Intervention de Joëlle Garriaud-Maylam

Réunion du 3 décembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Compte spécial : prêts à des états étrangers

Photo de Joëlle Garriaud-MaylamJoëlle Garriaud-Maylam :

Monsieur le ministre, cher Henri de Raincourt, permettez-moi tout d’abord de saluer, au nom du groupe UMP, votre nomination à la tête d’un ministère de la coopération de plein exercice, que nous étions très nombreux à appeler de nos vœux. Ces responsabilités vous incombent à un moment où notre politique de coopération et d’aide au développement connaît de nouvelles inflexions.

En effet, ces derniers mois, nos commissions des finances et des affaires étrangères ont travaillé conjointement pour contribuer à l’élaboration du document-cadre qui définira la stratégie de la France en matière d’aide au développement pour les dix années à venir. À ce titre, je tiens à rendre hommage au travail remarquable accompli par les rapporteurs de notre commission des affaires étrangères, Christian Cambon et André Vantomme, dont les recommandations ont été en grande partie reprises.

Nous avons pu d’ailleurs en débattre non seulement en commission, mais aussi dans cet hémicycle, le 4 novembre dernier.

Il nous revient cet après-midi d’examiner les crédits de l’aide au développement, et ce dans un contexte très particulier.

Nous devons, en effet, résoudre une double équation, budgétaire, tout d’abord – plus que jamais, l’époque et l’environnement financier international nous enjoignent de faire des économies –, diplomatique, ensuite – au moment où la France assure la présidence du G20 et mise sur une diplomatie d’influence, elle est à l’initiative de nombreuses politiques mondiales en matière de santé publique et de climat.

La France s’est également énormément investie, je peux en témoigner, dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement à l’ONU.

Concernant le budget sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer, je voudrais, tout d’abord, souligner qu’en dépit d’un contexte budgétaire extrêmement difficile les crédits ont été relativement préservés. Entre 2007 et 2009, notre aide publique a connu, en valeur, une progression de 25 %, passant de 7, 2 milliards d’euros à 9 milliards d’euros.

Certes, les crédits de paiement pour 2011 diminuent de 4, 3 % par rapport à la loi de finances pour 2010, mais cette baisse s’accompagne d’une réduction du périmètre de certains programmes.

Cette réduction participe d’un effort de sincérité que je souhaite saluer. En effet, un certain nombre de projets qui relevaient davantage de la diplomatie culturelle que de l’aide au développement étaient jusqu’à présent considérés comme relevant du programme 209, donc de l’APD, au simple motif qu’ils se déroulaient dans des pays dits « en développement ».

Désormais, ces projets seront inscrits au programme 185 et leurs crédits ne viendront plus gonfler artificiellement le volume de notre aide publique. Des efforts restent à faire pour clarifier la maquette budgétaire afin qu’elle reflète la réalité de notre engagement en matière d’aide au développement, mais nous sommes sur la bonne voie.

Nous devons garder ces éléments en tête avant de nous lancer dans une comparaison budgétaire. Ainsi, hors mesures de périmètre, les crédits consacrés au développement restent globalement stables, passant de 3, 341 milliards d’euros à 3, 336 milliards d’euros, soit, in fine, une baisse de 0, 16 %.

Bien sûr, il serait plus que souhaitable de voir ces crédits abondés, pour tenter d’atteindre l’objectif de 0, 7 % de notre richesse nationale consacré au développement à l’horizon 2015. Il y va de notre rayonnement et de notre crédibilité, vis-à-vis non seulement des pays auprès desquels nous sommes engagés, mais aussi de la communauté internationale dans son ensemble.

Néanmoins, le contexte actuel de restrictions budgétaires doit être l’occasion de faire mieux avec moins. En tant qu’élus, nous devons veiller à la fois à ne pas investir l’argent des contribuables dans des projets de développement dont les effets ne seraient pas probants et à encourager les initiatives ne pesant pas sur le budget de l’État.

De surcroît, le respect envers nos partenaires bénéficiaires de l’APD doit nous pousser à financer des aides qui viendraient en substitut à l’action gouvernementale locale et à favoriser celles qui sont de véritables leviers de croissance.

Pour ce faire, il importe d’améliorer notre capacité d’évaluation et de contrôle. Il s’agit d’apprendre à tirer des enseignements des expériences passées afin de mieux orienter nos investissements financiers à venir. Nous avons donc besoin d’affiner nos indicateurs de performance.

