… de nos deux collègues Christian Cambon et André Vantomme, M. Bernard Kouchner, alors ministre des affaires étrangères chargé de la coopération, répondait à plusieurs orateurs qui avaient mis en avant les pertes en ligne importantes que l’on pouvait constater dans l’utilisation des crédits consacrés par la France au développement.
Ainsi M. Kouchner indiquait-il : « J’ai aussi bien noté cette observation selon laquelle mieux valait travailler avec les Africains eux-mêmes qu’avec leurs gouvernements. Il faut faire les deux ! Les chiffres nous indiquent que beaucoup d’argent s’évapore. » Et, alors que je m’exclamais que beaucoup trop d’argent s’évaporait, le ministre me répondit : « Que doit-on faire ? Dites-le moi, monsieur Revet ! »
Je n’ai bien sûr pas la prétention d’apporter la réponse à cette situation. Bien entendu, il nous faut travailler avec les gouvernements de chacun des États où nous intervenons, et nous ne devons pas nous substituer à eux, ce qui serait ressenti comme de l’ingérence et de la méfiance.
Mais peut-être y a-t-il possibilité d’un meilleur suivi en demandant à quels projets les sommes versées sont consacrées. Un très gros travail est fait par des associations, bien sûr pour des projets d’une autre dimension. Beaucoup de collectivités, dans le cadre de la coopération déconcentrée, financent des projets importants, dans les domaines de l’éducation ou du sanitaire et social. Les partenaires des pays concernés acceptent sans problème un suivi des dossiers.
Il me souvient, alors que j’étais président du conseil général de la Seine-Maritime et répondant à une demande du préfet de la province de Kongoussi, au Burkina Faso, avoir financé la construction d’une Maison de la mère et de l’enfant, et l’avoir réalisée en faisant appel, pour l’élaboration et le suivi de l’opération, à l’Institut d’ingénieurs des travaux publics de Ouagadougou, dirigé par un français.
Les financements n’étaient débloqués qu’au vu des situations qui nous étaient présentées, au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Cette démarche n’a posé aucun problème et a été acceptée par nos partenaires. Après tout, c’est ce que nous faisons chez nous !
Je veux illustrer mon propos d’une autre manière, monsieur le ministre. Il y a deux ans ou presque, nous recevions au Sénat des collègues sénateurs sénégalais. Ce pays venait de créer une deuxième chambre. C’était au moment – cela a été évoqué tout à l’heure – où les prix des matières premières alimentaires avaient flambé, créant des problèmes majeurs dans nombre de pays en voie de développement.
Nos visiteurs soulignaient qu’ils craignaient des manifestations importantes – il y en a eu –, aux conséquences imprévisibles, du fait des problèmes d’alimentation auxquels la population était confrontée.
« Nous n’avons pas les moyens financiers d’acheter sur le marché mondial le riz nécessaire pour l’alimentation », nous disaient-ils, cette céréale étant ce que consomme la population en priorité. Et d’ajouter : « Ce n’est pas de l’argent que nous sollicitons mais votre aide technique. Nous avons les sols propices pour le développement de cette culture, tout comme le climat, mais nous n’avons pas le savoir-faire. Nous pourrions produire beaucoup plus que nos propres besoins, mais nous avons besoin que vous veniez nous conseiller ».
Peu de temps après, c’était une délégation togolaise qui tenait le même propos, pour d’autres types de productions.
La France bénéficie d’une grande confiance de la part de nombre des pays africains, francophones ou non, qui sont très demandeurs. Président délégué du groupe d’amitié France-Nigéria, j’ai entendu le même discours de la part de responsables nigérians.
Nous avons tout à gagner en nous engageant dans une telle démarche. Bien sûr, cela ne pourrait se faire que si les responsables des pays concernés en étaient d’accord.
Nous avons aujourd’hui dans notre pays des personnes en fin de carrière qui, j’en suis convaincu, seraient prêtes à s’engager dans une telle démarche. Bien évidemment, il serait nécessaire de les y préparer. Nous aurions tout à y gagner.
D’abord, il y aurait une logique. En engageant une démarche sanitaire, notamment à travers les vaccinations des enfants, nous faisons en sorte que la population de chacun des pays augmente plus rapidement. Il est simplement normal et logique de les aider à pouvoir se nourrir.
Ensuite, beaucoup de ces populations qui frappent à notre porte resteraient, probablement, dans leur pays, dès lors qu’elles pourraient trouver chez elles ce qu’elles espèrent trouver chez nous. Par-delà l’action humanitaire, nous aurions tout naturellement une augmentation des échanges économiques et ce sont, de fait, l’image et le rayonnement de la France qui seraient confortés.
Je suis tout à fait convaincu qu’avec les mêmes crédits consacrés par la France à la coopération et au développement – et ils sont importants –, nous pouvons faire beaucoup plus. C’est ce que je suggère.
Monsieur le ministre de la coopération, je vous félicite, et je me félicite que cette importante mission liée au développement et à la coopération vous ait été confiée. Bien sûr, nous sommes prêts à vous accompagner !