Intervention de Jean-Étienne Antoinette

Réunion du 3 décembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Compte spécial : prêts à des états étrangers

Photo de Jean-Étienne AntoinetteJean-Étienne Antoinette :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’ai beaucoup d’interrogations quant à la ligne directrice de l’action française en matière d’aide publique au développement.

Certains se félicitent de sa médiocrité relative – nous ne sommes pas les pires au niveau international –, d’autres s’attristent, et c’est mon cas, des promesses non tenues dans le projet de budget qui nous est proposé.

Ainsi, l’objectif répété par le Président de la République de consacrer 0, 7 % du revenu national brut à l’APD est irréaliste : le projet de loi de finances pour 2011 consacre une baisse de 2, 2 % de l’APD, ce qui la ramène à 0, 47 % du revenu national brut.

Je vais simplement rappeler deux dates afin d’éclairer notre jugement.

En 1968, la commission d’étude du développement international insistait sur la nécessité d’accroître l’effort d’aide au développement. Suivie en cela par l’Assemblée générale des Nations unies, elle propose que l’APD des pays donneurs présente 0, 7 % de leur RNB en 1975…

Trente-cinq ans plus tard, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2011 rend quelque peu songeur sur la place qu’occupe en France le partage des richesses.

Ce constat effectué, il reste que la stratégie me paraît peu lisible.

Tout d’abord, je m’interroge sur l’analyse qui est faite de la variation de la part bilatérale et de la part multilatérale de l’aide. J’entends que la première est nettement préférable, car elle est plus visible, plus facile à contrôler et assure mieux le rayonnement de la France, alors que la participation aux programmes d’aides internationaux, moins valorisante, échappe à notre contrôle.

La réaction courante est de se réjouir de l’augmentation de l’APD bilatérale : l’aide et l’image de la France ne sont pas diluées dans une organisation européenne ou onusienne. Très clairement, l’APD n’a donc vocation ni à réparer les inégalités, ni à encourager le développement des pays émergents, ni même à éradiquer la pauvreté, car c’est bien davantage dans notre propre intérêt que nous participons à l’aide internationale. Prenons-en acte.

Ensuite, l’aide publique au développement bilatérale est principalement destinée aux pays en développement du continent africain. Les pays subsahariens se voient attribuer 60 % de l’aide bilatérale. L’image de la France – puisque c’est l’objectif de l’APD – en sera d’autant plus visible dans ces pays avec lesquels nous entretenons une histoire ancienne et complexe. Il en va de même pour Haïti, qui traverse des situations de crise exceptionnelles, mais aussi pour l’Afghanistan ou le Pakistan.

Je note également que certains pays émergents bénéficieront de l’APD française, non parce qu’ils ont un besoin évident de prêts, mais parce que notre investissement constitue un ticket d’entrée pour les entreprises nationales sur ces marchés émergents. Ainsi, la Chine et l’Indonésie, aux taux de progression du PIB rapides, sont respectivement les second et quatrième bénéficiaires de l’aide bilatérale française.

Ce qui me paraît moins clair, c’est l’absence de politique d’aide au développement au profit des pays voisins de l’Amérique latine et des Caraïbes. Moins de 3 % de l’APD bilatérale au profit de cette région, c’est bien une absence de volonté réelle d’investir dans ces territoires.

En revanche, j’ai lu avec attention le projet d’instaurer un compte spécial intitulé « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », destiné à financer la participation de la France à la réduction des émissions de gaz à effet de serre dues à la déforestation et à la dégradation des forêts.

S’il s’agit de mutualiser les méthodes et les équipements nécessaires au suivi de l’état des forêts et de la lutte contre la déforestation, la place de la Guyane devrait être primordiale : ce sont nos connaissances et nos techniques qui sont au cœur du projet. C’est de Paris que sont pilotées les dépenses de la coopération régionale sur le plateau des Guyanes !

Le plus étrange, pour finir, c’est l’incohérence de la stratégie mise en œuvre. Comment peut-on imaginer lutter contre la déforestation sans stratégie globale ? Il ne suffit pas de partager les moyens techniques pour lutter contre la déforestation ; cela nécessite une réelle aide au développement.

Finalement, qu’en est-il de la stratégie de l’APD française ? L’intérêt économique, technologique, stratégique, symbolique que la France peut retirer de son aide est-il au cœur de la mise en œuvre de ce programme ? J’ai davantage l’impression que l’argent de l’APD est dispersé dans les zones d’influence traditionnelles de la France ou dépensé pour que notre pays figure le moins mal possible dans le classement des États donateurs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion