Jean-Paul Emorine et Gérard César sont particulièrement attachés, les travaux continuent, notamment en liaison avec Groupama. Nous allons procéder à un certain nombre d’expériences dites « blanches » dès le début de l’année prochaine afin de mettre en place ce dispositif qui me tient à cœur. Sans réassurance publique, il n’y aura pas d’assurance dans le domaine de la production de fourrages, et plus globalement dans le secteur de l’élevage. Nous devons donc avancer rapidement sur ce point.

M. Aymeri de Montesquiou a évoqué la valorisation des produits français à l’exportation. Nous continuerons à soutenir les exportations et je tiens à ce que nous mettions en place un label « France » qui soit identifiable dans le monde entier. Nous avons souvent tendance, dans notre pays, à privilégier un certain « localisme », certes très sympathique, mais qui ne nous permet pas de valoriser nos produits à l’étranger.

L’Italie a pris une grande avance sur nous. Il y a une marque italienne reconnaissable partout dans le monde, qui est ensuite déclinée par régions. L’Italie parvient ainsi à gagner, ou plutôt à récupérer des parts de marchés nous cédons.

Mettons en place une vraie marque « France ». Cela ne nous interdira pas ensuite de valoriser les produits régionaux, mais cela permettra à notre production d’être plus facilement identifiable dans les grands pays importateurs, en Asie et en particulier en Chine.

Je conclurai en évoquant la méthanisation, qui m’est chère, car elle concerne l’élevage. Cette question a été soulevée par Charles Revet et Gérard Bailly. Nous devons en effet progressé dans ce domaine, car la récupération du méthane présente un intérêt environnemental évident mais aussi un avantage économique pour les exploitants.

Je souhaite, je ne vous le cache pas, que les tarifs de rachat de biogaz soient plus élevés en France de façon à inciter les producteurs à s’engager dans cette voie. Les chiffres sont très clairs. Il existe 7 000 installations de méthanisation en Allemagne contre 15 seulement en France.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire, ministre

Bien que les plans de performance énergétique nous aient permis la programmation de 100 nouvelles installations, nous sommes encore très loin de ce qui serait nécessaire pour améliorer la compétitivité de l’élevage en matière de consommation énergétique. La méthanisation est une vraie solution d’avenir.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales réponses que je souhaitais apporter à vos nombreuses questions.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le ministre, je vous remercie de la précision de vos réponses. J’ai été très impressionné par la qualité de votre intervention.

Mes chers collègues, la discussion budgétaire a commencé voilà maintenant seize jours. Les débats ont été à ce point passionnants que nous avons assisté à une dilatation des temps prévus pour la discussion des crédits des différentes missions. §

Ainsi, nous avons dû reporter au samedi 4 décembre l’examen de plusieurs missions. J’ai par ailleurs proposé hier matin au Sénat, avec l’accord du Gouvernement, que les articles rattachés aux missions pour leur examen soient discutés ensemble après la discussion des crédits des missions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Le Sénat siégera donc demain, samedi 4 décembre, l’après-midi et le soir, et après-demain, dimanche 5 décembre, le matin, l’après-midi et le soir. J’ajoute que plus de 230 amendements, hors articles rattachés, ont été déposés sur la seconde partie du projet de loi de finances.

Dans ces conditions, je m’adresse à nos collègues qui se sont inscrits pour participer aux questions-réponses-répliques. Je constate que sept auteurs de questions se sont déjà exprimés dans la discussion générale. Je ne veux surtout pas exercer la moindre pression, mes chers collègues, mais certains d’entre vous pourraient considérer qu’ils ont déjà posé leur question et qu’ils ont reçu une réponse, ou encore que le ministre a répondu par anticipation à leur question. Dans ces conditions, peut-être pourraient-ils renoncer à prendre la parole une nouvelle fois. Plusieurs d’entre vous ont déjà renoncé à poser leur question. Je leur en sais gré et je remercie par avance ceux qui décideraient de faire de même.

Ce soir, après le vote des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », il nous restera trois autres missions à examiner.

En outre, je rappelle que la commission des finances se réunira demain matin, à 9 heures 30, pour l’examen des amendements sur les articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances. J’espère, monsieur le président, ne pas avoir trop abusé du temps du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-et-une heures cinquante.