Notre nouvelle politique de développement est marquée par un recentrage du ciblage géographique sur l’Afrique et par l’affirmation de priorités thématiques, ce dont je me félicite. Toutefois, la volonté d’éviter tout gaspillage et tout saupoudrage ne doit pas nous empêcher de financer des projets de moindre envergure, si ceux-ci démontrent leur capacité à produire des effets d’entraînement.

Soutenir des programmes de microcrédit ou des projets de développement du tourisme local, par exemple, peut avoir un effet de levier non négligeable dont nous aurions bien tort de nous priver.

Concernant les priorités thématiques, alors que nous allons consacrer 60 % de notre aide bilatérale à l’Afrique subsaharienne, il me semble primordial de privilégier le secteur de l’éducation et d’apporter une attention toute particulière à l’apprentissage du français et à l’éducation des femmes, qui sont les premiers relais des changements de comportement. Leur rôle central dans les familles peut leur faire jouer un grand rôle, non seulement sur le plan de l’amélioration de la santé publique et de l’élévation du niveau global d’instruction, mais aussi en matière d’éducation à la paix et de respect de l’environnement.

Concernant les canaux de l’aide au développement, il me semblerait important d’effectuer un rééquilibrage entre nos contributions à l’aide bilatérale et à l’aide multilatérale.

Certes, notre engagement dans les programmes multilatéraux a permis à la France de peser sur les programmes de grandes institutions, tels que le Fonds mondial de lutte contre le sida ou la Banque africaine de développement. Cependant, dans un certain nombre de cas, les efforts consacrés à l’aide multilatérale ont été contre-productifs au seul bénéfice de politiques d’affichage. N’étant pas chef de file sur les projets, nous n’avons quasiment aucune lisibilité sur les résultats, ce qui s’apparente parfois à signer des chèques en blanc. Et, face à nos partenaires, ces efforts sont tout simplement dilués, donc peu visibles, donc peu reconnus.

Paradoxalement, nous demeurons la cible de critiques dans les instances internationales, alors que la France est le deuxième bailleur de fonds de l’aide au monde et le premier contributeur européen d’aide publique au développement en volume.

Gardons à l’esprit que la politique d’aide au développement est un instrument essentiel de notre diplomatie d’influence. À cet égard, il faut éviter que les engagements multilatéraux ne continuent à réduire les moyens des agences de l’AFD et de nos ambassades. Au moment même où nous procédons à la réforme de notre action extérieure et où nous souhaitons renforcer l’autorité de nos ambassadeurs, plus que jamais, nous devons donner les moyens aux représentants de la France dans le monde, avec le soutien de nos élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, de prendre appui sur leur expertise des acteurs locaux pour orienter notre stratégie d’aide au développement et améliorer son évaluation.

C’est pour cela, monsieur le ministre, que je me félicite de voir que les crédits consacrés à l’aide bilatérale devraient passer de 56 % en 2009 à 64 % en 2012 et que cela s’accompagne d’un cadrage budgétaire. C’est là le témoignage d’une politique volontaire dont nous avions besoin.

Monsieur le ministre, le projet de budget que vous présentez est sincère et cohérent avec les réformes engagées. C’est pour cela que le groupe UMP votera les crédits de cette mission.

En conclusion, je voudrais rappeler que les engagements financiers en faveur du développement ne font pas tout. Notre responsabilité est aussi et surtout de contribuer à renforcer la responsabilité de tous les États – et non pas seulement de ceux qui sont en développement – en matière de développement durable.

À l’heure où, en tant qu’État industrialisé, nous participons aux négociations sur le réchauffement climatique, il nous appartient de favoriser l’émergence d’un nouveau modèle de croissance, solidaire, mais aussi responsable.

Il est aussi essentiel, alors que nous prenons la présidence du G20, de permettre l’émergence d’une meilleure gouvernance mondiale et d’une vraie transparence, sans lesquelles les millions investis dans des programmes de nutrition ou d’aide alimentaire contre la famine n’auront que peu d’effets.

L’appauvrissement des ressources naturelles et la raréfaction des terres cultivables nous imposent la mise en place d’une coopération fondée, d’une part, sur l’échange des savoirs, en priorité dans les domaines agricoles, et, d’autre part, sur la vigilance quant aux marchés des matières premières : de l’emballement des cours des céréales à Chicago découlent des émeutes de la faim, comme nous l’avons vu au Mozambique, au Cameroun, au Sénégal.

N’oublions pas, mes chers collègues, que la faim et l’ignorance sont le terreau des crises humanitaires et des guerres.

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