Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 3 décembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Compte spécial : prêts à des états étrangers

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Je souhaite donc appeler votre attention, mes chers collègues, non sur le montant des crédits, mais sur trois préoccupations d’un autre ordre.

Premièrement, je m’interroge sur la sincérité, non seulement politique, mais aussi budgétaire de notre engagement en faveur de l’aide publique au développement.

Politiquement, je m’inquiète du fait que, au lieu de nous en rapprocher, nous nous éloignions de l’objectif de 0, 7 % fixé pour 2015. Cette tendance risque de se confirmer dans les années à venir. De toute évidence, l’engagement de la France ne sera pas respecté. Dans ces conditions, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer la position du Gouvernement quant au respect de cet objectif ?

Dans le même sens, l’engagement de la France d’augmenter de 20 % sa participation au Fonds mondial de lutte contre le sida n’est pas budgété. Une incertitude à ce sujet pourrait également être utilement levée. Pouvez-vous nous indiquer si le Gouvernement entend financer cette hausse grâce à la contribution de solidarité sur les billets d’avion ? À cet égard, UNITAID fonctionne plutôt bien, me semble-t-il.

Pour ce qui est de la sincérité budgétaire, des efforts notables ont été accomplis ces dernières années. Je salue avec d’autres le fait que, par exemple, l’aide à Mayotte ne soit plus comptabilisée en aide au développement. C’est un geste de sincérité.

L’aide au développement vise les États étrangers. Il est donc urgent que l’aide à Wallis-et-Futuna en soit également exclue.

Par ailleurs, je m’interroge sur la comptabilisation des frais d’écolage des ressortissants de pays en développement qui font leurs études en France et des aides accordées aux réfugiés originaires de ces pays.

Inversement, je regrette que cette mission ne représente que 35 % du total de l’aide publique au développement estimée pour 2011.

Si l’on déduit les remises de dettes, l’écolage, l’accueil des réfugiés et les dépenses vers les territoires d’outre-mer, l’APD française se trouve à peu près réduite de moitié. Selon le périmètre considéré, on passe du simple au double !

En outre, je partage totalement l’avis unanime de la commission de la culture exprimé par son rapporteur pour avis : les crédits alloués à la francophonie gagneraient à être rattachés à la mission « Action extérieure de l’État ». Les dépenses engagées pour promouvoir la francophonie relèvent de notre diplomatie d’influence, y compris lorsqu’elles participent au développement des pays bénéficiaires.

Améliorer la sincérité budgétaire et le périmètre de cette mission me semble donc nécessaire.

La révision du document de politique transversale permettrait d’avancer vers plus de clarté. Je m’associe donc à la demande de mes collègues membres de la commission de la culture.

Deuxièmement, je m’interroge, avec d’autres également, sur le ciblage de certains crédits. Par exemple, on peut légitimement être surpris que, en 2009, la Chine ait été le deuxième bénéficiaire de l’aide française. Aider la Chine à se développer, notamment dans ses territoires ruraux, est une démarche louable et nécessaire et qui honore la France. Toute la planète a intérêt à ce que la Chine avance sur la voie d’un développement social, durable et responsable. Cela doit faire partie d’un partenariat équilibré et mutuellement bénéfique avec cette nouvelle puissance qu’il faut cesser de qualifier d’« émergente ».

Je m’interroge sur le calibrage et la nature de l’aide en faveur de la Chine. J’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous éclairer sur ce point. Peut-être s’agit-il de favoriser l’implantation de nos entreprises dans ce pays, comme l’affirme le directeur de l’AFD…

Troisièmement, au-delà de la sincérité de notre engagement, du ciblage et du calibrage de notre aide, ce débat doit nous inviter à une réflexion plus approfondie sur le sens de notre aide au développement. Personnellement, je pense que celle-ci représente un effort indispensable, non seulement pour les bénéficiaires, mais aussi pour la communauté internationale dans son ensemble.

En soixante ans, les relations internationales ont connu des changements considérables. Logiquement, l’aide au développement accompagne et reflète ces changements.

Aujourd’hui, la France, comme la plupart des pays donateurs, assume le fait que, si son aide est avant tout destinée au développement des pays bénéficiaires, celle-ci, à travers ce développement, sert ses intérêts et son influence dans le monde.

Grâce au document-cadre et aux discussions qui ont précédé son élaboration, notamment au Sénat, notre position sur le sujet est bien établie. En revanche, une réflexion pourrait utilement être menée sur la place de l’aide publique au développement dans l’ensemble des flux financiers mondiaux, notamment dans le cadre européen.

En 1990, l’aide publique au développement représentait 56 % de l’ensemble des flux financiers vers les pays en développement.

En 1998, seulement huit ans après, la part de l’aide publique était passée de 56 % à 18 % des flux financiers vers ces pays.

Aujourd’hui, cette part est encore bien inférieure. Ainsi, les flux financiers de migrants partant de France vers le Mali, le Maroc et le Sénégal sont trois à quatre fois supérieurs aux montants de l’aide française vers ces pays. Reste que les financements des migrants ne sont que très peu dirigés vers des investissements dont on pourrait attendre des retours. Quand ils financent des investissements, il s’agit surtout d’investissements immobiliers, et pas d’investissements productifs. C’est donc comme un levier que notre aide doit être utilisée.

J’espère, monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, qu’un débat nous permettra d’examiner prochainement ces questions de façon plus approfondie.

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