Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je m’adresse à vous, cette fois-ci, en qualité de membre du groupe socialiste, avec tout autant de sincérité que la première fois, mais peut-être avec plus de franchise et de précision encore.
Franchise, sincérité des chiffres, transparence, voilà des notions essentielles à la bonne gestion des crédits de la coopération. Il vous faudra les garder à l’esprit, monsieur le ministre, car vous prenez en main les rênes d’un secteur où l’on multiplie volontiers les annonces et les chiffres dans un rapport assez distendu avec la réalité.
On vous dira, par exemple, que l’effort français en faveur du développement s’élève à 10 milliards d’euros. Ne le croyez pas ! Au bout du compte, selon une étude de l’OCDE, il n’y aura environ que 1 milliard d’euros véritablement disponible sur le terrain pour financer des projets de développement. Sur ce milliard, votre marge de manœuvre sera comprise entre 100 millions d’euros et 200 millions d’euros, sur lesquels vous pourrez effectuer des arbitrages, géographiques ou sectoriels, pas plus.
Où sont passés les autres millions ? C’est une longue histoire, trop longue pour les quatre minutes dont je dispose.
Je note que 272 millions d’euros sont destinés à l’accueil des réfugiés déclarés par la France à l’OCDE. Quand on accueille un réfugié somalien qui fuit la progression des tribunaux islamistes, c’est une dépense pour l’aide au développement. Cela vous laissera peut-être sceptiques, mes chers collègues. Moi aussi ! Mais il paraît que nous respectons les règles de l’OCDE…
Il en va de même pour l’accueil des étudiants étrangers : si vous arrivez en France à l’âge de six ans et que vous poursuivez vos études jusqu’à l’université sans prendre la nationalité française, vos études supérieures seront comptabilisées au titre de l’aide au développement, que vous ayez ou non le souvenir de votre pays d’origine. C’est étonnant !
La Grande-Bretagne ne déclare aucune dépense d’écolage. Nous, nous continuons, et à hauteur de 669 millions d’euros.
Je ne vous parlerai pas longuement du département de Mayotte, au titre duquel nous déclarons 390 millions d’euros. Pour l’avenir, j’ai pris note que cela changera ; mais, pour l’instant, ce sont toujours 390 millions d’euros !
Notre politique de coopération, c’est aussi cela, des chiffres, des annonces, sans qu’il y ait toujours un rapport : avec la lutte réelle contre le sous-développement.
La réalité de notre coopération, c’est aussi une politique qui donne de moins en moins et qui prête toujours plus.
Monsieur le ministre, vous prenez en cours une programmation triennale qui prévoit une multiplication par trois du montant des prêts, là où les crédits budgétaires sont stabilisés. À ce rythme-là, il n’est pas étonnant de voir l’aide française au développement intervenir à hauteur de 87 % sous forme de prêts. Il y a des prêts concessionnels ; il y a aussi des prêts à des taux très proches du marché. La revue à mi-parcours de la politique de coopération française par le Comité d’aide au développement l’a noté. À ces taux, on peut se demander si on est encore dans de l’aide au développement.